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Bible en français courant – Lamentations 1

Lamentations

Les cinq poèmes de ce petit livre (que la tradition a attribué à Jérémie) n'ont qu'un sujet : la ruine de Jérusalem, survenue sous le choc de l'armée babylonienne en 587 avant J.-C. Cette catastrophe a marqué la fin du royaume de Juda en tant qu'État indépendant. Elle semblait en même temps démentir la promesse faite jadis à David : « Un de tes descendants régnera toujours après toi, car le pouvoir royal de ta famille sera inébranlable » (2 Sam 7.16).

Ceux qui ont survécu à ce drame se remémorent les événements tragiques qu'ils ont traversés et s'efforcent de les comprendre : Qui est responsable de toutes ces horreurs ? Le Seigneur ne s'est-il pas comporté en véritable ennemi de son peuple ? Pourtant les vaincus reconnaissent leurs propres torts ; ils se rappellent aussi que « les bontés du Seigneur ne sont pas épuisées » et que « sa fidélité est grande » (Lam 3.22-23). Là reste la source de leur espoir malgré les évidences du désastre.

Jérusalem, comme une veuve abandonnée

1 Hélasa ! la voilà toute seule
la cité autrefois si fréquentée !
Elle, si renommée parmi les nations,
la voilà comme veuve.
Hier princesse dominant les provinces,
la voilà réduite au travail des esclaves.

[a Les quatre premiers chapitres du livre des Lamentations sont des poèmes alphabétiques : les premières lettres de chaque verset (Lam 1 ; 2 ; 4) ou de chaque strophe (Lam 3) correspondent successivement aux 22 lettres de l'alphabet hébreu ; voir Ps 9.2 et la note. — Hélas : autre traduction Comment ! Le mot hébreu correspondant est caractéristique du genre des Lamentations (voir És 1.21 ; Jér 48.17).]

2 Elle passe la nuit à pleurer,
ses joues ruissellent de larmes.
Parmi tous ses amis,
plus personne pour la réconforter.
Tous ses amis l'ont abandonnée,
ils sont maintenant des ennemis
pour elle.

3 Accablée de misère et du pire esclavage,
la tribu de Juda part en déportation.
Elle vit chez les païens,
mais sans trouver où se fixer.
Ceux qui la poursuivaient l'ont rejointe
en la coinçant dans une impasse.

4 Les chemins qui vont à Sion
sont dans le deuil,
délaissés par ceux qui venaient à la fête.
Ses places publiques sont désertées,
ses prêtres soupirent de découragement.
Ses jeunes filles sont désespérées.
Que tout cela est amer pour Sion !

5 Ses ennemis ont eu le dessus,
ses adversaires sont tranquilles.
C'est le Seigneur qui l'afflige
pour ses nombreuses désobéissances.
Ses jeunes enfants,
poussés par les vainqueurs,
partent vers la captivité.

6 Sion voit s'en aller
tout ce qui faisait sa gloire.
Ses ministres font penser à des cerfs
qui n'ont rien trouvé à brouter,
et s'enfuient à bout de forces
devant le chasseur.

7 En ces jours où elle est errante
et humiliée,
Jérusalem se rappelle
tout ce qu'elle avait de précieux
depuis si longtemps.
Quand son peuple est tombé
aux mains de l'ennemi,
sans personne pour lui porter secours,
ses vainqueurs ont trouvé amusant
de la voir ainsi réduite à rien.

8 Jérusalem a commis des fautes graves,
c'est pourquoi elle provoque le dégoûtb.
Ceux qui la respectaient la méprisent,
maintenant qu'ils la voient toute nue.
Elle n'a plus qu'à se retirer
en poussant des soupirs.

[b le dégoût : autre traduction la moquerie.]

9 Sa robe porte les traces de sa souillure.
Elle n'avait pas prévu ce qui arriverait,
et la voilà surprise d'être ainsi déchue,
sans personne pour la réconforter.
« Seigneur, dit-elle, vois ma misère,
vois comme mon ennemi
est triomphant. »

10 Les vainqueurs ont fait main basse
sur tous ses trésors.
Elle a même vu les païens
pénétrer dans son sanctuaire.
Tu avais pourtant interdit, Seigneur,
qu'ils prennent place
dans ton assemblée.

11 Son peuple soupire, découragé,
cherchant quelque chose à manger.
Il a donné ce qu'il avait de plus précieux
pour du pain, pour refaire ses forces.
« Seigneur, prie-t-elle, regarde et vois
à quel point je suis méprisée. »

*

12 Vous tous qui passez par ici,
ce malheur ne vous a pas touchés ;
regardez et constatez :
il n'y a pas de souffrance comparable
à celle que je subis,
à celle que le Seigneur m'a infligée,
le jour où sa colère a éclaté.

13 De là-haut, il a envoyé un feu
et l'a fait pénétrer en moic.
Il a tendu un piège sous mes pas
et m'a renversée en arrière.
Il m'a complètement isolée,
j'en suis malade tous les jours.

[c et l'a fait pénétrer en moi ou et l'a fait descendre dans mes os : comme l'a compris l'ancienne version grecque ; avec d'autres voyelles le texte hébreu traditionnel a compris il a envoyé du feu dans mes os, il en est le maître.]

14 Il a l'œil sur mes fautesd, elles forment
comme un nœud dans sa main,
elles montent jusqu'à mon cou.
Le Seigneur a paralysé mes forces,
il m'a livrée aux mains d'adversaires
contre lesquels je ne peux rien.

[d Comme l'a compris l'ancienne version grecque. Le texte hébreu traditionnel est traduit par certains le joug de mes désobéissances est lié (mais le verbe hébreu employé ici n'a jamais ailleurs le sens de lier).]

15 Le Seigneur a rejeté dans le mépris
tous les vaillants soldats
que j'avais chez moi.
Il a mobilisé une armée contre moi,
pour écraser mes jeunes gens.
Il m'a écrasée, moi Sion de Juda,
comme du raisin au pressoir.

16 C'est sur ce malheur que je pleure
toutes les larmes de mon corps.
Il est loin,
celui qui peut me réconforter
et me rendre la force de vivre.
Mes enfants sont perdus pour moi,
l'ennemi était trop fort.

*

17 Sion a beau tendre les mains
en suppliant,
personne pour la réconforter.
Sur l'ordre du Seigneur,
les voisins d'Israël
sont devenus ses adversaires.
Parmi eux, Jérusalem
ne provoque plus que du dégoût.

*

18 Le Seigneur a eu raison d'agir ainsi,
car je m'étais opposée à ses ordres.
Vous tous qui êtes ici, écoutez bien,
et regardez ma souffrance :
mes jeunes filles et mes jeunes gens
partent vers la captivité.

19 J'ai appelé ceux qui m'aimaient,
pourtant ils m'ont laissée tomber.
Mes prêtres et mes conseillers
ont expiré dans la ville,
alors qu'ils cherchaient quelque chose
à manger pour refaire leurs forces.

20 Seigneur, vois dans quelle détresse je suis,
et quelle émotion me brûle.
J'ai le cœur tout retourné
de t'avoir été rebelle à ce point.
Dans la rue,
l'épée m'a privée de mes enfants,
à la maison,
on se croirait chez les morts.

21 On m'entend soupirer :
personne pour me réconforter.
Mes ennemis
ont tous appris mon malheur,
ils sont ravis
de ce que tu m'as infligé.
Tu as fait lever le jour annoncée.
Qu'ils aient le même sort que moi !

[e le jour annoncé : voir Amos 5.18 ; És 2.12 ; 13.6 ; Joël 1.15 ; 2.1-2.]

22 Regarde bien leur méchanceté
et traite-les
comme tu m'as traitée
pour toutes mes désobéissances.
Tu vois, je ne fais que soupirer,
j'en ai le cœur malade.

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