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Vigouroux – Baruch 1

Baruch

Observations générales

1. Dans notre Introduction historique et critique, etc., nous avons prouvé l’authenticité et la canonicité du livre de Baruch contre les Juifs et les protestants en général, mais particulièrement contre les critiques et les exégètes d’Allemagne ; nous nous bornerons ici à quelques observations sur le texte original et les principales verrions de ce livre, que plusieurs anciens Pères de l’Eglise ont cité sous le nom de Jérémie, soit parce qu’autrefois les écrits des deux prophètes ne formaient qu’un même volume, soit parce que Baruch a inséré dans son livre, non seulement les oracles que Dieu lui a inspirés, mais encore ceux qu’il avait entendus de la bouche de Jérémie, son maître, et qu’il n’avait pas mis par écrit de son vivant.

2. On ne saurait douter que le livre de Baruch n’ait été originairement écrit en hébreu ; car, outre qu’il est plein d’hébraïsmes, on n’y découvre point cette enflure et cette affectation des Juifs hellénistes, qu’on remarque si facilement dans le livre de la Sagesse, par exemple, et dans le second des Machabées. Tout, au contraire, y est simple et parfaitement d’accord avec la construction de la langue hébraïque. Mais le texte primitif a été perdu depuis longtemps ; car dans la préface de la version de Jérémie, saint Jérôme dit : « Quant au petit livre de Baruch qui se trouve dans l’édition des Septante, nous n’en parlerons pas, les Juifs ne le lisent pas ; ils ne le possèdent même plus. » Cependant il existait encore dans le second siècle, puisque Théodotion le traduisit en grec, comme nous l’avons prouvé dans notre Introduction historique et critique, etc., en répondant aux difficultés proposées par certains critiques allemands de ces derniers temps.

3. La version la plus ancienne du livre de Baruch est la version grecque, qui tient lieu maintenant de l’original. Une preuve évidente de sa haute quantité, c’est qu’elle se trouve dans la Bible des Septante. La traduction latine qui fait partie de notre Vulgate a été composée sur la version grecque ; elle n’est pas de saint Jérôme, elle remonte beaucoup plus haut que l’époque à laquelle vivait ce saint docteur. Comme l’Eglise latine a toujours reconnu la canonicité du livre de Baruch, cette traduction doit être au moins du second siècle de l’ère chrétienne. Il y a eu d’autres versions du livre de Baruch, par exemple, la syriaque et l’arabe ; mais ce n’est pas ici le lieu d’en parler. (J.-B. GLAIRE.)

4. Baruch, fils de Nérias, était le fidèle disciple et le secrétaire de Jérémie, voir Jérémie, 32, 12 ; 36, vv. 4, 10, 32. Il appartenait à une bonne famille de la tribu de Juda, voir Jérémie, note 51.59 ; son frère Saraïas faisait partie de la cour de Sédécias. Ses ennemis l’accusèrent d’être partisan des Chaldéens, et d’influencer Jérémie en faveur de ces derniers, voir Jérémie, 43, 3. La quatrième année de Joakim, il alla lire au roi les prophéties de son maître, qu’il avait écrites sous sa dictée, et il les écrivit une seconde fois de la même manière, quand le roi eut jeté au feu la première édition, voir Jérémie, chapitre 36. Les persécutions qu’il eut à subir lui causèrent un moment de découragement, mais il ne dura pas, voir Jérémie, chapitre 45. Plus tard, sous le règne de Sédécias, il fut mis en prison avec Jérémie, et il y resta jusqu’à la prise de Jérusalem (588), il se retira alors à Masphath, et fut ensuite forcé, comme Jérémie, de suivre les Juifs fugitifs en Egypte, voir Jérémie, 43, 6. Il alla enfin à Babylone et il y mourut. Quelques-uns croient qu’il avait déjà visité cette ville la quatrième année de Sédécias (594), avec une ambassade royale dont son frère faisait partie et qui s’y était rendue, sur la demande de Jérémie, pour consoler les captifs. Voir Jérémie, 51, 61.

Le style de Baruch, sans avoir la magnificence d’Isaïe, est remarquable, et l’on sait l’admiration qu’il avait inspirée à La Fontaine ; après l’avoir lu, il demandait à tous ceux qu’il rencontrait : « Avez-vous lu Baruch ? C’était un grand génie. »

Les cinq premiers chapitres de la prophétie sont de Baruch ; le sixième contient une lettre de Jérémie. La plupart des protestants et les rationalistes nient l’authenticité du tout. ― I. Les cinq premiers chapitres sont réellement l’œuvre de Baruch, comme l’affirme le titre, chapitre 1, verset 1. ― 1° On conteste, il est vrai, l’autorité de ce titre, mais c’est sans fondement. Il porte, chapitre 1, verset 2, que Baruch écrivit sa prophétie la cinquième année après la ruine de Jérusalem, en 583. C’est inadmissible, dit-on, parce que Baruch avait accompagné Jérémie en Egypte, voir Jérémie, 43, 6. Mais il est facile de répondre qu’il ne suit nullement, de ce que Baruch était allé en Egypte en 588 ou 587, qu’il n’était pas en Chaldée en 583. ― 2° On prétend trouver dans le cours du livre des passages qui indiquent qu’il a été écrit après la fin de la captivité et après la reconstruction du temple, voir Baruch, 1, vv. 10, 14 ; 2, 26. ― L’auteur parle incontestablement, dans ces passages, de l’autel du Seigneur et de la maison de Dieu, mais c’est de la maison de Dieu ruinée et de l’autel sur lequel on continuait d’offrir des sacrifices comme dans les passages analogues de Jérémie. ― II. Quant à l’authenticité de la lettre de Jérémie, chapitre 6, le titre l’attribue à ce prophète, et il est confirmé par ce que dit le second livre des Machabées, chapitre 2, versets 1 et 2.

Le livre de Baruch se partage en deux parties principales, du chapitre 1 au chapitre 3, verset 8, et du chapitre 3, verset 9 au chapitre 5. ― La lettre de Jérémie, placée à la fin, en forme comme un appendice. ― I. La première partie renferme : ― 1° une introduction, chapitre 1, versets 1 à 14, et 2° une prière qui se subdivise en deux sections ; la première section est une sorte de confession dans laquelle le peuple captif reconnaît ses péchés, du chapitre 1, verset 15 au chapitre 2 ; dans la seconde section, les coupables repentants demandent à Dieu de mettre un terme au châtiment qu’ils reconnaissent avoir mérité, chapitre 3, versets 1 à 8. ― II. La seconde partie contient un discours de Baruch. ― 1° Il exhorte le peuple à chercher la vraie sagesse et à se convertir, du chapitre 3, verset 9 au chapitre 4, verset 8. Les versets 36 à 38 du chapitre 3 renferment une prophétie messianique remarquable, dans laquelle la plupart des Pères ont vu la même pensée que celle exprimées dans l’Evangile de saint Jean : Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous. ― 2° Il console les captifs, leur recommande d’être fermes et courageux, et leur promet qu’ils seront vengés, chapitre 4, versets 9 à 29. ― 3° Il s’adresse à Jérusalem elle-même, et lui annonce que ses fils, emmenés avec ignominie sur la terre étrangère, reviendront à elle avec gloire, du chapitre 4, verset 30 au chapitre 5.

Prologue du livre de Baruch. Ce livre fut lu devant les Juifs captifs à Babylone, et envoyé par eux à leurs frères de Jérusalem. Livre de Baruch, où d’abord ce prophète confesse au nom de son peuple la justice des châtiments que le Seigneur exerce sur eux.

1 Voici les paroles du livre qu’écrivit Baruch, fils de Nérias, fils de Maasias, fils de Sédécias, fils de Sédéi, fils d’Helcias, à Babylone, 2 la cinquième année, le septième jour du mois, au temps où les Chaldéens prirent Jérusalem et la brûlèrent. [1.2 Du mois de nisan ; qui était le premier de l’année ; ou de sivan, le troisième, dont il est parlé au verset 8 ; ou enfin du cinquième, parce que l’auteur ayant désigné la cinquième année, sans déterminer le mois, donne à entendre qu’il s’agit du cinquième. ― La cinquième année après la prise de Jérusalem, en 583. Voir 4 Rois, 25, 8.]3 Et Baruch lut les paroles de ce livre aux oreilles de Jéchonias, fils de Joakim, roi de Juda, et aux oreilles de tout le peuple qui venait entendre cette lecture (le livre), [1.3 Jéchonias ; prisonnier à Babylone.]4 et aux oreilles des grands, des fils des rois (princes), et aux oreilles des anciens (prêtres), et aux oreilles du peuple, depuis le plus petit jusqu’au plus grand de tous ceux qui habitaient à Babylone, près du fleuve Sodi. [1.4 Sodi ; en grec Soud, est selon les uns un fleuve qui se déchargerait dans l’Euphrate, ou un de ses grands canaux ; selon les autres, c’est l’Euphrate même, appelé Sodi, c’est-à-dire le superbe, à cause de l’abondance et de l’impétuosité de ses eaux ; l’hébreu zoud, qu’on transcrit aussi soud, signifiant entre autres choses, être enflé d’orgueil.]5 En écoutant ils pleuraient, et ils jeûnaient, et ils priaient en présence du Seigneur. 6 Et ils recueillirent de l’argent, selon ce que la main de chacun put donner, 7 et ils l’envoyèrent à Jérusalem, à Joakim, fils d’Helcias, fils de Salom, le prêtre, et aux autres prêtres, et à tout le peuple qui se trouvait avec lui à Jérusalem, [1.7 Joakim, fils d’Helcias, n’était pas le grand-prêtre, mais probablement celui qui en tenait la place à Jérusalem.]8 après qu’il eut reçu les vases du temple du Seigneur, qui avaient été emportés du temple, pour les rapporter dans le pays de Juda, le dixième jour du mois de Sivan ; c’étaient les vases d’argent que Sédécias, fils de Josias, roi de Juda, avait fait faire, [1.8 Du temple du Seigneur. Il faut entendre par là les ruines du temple sur lesquelles les Juifs avaient élevé un autel pour offrir leurs sacrifices (Comparer à Jérémie, 41, 5). Ainsi disparaît la prétendue contradiction que les incrédules trouvent dans ce chapitre. ― Sivan ; commençait à la nouvelle lune de juin.]9 lorsque Nabuchodonosor, roi de Babylone, eut pris Jéchonias, et les princes, et tous les grands, et le peuple du pays, et les eut emmenés captifs (enchaînés) à Babylone. 10 Et ils dirent : Nous vous avons envoyé de l’argent ; achetez-en des holocaustes et de l’encens, et faites-en des sacrifices, et des offrandes (oblations) pour le péché, à l’autel du Seigneur notre Dieu ; [1.10 Des oblations ; selon la Vulgate et les Septante, manna. C’est le mot hébreu minhâ, qui a été modifié dans sa prononciation, et qui signifie proprement le sacrifice non sanglant, tel que les offrandes de pain, de liqueurs, de froment, de farine, de vin.]11 et priez pour la vie de Nabuchodonosor, roi de Babylone, et pour la vie de Baltassar son fils, afin que leurs jours soient comme les jours du ciel sur la terre ; [1.11 Son fils ; c’est-à-dire son petit-fils et fils d’Evilmérodach, fils aîné lui-même de Nabuchodonosor et son successeur immédiat. Dans toutes les langues, le mot fils se prend souvent pour petit-fils, comme un aïeul est fréquemment qualifié de père. Selon une tradition des Juifs, Evilmérodach était alors en disgrâce, et Baltassar était considéré comme l’héritier présomptif du royaume. Ceci explique pourquoi l’écrivain sacré ne nomme pas ici Evilmérodach. ― Baltassar ne doit pas désigner ici celui du temps duquel Babylone fut prise. ― Comme les jours du ciel ; c’est-à-dire des jours sans fin. Comparer à Psaumes, 88, 27.]12 et afin que le Seigneur nous donne la force, et qu’il éclaire nos yeux, pour que nous vivions à l’ombre de Nabuchodonosor, roi de Babylone, et à l’ombre de Baltassar, son fils, pour que nous les servions longtemps, et que nous trouvions grâce devant eux. 13 Priez aussi le Seigneur notre Dieu pour nous, car nous avons péché contre le Seigneur notre Dieu, et sa colère ne s’est pas détournée de nous jusqu’à ce jour. 14 Lisez aussi ce livre, que nous vous avons envoyé pour qu’il soit lu dans le temple du Seigneur, au (en un) jour solennel et au (en un) jour favorable. [1.14 Dans le temple du Seigneur. Voir le verset 8. ― En un jour favorable (in die opportuno) ; selon les Grecs, dans des jours d’opportunité ; ce qu’on explique par dans les jours des fêtes fixes, déterminées.]15 Et vous direz : La justice appartient au Seigneur notre Dieu, mais à nous la confusion de notre visage, comme il paraît en ce jour pour tout Juda et pour les habitants de Jérusalem, [1.15 Voir Baruch, 2, 6. ― Et vous direz, etc. Ici, suivant plusieurs, commence le livre même de Baruch, le livre mentionné aux versets 1, 3 et 14.]16 pour nos rois, et nos princes, et nos prêtres, et nos prophètes, et nos pères. 17 Nous avons péché devant le Seigneur notre Dieu, et nous ne l’avons pas cru, manquant de confiance en lui, [1.17 Voir Daniel, 9, 5.]18 et nous ne lui avons pas été soumis, et nous n’avons pas écouté la voix du Seigneur notre Dieu, pour marcher selon les préceptes (commandements) qu’il nous a donnés. 19 Depuis le jour où il a tiré nos pères du pays d’Egypte jusqu’à ce jour, nous avons été incrédules envers le Seigneur notre Dieu ; et dans la dissipation de notre esprit (disséminés), nous nous sommes retirés, pour ne pas entendre sa voix. 20 Aussi des maux nombreux se sont-ils attachés à nous, avec les malédictions que le Seigneur avait prédites à Moïse, son serviteur, qui a fait sortir nos pères du pays d’Egypte, pour nous donner une terre où coulent le lait et le miel, comme on le voit aujourd’hui. [1.20 Les malédictions, etc. Voir Lévitique, chapitre 26 ; Deutéronome, chapitres 28 et 29.]21 Et nous n’avons pas écouté la voix du Seigneur notre Dieu, selon toutes les paroles des prophètes qu’il nous a envoyés ; 22 et chacun de nous s’est laissé aller au sens de son cœur corrompu (méchant), pour servir des dieux étrangers, et pour commettre ce qui est mal aux yeux du Seigneur notre Dieu.

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