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Amiot-Tamisier – Juges 1

LE LIVRE DES JUGES

Les Juges sont des héros suscités par Dieu pour délivrer Israël de périls particuliers ; leur mission est donc limitée dans le temps et dans l'espace. ♦ Le livre qui rapporte leurs exploits se divise en trois parties : 1° une introduction (I, 1 – III, 6) qui expose combien demeurait précaire l'occupation de Chanaan, et donne l'explication doctrinale de ce fait historique : l'infidélité d'Israël provoque le châtiment, son repentir appelle la libération. 2° un récit épisodique (III, 7 – XVI) illustre la thèse précédente ; on y trouve l'histoire des grands juges (Othniel, Aod, Déborah-Barac, Gédéon, Jephté, Samson), puis les notices, pauvres en détails, des « petits juges ». 3° deux appendices (XVII – XXI) : les origines du sanctuaire de Dan et la guerre benjamite souligne l'anarchie de l'époque. ♦ Comme pour le Livre de Josué, c'est le thème doctrinal qui a commandé le choix des faits historiques. L'auteur inspiré a utilisé des documents de provenances et de genres fort variés, depuis la poésie guerrière (cantique de Débora) jusqu'à l'histoire populaire (Samson). Conservés, soit par les tribus du nord, soit dans le royaume du sud, les recueils primitifs furent réunis après la chute de Samarie (722), au temps du roi Ézéchias ; la rédaction définitive semble dater de la grande époque littéraire du VIIe siècle. ♦ Si l'ouvrage ne contient qu'une histoire fragmentaire, celle-ci pourtant, jointe à d'assez nombreuses données profanes, archéologiques ou autres, permet de reconstituer la rude période des Juges. Elle dure environ 150 ans (fin du XIIIe au milieu du XIe). L'occupation de la Palestine est lente, pénible, inégale ; succès et revers se succèdent : si les Hébreux ont l'ardeur guerrière des peuples jeunes, ils n'ont plus d'unité politique, chaque tribu agissant pour son propre compte ; novices en matière d'agriculture, de commerce, de constructions, etc., ils subissent l'attrait de la civilisation sédentaire des Chananéens : d'où un courant d'assimilation. La fédération des principautés indigènes du nord est un rude obstacle ; la victoire remportée sur elles par Barac et Débora, en Esdrelon, marque un progrès considérable, permettant la jonction des tribus du nord avec celles du centre. Contre les grands rezzous périodiques des nomades, l'action de Gédéon, puis celle de Jephté, apparaissent comme des libérations. Mais vers la fin de la période, l'activité conquérante des Philistins, indo-européens qui s'installent depuis 1190, deviendra un danger redoutable ; les exploits du héros de village, Samson, n'auront que le résultat, d'ailleurs important, de réveiller et de stimuler l'esprit de résistance, avant les réactions décisives de Samuel, de Saül et de David. Car cette période prépare l'établissement de la royauté : on prend conscience des avantages politiques et même religieux du commandement unique, et si les tentatives prématurées de Gédéon, d'Abimélech et de Jephté échouent, c'est que ce mouvement rencontre encore une trop vive opposition. ♦ Mais le grand drame de l'époque est d'ordre religieux : les Baals, dieux locaux qui dispensent les biens de la terre, et Astarté, la déesse de la fécondité et de l'amour, séduisent les sens et l'esprit utilitaire des Hébreux. Sans oublier Yahweh, on essaie d'un compromis, et l'on pratique en fait un syncrétisme radicalement contraire à la Loi du Sinaï : c'est le péché d'Israël, véritable apostasie. Le Dieu des promesses, qui est très saint, ne peut l'admettre (voir Introduction au Lévitique) ; juste, Dieu châtie par la servitude Israël coupable ; mais quand sa justice est satisfaite par le repentir, il suscite, ici ou là, un libérateur : c'est, on l'a vu, le thème du livre — péché, châtiment ; repentir, libération. Il y a plus d'ailleurs (surtout dans la 3e partie) : Dieu est amour, jamais il ne rejettera absolument son peuple, il lui accordera un salut dépassant infiniment mérites ou repentir. ♦ Dieu réalise donc en cette période le miracle moral de préserver la Révélation du naufrage et de tenir ouvertes les perspectives grandioses d'un avenir, que les prophètes dévoileront plus clairement.

VICTOIRE DES TRIBUS DE JUDA ET DE SIMÉON ♦ PLUSIEURS TRIBUS ÉPARGNENT LES CHANANÉENS

1 Après la mort de Josué, les enfants d'Israël consultèrent le Seigneur, et lui dirent : Qui marchera à notre tête pour combattre les Chananéens, et qui sera notre chef dans cette guerre ? 2 Le Seigneur répondit : Ce sera Juda qui marchera devant vous ; je lui ai livré le pays.

3 Alors Juda dit à Siméon, son frère : Venez m'aider à me rendre maître de la part qui m'est échue au sort, et à combattre les Chananéens ; et ensuite j'irai vous aider à conquérir ce qui vous est échu.

4 Siméon s'en alla donc avec Juda. Et Juda ayant marché contre les ennemis, le Seigneur livra entre leurs mains les Chananéens et les Phérézéens, et ils taillèrent en pièces dix mille hommes à Bézec. 5 Ils trouvèrent à Bézec, Adonisédec ; ils le combattirent et défirent les Chananéens et les Phérézéens. 6 Adonisédec ayant pris la fuite, ils le poursuivirent, le prirent et lui coupèrent les pouces des mains et des pieds. 7 Alors Adonisédec dit : J'ai fait couper les pouces des mains et des pieds à soixante-dix rois qui mangeaient sous ma table les restes de ce qu'on me servait. Dieu m'a traité comme j'ai traité les autres. Ensuite ils le renvoyèrent à Jérusalem, où il mourut. 8 Car les enfants de Juda ayant mis le siège devant Jérusalem, la prirent, taillèrent en pièces tout ce qu'ils y trouvèrent et mirent le feu dans toute la ville. [8. Jérusalem ne devait être prise que par David (IIe livre des Rois V, 6-7 ; cf. Josué XV, 63 et Juges I, 21) : c’est cet événement que le rédacteur n'a pas craint de rappeler au prix d'un anachronisme.]

9 Ils descendirent ensuite pour combattre les Chananéens, dans le pays des montagnes, dans le Négeb et la Séphéla. 10 Et Juda ayant marché contre les Chananéens qui habitaient à Hébron, dont le nom était autrefois Cariath-Arbé, défit Sésaï, Ahiman et Tholmaï. 11 Étant parti de là, il marcha contre les habitants de Dabir, qui s'appelait autrefois Cariath-Sépher [c'est-à-dire la ville des lettres]. 12 Alors Caleb dit : Je donnerai ma fille Axa pour femme à celui qui prendra et ruinera Cariath-Sépher. 13 Et Othoniel, fils de Cénez, jeune frère de Caleb, l'ayant prise, il lui donna pour femme sa fille Axa. 14 Et lorsque Axa était en chemin, son mari l'avertit de demander un champ à son père. Axa donc étant descendue de son âne, commença à soupirer. Et Caleb lui dit : Qu'avez-vous ? 15 Elle lui répondit : Donnez-moi votre bénédiction [et m'accordez une grâce]. Vous m'avez donné une terre sèche, donnez-m'en une aussi où il y ait des eaux en abondance. Caleb donc lui donna une terre dont le haut et le bas étaient arrosés d'eau.

16 Or, les enfants de Jéthro, Cinéen, beau-frère de Moïse, montèrent de la ville des palmes avec les enfants de Juda au désert [qui était échu en partage à cette tribu], et qui est vers le midi d'Arad ; et ils habitèrent avec eux. 17 Juda s'en étant allé aussi avec son frère Siméon, ils défirent ensemble les Chananéens qui habitaient à Séphaath et les passèrent au fil de l'épée. Et cette ville fut appelée Horma [c'est-à-dire anathème]. J18 uda prit aussi Gaza avec ses confins, Ascalon et Accaron avec leurs confins.

19 Le Seigneur fut avec Juda, et il se rendit maître de toutes les côtes des montagnes ; mais il ne put défaire ceux qui habitaient dans la vallée, parce qu'ils avaient une grande quantité de chars de fer. 20 Et ils donnèrent, selon que Moïse l'avait ordonné, Hébron à Caleb, qui en chassa les trois fils d'Énac.

21 Mais les enfants de Benjamin ne chassèrent point les Jébuséens qui demeuraient à Jérusalem ; et les Jébuséens demeurèrent à Jérusalem avec les enfants de Benjamin, comme ils y sont encore aujourd'hui.

22 La maison de Joseph marcha aussi contre Béthel, et le Seigneur était avec eux. 23 Car lorsqu'ils asségeaient la ville, qui s'appelait auparavant Luza, 24 ayant vu un homme qui en sortait, ils lui dirent : Montrez-nous par où l'on peut entrer dans la ville, et nous vous ferons miséricorde. 25 Cet homme le leur ayant montré, ils passèrent au fil de l'épée tout ce qui se trouva dans la ville, et conservèrent cet homme avec toute sa maison. 26 Cet homme étant libre s'en alla au pays d'Hetthim, où il bâtit une ville qui s'appelait Luza, qui est le nom qu'elle porte encore aujourd'hui.

27 Manassé aussi ne détruisit pas Bethsan et Thanac avec les villages qui en dépendent, ni les habitants de Dor, de Jéblaam et de Mageddo, avec les villages voisins ; et les Chananéens continuèrent à demeurer avec eux. 28 Lorsqu'Israël fut devenu plus fort, il les rendit tributaires ; mais il ne voulut point les chasser. 29 Éphraïm ne chassa point aussi les Chananéens qui habitaient à Gazer ; mais les Chananéens demeurèrent avec eux. 30 Zabulon ne chassa point les habitants de Cétron et de Naalol ; mais les Chananéens demeurèrent au milieu d'eux, et ils devinrent leurs tributaires. 31 Aser ne chassa point non plus les habitants d'Accho, de Sidon, d'Ahalab, d'Achazib, d'Helba, d'Aphec et de Rohob ; 32 et ils demeurèrent au milieu des Chananéens qui habitaient dans ce pays-là, et ils ne les chassèrent point. 33 Nephthali ne chassa point non plus les habitants de Beth-Samès et de Beth-Anath ; mais il demeura au milieu des Chananéens qui habitaient en ce pays-là ; et ceux de Beth-Samès et de Beth-Anath lui devinrent tributaires.

34 Les Amorrhéens tinrent les enfants de Dan fort resserrés dans la montagne, sans leur donner lieu de s'étendre en descendant dans la plaine ; 35 et les Amorrhéens habitèrent sur la montagne d'Harès [c'est-à-dire du soleil], dans Aïalon et dans Salébim ; mais la maison de Joseph étant devenue plus puissante, elle se les rendit tributaires. 36 Et le pays des Amorrhéens eut pour limites la montée du Scorpion, Séla et les lieux plus élevés.

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