chapitre précédent retour chapitre suivant

Amiot-Tamisier – Philippiens 1

ÉPÎTRE DE SAINT PAUL AUX PHILIPPIENS

Philippes est la première ville d'Europe évangélisée par saint Paul. Il y vint vers l'automne de 50, au cours de son second grand voyage et à la suite d'un songe qui l'avait invité à passer en Macédoine : Actes XVI, 9. Il y demeura quelques semaines, accompagné de Timothée, Silas et Luc. Les Juifs y étaient peu nombreux et n'y possédaient qu'un simple lieu de prière au bord d'une rivière. Paul opéra à Philippes quelques conversions, en particulier celle d'une prosélyte nommée Lydie, riche marchande de pourpre qui lui offrit ensuite l'hospitalité. Il y en eut d'autres dans la suite, car l'épître suppose une Église organisée et pourvue d'une hiérarchie : I, 1. Une arrestation provoquée par des païens aboutit à l'emprisonnement de Paul et de Silas ; délivrés miraculeusement la nuit suivante, ils partirent pour Thessalonique : Actes XVI, 13-40. ♦ Paul repassa probablement par Philippes après l'émeute d'Éphèse, et de nouveau un peu plus tard, en se rendant à Jérusalem : Actes XX, 2-4. Il aimait beaucoup les Philippiens, gens simples et fervents : I, 8 ; IV, 1. Par une exception unique à sa manière d'agir habituelle, il accepta d'eux des aumônes : IV, 14-18. Sa lettre a précisément pour but de les remercier des secours envoyés par l'intermédiaire d'Épaphrodite. En même temps, il leur donne de ses nouvelles, les exhorte aux vertus chrétiennes et à la concorde, les met en garde contre les judaïsants et les chrétiens médiocres. Cette épître est la plus spontanée, la plus aimable et la plus affectueuse de toutes. ♦ Elle a vraisemblablement été écrite à la fin de la première captivité romaine, en 62 ou 63. La double mention du prétoire (I, 13) et de ceux de la maison de César (IV, 22) n'apporte, il est vrai, à cet égard qu'une simple probabilité. Mais cette probabilité est accrue du fait que l'apôtre est captif depuis longtemps (I, 12 suiv.), exprime l'espoir d'une prochaine délivrance (I, 25-26 ; II, 24), se plaint de l'isolement où il est laissé (II, 19-23). L'authenticité de l'épître n'est pas contestable ; nulle peut-être n'est plus révélatrice des sentiments intimes de saint Paul.

SALUTATION ♦ ACTION DE GRÂCES ♦ NOUVELLES PERSONNELLES ♦ EXHORTATION ET ENCOURAGEMENT

1 Paul et Timothée, serviteurs du Christ Jésus, à tous les saints dans le Christ Jésus qui sont à Philippes, ainsi qu'aux épiscopes et aux diacres ; [1. Attestation d'une hiérarchie à deux degrés. Cependant il est difficile de déterminer avec certitude si les « épiscopes », assimilés ailleurs aux « presbytres » (Actes XX, 17, 28 ; Tite I, 5, 7), sont évêques ou simples prêtres. Les termes n'ont pas encore la précision qu'ils recevront plus tard. Sur les ministres inférieurs ou diacres, voir Actes VI, 1-2, 8-10 ; VIII, 5, 38-40 ; I Timothée III, 8-13.] 2 grâce et paix à vous, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ.

3 Je rends grâces à mon Dieu toutes les fois que je pense à vous. 4 Toujours, dans toutes mes prières, 5 je prie avec joie pour vous tous, au souvenir du concours que vous avez apporté au [progrès de] l'Évangile, depuis le premier jour jusqu'à maintenant. 6 Et j'ai confiance que Celui qui a commencé en vous cette œuvre excellente en poursuivra l'achèvement jusqu'au Jour du Christ Jésus. [6. Toutes les grâces accordées par Dieu atteindront leur summum au Jour du Christ, c'est-à-dire lors de son retour glorieux, ou parousie. (Même pensée plus loin : I, 10 ; II, 16 ; III, 20-21). Le secours divin, nécessaire pour le commencement de la foi (Éphésiens II, 8-9), ne l'est pas moins pour la persévérance finale.] 7 Il est bien juste que j'aie pour vous tous ces sentiments, car je vous porte dans mon cœur, vous qui avez tous part à la grâce qui m'a été faite, aussi bien dans mes chaînes que dans la défense et l'affermissement de l'Évangile. 8 Car Dieu m'est témoin que je vous chéris tous de la tendresse même du Christ Jésus. 9 Et ce que je demande, c'est que votre charité croisse toujours davantage en pénétration et en pleine intelligence. 10 Vous discernerez ainsi ce qui est bien, afin d'être purs et irréprochables pour le jour du Christ, 11 comblés des fruits de la justice qui vient de Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu.

12 Je tiens à vous faire savoir, frères, que ce qui m'est arrivé a plutôt contribué au progrès de l'Évangile. 13 Dans tout le prétoire et partout ailleurs, il est devenu notoire que c'est pour le Christ que je suis dans les chaînes, 14 et la plupart des frères dans le Seigneur ont repris courage du fait de mes chaînes et redoublent de hardiesse pour annoncer sans crainte la parole de Dieu.

15 D'aucuns, à la vérité, prêchent le Christ dans un esprit de jalousie et de discorde ; mais d'autres le font dans de bonnes intentions. 16 Ceux-ci agissent par amour, sachant bien que j'ai pour mission la défense de l'Évangile. 17 Quant aux autres, c'est dans un esprit de rivalité qu'ils annoncent le Christ, pour des motifs qui ne sont pas purs, s'imaginant m'ajouter un surcroît d'affliction dans mes chaînes. 18 Mais qu'importe ! Il reste que de toute manière, avec un zèle hypocrite ou avec sincérité, le Christ est annoncé ; de cela je me réjouis et me réjouirai [toujours]. [18. Expression célèbre du désintéressement apostolique : Saint Paul se réjouira toujours de voir le Christ annoncé.] 19 Car je sais que cela tournera à mon salut, grâce à vos prières et à l'assistance de l'Esprit de Jésus-Christ, 20 conformément à mon attente et à mon espérance que rien ne pourra me confondre, et qu'aujourd'hui comme toujours, j'en ai l'entière assurance, le Christ sera glorifié dans mon corps, que je vive ou que je meure. 21 Car ma vie, c'est le Christ et la mort m'est un gain. [21-23. Mourir, c'est pour l'Apôtre être avec le Christ ; l'âme juste lui est donc unie après la mort, sans attendre la parousie et la résurrection. Comparer II Corinthiens V, 6-10. Saint Paul accepte cependant de demeurer ici-bas pour prolonger son apostolat.] 22 Mais si la vie corporelle signifie pour moi la fécondité du travail, je ne sais vraiment que choisir. 23 Je me sens tiré des deux côtés : je voudrais m'en aller pour être avec le Christ, et ce serait infiniment meilleur ; 24 mais demeurer dans mon corps est préférable à cause de vous. 25 Et dans cette conviction, je sais que je resterai et demeurerai avec vous tous pour votre progrès et la joie de votre foi, 26 et afin que mon retour parmi vous vous donne un nouveau sujet de fierté dans le Christ Jésus.

27 Seulement, par votre conduite, montrez-vous dignes de l'Évangile du Christ. Soit que j'aille vous voir, soit qu'absent j'entende parler de vous, [je veux apprendre] que vous tenez ferme dans le même esprit, combattant d'un même cœur pour la foi de l'Évangile, 28 sans vous laisser aucunement intimider par les adversaires. Par la volonté de Dieu, ce sera un signe de perdition pour eux et de salut pour vous. 29 Car il vous a été fait la grâce, non seulement de croire au Christ, mais encore de souffrir pour lui, 30 engagés dans le même combat que vous m'avez vu soutenir et que, vous le savez, je soutiens encore.

chapitre précédent retour chapitre suivant