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Amiot-Tamisier – Marc 1

ÉVANGILE SELON SAINT MARC

Jean-Marc, l'auteur du second Évangile, ne paraît pas avoir connu le Sauveur. Il accompagna son cousin Barnabé et l'apôtre saint Paul dans leur première mission en Asie Mineure ; mais il les quitta au bout de quelque temps. Il en résulta un dissentiment avec Paul, auprès de qui cependant il rentra plus tard en grâce (Actes XIII, 5-13 ; XV, 38-39 ; Épître aux Colossiens, IV, 10 ; IIe à Timothée, IV, 11). Il est surtout connu comme le disciple et l'interprète de saint Pierre, qui l'appelle son fils dans sa première épître (V, 13), et dont, ainsi qu'en témoigne la tradition ancienne (Papias, saint Irénée, Clément d'Alexandrie), il mit par écrit l'enseignement donné aux fidèles de Rome. ♦ L'Évangile de saint Marc est donc, en réalité, l'Évangile romain de saint Pierre. Il semble l'avoir reproduit avec une grande fidélité, car il donne l'impression très nette d'un témoin oculaire ; ses récits sont extraordinairement vivants, remplis de détails pittoresques (attitudes et sentiments des interlocuteurs, regards du Christ), écrits dans une langue gauche, un peu plébéienne, monotone dans ses procédés de rédaction, mais charmante dans sa simplicité et rendue alerte par l'emploi fréquent du présent historique. On s'en rendra compte aisément en comparant les épisodes de la fille de Jaïre (V, 21-43) et de la transfiguration (IX, 1-9) aux passages correspondants de saint Matthieu. C'est un homme du peuple qui parle, et un visuel ; ces traits conviennent parfaitement à Pierre dont le métier de pêcheur avait dû développer les dons naturels d'observation. La personne du chef des apôtres, avec son âme ardente et primesautière, impulsive et un peu présomptueuse, apparaît en grand relief. Pierre se dépeint au vif en racontant les événements dont il a été témoin ; en même temps son humilité éclate ; il omet ce qui serait glorieux pour lui, comme la promesse de la primauté, insiste au contraire sur les reniements et sur ce qui lui est défavorable. C'est bien ainsi qu'il devait parler de lui-même. ♦ Sa prédication à Rome, telle qu'elle se reflète dans le second Évangile, s'attachait surtout aux actions et aux miracles du Sauveur, et laissait presque entièrement de côté les discours : les Romains étaient plus sensibles aux œuvres et aux prodiges qu'à un exposé doctrinal. Le seul discours rapporté en détail est l'annonce de la ruine de Jérusalem au chapitre XIII. Cet Évangile de la puissance et du miracle, qui au surplus met en égal relief l'humanité du Sauveur et sa filiation divine, était de nature à produire sur ses lecteurs une profonde impression. ♦ Le plan suivi se retrouve — et la rencontre n'est pas fortuite — dans le petit discours de saint Pierre au centurion Corneille (Actes X, 34-43). C'est le plan dit quadripartite, suivi aussi par saint Matthieu et saint Luc : 1° prédication de Jean et baptême du Christ, 2° prédication de la Bonne Nouvelle en Galilée, 3° voyage de Galilée en Judée, 4° séjour à Jérusalem, passion et résurrection. Ce schème qui simplifiait les faits constituait un cadre commode pour l'enseignement ; saint Marc y dispose les événements en suivant en gros l'ordre chronologique. ♦ Il a écrit son récit pendant la prédication de saint Pierre et de saint Paul à Rome, probablement entre 55 et 62. Sa source principale est la prédication orale de Pierre ; il est possible qu'il ait utilisé aussi l'Évangile araméen de saint Matthieu. Comme son contenu se retrouve presque intégralement dans saint Matthieu et saint Luc, il a été peu commenté. Il est permis de le regretter. Quiconque se familiarisera avec lui y admirera en Jésus, Fils de Dieu, la manifestation d'une énergie divine transformatrice du monde et inspirée par l'amour.

PRÉDICATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE ♦ BAPTÊME ET TENTATION DE JÉSUS-CHRIST ♦ VOCATION DES PREMIERS APÔTRES ♦ GUÉRISONS DIVERSES ♦ POUVOIR DE JÉSUS-CHRIST SUR LES DÉMONS ♦ GUÉRISON D'UN LÉPREUX

1 Commencement de l'Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu.

2 Ainsi qu'il est écrit dans le prophète Isaïe : Voici que j'envoie mon messager devant votre face, pour vous frayer le chemin. [2-3. Citation de Malachie III, 1 et d'Isaïe XL, 3, attribuée à Isaïe, le plus important des deux Prophètes.] 3 Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers.

4 Jean le Baptiste parut dans le désert, proclamant un baptême de repentir pour la rémission des péchés. 5 Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem venaient à lui, et confessant leurs péchés, ils étaient baptisés par lui dans le fleuve du Jourdain. 6 Et Jean était vêtu de poils de chameau, et d'une ceinture de cuir autour des reins, et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Et il prêchait en ces termes : 7 Il vient après moi, celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de me baisser pour délier la courroie de ses chaussures. 8 Moi, je vous ai baptisés dans l'eau ; mais lui vous baptisera dans l'Esprit-Saint. [8. Voir note sur Matthieu III, 6.]

9 Or, en ces jours-là il arriva que Jésus vint de Nazareth, de Galilée, et fut baptisé par Jean dans le Jourdain. 10 Et aussitôt qu'il fut remonté de l'eau, il vit les cieux se fendre, et l'Esprit, comme une colombe, descendre sur lui. 11 Et une voix vint des cieux : TU ES MON FILS BIEN-AIMÉ, EN TOI J'AI MIS MES COMPLAISANCES.

12 Aussitôt l'Esprit le poussa au désert, 13 et il y demeura quarante jours, tenté par Satan ; il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient. [13. Les tentations se sont échelonnées sur les quarante jours. Saint Matthieu (IV, 1-11) et saint Luc (IV, 1-13) n'ont raconté que les dernières.]

14 Mais après que Jean eut été mis en prison, Jésus vint en Galilée, prêchant l'Évangile de Dieu, [14-15. L'Évangile de Dieu : la Bonne Nouvelle qui vient de Dieu. La première condition d'accès au Royaume est, avec la foi, le repentir, le renoncement total au péché.] 15 et disant : Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche ; repentez-vous et croyez à l'Évangile. 16 Et, comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, son frère, qui jetaient leurs filets dans la mer, car ils étaient pêcheurs ; 17 et Jésus leur dit : Suivez-moi et je vous ferai devenir pêcheurs d'hommes. 18 Et aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. 19 Et s'étant un peu avancé, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, eux aussi dans leur barque où ils raccommodaient leurs filets. 20 Et aussitôt il les appela. Et laissant Zébédée, leur père, dans la barque avec les mercenaires, ils le suivirent. 21 Et ils se rendent à Capharnaüm ; et aussitôt le jour du sabbat, entrant à la synagogue, il se mit à enseigner. 22 Et ils étaient frappés de son enseignement, car il les enseignait comme ayant autorité, et non comme les scribes.

23 Et aussitôt il se trouva dans leur synagogue un homme avec un esprit impur, et il vociféra, disant : 24 Qu'avez-vous affaire avec nous, Jésus de Nazareth ? Êtes-vous venu pour nous perdre ? Je sais qui vous êtes, le Saint de Dieu. [24-25. Le démon est contraint de reconnaître l'exceptionnelle sainteté de Jésus. Mais Jésus n'accepte pas son témoignage.] 25 Mais Jésus lui parla avec menace : Tais-toi, et sors de cet homme. 26 Et l'esprit impur, l'agitant avec violence et jetant un grand cri, sortit de lui. 27 Et tous furent stupéfaits, tellement qu'ils se demandaient les uns aux autres : Qu'est ceci ? Un enseignement nouveau donné avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent ! 28 Et sa renommée se répandit aussitôt de tous côtés, dans tout le pays voisin de la Galilée.

29 Et aussitôt qu'ils furent sortis de la synagogue, ils vinrent avec Jacques et Jean dans la maison de Simon et d'André. 30 Or, la belle-mère de Simon était au lit avec la fièvre ; et aussitôt ils lui parlent d'elle. 31 S'approchant, il la prit par la main et la fit lever. Et la fièvre la quitta, et elle les servait. 32 Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amena tous les malades et les possédés ; 33 et la ville entière était rassemblée devant la porte. 34 Il guérit beaucoup de malades atteints de diverses maladies, et il chassa beaucoup de démons ; mais il ne laissait pas parler les démons, car ils savaient qui il était.

35 Le lendemain, bien avant le jour, il se leva, sortit, et s'en alla dans un lieu solitaire, et là il priait. 36 Simon et ceux qui étaient avec lui se mirent à sa recherche, 37 et l'ayant trouvé, ils lui dirent : Tout le monde vous cherche. 38 Il leur répond : Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que j'y prêche aussi ; car c'est pour cela que je suis sorti. [38. C'est pour cela que Jésus est sorti ; c'est l'objet de sa mission ; voir Luc IV, 43 : J'ai été envoyé.] 39 Il s'en alla donc prêcher dans leurs synagogues, par toute la Galilée ; et il chassait les démons.

40 Et un lépreux vient à lui, le supplie, et se jetant à genoux lui dit : Si vous voulez, vous pouvez me guérir. 41 Jésus, ému de compassion, étendit la main, le toucha, et lui dit : 42 Je le veux, sois guéri. Et aussitôt la lèpre le quitta et il fut guéri. [42. Littéralement : Soyez purifié.] 43 Et Jésus, prenant un air sévère, le renvoya aussitôt, 44 en lui disant : Garde-toi d'en rien dire à personne ; mais va te montrer au prêtre, et offre pour ta guérison ce que Moïse a ordonné ; ce sera pour le peuple une attestation. [44. Voir Lévitique XIV, 2-32.] 45 Mais lui, étant parti, se mit à proclamer partout et à divulguer la chose, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ostensiblement dans une ville, mais se tenait à l'écart dans des lieux solitaires ; et on venait à lui de tous côtés.

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