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Vigouroux – 1 Corinthiens 1

1re Lettre de saint Paul aux Corinthiens

Introduction

Corinthe, relevée par Jules César et déclarée colonie romaine, était la capitale de l’Achaïe, et la première ville de Grèce. Elle pouvait avoir quatre cent mille habitants de toute nationalité, grecs, latins, Juifs, etc. Aussi riche que populeuse, elle brillait surtout par son activité et par son luxe. Sa position dans l’isthme qui unit le Péloponnèse à la Grèce, entre la mer Egée à l’Orient et la mer Ionienne à l’Occident, à égale distance de l’Italie et de l’Asie, en faisait le centre d’un commerce considérable. Le commerce lui donnait l’opulence, et l’opulence procurait à ses habitants de quoi satisfaire leur goût pour les arts et pour le plaisir. A peu de distance de ses murs, on célébrait tous les cinq ans des jeux fameux auxquels l’Apôtre fait allusion ; et la ville elle-même était un théâtre d’amusements et de dissolution continuels. On n’y célébrait guère d’autre culte que celui de Vénus. Aussi la vie qu’on y menait était-elle passée en proverbe, et disait-on indifféremment, « vivre en Corinthien, » ou s’abandonner à la volupté. Malgré les obstacles que de telles habitudes devaient mettre à la foi chrétienne, et en dépit de l’opposition des Juifs, saint Paul, animé par une vision céleste, avait réussi à y fonder une Eglise ; et après dix-huit mois de travaux, il l’avait laissée si ferme dans la foi et si fervente qu’elle faisait sa consolation et qu’elle servait de soutien et de modèle aux chrétientés voisines. La plupart des convertis étaient païens d’origine et d’une condition assez humble. Néanmoins, les détails où entre l’Apôtre sur la manière dont se faisait la cène et sur les secours à donner aux chrétiens de Jérusalem, supposent qu’il y avait aussi des chrétiens d’une classe plus élevée. Lui-même, dans son Epître aux Romains, distingue entre les autres Eraste, l’intendant de la cité, et Caïus, qu’il appelle son hôte.

L’authenticité des deux Epîtres de saint Paul aux Corinthiens est attestée par la tradition. Qu’il suffise de citer saint Clément, pape, qui, dans une Lettre adressée par lui aux Corinthiens, une trentaine d’années plus tard, de 92 à 97, leur rappelle la première de ces Epîtres comme une œuvre connue et respectée de tous. « Prenez en main, dit-il l’Epître du bienheureux Paul. Il n’y a pas de doute que l’Esprit-Saint ne lui ait inspiré ce qu’il vous a écrit sur lui-même, sur Céphas et sur Apollo, dans un temps où vous étiez divisés comme aujourd’hui. ». Cette Lettre de saint Clément est le plus ancien monument que nous ayons de la tradition, et l’un de ceux dont l’authenticité est la mieux établie. On la lisait publiquement dans l’Eglise de Corinthe et dans beaucoup d’autres.

La première Epître aux Corinthiens fut écrite d’Ephèse. On en a la preuve dans l’Epître même où saint Paul dit qu’il restera encore quelque temps chez Aquila et Priscille, établis en cette ville depuis son passage à Corinthe.

On voit, au même endroit, que la Pentecôte approchait et que l’Apôtre songeait à un départ prochain. C’était dans sa dernière mission, l’an 56 probablement. Saint Paul était arrivé au milieu de sa carrière apostolique. Il y avait dix ans qu’il prêchait la foi, et quatre ou cinq ans qu’il avait fondé l’Eglise de Corinthe ; mais un grand nombre de disciples, de ceux même qui avaient vu le Sauveur après sa résurrection, étaient encore en vie.

Ce qui lui donna lieu d’écrire cette première Epître, ce fut : ― 1° Un rapport épistolaire sur les divisions naissantes, rapport qui lui avait été adressé par la maison chrétienne de Chloé. ― 2° Un récit oral que venaient de lui faire Stéphanas et ses coadjuteurs dans le gouvernement de cette église, au sujet d’un scandale et de quelque abus. ― 3° Certaines questions de morale et de discipline, dont les Corinthiens lui avaient demandé la solution. ― L’Apôtre fait allusion à ces renseignements, et même, ce semble, aux termes, dont on s’était servi pour le consulter, en divers endroits de son Epître.

On distingue dans cette Epître deux parties, qui répondent au double dessein qu’avait saint Paul de réformer et d’instruire. ― Dans la première, il s’efforce de réformer les abus qui se sont glissés parmi les fidèles de Corinthe. Ces abus sont des divisions, causées par un engouement irréfléchi pour certains prédicateurs, chapitre 1 à 4, et divers scandales donnés à l’Eglise par des particuliers, chapitres 5 et 6. ― Dans la seconde, chapitres 7 à 15, il répond successivement à cinq question qu’on lui avait posées : sur le mariage et le célibat, chapitre 7 ; sur les mets consacrés aux idoles, chapitres 8 à 10 ; sur l’ordre qui doit régner dans les assemblées religieuse, chapitre 11 ; sur l’usage des dons surnaturels, chapitres 12 à 14 ; sur la résurrection, chapitre 15.

Comme on le voit, cette Epître diffère beaucoup par son objet et par sa forme de l’Epître aux Romains. Elle ne ressemble en rien à une dissertation ni à un traité dogmatique. C’est une suite d’avis, de réflexions, de solutions, inspirées par les circonstances et réparties en sept articles. Il n’est pas décrit qui fasse mieux connaître, soit l’esprit de l’Apôtre, soit la discipline et les mœurs de ces premiers temps. (L. BACUEZ.)

Saint Paul salue les fidèles de Corinthe. Il rend grâces à Dieu des dons surnaturels qu’il a répandus sur eux. Il les exhorte à éviter les divisions. Sagesse humaine réprouvée de Dieu. Croix, scandale aux yeux des Juifs, folie aux yeux des gentils, force de Dieu pour sauver ceux qui croient. Dieu confond les puissants par les faibles, afin que nul ne se glorifie qu’en lui.

1 Paul, appelé à être apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu, et Sosthène notre frère, [1.1 Sosthène. Voir Actes des Apôtres, 18, 17.]2 à l'Eglise de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus, appelés saints, et à tous ceux qui invoquent le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, en quelque lieu qu'ils soient et que nous soyons nous-mêmes. [1.2 Appelés saints. Voir Actes des Apôtres, 9, 13]3 Que la grâce et la paix vous soient données par Dieu notre Père et par le Seigneur Jésus-Christ. 4 Je rends grâces continuellement à mon Dieu pour vous, à cause de la grâce de Dieu, qui vous a été donnée dans le Christ Jésus ; 5 car en lui vous êtes devenus riches en toutes choses, en toute parole et en toute science, [1.5-7 Les éloges que saint Paul donne ici aux Corinthiens, et les faveurs dont il parle, s’adressent au corps de l’Eglise de Corinthe, et non point à chacun des membres en particulier. Les éloges sont pour les parfaits, les leçons et les reproches pour les imparfaits. Cette observation suffit pour justifier l’Apôtre de la contradiction que plusieurs lui ont reproché sur ce point.]6 le témoignage du Christ ayant été ainsi confirmé parmi vous, [1.6 Le témoignage du Christ ; c’est-à-dire le témoignage qui a été rendu au Christ par la prédication de l’Evangile.]7 de sorte qu'il ne vous manque aucune grâce, à vous qui attendez la manifestation de Notre Seigneur Jésus-Christ, 8 lequel vous affermira encore jusqu'à la fin, pour que vous soyez irréprochables au jour de l'avènement de Jésus-Christ Notre Seigneur. 9 Il est fidèle le Dieu par lequel vous avez été appelés à la société de son Fils, Jésus-Christ Notre Seigneur. [1.9 Voir 1 Thessaloniciens, 5, 24.]10 Or je vous exhorte, mes frères, par le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à tenir tous un même langage, et à n'avoir point de schismes parmi vous, mais à être tous bien unis dans un même esprit et dans un même sentiment. 11 Car j'ai été informé à votre sujet, mes frères, par ceux de la maison de Chloé, qu'il y a des contestations parmi vous. [1.11 Chloé ne nous est connue que par ce passage. Mes frères : Paul emploie souvent cette formule pour faire accepter quelque reproche sévère. ― Les gens, les esclaves ou les enfants (voir Romains, 16, 11) de Chloé, quelque pieuse dame d’Ephèse qui, après un voyage à Corinthe, aura instruit saint Paul de la situation de cette Eglise.]12 Je veux dire que chacun de vous parle ainsi : Moi je suis à Paul ; et moi, à Apollo ; et moi, à Céphas ; et moi, au Christ. [1.12 Voir Actes des Apôtres, 18, 24. ― Apollo, Céphas. « Plusieurs pensent que ce sont là des noms fictifs, mis en avant par l’Apôtre pour éviter aux véritables chefs de parti la confusion de se voir désigner publiquement. Mais ce sentiment s’accorde mal avec ce qu’on lit dans la première épître de saint Clément. Saint Paul a bien pu omettre certains noms ; mais ceux qu’il cite ne paraissent pas imaginaires. On sait par saint Luc qu’Apollo avait séjourné à Corinthe, qu’il avait succédé à saint Paul pour la prédication, et qu’on avait applaudi son éloquence. Quant à saint Pierre, saint Denys, évêque de Corinthe vers le milieu du second siècle, nous apprend que son Eglise le tenait pour son fondateur aussi bien que saint Paul. Il est probable que le chef des Apôtres avait passé par cette ville en se rendant à Rome, ou qu’il s’y était retiré avec Prisque et Aquila au moment où un décret de Claude obligea tous les Juifs à s’éloigner de la capitale de l’empire. ― Quoi qu’il en soit, le reproche que saint Paul fait ici aux Corinthiens ne saurait fournir aucun appui à la fable du pétrinisme et du paulinisme, imaginée par Baur et son école. Les partis dont parle saint Paul sont de simples coteries qui n’accusent aucun dissentiment en manière de croyance, et qui n’ont pu avoir de durée ni s’étendre au-delà de Corinthe. Les Apôtres y restent complètement étrangers. » (L. BACUEZ.)]13 Le Christ est-il divisé ? Est-ce que Paul a été crucifié pour vous ? ou avez-vous été baptisés au nom de Paul ? 14 Je rends grâces à Dieu de ce que je n'ai baptisé aucun de vous, excepté Crispus et Caïus ; [1.14 Voir Actes des Apôtres, 18, 8. ― Crispus était le chef de la synagogue de Corinthe. Voir Actes des Apôtres, note 18.8. ― Caïus donnait l’hospitalité à saint Paul à Corinthe (voir Romains, 16, 23). Origène dit qu’il devint évêque de Thessalonique.]15 afin que personne ne dise que vous avez été baptisés en mon nom. 16 J'ai encore baptisé la famille de Stéphanas ; au reste, je ne sais pas si j'en ai baptisé quelque autre. [1.16 Stéphanas est mentionné de nouveau plus loin, voir 1 Corinthiens, 16, 16-17, comme l’un des premiers convertis de l’Achaïe. Il était avec saint Paul à Ephèse, quand l’Apôtre écrivit cette première Epître aux Corinthiens. D’après saint Jean Chrysostome, Stéphanas s’était rendu à Ephèse pour consulter saint Paul sur des questions de discipline. D’autres croient que le motif du voyage avait été un but charitable. Peut-être les assemblées des fidèles avaient-elles lieu dans sa maison à Corinthe.]17 En effet, le Christ ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais pour prêcher l'Evangile : non point avec la sagesse de la parole, afin que la croix du Christ ne soit pas rendue vaine. [1.17 Voir 2 Pierre, 1, 16 ; 1 Corinthiens, 2, 1. ― Parce que le Christ, etc. Ces paroles ne signifient pas que le baptême n’est pas fonction et l’objet principal de la mission des apôtres, mais que la prédication était l’œuvre principale de la mission de saint Paul.]18 Car la parole de la croix est une folie pour ceux qui périssent ; mais pour ceux qui sont sauvés, c'est-à-dire pour nous, elle est la puissance (vertu) de Dieu. [1.18 Voir Romains, 1, 16.]19 Aussi est-il écrit : Je détruirai la sagesse des sages, et je réprouverai la prudence des prudents. [1.19 Voir Isaïe, 29, 14.]20 Où est le sage ? où est le scribe ? où est le disputeur de ce siècle ? Dieu n'a-t-il pas frappé de folie la sagesse de ce monde ? 21 Car parce que le monde, avec sa sagesse, n'a pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication. 22 En effet, les Juifs demandent des miracles, et les Grecs cherchent la sagesse ; [1.22 Les Juifs ne demandaient pas de simples miracles, car Jésus-Christ et les Apôtres en opéraient un grand nombre qu’ils reconnaissaient et qu’ils proclamaient eux-mêmes, puisqu’ils les attribuaient au démon, mais ils demandaient, sans aucun droit, des prodiges d’un certain genre, des prodiges qui vinssent immédiatement du ciel.]23 mais nous, nous prêchons le Christ crucifié, (vrai) scandale pour les Juifs, et folie pour les païens (gentils), 24 mais pour ceux qui sont appelés, soit Juifs, soit Grecs, le Christ puissance (vertu) de Dieu et sagesse de Dieu. 25 Car ce qui est folie en Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort que les hommes. [1.25 Ce qui, dans les voies de Dieu, paraît folie au monde, est certainement très sage, et ce qui paraît faiblesse est au-dessus de toute force humaine.]26 Voyez, mes frères, quels sont parmi vous ceux qui ont été appelés : il n'y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles (grands). 27 Mais Dieu a choisi les choses folles du monde, pour confondre les sages ; et Dieu a choisi les choses faibles du monde, pour confondre les forts ; 28 et Dieu a choisi les choses viles du monde et les choses méprisables, et celles qui ne sont rien, pour détruire celles qui sont, [1.28 Les choses qui ne sont pas ; c’est-à-dire de peu de valeur, de rien.]29 afin que nulle chair ne se glorifie devant lui. [1.29 Nulle chair, aucun homme. Voir Matthieu, 24, 22.]30 C'est par lui que vous êtes dans le Christ Jésus, qui est devenu pour nous, de la part de Dieu, sagesse, justice, sanctification et rédemption ; [1.30 Voir Jérémie, 23, 5.]31 afin que, selon qu'il est écrit, celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur. [1.31 Voir Jérémie, 9, 23-24 ; 2 Corinthiens, 10, 17.]

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