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Vigouroux – Esther 1

Livre d’Esther

Introduction

L’auteur du livre d’Esther est inconnu. Le Talmud l’attribue à la grande Synagogue&nnbsp;; Clément d’Alexandrie, Aben Esra, etc., à Mardochée. Esther, 9, 20, semble appuyer cette dernière opinion, mais le verset 31 du même chapitre prouve que la fin, du moins, n’est pas de lui. On peut cependant admettre que la plus grande partie de cette histoire a été rédigée par Mardochée.

Ce qui est certain, c’est que la forme même du récit suppose que l’empire perse est encore debout, car le narrateur en connaît parfaitement les coutumes, ainsi que les habitudes et la cour ; il en appelle de plus aux annales des Mèdes et des Perses, voir Esther, 10, 2. Il écrivait donc en Perse, à Suse même ; ce qui est confirmé, en outre, par l’absence d’allusions à Juda et à Jérusalem ; on ne peut même douter qu’il n’ait vécu à la cour, à cause des détails circonstanciés qu’il donne sur le grand banquet d’Assuérus, de la connaissance qu’il a des noms des grands officiers et des eunuques, de la femme et des enfants d’Aman, etc.

Le style, dans le texte original, est simple et généralement pur, mélangé seulement de quelques mots perses et de quelques expressions araméennes comme on en on trouve dans Esdras et dans certaines parties des Paralipomènes.

Le nom de Dieu ne se trouve pas une seule fois dans la partie protocanonique du livre d’Esther, peut-être parce qu’elle fut écrite à Suse, au milieu des païens ; mais s’il n’y est pas nommé, il paraît partout ; c’est sa Providence qui dispose tous les événements et qui fait triompher les Juifs des pièges de leurs ennemis.

A la fin du livre d’Esther, saint Jérôme a placé un certain nombre de fragments dont nous ne possédons plus le texte original ; ils se lisent dans la Bible grecque, et ils avaient été traduits, de cette dernière source, dans l’ancienne Italique. Ces fragments sont rejetés par les protestants comme apocryphes. Ils forment la partie deutérocanonique du livre d’Esther et on y lit plusieurs fois le nom de Dieu. L’Eglise les range parmi les récits inspirés, de même que les autres parties de la Sainte Ecriture.

La scène se passe à la cour d’Assuérus (hébreu Akhaschvérosch). Assuérus est Xerxès Ier, fils de Darius Ier, fils d’Hystaspe, qui régna de l’an 485 à l’an 465 avant Jésus-Christ. La forme hébraïque Akhaschvérosch correspond à la forme perse Kschayarscha, en la faisant précéder de l’aleph prosthétique. Ce qui est dit de l’étendue de l’empire perse, des usages de la cour et enfin de l’humeur capricieuse d’Assuérus, convient parfaitement à Xerxès. Les auteurs grecs et latins, en citant d’autres traits de son caractère, nous le présentent sous le même jour que l’écrivain hébreu : sensuel, vindicatif, cruel, extravagant.

Assuérus régnait depuis l’Inde jusqu’à l’Ethiopie, sur 127 provinces, qu’il ne faut pas confondre avec les 20 satrapes que Darius, fils d’Hystaspe, avait établies dans ses Etats. Les provinces étaient les subdivisions géographiques et ethnographiques de l’empire ; les satrapes étaient une division administrative plus générale, faite en vue du prélèvement des tributs.

Au moment où commence le récit, Assuérus est à Suse, capitale de la province de Susiane, ville forte, où le roi des Perses passait plusieurs mois de l’année. La troisième année de son règne, en 482 avant Jésus-Christ, il donna un splendide festin à tous les grands de son royaume, pendant cent quatre-vingt jours, ce qu’il faut entendre en ce sens qu’ils vinrent les uns après les autres et que des premiers aux derniers invités, il s’écoula un espace de cent quatre-vingt jours.

La reine Vasthi, en ancien perse, Vahista, excellente, donna aussi un banquet à ses femmes. La reine prenait d’ordinaire ses repas avec le roi, mais non dans les festins publics. Assuérus lui ordonna de venir montrer sa beauté à ses convives, elle refusa, non sans raison, de paraître devant des gens ivres. Le message lui avait été apporté par les sept eunuques, dont le nombre correspond à celui des sept Amschaspands. Le roi, irrité de sa désobéissance, la répudia.

Par une permission particulière de la Providence, une Juive, nommé Edissa, myrte, qui prit le nom perse d’Esther ou Astre, remplaça comme reine la fière Vasthi, en 479 ou 478. C’était la nièce de Mardochée. Dieu préparait ainsi la délivrance des Juifs, comme on va le voir dans le récit sacré.

Festin donné par Assuérus. La reine Vasthi refuse d’y venir. Assuérus la répudie.

1 Au temps d’Assuérus, qui régna depuis les Indes jusqu’à l’Ethiopie, sur cent vingt-sept provinces, [1.1 Assuérus. Xerxès Ier. Voir l’Introduction.]2 lorsqu’il s’assit sur le trône de son royaume, Suse était la capitale (première ville) de son empire. [1.2 Suse, capitale de la Susiane, sur l’Eulæus, une des résidences des rois de Perse.]3 La troisième année de son règne il fit un festin magnifique à tous les princes et à ses serviteurs, aux plus braves d’entre les Perses et les (aux illustres des) Mèdes, et aux gouverneurs des provinces, étant lui-même présent, 4 pour montrer la gloire et les richesses de son empire, et la grandeur et l’éclat (le faste) de sa puissance. Ce festin dura longtemps, pendant cent quatre-vingts jours. [1.4 Le roi voulut que pendant cent quatre-vingt jours, son palais fût ouvert à tous les seigneurs de son vaste empire qui venaient le complimenter sur son avènement au trône et que pendant ce temps ils y fussent magnifiquement traités à mesure qu’ils arrivaient.]5 Et lorsque les jours de ce festin s’achevaient, le roi invita tout le peuple qui se trouva dans Suse, depuis le plus grand jusqu’au plus petit ; et il ordonna qu’on préparât un festin pendant sept jours dans le vestibule de son jardin, et d’un parc qui avait été planté de la main des rois, avec une magnificence royale. [1.5 Remarquons bien que le texte ne dit pas que tous les habitants de Suse se trouvèrent en même temps réunis dans le vestibule du jardin. On peut donc légitimement supposer que le peuple fut distribué en sept bandes différentes dont chacune avait son jour, pour éviter la confusion, et qu’on partagea ensuite les convives de chaque bande en plusieurs repas, dans le même jour.]6 On avait tendu de tous côtés des tapisseries de fin lin, de couleur (de) bleu céleste et d’hyacinthe, qui étaient soutenues par des cordons de lin et de pourpre, passés dans des anneaux d’ivoire, et attachés à des colonnes de marbre. Des lits d’or et d’argent étaient rangés en ordre sur un pavé de porphyre (d’émeraude) et de marbre blanc (de Paros), qui était embelli de plusieurs figures avec une admirable variété. [1.6 Un pavé d’émeraude et de marbre de Paros en mosaïque. De Paros est un mot ajouté par la Vulgate.]7 Ceux qui avaient été invités buvaient dans des coupes d’or, et les mets étaient servis dans des vases (plats) de différentes formes. On y présentait aussi d’excellents vins, et en grande abondance, comme il convenait à la magnificence royale. 8 Nul ne contraignait à boire ceux qui ne le voulaient pas, mais le roi avait ordonné que l’un des grands de sa cour présidât à chaque table, afin que chacun prît ce qu’il lui plairait (voudrait). [1.8 Que chacun prît ce qu’il voudrait. Assuérus voulut bien en cette circonstance déroger à la coutume des Perses en vertu de laquelle les convives devaient boire autant que le roi du festin l’ordonnait.]9 La reine Vasthi fit aussi un festin aux femmes dans le palais que le roi Assuérus avait coutume d’habiter. [1.9 Vasthi. Voir l’Introduction.]10 (Ainsi) Le septième jour, lorsque le roi était plus gai qu’à l’ordinaire, et dans la chaleur du vin qu’il avait bu avec excès, il commanda à Maümam, Bazatha, Harbona, Bagatha, Abgatha, Zéthar et Charchas, les sept eunuques qui servaient en sa présence, 11 de faire venir devant le roi la reine Vasthi, avec le diadème sur sa tête, pour montrer sa beauté à tous ses peuples et aux princes, car elle était extrêmement (très) belle. 12 Mais elle refusa, et dédaigna de venir selon le commandement que le roi lui en avait fait par ses eunuques. Alors le roi, irrité et tout transporté de fureur, [1.12 Vasthi refusa ; fondée sur la loi qui ne permettait pas aux femmes en dignité de se montrer dans les festins.]13 consulta les sages qui étaient toujours auprès de lui, selon la coutume royale, et par le conseil desquels il faisait toutes choses, parce qu’ils savaient les lois et les ordonnances anciennes. 14 (Or) Les premiers et les plus proches du roi étaient Charséna, Séthar, Admatha, Tharsis, Marés, Marsana et Mamuchan, (les) sept princes (chefs) des Perses et des Mèdes, qui voyaient la face du roi, et qui avaient coutume de s’asseoir les premiers après lui. [1.14 Qui voyaient, etc. ; qui avaient l’honneur de voir le roi, ou qui étaient toujours près de lui. Comparer à 1 Esdras, 7, 14.]15 Il leur demanda quelle peine méritait la reine Vasthi, qui n’avait pas obéi à l’ordre que le roi lui avait transmis par ses eunuques. [1.15 Quelle sentence, etc., est le complément direct de : Il demanda, qui se trouve au verset 13.]16 Et Mamuchan répondit en présence du roi et des princes : La reine Vasthi n’a pas seulement offensé le roi, mais encore tous les peuples, et tous les princes (grands) qui sont dans toutes les provinces du roi Assuérus. 17 Car cette conduite (parole) de la reine sera connue de toutes les femmes, qui mépriseront leurs maris, en disant : Le roi Assuérus a commandé à la reine Vasthi de se présenter devant lui, et elle s’y est refusée. 18 Et à son imitation les femmes de tous les princes des Perses et des Mèdes mépriseront les ordres de leurs maris. Ainsi la colère du roi est juste. 19 Si donc vous l’agréez, qu’il se fasse un édit par votre ordre, et qu’il soit écrit, selon la loi des Perses et des Mèdes, qu’il n’est pas permis de violer, que la reine Vasthi ne paraîtra plus devant le roi ; mais qu’une autre, qui en sera plus digne qu’elle, recevra sa dignité de reine. [1.19 De vous ; littéralement et par hébraïsme de votre face.]20 Et que cet édit soit publié dans toute l’étendue des provinces de votre empire, afin que toutes les femmes, tant des grands que des petits, rendent honneur à leurs maris. [1.20 Toutes les provinces de votre empire ; littéralement et par hypallage, tout l’empire de vos provinces.]21 Ce conseil plut au roi et aux princes ; et le roi se conforma à l’avis de Mamuchan. 22 Et il envoya des lettres à toutes les provinces de son royaume en diverses langues et écritures, selon que les divers peuples pouvaient les comprendre et les lire, ordonnant que les maris fussent les maîtres et les chefs dans leurs maisons, et que cet édit fût publié parmi tous les peuples.

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