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Amiot-Tamisier – Romains 1

ÉPÎTRE DE SAINT PAUL AUX ROMAINS

C'est de Corinthe, à la fin de son troisième voyage missionnaire (Actes XX, 2 suiv.), durant l'hiver 57-58, ou peut-être 56-57 (Lagrange), que saint Paul a écrit l'épître aux Romains. Il se préparait à porter à Jérusalem le produit des collectes faites en Macédoine et en Achaïe pour les chrétiens de la ville sainte, et avait le désir de passer par Rome en se rendant en Espagne : XV, 22-32. Malgré sa répugnance à travailler sur un terrain évangélisé par autrui (XV, 20-21), il est attiré par la capitale et souhaite communiquer à l'Église Romaine quelque don spirituel et y recueillir quelque fruit : I, 11-13. ♦ Il écrit aux fidèles de Rome pour annoncer et préparer sa venue. La majorité d'entre eux devait être d'origine païenne ; les Juifs, expulsés par Claude en 49 ou 50, ne faisaient sans doute que commencer à rentrer, cet empereur étant mort en 54. Les convertis du paganisme étaient peut-être tentés de mépriser leurs frères Juifs, moins nombreux et moins puissants : XI, 13-24. Le ton affectueux de l'épître ne laisse pas supposer que ces derniers fussent tombés dans les excès des judaïsants de Galatie ; la brève mise en garde de XVI, 17-20 ne concerne sans doute que quelques agitateurs, et ne réagit pas sur l'ensemble de la lettre. ♦ Saint Paul y reprend, avec plus d'ampleur et de sérénité, et d'un point de vue un peu différent, l'enseignement donné jadis aux fidèles de Galatie sur le besoin universel de rédemption, la justification par la foi indépendamment de la Loi mosaïque, la gratuité du salut ; la nature de la vie chrétienne et de la grâce, triomphe de l'esprit sur la chair, les desseins providentiels dans l'aveuglement transitoire du peuple Juif et la conversion des païens. Quelques conseils d'ordre pratique suivent ce magistral exposé qui a un peu l'allure d'un traité. Les allusions fréquentes à l'Ancien Testament auront été aisément comprises si l'Église de Rome comptait, outre les judéo-chrétiens, d'anciens prosélytes ou « craignant Dieu » qui étaient entrés en contact avec le judaïsme. ♦ Sa richesse doctrinale fait de cette lettre la plus importante et la plus belle de toutes. « C'est l'écrit le plus profond, le plus puissant, le plus noble qui soit jamais sorti d'une plume humaine. Il est digne de la grandeur romaine, du génie de Paul, de la magnificence des desseins de Dieu. » (Osty)

SALUTATION ET ACTION DE GRÂCES ♦ ÉNONCÉ DE LA THÈSE DE LA JUSTIFICATION PAR LA FOI EN JÉSUS-CHRIST ♦ TOUS LES HOMMES, ET D'ABORD LES PAÏENS, SONT PÉCHEURS ET ONT BESOIN D'ÊTRE JUSTIFIÉS

1 Paul, serviteur du Christ Jésus, apôtre par appel [divin], désigné pour [prêcher] l'Évangile de Dieu, 2 qu'il avait promis par ses prophètes dans les Saintes Écritures, [2-4. L'objet de l'Évangile est le Christ Fils de Dieu, à la fois centre de la théologie et centre de l'histoire. Le Fils, dont la préexistence est supposée, est le roi messianique annoncé à Israël par les Prophètes, issu de la race de David selon la chair (Comparer Galates IV, 4 et Jean I, 14). Par sa résurrection il a été établi, intronisé, dans l'exercice complet de sa puissance de Fils de Dieu (Comparer Psaume II, 7 suiv.), ainsi qu'il convenait à son Esprit de sainteté, c'est-à-dire à sa sainteté suréminente et, en définitive, à sa nature divine ; dès lors il apparaît aux yeux des hommes comme digne du nom de Seigneur, appellation réservée à Dieu (voir Philippiens II, 11). On a ici l'un des exposés les plus remarquables du dogme de l'Incarnation. On le rapprochera utilement des textes suivants : Éphésiens I, 3-12 ; Philippiens II, 5-11 ; Colossiens I, 15-20 ; Hébreux I, 1-3 ; Jean 1, 1-18.] 3 touchant son Fils, issu de la postérité de David selon la chair, 4 et, selon son Esprit de sainteté, établi dans sa puissance de Fils de Dieu en suite de sa résurrection d'entre les morts, Jésus-Christ, notre Seigneur, 5 par qui nous avons reçu grâce et mission apostoliques, pour amener en son Nom à l'obéissance de la foi tous les païens, [5. Le but de la mission apostolique est d'amener à la foi en Jésus-Christ les païens, à la suite des Juifs.] 6 dont vous êtes aussi, vous, les appelés de Jésus-Christ... 7 à tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome, saints, appelés par lui ; grâce à vous et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ ! [7. Grâce et paix : Salutations grecque et juive transposées sur le mode chrétien. La grâce est la faveur divine qui donne à l'âme croyante la paix véritable. L'une et l'autre sont constamment attribuées par saint Paul, à la fois à Dieu le Père et au Christ : affirmation équivalente de la dignité divine du Christ et de son égalité avec le Père.]

8 Et d'abord je rends grâces à mon Dieu par Jésus-Christ au sujet de vous tous, de ce que votre foi est renommée dans le monde entier. 9 Dieu, que je sers de toute mon âme en prêchant l'Évangile de son Fils, m'est témoin que je ne cesse de penser à vous, 10 demandant continuellement dans mes prières d'avoir enfin, si telle est la volonté de Dieu, quelque heureuse occasion de me rendre auprès de vous. 11 J'ai en effet un grand désir de vous voir, afin de vous communiquer quelque don spirituel capable de vous affermir, 12 ou plutôt afin que la foi qui nous est commune à vous et à moi nous soit [quand je serai] parmi vous, un mutuel réconfort. 13 Je ne veux pas vous laisser ignorer, frères, que j'ai souvent formé le projet d'aller chez vous — mais j'en ai été empêché jusqu'à présent — afin de recueillir aussi quelque fruit parmi vous, comme parmi les autres païens. 14 Je me dois aux Grecs et aux Barbares, aux savants et aux simples. 15 De là mon désir de vous annoncer l'Évangile, à vous aussi qui êtes à Rome.

16 Car je ne rougis pas de l'Évangile ; il est une force divine pour le salut de quiconque croit, Juif d'abord, puis Grec. [16-17. Énoncé de la thèse de l'Épitre : l'Évangile est une force divine, toute-puissante pour opérer le salut éternel de quiconque croit, c'est-à-dire non seulement adhère par son intelligence à la divinité du Christ, mais se donne entièrement à lui et lui obéit en toutes choses. La foi ainsi entendue est le premier et le dernier mot de la réponse de l'homme aux avances divines. La justice de Dieu, sa sainteté agissante communiquée à l'homme, est fondée sur la foi et accordée à la foi, conformément à l'annonce prophétique d'Habacuc II, 4, qui promettait au Juif confiant dans la miséricorde divine, la délivrance de la Captivité de Babylone, figure de la délivrance du péché. D'autres traduisent : Qui a la justice de la foi vivra. Comparer Galates III, 11.] 17 En lui se révèle la justice de Dieu qui vient de la foi et fait grandir la foi, selon qu'il est écrit : Le juste vivra par la foi.

18 La colère de Dieu se révèle en effet du haut du ciel contre toute impiété et malice des hommes qui détiennent iniquement la vérité captive. [18. suiv. Les créatures manifestent assez clairement l'éternité et la divinité du Créateur (Voir Sagesse XIII, 3-5) pour que leur méconnaissance soit sans excuse.] 19 Car ce qui peut être connu de Dieu est pour eux bien clair ; Dieu lui-même le leur a clairement manifesté. 20 Depuis la création du monde, ses attributs invisibles, puissance éternelle et divinité, sont, par le moyen de ses œuvres, rendus visibles à l'intelligence. 21 Ils sont donc inexcusables puisque, connaissant Dieu, ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces ; ils se sont au contraire égarés dans leurs vains raisonnements et leur cœur insensé s'est enténébré. 22 Se flattant d'être sages, ils sont devenus fous, 23 et ils ont substitué à la gloire du Dieu incorruptible des images représentant l'homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles.

24 Aussi Dieu les a livrés à l'impureté, dans les convoitises de leurs cœurs, pour le déshonneur mutuel de leurs corps, 25 eux qui avaient abandonné le Dieu véritable pour le mensonge, adoré et servi la créature au lieu du Créateur, lequel est béni éternellement. Amen !

26 C'est pourquoi Dieu les a livrés à des passions honteuses. Leurs femmes ont échangé le commerce naturel pour celui qui est contre nature. 27 Les hommes pareillement, ayant rejeté le commerce naturel avec la femme, ont brûlé de convoitise les uns pour les autres, ayant entre hommes des rapports infâmes, et recevant en leurs personnes le salaire mérité de leur égarement.

28 Et comme ils ne se sont pas souciés de garder la vraie connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à leur sens dépravé, pour faire ce qu'il ne faut pas, 29 étant remplis de toute espèce d'iniquité, perversité, cupidité, méchanceté ; pleins d'envie, d'intentions homicides, de discorde, de fourberie, de perfidie ; 30 médisants, calomniateurs, détestés de Dieu, insolents, orgueilleux, fanfarons, ingénieux pour le mal, rebelles à leurs parents, sans intelligence, 31 sans loyauté, sans affection, sans pitié. 32 Et quoiqu'ils connaissent le jugement de Dieu — que ceux qui commettent de telles actions sont dignes de mort — non seulement ils les font, mais encore ils approuvent ceux qui les commettent.

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