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Grande Bible de Tours – 2 Maccabées 6

Antiochus commande aux Juifs de renoncer à leur religion, pour embrasser celle des gentils. Horribles cruautés exercées contre ceux qui refusent d'obéir. Martyre du saint vieillard Éléazar.

6 Peu de temps après, le roi envoya un certain vieillard d'Antioche pour forcer les Juifs à abandonner les lois de Dieu et celles de leur pays* ;

Voy. I Machab., I, 43 ; II, 24 et 25. Plusieurs interprètes pensent que ce vieillard n'est pas autre que Bacchide, tué par Mathathias dans un accès de légitime indignation, au moment où il forçait un Israélite à commettre un acte d'apostasie.

2 Pour profaner le temple de Jérusalem, et l'appeler le temple de Jupiter Olympien, et pour donner au temple de Garizim le nom de temple de Jupiter Étranger, parce que ceux qui habitaient ce pays étaient étrangers.

3 Ce fut pour tout le peuple comme un déluge terrible de maux.

4 Car le temple était rempli des dissolutions et des festins de débauche des gentils, d'hommes impudiques et de courtisanes ; des femmes entraient insolemment dans ces lieux sacrés, y introduisant des choses défendues.

5 L'autel était couvert de viandes impures, interdites par nos lois.

6 On ne gardait point les jours de sabbat, on n'observait plus les fêtes solennelles du pays, et nul n'osait avouer avec simplicité qu'il était Juif.

7 Ils étaient entraînés par une dure nécessité aux sacrifices profanes le jour de la naissance du roi ; et lorsque l'on célébrait la fête de Bacchus, on les contraignait d'aller par les rues couronnés de lierre, à l'honneur de ce faux dieu*.

Cette loi inique avait pour but de faire apostasier tous les Juifs fidèles à la loi du vrai Dieu. C'était l'oppression violente des consciences, et le plus grand crime qu'un homme puisse commettre contre Dieu et contre ses semblables.

8 A l'instigation des Ptolémées, on publia un édit dans les villes des gentils les plus rapprochées, pour les obliger d'agir de même contre les Juifs, et de les contraindre à sacrifier,

9 Ou de tuer ceux qui ne voudraient point embrasser les coutumes des gentils. Ainsi on ne voyait que misère.

10 Deux femmes, en effet, ayant été accusées d'avoir circoncis leurs enfants, furent menées publiquement par toute la ville, ayant ces enfants pendus à leurs mamelles ; elles furent ensuite précipitées du haut des murailles.

11 D'autres s'étaient assemblés dans des cavernes voisines et y célébraient secrètement le jour du sabbat ; Philippe en fut averti, et les fit tous consumer dans les flammes : ils n'osèrent se défendre, à cause du respect profond qu'ils avaient pour l'observation du sabbat.

12 Je conjure ceux qui liront ce livre de ne point se scandaliser de tant d'horribles malheurs, mais de considérer que tous ces maux sont arrivés, non pour perdre, mais pour châtier notre nation.

13 Car c'est la marque d'une grande miséricorde de Dieu envers les pécheurs, de ne pas les laisser longtemps vivre selon leurs désirs, mais de les châtier promptement.

14 En effet, le Seigneur n'agit pas à notre égard comme à l'égard des autres nations, qu'il souffre avec patience, se réservant de les punir selon la plénitude de leurs péchés, lorsque le jour du jugement sera venu.

15 Mais il n'attend pas pour nous punir que nos péchés soient montés au comble.

16 Ainsi il ne retire jamais sa miséricorde de nous, et au milieu des maux dont il afflige son peuple pour le châtier, il ne l'abandonne pas.

17 Après avoir dit ces paroles pour l'instruction des lecteurs, il faut reprendre la narration.



MARTYR DU VIEILLARD ÉLÉAZAR.

18 Éléazar, un des premiers entre les docteurs de la loi, était un vieillard d'un visage vénérable ; il fut pressé de manger de la chair de porc, et on voulait l'y contraindre en lui ouvrant la bouche par force.

19 Mais lui, préférant une mort glorieuse à une vie criminelle, alla volontairement et de lui-même au supplice.

20 Considérant ce qu'il lui faudrait souffrir en cette rencontre, et demeurant ferme dans la patience, il résolut de ne rien faire contre la loi par amour de la vie.

21 Ceux qui étaient présents, touchés d'une compassion coupable à cause de l'ancienne amitié qu'ils avaient pour lui, le prirent à part et le supplièrent de laisser apporter des viandes dont il était permis de manger, afin qu'on pût feindre qu'il avait mangé des viandes du sacrifice, selon le commandement du roi,

22 Et qu'on le sauvât ainsi de la mort. Ils usaient donc de cette espèce d'humanité à son égard par un effet de l'ancienne affection qu'ils lui portaient.

23 Mais pour lui, il commença à considérer ce que demandaient de lui un âge et une vieillesse si vénérables, ces cheveux blancs qui accompagnaient la grandeur de cœur qui lui était naturelle, et cette vie innocente et sans tache qu'il avait menée depuis son enfance, et il répondit aussitôt, selon les ordonnances de la loi sainte établie de Dieu, qu'il aimait mieux descendre au tombeau*.

Leçon éloquente donnée aux chrétiens qu'on cherche à détourner de l'accomplissement du devoir à l'aide de prétextes fondés sur la fausse sagesse humaine.

24 Car il n'est pas digne de l'âge où nous sommes, dit-il, d'user de feinte : plusieurs jeunes gens, s'imaginant qu'Éléazar, à l'âge de quatre-vingt-dix ans, aurait passé de la vie des Juifs à celle des païens,

25 Seraient trompés par cette feinte, dont j'aurais usé pour conserver un reste de cette vie corruptible ; ainsi je ferais tomber une tache honteuse sur moi, et l'exécration des hommes sur ma vieillesse.

26 Car, quand bien même j'échapperais présentement aux supplices des hommes, je ne pourrais néanmoins me soustraire à la main du Tout-Puissant, ni pendant ma vie, ni après ma mort.

27 C'est pourquoi, en mourant courageusement, je paraîtrai digne de la vieillesse à laquelle je suis parvenu,

28 Et je laisserai aux jeunes gens un exemple de fermeté, en souffrant avec constance et joie une mort honorable pour nos lois saintes et vénérables. Ces paroles prononcées, on le traîna au supplice.

29 Et ceux qui le conduisaient, ayant paru auparavant plus doux envers lui, passèrent subitement à une violente colère, à cause des paroles qu'il avait prononcées, et qu'ils attribuaient à l'orgueil.

30 Accablé de coups, il gémit, et dit : Seigneur, qui avez une science sainte, vous savez qu'ayant pu me délivrer de la mort, je souffre dans mon corps de cruelles douleurs ; mais dans mon âme je souffre avec joie à cause de votre crainte.

31 Il mourut ainsi, laissant non seulement aux jeunes gens, mais encore à toute sa nation, un grand exemple de vertu et de fermeté dans le souvenir de sa mort.

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