chapitre précédent retour chapitre suivant

Vigouroux – Osée 1

Osée

Introduction

Osée (Jéhovah sauve), le premier des petits prophètes, nous apprend qu’il était fils de Bééri ; c’est la seule chose certaine que nous sachions de sa vie. La plupart des interprètes s’accordent à reconnaître qu’il était du nord du royaume d’Israël. Une ancienne tradition rapporte qu’il était originaire de la ville, d’ailleurs inconnue, de Bélémoth, dans la tribu d’Issachar, et que c’est là qu’il mourut. On place son tombeau en différents lieux.

Osée est le premier des petits prophètes dans la Vulgate. Cette place lui est donnée probablement à cause de l’étendue de sa prophétie, qui est plus considérable que celle des autres petits prophètes. Ce n’est certainement pas en raison de l’ordre chronologique : car, sans parler des petits prophètes plus anciens dont les écrits ne sont pas datés, Amos, qui n’occupe que le troisième rang, lui est antérieur, comme il résulte de l’inscription de son livre, dans laquelle nous apprenons qu’il florissait du temps d’Ozias.

Osée fut le contemporain d’Isaïe. Il prophétisa, après la ruine de la maison d’Achab sous Jéroboam II, qui fut le second successeur de Jéhu, contre Israël, quoiqu’il parle à l’occasion de Juda. Il a sans cesse présent devant les yeux le crime de la famille de Jéhu, qui après avoir exterminé la maison d’Achab, en a perpétué l’idolâtrie et continue à faire adorer les veaux d’or. Le mot « encore un peu », chapitre 1, verset 4, indique, d’après presque tous les interprètes, qu’Osée écrivit dans les dernières années du règne de Jéroboam. Ce roi occupa le trône 41 ans, de 825 à 784 avant Jésus-Christ. Osée écrivait donc avant l’an 784. La détermination de cette date est importante pour constater le caractère surnaturel de ses prédictions : il annonce à l’avance la ruine de la maison de Jéhu, qui n’eut lieu qu’en 782, et celle du royaume d’Israël, qui ne s’accomplit qu’en 721. Du temps de Jéroboam II, le royaume d’Israël avait atteint son plus haut degré de gloire. C’est au moment où il jetait le plus d’éclat que Dieu en révéla la fin prochaine.

Profondément pénétré des iniquités de son peuple, Osée s’exprime par phrases coupées et brisées ; les propositions ne sont pas reliées entre elles, les images se précipitent et s’accumulent ; son langage ressemble à un torrent impétueux. Le prophète a cependant un cœur brûlant d’amour pour ses frères et plein de confiance en la bonté et la miséricorde de Dieu : ce contraste entre l’indignation que lui causent les péchés d’Israël, et l’espérance que lui donne l’affection paternelle de Dieu pour les enfants de Jacob, est la source des plus grandes beautés de son livre. Rien de plus tendre que la manière dont le Seigneur parle de son peuple, chapitre 6, versets 3 et 4 ; rien de plus énergique que sa réprobation du péché, chapitre 5, verset 14 et chapitre 13, verset 8.

Les prophéties d’Osée ne forment qu’un seul tout ; elles ne renferment pas une série d’oracles écrits à des époques diverses, ou de discours prononcés et adressés au peuple en différents temps, comme les recueils des quatre grands prophètes ; c’est une composition d’un jet, faite en une seule fois, vers la fin de la vie du prophète, dans laquelle il se résume lui-même et présente, dans leur ensemble, les prédictions qu’il avait promulguées pendant le cours de son ministère prophétique. Son livre se divise en deux parties : dans la première, du chapitre 1 au chapitre 3, il expose, sous une forme symbolique, les infidélités d’Israël ; dans la seconde, du chapitre 4 au chapitre 14, il interpelle directement le peuple, lui reproche ses crimes et lui annonce les maux qui en seront le châtiment, mais non sans lui promettre la fin de ses épreuves.

Osée emploie souvent les mots adultères, fornication, ou prostitution ; il faut remarquer qu’ils désignent généralement l’idolâtrie, parce que la nation juive était considérée comme l’épouse de Dieu, par l’alliance qu’il avait contractée avec elle, en lui donnant sa loi.

Infidélité de Samarie et de ses enfants. Sang de Jezrahel vengé par la maison de Jéhu. Réprobation de la maison d’Israël. Protection de la maison de Juda. Multiplication des enfants d’Israël. Réunion des enfants d’Israël avec les enfants de Juda.

1 Parole du Seigneur, qui fut adressée à Osée, fils de Beéri, aux jours d’Ozias, de Joathan, d’Achaz et d’Ezéchias, rois de Juda, et aux jours de Jéroboam, fils de Joas, roi d’Israël. [1.1-24 Ire partie : Tableau symbolique de l’infidélité d’Israël, du chapitre 1 au chapitre 3. ― La première partie contient les prophéties qu’Osée avait faites sous le règne de Jéroboam II, chapitre 1, verset 2. Elle dépeint, sous une forme symbolique, les infidélités du peuple envers Dieu, la vengeance divine et le pardon qui sera enfin accordé au coupable. ― Premier symbole : ― 1° Du chapitre 1 au chapitre 2, verset 1. Osée reçoit du Seigneur l’ordre d’épouser une femme de fornications, figure d’Israël coupable ; il en a deux fils et une fille qui reçoivent des noms prophétiques ; l’aîné s’appelle Jezrahel, en souvenir de l’extermination de la maison d’Achab par Jéhu dans la plaine de Jezrahel, et pour annoncer la punition des descendants de Jéhu, parce qu’ils n’ont pas été plus fidèles qu’Achab et sa race ; la fille est nommée Lô-roukhâmâh, Sans miséricorde, pour signifier que la patience divine est à bout, et le second fils Lô-Ammi, Non mon peuple, pour marquer la séparation qui existe entre le Seigneur et son peuple. Cependant, si Israël se convertit, Dieu aura pitié de lui.][1.1 Jéroboam, fils de Joas, est Jéroboam II, contemporain d’Ozias, mais mort avant ce prince.]2 La première fois que le (Commencement des paroles du, note) Seigneur parla à (par) Osée, le Seigneur dit à Osée : Va, prends pour (toi) femme une prostituée (une femme de fornications, note), et aie des enfants de prostitution ; car le pays d’Israël se prostitue et s’éloigne (forniquant la terre forniquera en se séparant) du Seigneur. [1.2 Commencement, etc. ; littéralement, le commencement de parler par le Seigneur dans Osée. On ne saurait en effet expliquer autrement que par l’ablatif le Domino de la Vulgate, laquelle d’ailleurs est parfaitement conforme au texte hébreu portant à la lettre : commencement de a parlé Jéhova dans Osée. Ainsi le sens est : Voici les premières paroles du Seigneur dans Osée. ― Prends pour toi une femme ; expression qui en hébreu signifie se marier légitimement. ― Une femme de fornications ; qui a été prostituée. Et des enfants de fornications ; les enfants qu’elle a eus dans son état de prostitution. Ces mots dans l’Hébreu et dans les Septante sont un second complément direct du verbe prends. Quant à ceux (et fac tibi filios fornicationum) que saint Jérôme a ajoutés, ils signifient : et fais tiens, recueille, reçois ses enfants pour les élever, ou bien, aie des enfants de cette ancienne prostituée ; mais la première interprétation, conforme d’ailleurs au texte original, est plus simple et plus naturelle. Ainsi, par son mariage, Osée retire du crime une malheureuse, et sauve ses enfants du danger auquel autrement ils auraient été exposés. Et puis, est-il donc impossible qu’au milieu de ses désordres, cette femme n’ait pas pratiqué quelque vertu, n’ait pas fait quelque action louable, qui lui ait mérité sa conversion, et qu’en ordonnant au Prophète de l’épouser, le Seigneur ne lui ait pas révélé son mérite ? ― Forniqué, forniquera ; hébraïsme, pour elle forniquera par toutes sortes de fornications. ― En se séparant ; est évidemment sous-entendu, la particule latine a suivie de l’ablatif, ne pouvant être le complément du verbe fornicabitur. C’est un pur hébraïsme. Voir le 2° à la fin des Observations préliminaires des Psaumes. ― Quant au mariage qui paraît si étrange et si singulier, c’est une figure et un symbole dans lequel la femme prostituée représente Samarie, qui s’était abandonnée à l’idolâtrie, et les enfants par leurs noms figuratifs, la colère du Seigneur poussée à bout, et sa vengeance toute prête à éclater contre son peuple. Les prophéties ont été souvent des signes de ce qui devait arriver à Israël. Voir Isaïe, chapitre 20 ; Jérémie, chapitre 27 ; Ezéchiel, chapitre 4, etc.]3 Il alla et prit Gomer, fille de Débélaïm, et elle conçut et lui enfanta un fils. 4 Et le Seigneur lui dit : Appelle-le du nom de Jezrahel, car dans peu de temps je vengerai (visiterai, note) le sang de Jezrahel sur la maison de Jéhu, et je mettrai fin au royaume de la maison d’Israël. [1.4 Jezrahel ; signifie en hébreu, Dieu sèmera, dispersera ; c’est ce dernier sens qui est applicable ici. ― Je visiterai, etc. ; c’est-à-dire, je vengerai sur la maison de Jéhu le sang qu’il a répandu dans la vallée de Jezrahel. Comparer à 4 Rois, 9, versets 21 et suivants ; 10, vv. 17, 31 et suivants.]5 En ce jour-là, je briserai l’arc d’Israël dans la vallée de Jezrahel. 6 Elle conçut encore, et enfanta une fille. Et le Seigneur dit à Osée : Donne-lui le nom de Sans miséricorde, car à l’avenir je n’aurai plus de miséricorde pour la maison d’Israël, mais je les oublierai entièrement. [1.6 Sans miséricorde ; à qui on ne fait pas miséricorde. ― Je n’aurai plus de pitié ; littéralement, je n’ajouterai pas à avoir de pitié. Voir sur cet hébraïsme le 2° à la fin des Observations préliminaires des Psaumes.]7 Et j’aurai pitié de la maison de Juda, et je les sauverai par le Seigneur leur Dieu, et je ne les sauverai pas par l’arc, ni par l’épée, ni par la guerre, ni par les chevaux, ni par les cavaliers. [1.7 J’aurai pitié, etc. Voir pour l’accomplissement de cette prophétie, 4 Rois, 19, 35 ; Isaïe, chapitres 36 et 37.]8 Elle (Et Gomer) sevra celle (sa fille) qui était appelée Sans miséricorde. Elle conçut encore, et enfanta un fils. 9 Et le Seigneur dit : Donne-lui le nom de Pas (Non) mon peuple, car vous n’êtes plus mon peuple, et je ne serai plus votre Dieu.

chapitre précédent retour chapitre suivant