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Vigouroux – 2 Pierre 1

2e Lettre de saint Pierre

Introduction

Il n’est pas permis de mettre en doute l’authenticité de cette Epître, ni d’en placer la date après la mort de saint Pierre, puisqu’elle-même désigne cet apôtre comme son auteur, et qu’elle est reconnue par toute l’Eglise comme inspirée. Cependant elle ne s’est pas propagée aussi vite que la première ; et l’on voit qu’au deuxième et au troisième siècles, elle était l’objet de certaines hésitations. Dans plusieurs Eglises, on doutait qu’elle fût du Prince des Apôtres, non qu’on ne la jugeât pas digne de lui, mais parce qu’elle semblait avoir un style différent de celui de la précédente et qu’on y trouvait renfermée une partie de celle de saint Jude. Aussi est-elle du nombre des livres deutérocanoniques, comme l’Epître de saint Jacques. Ces doutes n’ont pourtant pas empêché qu’elle n’ait été reçue généralement en Occident comme en Orient, dès le milieu du quatrième siècle. Si elle diffère de la précédente à quelques points de vue, si elle a un style plus énergique et plus vif, elle s’en rapproche aussi sous certains rapports, par ses citations de l’Ancien Testament, par ses allusions fréquentes aux mystères de Notre-Seigneur, par des expressions singulières et pittoresques, par plusieurs de ses pensées, par la construction de ses périodes et par la manière dont sont énoncées ses maximes. D’ailleurs, quelque différence qu’il y ait sous ce rapport entre l’une et l’autre, on s’en étonnera peu, si l’on tient compte de ce que rapporte la tradition, que saint Pierre s’est servi de divers secrétaires pour rendre ses pensées. Des auteurs du second siècle ont nommé saint Marc et Glaucias comme lui ayant servi d’interprètes. Peut-être Sylvanus a-t-il été son secrétaire comme son messager pour sa première Epître.

Comme les hérétiques qu’il combattait dans sa première Epître continuaient à nier la nécessité des bonnes œuvres, saint Pierre, averti par Notre-Seigneur de la proximité de sa mort, crut qu’une seconde Lettre, laissée comme son testament aux fidèles dont il avait la confiance, serait le moyen le plus efficace pour les détourner de l’erreur et les maintenir dans la bonne voie. Telle est l’idée qui a inspiré ce dernier écrit. Le Prince des Apôtres ne se contente pas de condamner l’erreur et de la flétrir : il démasque les séducteurs ; il dénonce à l’avance ceux qui se préparent à désoler l’Eglise ; il réfute leurs erreurs et en signale les funestes effets.

On remarque une certaine gradation dans l’exposé de ses idées. ― Au premier chapitre, il inculque les grands principes qui obligent les chrétiens à la pratique des vertus, et il fait sentir la certitude de la doctrine des Apôtres. Elle ne repose pas sur des imaginations ou des théories savantes, comme celles des gnostiques, mais sur des faits, c’est-à-dire, sur des miracles, dont ils ont été témoins et sur des prophéties dont l’accomplissement est manifeste. ― Dans le second, il dévoile et flétrit les maximes et les mœurs des hérétiques et surtout des hérésiarques. ― Dans le troisième, il réfute les raisons par lesquelles ils cherchaient à ébranler la foi des chrétiens ; et parce qu’ils abusaient de certains passages de saint Paul pour autoriser leurs erreurs, il invoque lui-même le témoignage de l’Apôtre, caractérise ses Epîtres et en fait sentir la divine autorité. (L. BACUEZ.)

Dons de Dieu accordés aux fidèles. Enchaînement des vertus qui commencent par la foi et qui se terminent par la charité. Affermir son élection par les bonnes œuvres. Transfiguration de Jésus-Christ. Usage des prophéties.

1 Simon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus-Christ, à ceux qui ont reçu avec nous une foi du même prix, par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ. 2 Que la grâce et la paix vous soient multipliées par la connaissance de Dieu et du Christ Jésus Notre Seigneur. 3 Puisque sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété, en nous faisant connaître celui qui nous a appelés par sa propre gloire et par sa vertu, 4 et qu’il nous a donné les (plus) grandes et les (plus) précieuses promesses, afin que par elles vous deveniez participants de la nature divine, en fuyant la corruption de la concupiscence qui existe dans le monde, 5 vous aussi, (vous) apportez tous vos soins pour joindre à votre foi la vertu, à la vertu la science, [1.5 Apportez aussi, etc., est l’apodose de Comme tout ce qui est, etc., du verset 3.]6 à la science la tempérance, à la tempérance la patience, à la patience la piété ; 7 à la piété l’amour de vos frères, à l’amour de vos frères la charité. 8 Car si ces choses sont en vous, et qu’elles y croissent (dominent), elles ne vous laisseront ni stériles ni infructueux dans la connaissance de Notre Seigneur Jésus-Christ ; 9 car celui en qui elles ne sont pas est aveugle et marche à tâtons, ayant oublié la purification de ses anciens péchés. 10 C’est pourquoi, mes frères, appliquez-vous davantage à affermir (rendre certaines) par les (vos) bonnes œuvres votre vocation et votre élection ; car, en faisant cela, vous ne pécherez jamais, [1.10 Ainsi notre vocation et notre élection sont liées l’une à l’autre et dépendent de nos bonnes œuvres. Dieu, en nous prédestinant à la béatitude éternelle, ne nous y a prédestinés qu’autant qu’il a prévu que nous coopérerions à sa grâce par nos bonnes œuvres.]11 et ainsi vous sera pleinement accordée l’entrée dans le royaume éternel de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. 12 Voilà pourquoi j’aurai soin de vous rappeler constamment ces choses, quoique vous les connaissiez et que vous soyez affermis dans la vérité présente. 13 J’estime qu’il est juste, aussi longtemps que je suis dans cette tente, de vous tenir en éveil en vous les rappelant ; 14 car je sais que je quitterai bientôt ma tente, comme Notre Seigneur Jésus-Christ me l’a fait connaître. [1.14 Voir Jean, 21, 19. ― Jésus-Christ avait prédit à saint Pierre qu’il mourrait d’une mort violente ; mais outre cette révélation générale, saint Pierre en eut d’autres particulières, selon plusieurs Pères.]15 Mais j’aurai soin que, même après mon départ, vous puissiez toujours conserver le souvenir de ces choses. 16 Ce n’est pas, en effet, en suivant des fables ingénieuses que nous vous avons fait connaître la puissance et l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ ; mais c’est après avoir été les témoins oculaires (spectateurs) de sa majesté. [1.16 Voir 1 Corinthiens, 1, 17.]17 Car il reçut de Dieu le Père honneur et gloire, lorsque (descendant de) la gloire magnifique lui fit entendre une voix qui disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je me suis complu ; écoutez-le. [1.17 Voir Matthieu, 17, 5. ― De la gloire magnifique ; c’est-à-dire de la nuée où la gloire de Dieu parut avec un grand éclat.]18 Et nous avons entendu nous-mêmes cette voix qui venait du ciel, lorsque nous étions avec lui sur la sainte montagne. 19 Nous avons aussi la parole des prophètes, d’autant plus certaine, à laquelle vous faites bien de prêter attention comme à une lampe qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à paraître, et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs ; [1.19 La certitude des anciennes prophéties était plus affermie dans l’esprit des Juifs, qui avaient toujours cru au témoignage des prophètes, mais qui avaient peine à croire au témoignage des Apôtres, et à qui les Apôtres étaient obligés de dire pour les convaincre : Ce ne sont pas des fables que nous vous prêchons, mais ce que nous vous disons, nous l’avons vu de nos yeux, et c’est ce que les prophètes mêmes vous ont annoncé.]20 étant persuadés avant tout qu’aucune prophétie de l’Ecriture ne s’explique par une interprétation particulière. [1.20 Voir 2 Timothée, 3, 16. ― Nulle prophétie. On a pu déjà remarquer que, dans le langage des Hébreux, le mot tout, suivi d’une négation, signifiait pas un seul, nul, aucun.]21 Car ce n’est pas par une volonté humaine que la prophétie a été autrefois apportée ; mais c’est inspirés par l’Esprit-Saint que les saints hommes de Dieu ont parlé.

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