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Nouvelle Bible Segond – Cantique des cantiques 1

Cantique des cantiques

Le Cantique des cantiques dans la Bible

Ce petit livre, que beaucoup se sont étonnés de trouver dans la Bible, a provoqué quantité de débats passionnés. Rien que dans la littérature de la synagogue on en a recensé 49 commentaires officiels. A la lecture on découvrira que la majeure partie du texte est occupée par le dialogue de deux amoureux, exprimé sous une forme poétique tout émaillée d’images champêtres, comme si la joie des amours s’étendait à la nature entière, en une fête de tous les sens. Dans le ruissellement des métaphores scintillent de nombreuses significations symboliques – celles que nous discernons et celles que nous pressentons sans en avoir la clef.

Le recours au vocabulaire de la tendresse physique dans la Bible a souvent paru choquant. Tant dans le judaïsme ancien que dans les Eglises chrétiennes on a vu se développer un certain nombre d’interprétations allégoriques : on y a lu un poème des fiançailles entre Dieu et son peuple (en référence, par exemple, à Es 62.4s ou à Os 2.18,22) ou entre le Christ et son Eglise (cf. 2Co 11.2 ; Ep 5.26ss et l’Apocalypse), voire entre Dieu (ou le Christ) et l’âme humaine (de nombreux mystiques, à l’instar de saint Jean de la Croix). Ainsi pensait-on justifier la présence, fort discutée à l’origine, du Cantique dans le canon des Ecritures. Rien dans le texte n’exige pourtant pareilles lectures. Les nombreuses références et allusions à Salomon, que la tradition juive considère comme l’auteur même du Cantique (cf. 1.1 ; voir aussi 1.5 ; 3.7ss ; 6.8n ; 7.1n ; 8.10ss), l’apparentent plutôt à la littérature de sagesse qui se donne pour horizon le monde des humains et ses mystères (voir « La littérature de sagesse »). De fait, la majeure partie des exégètes penchent aujourd’hui pour le sens le plus littéral : le Cantique apparaît comme l’expression de l’émerveillement face à l’expérience de l’amour entre un homme et une femme.

Le plus beau des chants

Cantique des cantiques est un décalque de l’hébreu, qui s’apparente à d’autres tournures du même type comme « Dieu des dieux, Seigneur des seigneurs » (Dt 10.17) pour exprimer une sorte de superlatif : le plus beau des chants.

Recueil de poèmes ou drame lyrique ?

Faut-il voir dans le Cantique une anthologie de poèmes juxtaposés sans ordre bien défini, comme les Psaumes ou les Proverbes ? Ou au contraire une progression qui ferait de ce livret une sorte de drame lyrique ? Chacune de ces hypothèses a ses défenseurs. La récurrence d’un refrain comme Je vous en adjure, filles de Jérusalem... (2.7 ; 3.5 ; 5.8 ; 8.4 ; voir aussi 1.5 ; 5.16) plaide en faveur de la présence d’une structure. De même, le retour à la fin du livre des motifs énoncés au début (course, vigne, frères) signale un effort de composition littéraire (comparer 1.4-6 avec 8.8-14).

On ne sait pas toujours qui parle dans les dialogues (le bien-aimé, Salomon, la bien-aimée, un chœur, les filles de Jérusalem, les amis, les frères ?) Cette réserve faite, on proposera le découpage suivant :

1.2-6Thème du poème
1.7–2.7Dialogue des amoureux
2.8–3.5Le chant de la bien-aimée
3.6–5.1Le faste de Salomon et le chant du bien-aimé
5.2–6.3Le cauchemar de la rencontre manquée
6.4–8.4Duo des amoureux
8.5-7L’amour est fort comme la mort
8.8-14Epilogue : le rapport aux frères, aux amis, à Salomon.

Quelques personnages

Les amoureux sont-ils seuls au monde ? Ceux du Cantique aspirent à l’intimité et ne pensent que l’un à l’autre. Mais plusieurs personnages interviennent alentour.

Les frères, d’abord (1.6 ; 8.8-9) : ce sont les représentants de l’autorité familiale qui, conformément à la coutume, s’érigent en gardiens de leur jeune sœur. Mais celle-ci finit par leur échapper (1.6 ; 8.10).

Salomon, ensuite, mentionné à six reprises (1.1 puis 1.5 ; 3.7,11 ; 8.11,12). Son rôle dans l’intrigue demeure énigmatique, tout comme sa relation au roi mentionné en 1.4,12 et 7.6 et au berger bien-aimé. S’agit-il d’une seule et même personne ? Le bien-aimé est-il le roi Salomon de l’histoire ? Est-il au contraire un fiancé rustique dont Salomon, séducteur, voudrait la détourner ? Dans ce cas Salomon servirait de contre-modèle, de repoussoir à la figure du bien-aimé. Ou bien encore, l’humble berger est-il paré par l’amour de la dignité du plus glorieux des rois d’Israël ?

Les filles de Jérusalem : évoquées plus d’une fois (1.5 ; 2.7 ; 3.5,11 ; 5.8,16 ; 8.4), elles semblent même prendre la parole en 5.9 et 6.1. En 3.10-11 ce sont des admiratrices de Salomon et de son faste. En leur qualité de citadines, elles gardent le teint clair qui correspond alors au canon convenu de la beauté. Elles contrasteraient ainsi avec la bien-aimée (1.5 ; cf. Es 3.16-26).

Les gardes enfin (3.3 et 5.7) : ces serviteurs de l’ordre, obtus et brutaux, symbolisent l’insensibilité prétendument virile à l’égard des sentiments.

Une flamme du SEIGNEUR...

Le Cantique des cantiques montre que l’amour, don du Créateur, engage toute la personne, corps et âme, de ceux qui aiment. Exclusif (2.16 ; 6.9 etc), il se suffit à lui-même et n’a nul besoin, pour s’épanouir, de confort ou de raffinement (1.17 ; 8.12) ; et il n’a pas de prix (8.7). La merveille qu’il recèle ouvre l’existence humaine sur un au-delà d’elle-même. C’est la seule réalité terrestre qui se mesure avec la mort. Les grandes eaux ne sauraient éteindre son feu ; c’est une flamme du SEIGNEUR (8.6ns).

1 Le plus beau des chants – de Salomon. [Le plus beau des chants : litt. le chant des chants (d'où le titre traditionnel cantique des cantiques) ; sur cette tournure superlative, cf. Gn 9.25 ; Ex 26.33 ; Dt 10.17 ; 1R 8.27 ; Ez 16.7 ; 26.7 ; Ec 1.2 ; 12.8. – de (ou à, comme dans les suscriptions des Psaumes ; cf. Ps 3.1n) Salomon (le Pacifique ; cf. 7.1n) 3.7,9,11 ; 8.11s ; 1R 5.12.]

Le dialogue des amoureux

(Elle)

2 Qu'il me couvre de baisers !
Oui, tes caresses sont meilleures que le vin. [(Elle) : les indications des personnages qui parlent [aussi, dans la suite, (Lui), (Autres)] ne figurent pas dans le texte hébreu ; elles sont souvent hypothétiques (voir l'introduction au Cantique des cantiques). – Qu'il me couvre de baisers (litt. qu'il me baise des baisers de sa bouche ; cf. 8.1n) / tes caresses (LXX a lu, ici et ailleurs, tes seins ; cf. v. 13n) : la poésie hébraïque oscille souvent entre la 2e et la 3e personne sans qu'il y ait pour autant changement de sujet réel. – vin v. 4 ; 2.4 ; 4.10 ; 5.1 ; 7.10 ; 8.2 ; Ec 2.3.]

3 La senteur de tes parfums est si bonne !
Ton nom est un parfum qui se répand ;
c'est pourquoi les jeunes filles t'aiment. [nom : hébreu shèm, en assonance avec le mot traduit par parfum (litt. huile), shémên.les jeunes filles : sur le terme hébreu, cf. 6.8s ; Gn 24.43 ; Ex 2.8 ; Es 7.14n ; Ps 68.26 ; Pr 30.19.]

4 Entraîne-moi à ta suite, courons !
Le roi m'a introduite dans ses appartements...
Nous serons dans l'allégresse, nous nous réjouirons en toi ;
nous célébrerons tes caresses plus que le vin.
C'est à bon droit que l'on t'aime ! [Le roi : cf. v. 12 ; 3.9,11 ; 7.2 ; ce terme peut ici s'appliquer au bien-aimé. – allégresse / réjouirons / célébrerons (litt. rappellerons ou évoquerons) : cf. Es 9.2 ; 25.9 ; 66.10 ; Za 10.7 ; Ps 9.2s ; 43.4s. – en toi : au féminin en hébreu ; c'est probablement le roi qui fait l'éloge de la jeune fille. – que l'on t'aime : autre traduction qu'elles t'aiment.]

5 Je suis noire, mais je suis jolie, filles de Jérusalem,
comme les tentes de Qédar, comme les toiles de Salomon. [noire, c.-à-d. brunie par le soleil, à l'opposé des canons de beauté de l'époque (les femmes de la bonne société ne s'exposent pas au soleil) ; cf. v. 6 où un terme apparenté est rendu par noiraude. – filles de Jérusalem 2.7 ; 3.5,11 ; 5.8,16 ; 8.4. – tentes de Qédar (Gn 25.13n ; ce nom est associé à une racine qui signifie être noir ou sombre) : cf. Jr 49.28s ; Ps 120.5 ; il s'agissait probablement de tentes sombres, en poil de chèvre (cf. 4.1n), en contraste avec les toiles de Salomon, lesquelles illustrent combien la jeune fille est jolie.]

6 Ne faites pas attention si je suis noiraude :
c'est le soleil qui m'a brunie.
Les fils de ma mère se sont fâchés contre moi,
ils m'ont faite gardienne des vignes.
Ma vigne à moi, je ne l'ai pas gardée. [Les fils de ma mère 8.8. – mère 3.4,11 ; 6.9 ; 8.2,5. – se sont fâchés : le terme hébreu évoque aussi l'idée de brûlure. – Ma vigne à moi : cf. v. 14 ; 2.15 ; 7.13 ; 8.11s ; Es 5.1 ; Ps 80.9ss ; 128.3.]

7 Dis-moi, toi que mon cœur aime,
où tu fais paître ton troupeau,
où tu le fais coucher à midi ;
pourquoi serais-je comme égarée
près des troupeaux de tes compagnons ? [mon cœur : autre traduction mon âme (cf. Gn 1.20n). – où : l'interrogatif ainsi traduit n'a le même sens qu'en 2R 6.13 ; ailleurs il signifie plutôt comment ; c'est le quoi donc ! qui ouvre les complaintes (cf. Es 14.4n ; Lm 1.1). Voir aussi 3.1-4 ; Gn 37.16 ; Jn 20.1ss. – où tu fais paître ton troupeau : litt. où tu pais ; cf. 2.16n ; Es 40.11 ; Ps 23.1. – égarée (cf. Jr 31.22) ; certains, rapprochant le mot hébreu de la racine qui signifie s'envelopper (cf. Gn 38.14), comprennent comme une prostituée.]

(Autres)

8 Si tu ne le sais pas, toi, la plus belle des femmes,
sors sur les traces du petit bétail
et fais paître tes chevrettes
près des demeures des bergers. [Ce v. est apparemment la réponse d'un chœur ; cf. 2.15 ; 5.1 ; 6.1 ; 7.1 ; 8.8s.]

(Lui)

9 A une jument des chars du pharaon
je te compare, mon amie. [A une jument : autres traductions possibles à ma jument ; à la cavalerie ; cf. Es 63.13. – chars du pharaon : cf. 1R 3.1 ; 10.28s.]

10 Tes joues sont jolies au milieu des bijoux,
ton cou est beau au milieu des colliers. [Tes joues 5.13. – ton cou 4.4 ; 7.5.]

11 Nous te ferons des bijoux d'or,
avec des points d'argent. [Cf. 8.9.]

(Elle)

12 Tandis que le roi était avec son entourage,
mon nard a exhalé sa senteur. [Tandis que... : autre traduction jusqu'à ce que (même formule en 2.7,17, avant que) le roi (cf. v. 4n) soit...avec son entourage : terme rare (Ps 140.10 ceux qui m'entourent) ; il a aussi été traduit sur son divan, à sa table ou dans son enclos (4.12–5.1 ; 6.2). – nard (hébreu néred) : plante aromatique d'origine indienne, réputée aphrodisiaque ; cf. 4.13s ; voir aussi Mc 14.3 ; Jn 12.3. – a exhalé : litt. a donné, de même en 2.13 ; 7.14.]

13 Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe,
il repose entre mes seins. [bien-aimé : en hébreu ce mot n'est pas apparenté au verbe habituellement traduit par aimer, mais au terme pour caresses (v. 2,4 etc.), qui ressemble beaucoup au nom de David (cf. 4.4n). – myrrhe 3.6 ; 4.6,14 ; 5.1,5,13 ; cf. Pr 7.17 ; Est 2.12 ; voir aussi Ex 30.23 ; Mt 2.11 ; Mc 15.23 ; Jn 19.39. – il repose : autre traduction il passe la nuit (cf. 7.12) ; l'expression peut s'entendre à la fois du bouquet (probablement un sachet de poudre de myrrhe séchée porté au cou) et du bien-aimé.]

14 Mon bien-aimé est pour moi une grappe de henné
dans les vignes d'Eïn-Guédi. [henné : hébreu kopher ; autres traductions troène ; cyprès.Eïn-Guédi (« Source du chevreau ») : oasis sur la rive occidentale de la mer Morte (1S 24.1s).]

(Lui)

15 Que tu es belle, mon amie, que tu es belle !
Tes yeux sont des colombes. [tu es belle 2.14 ; 4.7 ; 5.9 ; 6.1,4,9 ; 7.7. – yeux / colombes 4.1 ; 5.12.]

(Elle)

16 Que tu es beau, mon bien-aimé, que tu es doux !
Notre lit, c'est la verdure. [beau / doux 7.7.]

17 Les solives de nos maisons sont des cèdres,
nos lambris sont des cyprès. [cèdres / cyprès : cf. 2.3 ; voir aussi 1R 5.22 ; 6.15,34.]

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