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TOB – Tite 1

ÉPÎTRES À TIMOTHÉE ET À TITE

INTRODUCTION

Parmi les écrits pauliniens, les deux Epîtres à Timothée et l'Epître à Tite forment un groupe homogène, tant sur le plan littéraire que sur le plan doctrinal. Si l'on excepte le court billet à Philémon, ce sont par ailleurs les seules lettres adressées à des personnes désignées nommément. Dès le début du XVIIIe siècle, on les a dénommées « Epîtres pastorales » et cette appellation est devenue traditionnelle. En effet, elle souligne bien le caractère particulier de ces écrits, qui contiennent principalement des directives adressées aux « pasteurs » des Eglises.

Timothée : Nous possédons sur Timothée des renseignements de première main, tant par Luc, dans les Actes, que par Paul lui-même.

Paul le rencontra pour la première fois à Lystres, ville de Lycaonie, colonie romaine fondée par Auguste vers 6 avant J.C. Timothée appartenait à la bonne bourgeoisie de la cité. Son père était « grec », comme on disait (Ac 16.1), par opposition aux autochtones qui parlaient le dialecte lycaonien. On pense aussi qu'il était païen, puisque Timothée ne fut pas circoncis le huitième jour selon la loi juive. Sa mère Eunice, juive devenue chrétienne (Ac 16.1), et sa grand-mère Loïs (2Tm 1.5) l'instruisirent dès son plus jeune âge dans les Saintes Ecritures (2Tm 3.15).

Lorsqu'il commença à travailler avec Paul, Timothée était relativement jeune (1Tm 4.12). D'allure plutôt timide et réservée (1Co 16.10; 2Tm 1.7-8), de santé délicate, il était sujet à de fréquentes faiblesses (1Tm 5.23). Pour ne pas avoir d'histoires avec les judaïsants, Paul le circoncit (Ac 16.3). A une date qui nous est inconnue, Timothée reçut du collège des anciens l'imposition des mains (1Tm 4.14 ; 2Tm 1.6).

L'activité apostolique du disciple fut profondément marquée par celle de son maître, dont il fut un proche collaborateur (1Th 3.2). Souvent Paul le prenait avec lui dans ses déplacements missionnaires (voir Ac 17.14-15 ; 18.5; 20.4 ; 2Co 1.19). Nous trouvons Timothée aux côtés de Paul lorsque ce dernier écrit plusieurs de ses lettres (1Th 1.1 ; 2Th 1.1 ; 2Co 1.1 ; Rm 16.21 ; Ph 1.1 ; Col 1.1 ; Phm 1). Paul le chargea aussi de missions particulières en Macédoine (voir Ac 19.22), spécialement auprès des Thessaloniciens (1Th 3.2,6), ainsi qu'ailleurs auprès des Corinthiens (1Co 4.17 ; voir aussi 16.10). L'amitié de Paul pour Timothée fut sans faille. Avant sa mort, il désirera revoir une dernière fois (2Tm 4.9,21) celui qu'il appelle « mon véritable enfant dans la foi » (1Tm 1.2).

Tite : Nous n'avons que peu de renseignements sur Tite, car Luc ne le mentionne jamais dans le livre des Actes. Il naquit d'une famille « grecque », c'est-à-dire païenne (Ga 2.3), fut converti sans doute par Paul lui-même (voir Tt 1.4), qui l'emmena à l'Assemblée de Jérusalem (Ga 2.1-3). Il ne fut pas obligé de se faire circoncire (Ga 2.3), comme ce fut le cas pour Timothée. Son action fut décisive dans le règlement de l'affaire de Corinthe. Il renversa la situation en faveur de Paul (voir 2Co 7.7) et sut se faire aimer des Corinthiens. Ecrivant à ces derniers, Paul en donne un magnifique témoignage (2Co 7.7,13,15). L'apôtre apprécia son talent et sa charité, puisqu'il le chargea de parachever l'organisation des communautés chrétiennes en Crète (Tt 1.5). Selon 2Tm 4.10, il se trouva probablement avec Paul à Rome pour un temps, lors de la seconde captivité, et partit ensuite en Dalmatie.

Nous commençons par la Deuxième épître à Timothée, qui semble offrir la meilleure prise. Elle paraît être la dernière en date des Epîtres pastorales. Paul y écrit en effet : « J'ai achevé ma course » (4.7). Elle se placerait donc juste avant la mort de l'apôtre.

L'épître se présente comme rédigée à Rome (1.17), au cours d'une captivité particulièrement sévère : Paul est « enchaîné comme un malfaiteur » (2.9). L'apôtre sait que le temps de son départ est proche (4.6), et il se sent terriblement isolé (4.10,16). Luc seul demeure auprès de lui (4.11). Il presse Timothée de le rejoindre au plus vite (4.9). Il est question d'une captivité de Paul à Rome, en Ac 28.30, qu'on peut appeler la première captivité et qui se place vers 61 à 63. Mais les circonstances de cette première captivité ne cadrent nullement avec celles de 2 Tm : Paul demeure alors dans un logis qu'il a loué et peut recevoir librement ceux qui viennent le trouver. Il faut donc, ou bien admettre une seconde captivité pendant laquelle il aurait rédigé sa lettre, captivité dont ne parlent pas les Actes, ou bien récuser les données historiques de la lettre et contester son authenticité intégrale. C'est ainsi que deux solutions ont été soutenues :

1. La première admet l'authenticité des Pastorales et suppose, en conséquence, un second emprisonnement de Paul (deuxième captivité). Arrêté durant la persécution de Néron (entre 64 et juin 68), l'apôtre serait mort martyr à cette époque, peut-être en l'an 67. C'est donc à cette date que remonterait la rédaction de la deuxième épître à Timothée.

2. La seconde solution ne reconnaît pas l'authenticité intégrale des Pastorales et place leur rédaction à une époque nettement plus tardive, vers la fin du Ier ou dans la première moitié du IIe siècle.

La Première épître à Timothée et l'Epître à Tite utilisent le même vocabulaire et traitent des mêmes sujets que la seconde lettre à Timothée. Elles doivent dont être sensiblement de la même époque. Les données qui pourraient amener plus de précision chronologique sont fragiles. On peut simplement avancer que ces deux lettres ne furent rédigées ni avant, ni pendant le troisième voyage missionnaire de Paul, ni après la deuxième à Timothée.

Selon 1Tm 1.3, Paul part pour la Macédoine et laisse Timothée à Ephèse pour y diriger la communauté. Il est improbable que ce séjour de Timothée à Ephèse se situe durant le troisième voyage missionnaire, puisque Timothée demeure tout ce temps dans l'entourage immédiat de Paul. D'autre part, les erreurs qui se sont introduites dans la communauté et que l'apôtre avait prédites dans son discours d'adieu aux anciens (Ac 20.29) laissent supposer que l'Eglise éphésienne était fondée depuis un certain temps déjà. On se trouve donc amené à poser à nouveau l'alternative précédente : ou bien l'on récuse l'historicité de ces données, ou bien l'on suppose que Paul, après sa première captivité romaine, qui s'est terminé vers 63, a repris son ministère apostolique et qu'il a rédigé l'épître après 63, et avant la seconde à Timothée.

La même hypothèse peut être envisagée pour l'Epître à Tite. Selon Tt 1.5, Paul a laissé Tite en Crète pour parachever l'organisation de l'Eglise qu'il y avait fondée. Il lui écrit au cours d'un voyage (Tt 3.12), et lui demande de venir le rejoindre à Nicopolis, pour y passer l'hiver. Si ces données sont exactes, cette activité missionnaire doit se situer dans les années qui suivirent la libération de Paul, vers 63-67.

Dans les Pastorales, on trouve l'écho de bon nombre des grands thèmes pauliniens : la miséricorde divine s'est manifestée en Jésus Christ, qui est venu pour sauver les pécheurs (1Tm 1.12-17) ; l'homme est sauvé par grâce (Tt 3.7) et au moyen de la foi (1Tm 1.16 ; 2Tm 3.15) ; la justification par les œuvres est exclue (Tt 3.5 ; 2Tm 1.9) ; le baptême est mis en relation étroite avec le salut (Tt 3.5) ; le salut des hommes s'effectue conformément au plan éternel de Dieu (1Tm 3.16). A quoi l'on peut encore ajouter les exhortations adressées aux esclaves (1Tm 6.1-2) et celles concernant la position à adopter face aux autorités (1Tm 2.1 ; Tt 3.1). Cependant, si l'on retrouve dans les Pastorales bon nombre des grandes affirmations pauliniennes concernant le salut, elles sont souvent exprimées au moyen d'un autre vocabulaire. Au lieu d'être envisagée avant tout comme le lien qui attache le croyant au Christ, la foi est plutôt conçue comme l'adhésion à la doctrine fixée (1Tm 4.1 ; 6.21), à la « saine doctrine » (1Tm 1.10 ; 2Tm 4.3) ou au « dépôt » transmis à des hommes comme Timothée (1Tm 6.20 ; voir aussi 2Tm 2.2). On remarque aussi l'insistance mise sur la pratique des « bonnes œuvres » (1Tm 2.10 ; 5.10,25 ; etc.), et une conception de la morale que l'on a qualifiée de « bourgeoise » par opposition aux exigences plus radicales des grandes épîtres pauliniennes. L'amour tend à devenir une vertu parmi d'autres, au lieu d'être celle qui commande toutes les autres (1Tm 4.12). Le Saint Esprit est mentionné accessoirement, et l'on constate que la grâce est envisagée dans une perspective assez limitée (Tt 2.11-12). On souligne enfin un affaiblissement de l'attente de la fin, l'accent étant mis sur la nécessité d'une vie pieuse dans le temps présent (Tt 2.11-14). Tous ces traits attestent que l'on est parvenu à une époque plus tardive, où il s'agit non plus de poser les fondements de la foi, mais d'affermir l'Eglise et de l'organiser face aux hérésies qui la menacent.

Organisation : Au moment où la plupart des apôtres ont disparu, l'accent est mis sur la responsabilité des dirigeants des Eglises, épiscopes et anciens. Il ne s'agit cependant pas ici, comme plus tard, de la constitution d'un épiscopat monarchique, car épiscopes et anciens sont pratiquement chargés des mêmes fonctions. Les uns et les autres ont la responsabilité de veiller à communiquer fidèlement l'enseignement qu'ils ont reçu, en ajoutant à leur prédication l'exemple d'une vie sainte (1Tm 3.1-7 ; Tt 1.6-9). Ils doivent affermir les fidèles dans la foi face aux entreprises des faux docteurs. Quant aux diacres, qui doivent également mener une vie exemplaire (1Tm 3.8-13), ils sont chargés de services plus particuliers auprès des malades et des pauvres. De leur côté, les ministères prophétiques ou charismatiques sont mis au deuxième plan, peut-être en raison de désordres tels que ceux qu'avait connus la communauté de Corinthe. Dans l'ensemble, les ministères ne sont pas encore nettement délimités: il s'agit du début d'un mouvement d'organisation que la tradition précisera par la suite.

Hérésies : Les hérésies, contre lesquelles les Pastorales réagissent constamment en appelant à la fermeté doctrinale, sont définies de façon générale. Les faux docteurs, qui semblent agir à l'intérieur même de l'Eglise, sont influencés principalement par des doctrines judaïsantes : ce sont surtout des Juifs (Tt 1.10) qui veulent être docteurs de la loi (1Tm 1.7), qui engagent des controverses au sujet de la loi (Tt 3.9) et recourent à des mythes juifs (Tt 1.14), à des légendes et à des généalogies (1Tm 1.4). Leur enseignement implique aussi l'interdiction du mariage et certains tabous alimentaires (1Tm 4.3), ainsi que l'affirmation que la résurrection a déjà eu lieu (2Tm 2.18). Ces hérésies allaient de pair avec le relâchement moral (voir les nombreux catalogues de vices des Epîtres pastorales).

Mais il ne faut pas se contenter de relever dans les Pastorales les questions d'organisation et les problèmes posés par les hérésies. Il faut encore savoir entendre en elles certains échos du culte de louange de l'Eglise ancienne. Cette louange est particulièrement apparente dans les fragments d'hymnes primitives reproduits dans les Pastorales (1Tm 2.5-6 ; etc.), mais aussi dans plusieurs passages qui exaltent la grandeur du Christ et de son œuvre (1Tm 1.12-17). L'appel à la vigilance, qui retentit sans cesse dans ces épîtres, va de pair avec l'adoration de celui en qui doit s'enraciner la fidélité de l'Eglise.

ÉPÎTRE À TITE

Adresse et salutation

1 Paul, serviteur de Dieu, apôtre de Jésus Christ pour amener les élus de Dieu à la foi et à la connaissance de la vérité conforme à la piété, [ Paul, apôtre 1 Co 1.1
– connaissance de la vérité 1 Tm 2.4
– piété 1 Tm 4.7 ]
2 dans l'espérance de la vie éternelle promise avant les temps éternels par le Dieu qui ne ment pas, 3 et qui, aux temps fixés, a manifesté sa Parole dans un message qui m'a été confié, suivant l'ordre de Dieu notre Sauveur, [ aux temps fixés Ep 1.9-10 ; 1 Tm 2.6
- Dieu a manifesté sa Parole Rm 16.25-26 ; 1 Co 2.7-9 ; Ep 3.5-9 ; Col 1.26
- un message confié à Paul 1 Tm 1.11
- Dieu Sauveur 2 Tm 1.1 ]
4 à Tite, mon véritable enfant dans la foi qui nous est commune : grâce et paix de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Sauveur. [ TtTite 2 Co 2.13
- mon véritable enfant dans la foi 1 Tm 1.2 ]

Organisation de l'Eglise de Crète

5 Si je t'ai laissé en Crète, c'est pour que tu y achèves l'organisation et que tu établisses dans chaque ville des anciens, suivant mes instructions. [ 1 Tm 3.2-7 ; 2 Tm 2.24-26 anciens Ac 11.30 ; 1 Tm 3.1 ] 6 Chacun d'eux doit être irréprochable, mari d'une seule femme, avoir des enfants croyants qu'on ne puisse accuser d'inconduite ou d'insoumission. 7 Il faut en effet que l'épiscope soit irréprochable en sa qualité d'intendant de Dieu : ni arrogant, ni coléreux, ni buveur, ni batailleur, ni avide de gains honteux. [ Voir 1 Tm 3.1 et la note : ] 8 Il doit être hospitalier, ami du bien, pondéré, juste, saint, maître de soi, 9 fermement attaché à la Parole digne de foi, qui est conforme à l'enseignement. Ainsi sera-t-il capable d'exhorter dans la saine doctrine et de réfuter les contradicteurs. [ saine doctrine 1 Tm 1.10 ]

Les faux docteurs

10 Nombreux sont en effet les insoumis, vains discoureurs et trompeurs, surtout parmi les circoncis. [ les circoncis : voir Ac 15.1 ] 11 Il faut leur fermer la bouche. Ils bouleversent des familles entières, en enseignant pour un gain honteux ce qu'il ne faut pas. [ des familles entières 2 Tm 3.6
- pour un gain honteux Jn 10.12 ; 1 P 5.3 ]
12 L'un d'entre eux, leur propre prophète, a dit :
« Crétois, perpétuels menteurs,
bêtes méchantes, panses fainéantes. » [ Citation du poète crétois Epiménide de Cnossos (plus de 500 ans avant Jésus Christ). ] 13 Ce témoignage est vrai. C'est pourquoi reprends-les sévèrement, pour qu'ils aient une foi saine. [ reprendre sévèrement 2 Tm 4.2 ] 14 Qu'ils ne s'attachent pas aux fables juives et aux préceptes d'hommes qui se détournent de la vérité. [ fables 1 Tm 1.4 ] 15 Tout est pur pour ceux qui sont purs. Mais pour ceux qui sont souillés et qui refusent de croire, rien n'est pur ; au contraire, leur intelligence et leur conscience sont souillées. [ Mt 15.11 ; Lc 11.41 ; Rm 14.20 ] 16 Ils font profession de connaître Dieu, mais par leurs œuvres ils le renient. Ils sont abominables, rebelles, inaptes à toute œuvre bonne. [ 1 Jn 1.6 ; 2.4 ]

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