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Nouvelle Bible Segond – Hébreux 1

Aux Hébreux

La lecture de ce qu’on appelle communément « l’épître aux Hébreux » peut déconcerter. En effet, divers thèmes théologiques s’y entremêlent. De plus, une bonne connaissance de l’Ancien Testament est requise : l’ouvrage le cite plus de trente fois, de manière formelle ou non (quant aux simples réminiscences, on en compte plus de quatre-vingts). Enfin, les questions d’introduction classiques (destinataires, genre littéraire, auteur) atteignent ici un degré de complexité élevé. Pourtant, ce texte est un des joyaux du Nouveau Testament, ne serait-ce que pour l’originalité de son interprétation de la mort du Christ, qui fait de celui-ci à la fois le grand prêtre et la victime du sacrifice.

Le point capital

Si le fil conducteur du livre ne se laisse pas découvrir facilement, du moins l’auteur déclare-t-il nettement quel est le centre de son propos. Or voici le point capital de ce que nous disons : nous avons un tel grand prêtre, qui s’est assis à la droite du trône de la majesté dans les cieux ; il est au service du sanctuaire et de la tente véritable, celle qui a été dressée par le Seigneur et non pas par un être humain (8.1s).

On peut dégager de ce résumé les idées suivantes : il y a dans le ciel un grand prêtre de nature divine. Contrairement aux grands prêtres terrestres, il est assis sur un trône. Il cumule donc les fonctions sacerdotale et royale, comme le confirme la citation du Psaume 110 ; enfin, il officie dans un sanctuaire véritable qui, à la différence de tous les autres, a été construit par Dieu lui-même.

Dans ces quelques lignes apparaît l’enjeu principal de l’écrit : deux cultes – deux systèmes – s’opposent, correspondant chacun à une alliance. Le premier culte – celui de l’ancienne alliance – n’était que figuratif (8.5), provisoire, imparfait (8.7) et appelé à être remplacé (8.13). Le second – celui de l’alliance nouvelle – s’adresse à des réalités spirituelles ou célestes. Le Christ en est devenu le grand prêtre en s’offrant lui-même en sacrifice. Alors qu’il était impossible au fidèle de s’approcher de Dieu dans le système ancien, Jésus lui a ainsi ouvert un accès direct (10.19).

Un aperçu de la structure symétrique de l’épître aux Hébreux

IIIb
8.1-9.28
L’accomplissement du salut
IIIa L’ordre sacerdotal de Mechisédek 7.1-28 10.1-18 Une alliance au sacrifice unique IIIc
Exhortation 5.11-6.20 10.19-39 Exhortation
IIb La persévérance de Jésus 4.15-5.10 11.1-40 La foi des anciens IVa
IIa La foi de Jésus 3.1-4.14 12.1-13 La persévérance des chrétiens IVb
I Le Christ premier-né 1.5-2.18 12.14-13.19 Les premiers-nés dans les cieux V
Prologue 1.1-4 13.20-25 Epilogue

La structure

L’auteur donne parfois l’impression de se répéter et de mélanger certains thèmes. Pourtant, le lecteur qui s’astreint à repérer l’agencement des mots aura tôt fait de découvrir en cet écrit l’un des plus construits du Nouveau Testament. L’auteur utilise un certain nombre de procédés littéraires qui servent à structurer son propos :

Qui plus est, l’ensemble s’organise autour de son sommet en une construction symétrique (voir l’encadré « Un aperçu de la structure symétrique de l’épître aux Hébreux »).

Une première partie (1.5-2.18) démontre la supériorité du Christ premier-né par rapport aux anges. Une seconde souligne sa foi (3.1-4.14) ainsi que sa persévérance (4.15-5.10) dans l’épreuve. On accède progressivement au sommet (chap. 8 et 9) par une exhortation (5.11-6.20), puis par un paragraphe où l’auteur démontre l’appartenance du Christ à l’ordre sacerdotal de Melchisédek (chap. 7). On redescend du point culminant par un paragraphe qui tire les conséquences du sacrifice du Christ (10.1-18) et par une exhortation qui sert de conclusion (10.19-39). Les deux dernières parties achèvent l’ensemble. La foi des pères est citée en exemple (11.1-12.13) ; les exigences de la consécration sont incontournables. La vision finale est celle d’une assemblée (ou «sp ;Eglise ») de premiers-nés inscrits dans les cieux (12.14-13.19).

Les destinataires

Incontestablement, aux yeux de l’auteur, les premiers destinataires de l’épître aux Hébreux étaient sur une mauvaise voie. S’il met tout ce soin à leur rappeler la supériorité du Christ et du culte dont il est le ministre, s’il dénonce avec autant de force l’insuffisance du rituel ancien, c’est qu’ils étaient en passe de revenir à des pratiques cultuelles anciennes, tout à fait périmées selon lui.

Ailleurs dans le Nouveau Testament, on trouve l’écho de préoccupations cultuelles. La question de la Samaritaine quant au lieu d’adoration est sur ce point significative (Jn 4.20). L’un des manuscrits découverts à Qumrân, le Rouleau du Temple, atteste lui aussi l’attente d’une restauration cultuelle selon les termes du Pentateuque. Il est dès lors probable que certains Juifs devenus chrétiens (dont peut-être un certain nombre de prêtres) aient été tentés de revenir à des pratiques sacrificielles. L’auteur leur démontre avec force que retourner au système ancien ne serait rien de moins que rejeter le Christ ; cela reviendrait à le crucifier à nouveau (6.6).

Le genre littéraire

La tradition et l’habitude font parler de « l’épître » aux Hébreux. Bien des indices, en particulier l’utilisation fréquente de verbes exprimant la diction (2.5 ; 5.11 ; 6.9 ; 8.1 ; 9.5 ; 11.32), suggèrent que le contenu de cet écrit a pu d’abord être communiqué oralement. L’introduction ne ressemble en rien à celle des autres épîtres. Seuls les derniers versets évoquent une lettre, mais leur allure si différente donne l’impression qu’ils ont été ajoutés. Parmi les hypothèses avancées, il y a de bonnes raisons de penser que l’épître aux Hébreux a d’abord été un sermon ou un discours ensuite mis au point et couché par écrit avant d’être envoyé avec un billet final à telle ou telle Eglise.

L’auteur

L’auteur de cet écrit ne se nomme pas. Dès la fin du IIe siècle, les Eglises d’Orient ont attribué cette épître à Paul, alors que les Eglises d’Occident étaient sur ce point quelque peu réticentes. A partir du Ve siècle elle est incluse sans hésitation dans les listes canoniques.

On est cependant loin du style paulinien. Le vocabulaire n’est pas le même, pas plus que les tournures de phrase et l’organisation de la pensée. Les citations de l’Ancien Testament sont systématiquement introduites par une formule inhabituelle chez Paul  : il dit. Enfin, l’insistance de l’auteur sur le sacerdoce du Christ est originale. Dès lors, même si les chapitres sur la foi, la persévérance et la consécration sont proches de la pensée de l’apôtre, il est peu vraisemblable que celui-ci soit l’auteur de l’ouvrage. D’autres noms ont donc été avancés. Ainsi Luther a proposé Apollos, qui correspondrait bien au profil de l’auteur ; en Actes 18.24s, cet Apollos, originaire d’Alexandrie comme Philon (dont les écrits présentent plus d’une analogie avec l’épître aux Hébreux), est décrit en effet comme éloquent, versé dans les Ecritures, doué pour enseigner aux Juifs ce qui concernait le Christ. Toutefois, pour attrayante que soit cette hypothèse, elle est pure conjecture. A la question de savoir qui avait rédigé cet écrit, Origène répondait  : « Dieu seul le sait. » Sa prudence est encore de mise aujourd’hui, d’autant que l’identité de l’auteur, si on la connaissait, ne donnerait pas forcément de clef pour comprendre ce texte.

Une autre expression de l’Evangile

Le Christ est au-dessus de tout. Son sacrifice unique – une fois pour toutes (7.27+) – est pleinement suffisant et ne peut être réitéré. Lui seul permet à l’être humain de s’approcher de Dieu. Lui seul est le garant de l’alliance nouvelle. Ces formules ne sont rien d’autre qu’une proclamation de l’Evangile. A sa façon l’épître aux Hébreux dit la bonne nouvelle toujours nécessaire à l’humanité.

Plus encore, ce texte rappelle que tout système qui voudrait jouer un rôle d’intermédiaire ou de médiateur entre Dieu et le genre humain est contraire à l’essence même du christianisme. Une fois les sacrifices sanglants abolis, le croyant ne se confiera en aucune autre pratique humaine pour s’approcher de Dieu.

Après avoir insisté sur l’efficacité irremplaçable du sacrifice du Christ, l’épître aux Hébreux, dans un judicieux équilibre, insiste aussi sur l’indispensable consécration. L’heure n’est pas à la passivité (4.1,11). Le salut obtenu par le Christ se manifeste dans la vie du croyant. Puisque le Christ a aboli le péché (9.26), approchons-nous de Dieu (10.22), et préparons pour nos pieds des pistes droites (12.13).

Prologue

1 Après avoir autrefois, à bien des reprises et de bien des manières, parlé aux pères par les prophètes, Dieu [aux pères 3.9 ; 8.9 ; voir aussi Lc 1.55 ; Rm 4.16-18 ; 11.17 ; 1Co 10.1. – par (litt. dans) les prophètes Os 12.10s.]2 nous a parlé, en ces jours qui sont les derniers, par un Fils qu'il a constitué héritier de tout et par qui il a fait les mondes.[en ces jours qui sont les derniers : litt. au terme de ces jours-ci ; cf. 9.26 ; Jr 23.20 ; Ez 38.16 ; Mi 4.1 ; Dn 2.28,45 ; 10.14 ; Ac 2.17 ; 1Co 1.11 ; 1P 1.20. – par un Fils... : la formulation met en valeur la qualité du nouveau messager, Fils par opposition aux prophètes (v. 1) qui sont habituellement qualifiés de serviteurs ; cf. 3.5s ; 4.14 ; Am 3.7 ; Ps 2.6-12 ; Mt 21.33-38//. – héritier de tout 2.8 ; Mt 28.18. – par qui : cf. 11.3 ; Jn 1.3 ; 1Co 8.6 ; Col 1.16 ; voir aussi Pr 8.27-31 ; Sagesse 7.21 : « L'artisane de l'univers, la Sagesse. » – les mondes ou les âges, les temps, traduction traditionnelle les siècles (v. 8n ; 6.5 ; 11.3 ; c'est le mot grec qui a donné le terme éons, voir Ep 2.2n).]

3 Ce Fils, qui est le rayonnement de sa gloire et l'expression de sa réalité même,
soutient tout par sa parole puissante ;
après avoir fait la purification des péchés,
il s'est assis à la droite de la majesté dans les hauteurs, [rayonnement de sa gloire 2Co 4.4 ; Col 1.15 ; cf. Sagesse 7.25s : « Elle (la Sagesse) est un effluve de la puissance de Dieu, une pure irradiation de la gloire du Tout-Puissant... Elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l'activité de Dieu et une image de sa bonté. » – l'expression ou l'empreinte (le terme grec a donné notre mot caractère). – sa réalité même ou sa vraie nature ; c'est du mot grec correspondant que vient le terme technique hypostase (également 3.14n ; 11.1n ; 2Co 9.4n). – soutient tout Col 1.17. – par sa parole : grammaticalement, il peut s'agir de celle de Dieu ou de celle du Fils ; cf. 11.3 ; Ps 33.9. Cf. Philon d'Alexandrie, De migratione Abrahami, 3-6 : « La Parole est l'habitation du père... L'habitation de Dieu n'est pas telle ou telle des réalités qui supportent la description ou tombent sous le sens... Que serait cette habitation sinon la Parole antérieure à tous les êtres qui ont reçu l'existence et le devenir, la Parole dont le Pilote de l'Univers s'est emparé comme d'un timon pour gouverner le Tout : quand il façonnait le monde, Il en avait fait son instrument pour assurer l'irréprochable cohésion de son œuvre. » – après avoir fait : certains mss ajoutent par lui-même. – purification des péchés 9.14,26. – il s'est assis... v. 13n ; 8.1 ; 10.12 ; 12.2 ; Ps 110.1 ; 113.5 ; Mt 22.44// ; 26.64// ; Mc 16.19 ; Ep 1.20 ; autres références à différents détails du Ps 110 en Hé 5.6,10 ; 6.20 ; 7.11-28 ; 10.12s.]

4 devenu d'autant supérieur aux anges
qu'il a hérité un nom plus remarquable que le leur. [supérieur aux (ou meilleur que les, même terme en 6.9 ; 7.7,19,22 ; 8.6 ; 9.23 ; 10.34 ; 11.16,35,40 ; 12.24) anges 1.5–2.18 ; cf. Ep 1.21 ; Ph 2.9-11 ; 1P 3.22. – Voir nom. – plus remarquable que le leur : autre traduction bien différent du leur, cf. 8.6.]

Le Fils supérieur aux anges

5 Auquel des anges, en effet, Dieu a-t-il jamais dit :

Tu es mon Fils,
c'est moi qui t'ai engendré aujourd'hui.

Et encore :

Moi, je serai pour lui un Père,
et lui sera pour moi un Fils.
[Cf. Ac 13.33 ; Rm 1.3s. – Dieu : le sujet est sous-entendu dans le texte, litt. a-t-il jamais dit. – Tu es mon Fils... 5.5 ; Ps 2.7. – aujourd'hui 3.7,13,15 ; 4.7 ; 13.8. – Moi, je serai... 2S 7.14 ; 1Ch 17.13.]

6 Et encore, quand il introduit le premier-né dans le monde, il dit :

Que tous les anges de Dieu se prosternent devant lui ! [Et encore... : d'autres comprennent et quand il introduit (ou introduira) de nouveau... ; cf. v. 5 ; 2.13 ; 4.5,7 ; le verbe traduit par introduit peut s'entendre d'une intronisation. – premier-né Ps 89.28 ; Col 1.18. – le monde : ici comme en 2.5, il s'agit du terme grec rendu dans le reste du N.T. par terre habitée (Mt 24.14n) ; si le verbe traduit précédemment par introduire se réfère à l'intronisation du Christ (après sa mort), il faut ici entendre monde dans un sens analogue à celui qu'il a en 2.5 (monde à venir). – Que tous les anges... Dt 32.43n ; Ps 97.7n. – se prosternent devant lui : autres traductions lui rendent hommage, l'adorent (voir culte), cf. Mt 2.2n.]

7 Pour les anges, il dit :

Il fait de ses anges des esprits,
de ses serviteurs un feu flamboyant.
[Il fait... Ps 104.4n. – des esprits ou des vents (même mot en hébreu comme en grec) ; cf. v. 14n.]

8 Mais pour le Fils :

Ton trône, ô Dieu, est établi pour toujours,
le sceptre de ton règne est un sceptre d'équité.
[Ps 45.7s. – pour le Fils : autre traduction au Fils, même possibilité au v. 13 ; cf. v. 7. – est établi pour toujours : litt. est pour le siècle du siècle, cf. v. 2n ; Ga 1.5n. – ton règne : autres traductions ton royaume, ta royauté (Mt 3.2n) ; plusieurs mss portent son règne.]

9 Tu as aimé la justice et tu as détesté le mal ;
c'est pourquoi, ô Dieu, ton Dieu t'a conféré
une onction d'huile d'allégresse, à toi plus qu'à tes compagnons.
[Voir justice. – le mal : litt. la non-loi ; le même terme, au pluriel, est traduit par désordres en 10.17 ; voir Mt 7.23n ; 2Co 6.14 ; 2Th 2.3n. – conféré une onction : verbe apparenté au nom Christ. – à toi plus qu'à : autre traduction plutôt qu'à ; la même préposition est employée dans la comparaison entre le Christ et les anges en 1.4 ; 2.7,9. – compagnons 3.1n.]

10 Et encore :

C'est toi, Seigneur, qui as fondé la terre au commencement,
et les cieux sont l'ouvrage de tes mains ;
[Ps 102.26-28. – l'ouvrage : litt. les œuvres ; cf. 2.7n ; 3.9 ; 4.3s,10.]

11 Ils disparaîtront, mais toi, tu demeures ;
ils s'useront tous comme un vêtement ;
[ils s'useront : litt. ils vieilliront ; le même verbe est traduit par rendre ancien en 8.13 ; cf. Lc 12.33. – comme un vêtement : cf. Es 50.9 ; 51.6 ; plusieurs mss omettent la répétition de l'expression correspondante au v. 12.]

12 Tu les rouleras comme un habit,
et ils seront changés comme un vêtement,
mais toi, tu es le même, et tes années ne finiront pas
. [Tu les rouleras Es 34.4 ; Ap 6.14 ; certains mss portent tu les changeras ; voir aussi Hé 12.26s. – le même 13.8.]

13 Et pour lequel des anges a-t-il jamais dit :

Assieds-toi à ma droite,
jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied.
[Ps 110.1. – Assieds-toi ou siège. L'épître reprend ici le verbe employé dans la traduction grecque (LXX) du Ps 110 et qui signifie le plus souvent être assis. Partout ailleurs (1.3+) elle emploie un verbe en partie synonyme, qui signifie plutôt s'asseoir ; il pourrait évoquer plus particulièrement l'entrée en fonction d'un roi ou d'un juge (cf. Mt 19.28 ; 20.21ss ; 25.31 ; Ac 23.3 ; 25.6,17 ; 1Co 6.4n ; Ap 3.21). – ton marchepied : litt. le marchepied de tes pieds.]

14 Ne sont-ils pas tous des esprits serviteurs, envoyés pour exercer leur ministère en faveur de ceux qui vont hériter le salut ? [des esprits... : cf. v. 7n. – serviteurs / ministère : les deux termes grecs ainsi traduits évoquent l'idée de service ; le premier (dérivé du mot traduit par serviteurs au v. 7) s'applique plutôt à un service public, religieux ou profane (voir aussi 8.2,6 ; 9.21n ; 10.11 ; Ac 13.2n ; Rm 13.6n), le second à un service personnel ; cf. 6.10 ; Ps 91.11 ; Dn 7.10 ; Mt 4.11n ; 18.10 ; 20.26n ; Ac 6.1n ; 12.11 ; Ap 19.10. – hériter : cf. v. 2,4.]

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