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TOB – Deutéronome 1

LE DEUTÉRONOME

INTRODUCTION

Le dernier livre du Pentateuque forme une unité d'un genre particulier. Alors que les livres précédents contiennent surtout des récits, appartenant à diverses traditions, le Deutéronome se présente comme un vaste discours, une sorte de testament spirituel prononcé par Moïse sur le seuil de la terre promise (Dt 1.1-5), peu avant de mourir (Dt 34.5). Seuls les chapitres 31 à 34 renouent avec la narration et constituent la conclusion du Pentateuque.

Or le langage de ces exhortations frappe par son unité et son originalité. Des tournures y reviennent souvent, très semblables dans tout le livre quoique jamais absolument identiques, et qui réapparaissent dans les discours ponctuant les livres de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois (comparer Dt 6.17-18 avec Jos 1.6-7 ; Jg 2.20-21 ; 1S 12.14-15). Cette parenté littéraire rattache plutôt le Deutéronome aux livres qui le suivent. La tradition a cependant réuni le Deutéronome aux livres précédents, afin de former un grand ensemble littéraire dominé par la figure de Moïse, à qui personne ne peut être comparé (Dt 34.10).

Une prédication d'alliance

Le Deutéronome se caractérise par sa forme rhétorique. Les chapitres 12 à 26 contiennent, il est vrai, une collection des lois et des coutumes à mettre en pratique, d'où s'explique le titre « Deutéronome », c'est-à-dire « seconde loi », que lui ont donné les traducteurs de la Septante (voir Dt 17.18 et la note). Cependant les différents sujets abordés font plutôt l'objet d'un enseignement, accompagné d'exhortations, d'appels et de mises en garde, ce qui n'est guère habituel dans un code de lois. Ainsi, par exemple, l'enseignement sur la libération des esclaves hébreux (Dt 15.12-18) — qui reprend et développe la loi d'Ex 21.2-6 — renforce le commandement de base (v. 12) par une exhortation (v. 13-14) et une justification (v. 15), puis revient au commandement (v. 16-17) pour l'accompagner d'une nouvelle justification (v. 18a) et d'une promesse de bénédiction (v. 18b). Ce n'est pas le langage d'un législateur mais celui d'un catéchète ou d'un prédicateur.

Cet enseignement s'adresse à tout Israël (Dt 1.1 ; 34.12), qui est interpellé tantôt en tu, tantôt en vous. Cette curieuse oscillation intervient souvent au cours du même développement, voire de la même phrase, et cela sans raison apparente (voir par exemple Dt 6.1-3). Ce phénomène, que la traduction n'a pas cru devoir atténuer, trahit probablement une composition du texte par étapes successives. En effet, si l'on essaie de prendre séparément les passages en tu, l'on obtient un ensemble continu, tandis que les passages en vous sont fragmentaires et paraissent avoir été écrits pour renforcer le texte primitif en tu.

Le discours en tu ne vise pas l'Israélite individuellement, mais le peuple tout entier, interpellé comme le partenaire du Seigneur (Dt 6.4-5 ou 9.1). Cette interpellation collective n'est sans doute pas seulement une forme de style : elle doit avoir son origine dans certaines cérémonies liturgiques où tout Israël était effectivement rassemblé pour entendre, comme un seul homme, la loi de son Dieu. Les allusions aux célébrations du sanctuaire de Sichem, au pied de l'Ebal et du Garizim (Dt 27.11-14), et l'ordre de lire publiquement la loi tous les sept ans (Dt 31.10-11) semblent conserver le souvenir d'une fête périodique où tout le peuple, rassemblé à Sichem, renouvelait son alliance avec le Seigneur en écoutant sa loi et en s'engageant à la mettre en pratique. Le chapitre 24 de Josué, qui raconte l'assemblée de Sichem comme un événement unique, est peut-être l'écho d'une célébration renouvelée périodiquement. La liturgie aurait comporté les éléments suivants, qui rythment le récit de Jos 24 : rappel de l'histoire du peuple (v. 2-13), exhortation à servir le Seigneur seul (v. 14-15), engagement du peuple (v. 16-24) et conclusion de l'alliance accompagnée de la proclamation de la loi (v. 25-26a) et de la citation des témoins (v. 26b-27). On a découvert que ce plan était déjà celui des traités diplomatiques mésopotamiens entre un roi suzerain et un roi vassal. Or ces traités faisaient, eux aussi, l'objet d'une lecture publique périodique, où le vassal renouvelait ses engagements. Le Deutéronome suit, dans ses grandes parties, une ordonnance assez semblable: rappel du passé et exhortation à l'obéissance totale (1 — 11), proclamation des obligations particulières (12 — 26), engagement mutuel (Dt 26.17-19), promesses et menaces (28 — 30), citation des témoins (Dt 30.19-20). Ainsi, ce texte présenté comme une prédication de Moïse en vue de l'entrée proclamée en Terre Promise, porte en fait la marque des cérémonies célébrées plus tard à Sichem.

Quant au porteur de cet enseignement, sa manière de parler diffère beaucoup de celle d'un prophète. A l'inverse du prophète qui transmet une parole directe de Dieu à son peuple, Moïse s'adresse lui-même au peuple et lui parle de son Dieu à la troisième personne (par exemple Dt 9.9s). Moïse tient donc le rôle d'un médiateur, placé entre le Seigneur qui lui a révélé sa loi et le peuple à qui il doit la transmettre et l'expliquer (Dt 5.5 ; 6.1 ; 9.9 — 10.5). Or c'était l'activité que poursuivaient en Israël les lévites : la « bénédiction des douze tribus » leur reconnaît la tâche d'enseigner les coutumes à Jacob et la loi à Israël (Dt 33.10) ; c'est eux que Moïse charge de lire la loi lors de la fête du renouvellement de l'alliance (Dt 33.10-11) ; c'est eux déjà qui sont associés à Moïse dans la liturgie de Sichem (Dt 27.9). Fidèles à l'enseignement de Moïse, les lévites continuèrent à placer leur prédication sur les lèvres de Moïse, pour en marquer la continuité et surtout l'autorité. Les allusions précises aux tentations qui se sont présentées au peuple après Moïse montrent que les rédacteurs vivent à une époque ultérieure, en fonction de laquelle ils actualisent sans cesse la tradition qui vient de Moïse. Dans ces temps de crise de la foi, où l'on ne sait plus très bien pourquoi il faut obéir aux commandements du Seigneur, ils s'efforcent d'en faire comprendre le fondement, les conséquences et l'exigence centrale. Dans cet effort catéchétique, ils mettent en œuvre les ressources de la Sagesse (comparer Dt 4.5-8 et Pr 2.6 ; 4.40 et Pr 3.2 ; 8.5 et Pr 3.11-12), pour ouvrir l'intelligence des Israélites et les convaincre que la vraie sagesse consiste à adopter un style de vie conforme à ce que Dieu a fait lui-même en leur faveur.

Ainsi le Deutéronome est-il le vaste recueil où s'est progressivement fixée par écrit la prédication lévitique qui prenait sa source en Moïse et qui accompagna Israël depuis le temps de son installation en Canaan jusqu'à l'heure de l'exil à Babylone.

Un document réformateur

Le livre des Rois raconte, en 2R 22, que la 18e année du règne de Josias, c'est-à-dire en 622, on découvrit dans le temple de Jérusalem le livre de la loi (2R 22.8,11) ou livre de l'alliance (2R 23.2,21) et que le roi, frappé par les menaces contenues dans ce livre, proclama une réforme du culte. Or le programme de cette réforme (2R 23.4-20) correspond à l'exigence de base du Deutéronome: la destruction de tous les sanctuaires de province et la centralisation du culte à Jérusalem (Dt 12). Cet important recoupement historique, déjà entrevu par les Pères de l'Eglise, permet d'identifier le document publié par Josias avec le Deutéronome, dans une forme ancienne et plus courte.

D'où venait ce livre ? Le rôle qu'y tiennent les lévites laisse supposer que ce sont eux qui sont à l'origine du recueil. Lors des invasions assyriennes qui conduisirent à la chute de Samarie en 722, ils avaient fui les sanctuaires du royaume du Nord et s'étaient réfugiés en Juda. Peut-être avaient-ils déjà été les inspirateurs de la réforme d'Ezéchias, un siècle avant celle de Josias (2R 18.4). Mais ensuite, sous le long règne du roi Manassé, fleurirent à nouveau les cultes idolâtres (2R 21). Ne pouvant se faire entendre, les lévites auraient alors rédigé une sorte de programme pour lutter contre les contaminations païennes et le relâchement social en s'appuyant sur les traditions les plus authentiques de l'ancien Israël. Il fallut à ce témoignage près d'un siècle pour se faire entendre puis officiellement reconnaître. Ainsi le Deutéronome restaura-t-il en pleine période royale une éthique de l'alliance issue de la révélation à Moïse.

L'œuvre achevée et son plan

Le document qui avait servi de base à la réforme de Josias continua de s'enrichir d'exhortations, de nouveaux avertissements, voire d'adjonctions de pièces anciennes se rapportant aux mêmes sujets (voir Dt 5.6-22 ou 27.11-26). Les autres traditions sur la mort de Moïse, ainsi que deux poèmes qui lui étaient attribués, vinrent se grouper à la fin du livre (31 — 34). Un éditeur final, probablement celui qui composa les livres suivants, rédigea un discours-préface (1 — 3).

Ainsi achevé, le livre présente un plan en trois parties, suivies d'une conclusion qui sert en même temps de conclusion au Pentateuque :

1re partie: deux discours d'introduction, l'un de style plus narratif (1.6 — 4.44), l'autre plus exhortatif (4.45 — 11.32) ;

2e partie : les lois particulières (12 — 26), suivies de quelques pièces liturgiques (27 — 28) ;

3e partie : les exhortations finales (29 — 30).

Conclusion générale : les traditions sur la mort de Moïse (31 — 34).

Les grands thèmes du livre

Au Seigneur notre Dieu sont les choses cachées, et les choses révélées sont pour nous et nos fils à jamais, afin que soient mises en pratique toutes les paroles de cette Loi (Dt 29.8).

Cette déclaration très dense contient comme le résumé des thèmes centraux du Deutéronome : mystère de Dieu, élection d'un peuple appelé à répondre à Dieu à tous les niveaux de sa vie.

a) Le Dieu d'Israël

Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est le Seigneur Un (Dt 6.4). Là est pour Israël le cœur de toute pensée et de toute action.

Israël peut dire notre Dieu. En effet, si le Seigneur est présenté en 4.32 comme le créateur de l'humanité, il est reconnu avant tout comme celui qui s'est manifesté dans l'histoire de son peuple. La prédication du Deutéronome est perpétuellement sous-tendue par une référence aux étapes fondamentales : promesse aux « pères » (Dt 4.31), libération de la servitude (Dt 7.8), don de la Loi (Dt 5.2-5), traversée du désert (Dt 8.2), entrée, pour une longue vie de bonheur (Dt 4.40) dans le bon pays (Dt 1.25) promis jadis. Cette dernière étape, présentée comme future dans la bouche de Moïse, fait évidemment partie des actions de Dieu dont il faut garder le souvenir (Dt 4.9). A travers ces événements, c'est la puissance de son Dieu qu'Israël a vue de ses yeux. Le « Credo » d'Israël, qui consiste à rappeler les hauts faits du Seigneur, est au cœur du Deutéronome: parfois formulé explicitement (Dt 6.21-23 ; 11.2-6 ; 26.5-9), il est sous-entendu partout.

Un autre signe de la fidélité de Dieu est donné par la présence des porte-parole du Seigneur. Moïse joue ici un rôle unique (Dt 34.10-12), qui se poursuit à jamais par la Loi qu'il a promulguée; mais après lui les prophètes (Dt 18.15) et — d'une autre manière — les lévites (Dt 33.8) sont témoins et interprètes du Seigneur, médiateurs entre lui et les hommes. Israël peut ainsi reconnaître un Dieu proche (Dt 4.7), engagé avec lui dans une alliance (Dt 26.17-18), parce qu'il l'aime (Dt 4.37).

Pour Israël, le Seigneur est unique ; les prétendus autres dieux ne sont rien (Dt 4.28). Pour manifester ce caractère unique, le Deutéronome introduit le principe du sanctuaire unique (Dt 12.2-19), où l'assemblée d'Israël doit se retrouver unanime comme à l'Horeb (Dt 5.22) ; ainsi est éliminé tout ce qui pourrait diviser le culte rendu au Seigneur Un (Dt 6.4). La Loi, elle aussi, est un signe de l'unité, et le Deutéronome, tout en présentant la longue série des lois et coutumes, parle de la Loi, du commandement (Dt 1.5 ; 5.31 ; 6.1) ; la Loi fixe l'unique voie où doit s'engager le peuple tout entier. On aboutit ainsi à une conception unitaire de toute la vie: un seul Dieu, un seul sanctuaire, une seule Loi, un seul peuple.

b) Le peuple de Dieu

L'unique Seigneur a donc fait d'Israël sa part personnelle (Dt 7.6; 26.18), son peuple saint (Dt 7.6), comblé gratuitement (Dt 9.5) malgré sa petitesse (Dt 7.8) et traité comme un fils (Dt 1.31). Et ce choix de Dieu se renouvelle pour chaque génération (Dt 29.14), si bien que, de siècle en siècle, le peuple doit reconnaître que son Dieu l'interpelle aujourd'hui (Dt 4.8 etc.).

Cela appelle une réponse active, engageant le peuple tout entier. Il faut circoncire son cœur, c'est-à-dire entrer au plus profond de son être dans l'alliance, rejeter toute compromission avec les peuples païens et leurs dieux (Dt 4.19 ; 17.3), vivre de la Parole (Dt 6.6-9), être fidèle à la Loi dans tous ses détails. Bref, il faut aimer le Seigneur de tout son cœur, de tout son être, de toute sa force (Dt 6.5). C'est ainsi qu'on peut être juste (Dt 6.25) et faire de toute sa vie un témoignage de foi ; la guerre elle-même n'y échappe pas (20).

Mais il y a plus : l'obéissance à la Loi consiste finalement à tirer les conséquences des rencontres avec Dieu (Dt 5.15). Un lien explicite est établi entre les événements de l'Exode et une série de prescriptions : offrande des prémices (Dt 26.5-10), célébration des fêtes (Dt 16.1,3,12) et du sabbat (Dt 5.15), respect des pauvres (Dt 10.18-19) et interdiction d'opprimer qui que ce soit (Dt 24.18-22), serait-ce l'Egyptien (Dt 23.8) ; le rappel de l'Exode fait ici dépasser l'exclusion habituelle de l'étranger (Dt 14.21 ; 15.3 ; 23.21 ; 28.12). Et la vie tout entière devient un mémorial des événements du salut.

La loi de la solidarité avec les pauvres occupe dans cet ensemble une place capitale (Dt 14.28-29 ; 15.1-18 ; 23.25-26). Le roi lui-même doit autant que possible vivre comme un pauvre (Dt 17.15-17). Une telle insistance s'imposait particulièrement au temps où fut rédigée la partie la plus ancienne du livre : une classe riche de plus en plus puissante s'opposait alors à un petit peuple chaque jour plus misérable ; il était urgent de rappeler qu'au nom du passé commun tous les fils d'Israël étaient frères, et de remettre à l'ordre du jour la lutte en faveur des pauvres (Dt 15.4). Les prédicateurs de ce temps étaient pourtant optimistes : ils croyaient Israël capable de répondre à l'appel de Dieu et de faire réellement de sa vie un mémorial des événements de salut (Dt 12.28 ; 26.16-19).

Néanmoins, on ne pouvait manquer de sentir qu'en vérité il y a là un drame. La vie ainsi conçue suppose pour l'homme une fidélité de tous les instants, et cette fidélité est en principe à sa portée (Dt 30.14). Deux chemins sont ouverts : celui de la fidélité et du bonheur, celui de la révolte et du malheur (Dt 11.26-28; 28) ; il faut choisir, engageant ainsi tout l'avenir (Dt 30.15-20). Mais qu'en est-il en fait ? Ici encore, l'histoire répond, mais sa réponse n'est pas rassurante. Dès le temps de l'Exode, le peuple s'est sans cesse révolté, et il a fallu l'intercession de Moïse et la fidélité de Dieu pour qu'Israël ne périsse pas sous le coup de la colère qu'il méritait (Dt 9.7 — 10.11). Qu'en sera-t-il aux autres époques de l'histoire du salut, dans cet aujourd'hui où chacun est appelé à se décider ? Ce caractère dramatique de la situation avait été pressenti par les premiers prédicateurs. Mais un temps arrive où toute illusion doit disparaître: Israël ne se montre décidément pas capable de choisir le Seigneur et d'arriver ainsi à la vie; le peuple est voué à la catastrophe. Les derniers auteurs du Deutéronome, contemporains de l'exil, le disent clairement (Dt 28.15-68 ; 29.21-27).

Et pourtant, la pensée du Deutéronome n'aboutit pas au désespoir. Car le péché de l'homme ne saurait être le dernier mot : un jour viendra où Dieu fera en sorte que le peuple se convertisse et obtienne le pardon de Dieu (Dt 30.3). Mais dans l'intervalle, il faudra accepter l'épreuve et la souffrance, et en tirer la leçon en décidant enfin de changer son cœur.

Le Deutéronome dans la Bible

Le Deutéronome tient dans l'Ecriture une place importante. Ainsi Jérémie, peu de temps après la réforme de Josias, reprend les thèmes de la circoncision du cœur (Jr 4.4) et de la nouvelle alliance (Jr 31.31-34). Un peu plus tard, les rédacteurs de la grande série de livres qui s'étend de Josué à 2 Rois intercalent dans le récit des réflexions et discours qui utilisent la loi du Deutéronome comme clé de l'histoire (voir Jos 1 et 23 ; Jg 2.6 — 3.6 ; 1S 12 ; 1R 8 ; 2 R 17).

C'est encore du Deutéronome que le judaïsme emprunte son credo fondamental : « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est le Seigneur Un » (Dt 6.4). Et l'Evangile y trouve le « premier commandement »: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu... » (Dt 6.5), mais aussi des thèmes importants tels que le choix entre les deux voies (Mt 7.13-14) ou la solidarité active à l'égard des frères pauvres (Mt 25.31-46).

Le Deutéronome aujourd'hui

Pouvons-nous aujourd'hui attendre quelque chose d'un livre écrit à une époque si différente, nous chrétiens qui de plus ne vivons plus sous le régime de la Loi, mais sous celui de la foi, de la grâce et de l'Esprit (voir Rm 3.28 ; 6.14 ; Ga 5.18) ?

En fait, ce qui garde une valeur permanente, c'est une certaine vision de l'existence croyante, dont on peut souligner quelques aspects essentiels.

– Une volonté de trouver une fidélité authentique, au cœur d'un monde qui se transforme, en cherchant sans cesse à orienter la conduite de chaque jour en fonction des événements du salut.

– Une conception de l'existence commandée par la reconnaissance, au double sens du mot: découverte d'une présence et réponse à un don. Dieu comble son peuple, et il faut répondre à cet amour par un amour, dont on peut dire à la fois qu'il s'impose et qu'il est gratuit, sans arrière-pensée, comme tout amour véritable.

– Une recherche d'équilibre entre cette gratuité et le sérieux des choix à faire, avec la conviction que la loi de l'alliance place le peuple devant une question de vie ou de mort.

Parmi tous les témoins bibliques, le Deutéronome représente l'une des bases les plus solides pour la redécouverte d'une morale adulte, équilibrée et vivante.

LE DEUTÉRONOME

PREMIER DISCOURS DE MOÏSE (1. 1 — 4. 44)

1 Voici les paroles que Moïse adressa à tout Israël, au-delà du Jourdain, au désert, dans la Araba, en face de Souf, entre Parân, Tofel, Lavân, Hacéroth et Di-Zahav. [Paroles de Moïse en Moab Dt 4.45-49.
— tout Israël Dt 5.1 ; 27.9 ; 29.1.
— Araba : autres traductions vallée, plaine. Comme nom propre, ce mot désigne le fond de la vallée qui s'étend au nord et au sud de la mer Morte.
— Souf... Di-Zahav : endroits non identifiés. *De.1 :2 Horeb : voir Ex 3.1 et la note.
— Qadesh-Barnéa : voir Gn 16.14 et la note.
— Séïr : voir Gn 32.4 et la note.]
2 Il y a onze jours de marche de l'Horeb à Qadesh-Barnéa en direction de la montagne de Séïr. 3 Or l'an quarante, le onzième mois, le premier du mois, Moïse parla aux fils d'Israël, suivant tout ce que le Seigneur lui avait ordonné pour eux. [Du séjour dans le désert.]4 Après avoir battu Sihôn, roi des Amorites, qui résidait à Heshbôn, après avoir battu à Edrèï Og, roi du Bashân, qui résidait à Ashtaroth, [Sihôn et Og Dt 2.24
Dt 3.17 ; 4.46-49 ; Nb 21.21-35 ; Jos 2.10 ; 12.2-6 ; 13.15-31 ; Ps 136.17-22.
— Bashân : région à l'est de la mer de Kinnéreth.]
5 au-delà du Jourdain, dans le pays de Moab, Moïse se mit à leur exposer la Loi que voici :

Ordre de départ

6 A l'Horeb, le Seigneur notre Dieu nous a parlé ainsi : « Il y a bien longtemps que vous restez dans cette montagne ; 7 tournez-vous pour partir, entrez dans la montagne des Amorites et chez tous leurs voisins, dans la Araba, la Montagne, le Bas-Pays, le Néguev et sur la Côte, dans le pays des Cananéens et au Liban, jusqu'au grand fleuve, l'Euphrate. [tournez-vous pour partir Dt 1.40 ; 2.1,3 ; 3.1.
— Enumération des diverses régions de la Terre Promise étendue à des limites idéales.
— Euphrate : voir Gn 2.14 et la note.]
8 Voyez : je vous remets le pays : entrez et prenez possession du pays que le Seigneur a juré de donner à vos pères Abraham, Isaac et Jacob, et à leur descendance après eux. » [Dt 1.35 ; 6.10 ; 7.13 ; 8.1 ; 9.5 ; 10.11 ; 11.9 ; 26.3,15 ; Dt 31.7,21,23 ; 34.4 ; Gn 12.7 ; 15.7-19 ; 26.2-5 ; 28.13-15 ; Jos 1.6 ; 5.6 ; 21.43 ; Si 44.21.]

Institution des juges

9 Alors je vous ai dit : « Je ne peux pas vous porter à moi tout seul : [institution des juges Dt 16.18 ; Ex 18.13-26 ; Nb 11.11-17 ; leurs obligations Dt 16.18-20 ; 17.8-13 ; 25.1-3 ; voir Ex 23.2-8.]10 le Seigneur votre Dieu vous a rendus nombreux, et voici que vous êtes aujourd'hui aussi nombreux que les étoiles du ciel. [Dt 10.22 ; Gn 15.5 ; 22.17 ; He 11.12.]11 Que le Seigneur, le Dieu de vos pères, vous multiplie encore mille fois plus, et qu'il vous bénisse comme il vous l'a promis : [Dt 1.21 ; 4.1 ; 6.3 ; 12.1 ; 26.7 ; 27.3 ; 29.24 ; Ex 3.13 ; Jos 18.3 ; Jg 2.12.]12 comment, à moi tout seul, porterais-je vos rancœurs, vos réclamations et vos contestations ? 13 Amenez ici, pour vos tribus, des hommes sages, intelligents et éprouvés ; je les mettrai à votre tête. » 14 Et vous m'avez répondu : « Ce que tu nous dis de faire est bon. » 15 J'ai donc pris vos chefs de tribu, des hommes sages et éprouvés, et j'en ai fait vos chefs : des chefs de millier, de centaine, de cinquantaine, de dizaine, et des scribes, pour vos tribus.

16 Alors j'ai donné des ordres à vos juges : « Vous entendrez les causes de vos frères, et vous trancherez avec justice les affaires de chacun avec son frère, ou avec l'émigré qu'il a chez lui. [Dt 17.4 ; Jn 7.51.]17 Vous n'aurez pas de partialité dans le jugement : entendez donc le petit comme le grand, n'ayez peur de personne, car le jugement appartient à Dieu. Si une affaire vous paraît trop difficile, soumettez-la-moi, et je l'entendrai. » [Lv 19.15 ; Pr 24.23 ; Jc 2.9 ; Dt 10.17.]18 Et alors, je vous ai donné des ordres sur tout ce que vous aviez à faire.

Exploration de Canaan et première infidélité du peuple

19 Puis nous sommes partis de l'Horeb ; nous avons traversé ce désert grand et terrible que vous avez vu, en direction de la montagne des Amorites, comme le Seigneur notre Dieu nous l'avait ordonné, et nous sommes arrivés à Qadesh-Barnéa. [Nb 13 — 14. Voir Gn 16.14 et la note.]20 Je vous ai dit : « Vous êtes arrivés à la montagne des Amorites que le Seigneur notre Dieu nous donne. 21 Vois : le Seigneur ton Dieu t'a remis le pays. Monte, prends-en possession comme le Seigneur, le Dieu de tes pères, te l'a promis. Ne crains pas, ne te laisse pas abattre. » [prends-en possession Dt 4.5,14,22 ; 6.1 ; 7.1 ; 9.5 ; 11.8,11,29 ; Dt 12.29 ; 23.21 ; 28.21,63 ; 30.16 ; 31.13 ; 32.47 ; Jos 1.11 ; Dt 9.1.
— Dieu des pères Dt 1.11.]
22 Alors, vous êtes tous venus à moi, et vous m'avez dit : « Envoyons donc des hommes devant nous : ils feront pour nous une reconnaissance du pays, ainsi qu'un rapport sur le chemin où nous devrons monter, et sur les villes où nous arriverons. » 23 Cela m'a paru bon, et j'ai pris parmi vous douze hommes, un par tribu. 24 Ils se sont tournés pour monter vers la montagne. Arrivés aux gorges d'Eshkol, ils les ont explorées. [Voir Nb 13.23 et la note.]25 Ils ont pris des fruits du pays qu'ils nous ont rapportés dans leurs mains en descendant, et ils nous ont fait leur rapport. Ils disaient : « Le pays que le Seigneur notre Dieu nous donne, c'est un bon pays ! » [Dt 1.35 ; 3.25 ; 4.21 ; 6.18 ; 8.7 ; 9.6 ; 11.17 ; Nb 14.7 ; Jos 23.13.]

26 Mais vous avez refusé d'y monter ; vous vous êtes révoltés contre les ordres du Seigneur votre Dieu, 27 et vous avez déblatéré sous vos tentes en disant : « C'est par haine contre nous que le Seigneur nous a fait sortir du pays d'Egypte ! C'est pour nous livrer entre les mains des Amorites ! C'est pour nous exterminer ! 28 Où donc montons-nous ? Nos frères ont fait fondre notre courage en disant : “C'est un peuple plus grand et plus fort que nous, avec des villes grandes, fortifiées, perchées dans le ciel ; nous y avons même vu des Anaqites !” » [villes fortifiées des Anaqites Dt 9.1-2 ; Nb 13.28 ; Jos 14.12.
— perchées dans le ciel : allusion soit à la hauteur des murailles, soit aux escarpements sur lesquels les villes sont bâties.
— Anaqites : voir Nb 13.22 et la note.]
29 Je vous ai dit : « Ne tremblez pas, ne les craignez pas ! [Dt 7.21 ; 20.1-4 ; 31.6 ; Jos 1.9.]30 Le Seigneur votre Dieu qui marche devant vous combattra lui-même pour vous, exactement comme il l'a fait pour vous en Egypte sous vos yeux, [Dt 29.1-2.
— Dieu combattra Dt 3.22.]
31 et dans le désert où tu as vu le Seigneur ton Dieu te porter comme un homme porte son fils, tout au long de la route que vous avez parcourue pour arriver jusqu'en ce lieu. » [Dieu a porté Israël : Os 11.3-4.
— Israël, fils de Dieu Ex 4.22 ; Es 63.16 ; 64.7 ; Jr 31.9 ; Si 36.17.]
32 Et dans cette affaire, vous n'avez pas mis votre foi dans le Seigneur votre Dieu, 33 lui qui marchait devant vous sur la route pour vous chercher un lieu de camp, dans le feu pendant la nuit pour vous éclairer sur la route où vous marchiez, et dans la nuée pendant le jour. [Ex 13.21.]

34 Le Seigneur a entendu les paroles que vous disiez. Il s'est irrité et il a fait ce serment : 35 « Pas un de ces hommes, personne de cette génération mauvaise, ne verra le bon pays que j'ai juré de donner à vos pères, [génération sortie d'Egypte Dt 2.14 ; Nb 14.22-23,29-30 ; Ps 95.11 ; He 3.16.
— bon pays Dt 1.25.
— Pays promis Dt 1.8.]
36 sauf Caleb, fils de Yefounnè : lui, il le verra, et à lui je donnerai, ainsi qu'à ses fils, le pays qu'il a foulé, parce qu'il a suivi sans réserve le Seigneur. » [Caleb Nb 14.24 ; 26.65.
— ses fils Jos 14.6-15 ; Jg 1.20.]
37 Même contre moi, le Seigneur s'est mis en colère à cause de vous. Il a dit : « Même toi, tu n'y entreras pas ! [Dt 3.26 ; 4.21 ; 32.50-52 ; Nb 20.12.]38 Josué, fils de Noun, qui est à ton service, y entrera, lui ; affermis son courage, car c'est lui qui le donnera comme patrimoine à Israël. [Dt 3.21,28 ; 31.7-8 ; 34.9 ; Nb 27.18-23 ; Jos 1.1,5-9.]39 Et vos enfants, dont vous disiez qu'ils seraient capturés, vos fils qui ne savent pas encore distinguer le bien du mal, eux ils y entreront. C'est à eux que je le donnerai, c'est eux qui en prendront possession. [Nb 14.3.]40 Mais vous, tournez-vous pour repartir au désert, en direction de la mer des Joncs. » [Dt 1.7.]

41 Vous m'avez répondu : « Nous avons péché contre le Seigneur ! Nous allons monter et combattre, suivant tout ce que le Seigneur notre Dieu nous a ordonné. » Chacun de vous a pris son équipement de combat, et vous avez cru monter facilement dans la montagne. 42 Alors le Seigneur m'a dit : « Dis-leur : Vous ne monterez pas ! Vous ne combattrez pas, car je ne suis pas au milieu de vous ! Ne vous faites pas battre par vos ennemis ! » [Dt 31.17 ; Nb 14.43.]43 Je vous ai parlé, mais vous n'avez pas écouté ; vous vous êtes révoltés contre les ordres du Seigneur, et, dans votre présomption, vous êtes montés dans la montagne. 44 Alors les Amorites qui habitent cette montagne sont sortis à votre rencontre et, comme un essaim d'abeilles, ils vous ont poursuivis ; ils vous ont mis en pièces de Séïr jusqu'à Horma. [abeilles : Ps 118.12.
— mis en pièces Nb 14.45.]

45 En revenant, vous avez pleuré devant le Seigneur ; mais le Seigneur n'a pas écouté votre voix, il ne vous a pas prêté l'oreille. 46 Et vous êtes restés longtemps à Qadesh, aussi longtemps que vous y étiez restés. [L'infidélité d'Israël l'a condamné à rester à Qadesh pour un second séjour aussi long que le premier. On traduit parfois aussi longtemps que vous deviez y rester.]

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