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TOB – Romains 1

ÉPÎTRE AUX ROMAINS

INTRODUCTION

Cette épître a joué un tel rôle dans l'histoire de l'Eglise, de ses divisions et de ses renouveaux, que les responsables de la TOB ont jugé nécessaire de commencer par elle leur travail de traduction et d'annotation. Ainsi, ils ont rencontré immédiatement les difficultés majeures et les plus grandes promesses attachées à leur œuvre commune: « Le texte de nos divisions devenait le texte de notre rencontre. »

Les circonstances de la rédaction de Romains sont assez bien connues. Au plus tôt au printemps 56, au plus tard au printemps 59, l'apôtre, arrivé au terme de son activité missionnaire en Orient, va quitter Corinthe pour porter à la communauté de Jérusalem le produit de la collecte organisée en Macédoine et en Achaïe (Rm 15.19-29 ; comparer Ac 20.1-5). Cependant, au moment où il dicte cette lettre à Tertius (Rm 16.22), Paul fait part à ses correspondants de projets plus étendus : après Jérusalem, gagner Rome et, de là, l'Espagne (Rm 15.22-24). C'est sans doute, d'abord, pour préparer ce séjour dans la capitale de l'Empire, pour permettre aux « bien-aimés de Dieu qui sont à Rome » (Rm 1.7) de l'accueillir en connaissance de cause, et de le soutenir dans ses projets, que l'apôtre leur écrit. Contrairement à son habitude, il écrit donc à une communauté qu'il n'a pas fondée et dans laquelle il n'est pas directement engagé, d'où les précautions qu'il prend, surtout sensibles dans les premiers et les derniers chapitres de l'épître. Cependant, les chapitres 12 à 16, par exemple, font penser que Paul est assez au courant de ce qui se passe dans la communauté de Rome, et des objections que son Evangile et sa personne y rencontrent. Les contacts étaient incessants entre Rome et les principales villes de l'Empire.

Nous ne savons ni par qui, ni quand, ni dans quelles circonstances la communauté chrétienne de Rome a été fondée. Peut-être même est-il prématuré, au moment où l'apôtre lui écrit, de parler de « sa fondation » et d'une « Eglise ». Dans l'adresse et l'introduction de l'épître (Rm 1.1-11) ne figure aucune mention d'une Eglise constituée ; la lettre s'adresse, à la deuxième personne du pluriel, à des chrétiens qui semblent avoir quelque peine à trouver leur cohésion (ch. 12 à 15). Toutefois, la communauté n'est pas toute jeune (Rm 15.23). Selon Ac 18.2, en 49 ou 50, Paul a rencontré à Corinthe le couple judéo-chrétien d'Aquilas et Priscille, chassé de Rome par l'édit impérial de Claude contre les Juifs en 49, ce qui indiquerait l'existence de nombreux chrétiens, à Rome, dès avant les années 50. Cela est confirmé par la mention de cet édit chez Suétone: Claude, dit-il, « expulsa de Rome les Juifs qui, sous l'impulsion de Chrestus, ne cessaient d'occasionner des troubles » (Vie de Claude, 25). Il y a tout lieu de penser que ce Chrestus n'est autre que le Christ, dont le nom agitait alors la colonie juive de Rome. Pour que ces troubles aient pris de telles proportions en 49, il fallait que les chrétiens fussent déjà nombreux et entreprenants dans la capitale de l'Empire. Manifestement, les autorités impériales confondaient alors Juifs et chrétiens dans une même réprobation. Au moment où Paul dicte sa lettre, six ou huit ans plus tard, les chrétiens de Rome ont trouvé leur propre voie, mais ils sont encore en discussion serrée avec la foi juive.

Il est d'ailleurs difficile de se prononcer sur la composition de l'Eglise de Rome. Est-elle, dans sa majorité, composée de judéo- ou de pagano-chrétiens ? D'une part, Paul s'adresse constamment aux destinataires comme à des croyants d'origine païenne (Rm 1.5,13 ; 15.15s, etc.). D'autre part, l'épître fait un tel usage de l'Ancien Testament et pousse si loin la réflexion sur la destinée du peuple juif (ch. 9 à 11) et la signification positive et négative de la loi, qu'il est difficile de penser à des destinataires fraîchement familiarisés avec les Ecritures juives. Sans doute l'arrivée de l'Evangile à Rome a-t-elle déjà provoqué une réflexion passionnée parmi les Juifs, puis au sein d'une minorité de Juifs devenus chrétiens, puis enfin chez de nombreux païens, ou « craignant Dieu », passés à la foi au Christ; et l'apôtre a eu vent de ces discussions. La communauté est probablement de majorité pagano-chrétienne et, du point de vue de Paul, elle appartient au pagano-christianisme dont il a la charge (Ga 2.6s), et c'est comme telle qu'il lui écrit pour requérir sa confiance et sa collaboration.

Il est tout à fait dans les grandes habitudes de l'apôtre, pour préparer ou consolider son autorité dans une Eglise, de ne pas s'en tenir à quelques considérations personnelles mais, suivant les circonstances, de déployer aux yeux de ses correspondants toutes les dimensions de son Evangile (Rm 1.1,16 ; 2.16 ; 15.16, etc.). Cependant, il ne l'avait jamais fait et ne le fera jamais plus avec une telle ampleur. Certes, ses récents démêlés avec les chrétiens de Galatie, de Philippe et de Corinthe lui ont-ils permis de préciser le contenu et la « pointe » de cet Evangile. Mais dans Rm, la polémique fait place à un exposé, tourmenté parfois, mais d'une envergure et d'une cohérence incomparables.

Le sujet unique et rayonnant de l'épître est donné en 1.16-17: dans l'Evangile « est révélée la justice de Dieu par la foi et en vue de la foi ». Toute l'épître doit expliquer cette affirmation laconique et quelque peu énigmatique. Sur cette base, on peut imaginer plusieurs plans. Le plus simple est une division en trois parties d'inégale importance : une partie dite doctrinale (Rm 1.18 à 11.36), une partie morale ou parénétique (Rm 12.1 à 15.13) et une partie conclusive (Rm 15.14 à 16.23). La partie doctrinale montre successivement la nécessité de cette justification gratuite de l'homme par Dieu à cause de l'iniquité universelle (Rm 1.18 à 3.20), puis l'instauration de cette justice nouvelle, c'est-à-dire de cette relation nouvelle avec Dieu, par la foi en Jésus Christ (Rm 3.21 à 4.25), puis son déploiement dans l'existence chrétienne (ch. 5 à 8) et enfin son échec provisoire puis sa victoire finale dans la destinée d'Israël (ch. 9 à 11). Ce qui caractérise cette pensée, ou plutôt cet Evangile paulinien, c'est son enracinement constant dans le fait historique du Christ « mort et ressuscité » ; c'est l'art, emprunté aux techniques de la rhétorique populaire du temps, avec lequel l'apôtre prévient et réfute les objections ; c'est l'intime cohérence entre le caractère personnel d'un salut reçu par la foi, et le caractère universel d'un Evangile promis et maintenant annoncé à toutes les nations de la terre. Si la justification de l'homme est gratuite, remarque-t-on autour de Paul, « demeurons dans le péché pour que la grâce abonde ! » (réponse au ch. 6). Si les œuvres légales ne servent à rien pour être sauvé, la loi de Dieu elle-même serait-elle mauvaise ? (réponse au ch. 7). Et que va devenir Israël ? (réponse aux ch. 9 à 11). Quant à la partie morale de l'épître, on y admire surtout, aujourd'hui, la longue instruction sur les « forts » et les « faibles » (ch. 14 et 15).

En ce qui concerne son intégrité, Rm pose deux problèmes. La prière finale, à la gloire de Dieu, de 16.25-27, figure, dans les manuscrits, à des places variables et son contenu rappellerait plutôt la pensée de certains écrits deutéro-pauliniens comme Col et Ep. On la tient souvent pour une adjonction postérieure. Par ailleurs, depuis la fin du XVIIIe siècle, nombreux sont les exégètes qui doutent que ce ch. 16 ait appartenu d'abord à l'épître. Une si longue liste de saluts personnels convient-elle dans une lettre adressée à une église que Paul n'a ni fondée ni visitée ? La mention d'Aquilas et Priscille (v. 3-5) conviendrait mieux à une lettre adressée à Ephèse où ils s'étaient installés après leur passage à Corinthe (Ac 18 ; voir 1Co 16.19 et 2Tm 4.19). Epénète, « prémices de l'Asie pour le Christ » (v. 5), fait référence explicite à la province romaine d'Asie dont Ephèse était la capitale. D'ailleurs, l'épître paraît prendre fin avec la bénédiction de 15.33. On peut supposer, par exemple, que le ch. 16 était adressé aux chrétiens d'Ephèse comme adjonction à une lettre qui devait ensuite être portée à Rome (par Phœbé ? Rm 16.1). D'ailleurs, le plus ancien manuscrit paulinien que nous possédions (Papyrus 46) atteste l'existence de Rm sans le ch. 16. On pourrait également imaginer que Paul, empêché de revoir les chrétiens d'Ephèse en quittant Corinthe pour Jérusalem, leur a envoyé un exemplaire de Rm en y joignant les salutations et les recommandations du ch. 16 au sujet de membres de cette communauté qu'il connaissait bien puisqu'il venait d'y accomplir un ministère prolongé et mouvementé (de 54 à 57). Quoi qu'il en soit, ces problèmes restent mineurs au regard de l'ensemble de l'épître et de sa si grande richesse.

ÉPÎTRE AUX ROMAINS

Adresse et salutation

1 Paul, serviteur de Jésus Christ, appelé à être apôtre, mis à part pour annoncer l'Evangile de Dieu. [mis à part Ga 1.15 ; Ac 26.16-18]2 Cet Evangile, qu'il avait déjà promis par ses prophètes dans les Ecritures saintes, [Evangile Es 52.7 ; 61.1 ; Mc 1.1]3 concerne son Fils, issu selon la chair de la lignée de David, [selon la chair : en ce qui concerne son humanité Rm 9.5
— Fils de David Mt 1.1]
4 établi, selon l'Esprit Saint, Fils de Dieu avec puissance par sa résurrection d'entre les morts, Jésus Christ notre Seigneur. [Fils de Dieu Ps 2.7 ; 110.1 ; Mt 14.33 ; Mc 1.1 ; Ac 13.33
— puissance du Ressuscité Ph 2.9 ; 1 P 1.21 ; Ep 1.20-23]
5 Par lui nous avons reçu la grâce d'être apôtre pour conduire à l'obéissance de la foi, à la gloire de son nom, tous les peuples païens, [L'apostolat est une grâce Rm 12.3 ; 15.15 ; 1 Co 3.10 ; Ga 2.8-9
— apôtre des païens Ac 9.15 ; Rm 15.15-18
— la foi est une obéissance Rm 6.15-20 ; 10.16 ; 15.18 ; 16.26 ; 2 Co 10.4-5 ; 2 Th 1.8 ; 1 P 1.22 ; He 5.9 ; 11.8]
6 dont vous êtes, vous aussi que Jésus Christ a appelés. 7 A tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome, aux saints par l'appel de Dieu, à vous, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ. [saints, au sens particulier du N.T. : consacrés à Dieu et chargés par lui d'une mission. Il s'agit donc ici des chrétiens ; Es 19.5-6 ; Rm 12.13 ; 15.25 ; 16.2 ; Col 1.12,26 ; He 6.10 ; 1 P 1.16 ; 2.9]

Paul et les chrétiens de Rome

8 Tout d'abord, je rends grâce à mon Dieu par Jésus Christ pour vous tous : dans le monde entier on proclame que vous croyez. 9 Car Dieu m'en est témoin, lui à qui je rends un culte en mon esprit en annonçant l'Evangile de son Fils : je fais sans relâche mention de vous, [L'apostolat est un culte rendu à Dieu Rm 15.16]10 demandant continuellement dans mes prières d'avoir enfin, par sa volonté, l'occasion de me rendre chez vous. 11 J'ai en effet un très vif désir de vous voir, afin de vous communiquer quelque don spirituel pour que vous en soyez affermis, 12 ou plutôt pour être réconforté avec vous et chez vous par la foi qui nous est commune à vous et à moi. 13 Je ne veux pas vous laisser ignorer, frères, que j'ai souvent projeté de me rendre chez vous — jusqu'ici j'en ai été empêché — , afin de recueillir quelque fruit chez vous, comme chez les autres peuples païens. 14 Je me dois aux Grecs comme aux barbares, aux gens cultivés comme aux ignorants ; [Par opposition aux barbares, les Grecs représentent ici tous les peuples civilisés et cultivés. Au v. 16 le même mot désigne les païens par opposition aux Juifs.]15 de là, mon désir de vous annoncer l'Evangile, à vous aussi qui êtes à Rome.

La justice de Dieu

16 Car je n'ai pas honte de l'Evangile : il est puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif d'abord, puis du Grec. [Juif et Grec Rm 2.9-10 ; 3.9 ; 10.12 ; 11.11-14 ; Ac 13.46 ; 18.6]17 C'est en lui en effet que la justice de Dieu est révélée, par la foi et pour la foi, selon qu'il est écrit : Celui qui est juste par la foi vivra. [Ha 2.4 (grec) : Autre traduction : Le juste vivra par la foi
— justice de Dieu Ps 98.2 ; Es 56.1 ; Rm 3.21-26 ; Ph 3.9 ; Ga 3.11
— Le sens très particulier du terme justice est éclairé par Rm 3.24 (justifier) et Rm 4.25 (justification) :]

Le péché des païens

18 En effet, la colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui retiennent la vérité captive de l'injustice ; 19 car ce que l'on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste : Dieu le leur a manifesté. [Voir Sg 13-15 ; Ac 17.24-28 ; Jb 12.9 ; Ps 19.2 ; Ac 14.15-17 ; He 11.3]20 En effet, depuis la création du monde, ses perfections invisibles, éternelle puissance et divinité, sont visibles dans ses œuvres pour l'intelligence ; ils sont donc inexcusables, 21 puisque, connaissant Dieu, ils ne lui ont rendu ni la gloire ni l'action de grâce qui reviennent à Dieu ; au contraire, ils se sont fourvoyés dans leurs vains raisonnements et leur cœur insensé est devenu la proie des ténèbres : 22 se prétendant sages, ils sont devenus fous ; 23 ils ont troqué la gloire du Dieu incorruptible contre des images représentant l'homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes, des reptiles. [Idolâtrie Ex 32 ; Dt 4.16-18 ; Jr 2.11 ; Sg 11.15 ; 12.24 :]24 C'est pourquoi Dieu les a livrés, par les convoitises de leurs cœurs, à l'impureté où ils avilissent eux-mêmes leurs propres corps. 25 Ils ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge, adoré et servi la créature au lieu du Créateur qui est béni éternellement. Amen. [Voir 1 Th 1.9 ; il s'agit du vrai Dieu par opposition aux idoles mensongères ; Jr 10.10-14 ; 16.19-21 ; 1 Th 1.9]26 C'est pourquoi Dieu les a livrés à des passions avilissantes : leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature ; 27 les hommes de même, abandonnant les rapports naturels avec la femme, se sont enflammés de désir les uns pour les autres, commettant l'infamie d'homme à homme et recevant en leur personne le juste salaire de leur égarement. 28 Et comme ils n'ont pas jugé bon de garder la connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à leur intelligence sans jugement : ainsi font-ils ce qu'ils ne devraient pas. 29 Ils sont remplis de toute sorte d'injustice, de perversité, de cupidité, de méchanceté, pleins d'envie, de meurtres, de querelles, de ruse, de dépravation, diffamateurs, [Dérèglements des païens Rm 13.13 ; 1 Co 5.10-11 ; 6.9-10 ; Ga 5.19-21 ; Ep 5.3-5 ; 1 Tm 1.9-10 ; 2 Tm 3.2-4 ; Tt 3.3 ; 1 P 4.3 ; Ap 21.8 ; 22.15]30 médisants, ennemis de Dieu, provocateurs, orgueilleux, fanfarons, ingénieux au mal, rebelles à leurs parents, 31 sans intelligence, sans loyauté, sans cœur, sans pitié. 32 Bien qu'ils connaissent le verdict de Dieu déclarant dignes de mort ceux qui commettent de telles actions, ils ne se bornent pas à les accomplir, mais ils approuvent encore ceux qui les commettent.

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