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Vigouroux – Ésaïe 1

Isaïe

Observations préliminaires sur les livres prophétiques

I. Les prophètes, dont les écrits forment une des parties les plus importantes de la Bible, étaient dans l’Ancien Testament des messagers extraordinaires de Dieu, qui s’appliquaient entièrement à diriger le peuple, sous le rapport religieux. Ainsi leurs prophéties, qui se rapportent principalement aux Juifs, ou aux nations étrangères, ou enfin au Messie, avaient pour but de faire croire à la révélation par laquelle Dieu voulait conduire les hommes au salut, de perpétuer parmi les Juifs la connaissance du vrai Dieu, de prédire le Messie, et d’annoncer la religion qu’il venait établir ; de maintenir l’observation exacte des lois de Moïse, et de conserver les mœurs parmi ce peuple si enclin à l’idolâtrie et aux désordres monstrueux qui en sont la suite inévitable. Les quatre premiers sont appelés grands, parce que leurs prophéties sont plus étendues ; et les douze autres sont nommés petits, parce qu’ils ont moins écrit que les premiers.

II. Dieu se révélait à ses prophètes médiatement, c’est-à-dire en se servant du ministère des anges, ou immédiatement, et dans ce dernier cas, la révélation était extérieure ou intérieure. Dans la révélation extérieure, Dieu faisait entendre une voix qui apprenait au prophète soit ce qu’il avait à dire ou à faire, soit ce qu’il devait arriver ; ou bien il le lui retraçait par des signes symboliques. La révélation intérieure avait lieu pendant que le prophète était livré au sommeil, ou ravi en extase, ou agité d’une émotion extraordinaire, qui le mettait comme hors de lui-même, ou bien lorsqu’il était éveillé, et qu’il jouissait paisiblement de l’usage de ses sens. Or, durant le sommeil, les révélations divines se faisaient aussi de plusieurs manières ; car c’était tantôt par des représentations énigmatiques et symboliques, tantôt par des manifestations claires et intelligibles en elles-mêmes ; tantôt enfin le prophète voyait et entendait en songe un ange, un homme ou Dieu même qui lui parlait. Dans l’extase, le prophète voyait également et entendait des choses dont il conservait le souvenir, et qu’il manifestait ensuite lui-même. Quand il se trouvait sous l’empire de l’émotion extraordinaire dont nous venons de parler, il se sentait violemment agité, et son imagination s’échauffait tellement alors, qu’il n’était plus le maître de ses pensées, ni de ses paroles, mais qu’il ne pouvait que prêter sa langue ou sa plume à l’Esprit-Saint qui l’animait et qui lui faisait prononcer ses oracles avec une force extraordinaire et une sorte d’emportement. C’est cette espèce de révélation qu’il faut entendre, lorsque l’Ecriture dit en parlant d’un prophète que l’Esprit du Seigneur l’a envahi, l’a saisi : Irruit super eum Spiritus Domini ; et lorsque Jérémie s’écrie : « Mon cœur a été brisé au milieu de moi ; tous mes os ont tremblé ; je suis devenu comme un homme de condition ivre, et comme un homme du peuple rempli de vin, à cause du Seigneur et à cause des paroles saintes. » (Voir Jérémie, 23, 9. Comparer à Jérémie, 20, 7-8). Enfin Dieu se révélait intérieurement à ses prophètes réveillés et jouissant du plein et libre usage de leur raison, en éclairant leur entendement d’une vive lumière, et en excitant fortement leur volonté à manifester les vérités qu’il leur communiquait. Ainsi l’état des prophètes, quand ils recevaient les révélations divines, quoique différent de leur état naturel, n’avait cependant rien de commun avec l’extase, ou plutôt la démence et la fureur délirante des devins du paganisme, qui était purement artificielle, produite par des excitants naturels ou par l’opération des démons. D’où il suit que l’extase des prophètes hébreux était un état surnaturel, et celle des païens un état contre nature.

III. Il y a ordinairement dans les prophéties deux sortes d’événements : les uns prochains et les autres éloignés ; mais le prophète les décrit indistinctement, selon qu’ils se présentent à son regard prophétique. Il passe de l’un à l’autre sans en avertir ; il s’arrête même quelquefois davantage sur les événements les plus éloignés, quand ils sont plus importants ; et pour l’ordinaire, il les représente obscurément, tandis qu’il montre plus clairement et plus distinctement les événements prochains. Ajoutons qu’il lui arrive aussi de représenter comme déjà accomplis des faits qui ne doivent l’être que dans un temps à venir. De là vient le passage rapide d’un temps du verbe à un temps différent, et quelquefois dans la même phrase. Ainsi on voit fréquemment un parfait ou un plus-que-parfait à côté d’un futur ou d’un présent. Nous avons cru devoir dans notre traduction nous conformer le plus possible à ces variations ; on en comprend aisément le motif.

La Vulgate reproduit très souvent les idiotismes de l’hébreu, au lieu de se conformer au génie de la langue latine, et cela non seulement pour la signification et la construction des mots ; mais encore pour l’emploi des différents temps des verbes. Elle mêle le sens littéral et le sens métaphorique, et elle attribue à l’un ce qui appartient à l’autre. Nous ferons encore remarquer qu’on rencontre dans beaucoup de phrases, au lieu d’un nom de personne ou de chose précédemment exprimé, le pronom qui le représente. Or, pour éviter la confusion et même des faux sens dans notre langue, nous avons dû quelquefois substituer le nom lui-même au pronom qui le représente.

J.-B. GLAIRE.

Introduction

Isaïe, en hébreu, Yescha’yahu (Jéhova sauve), était fils d’Amos, et d’après une tradition rabbinique, neveu, par son père, du roi Amasias. Il était originaire de Juda et habitait Jérusalem. Il passa sa vie dans la capitale, au centre même de la vie politique et religieuse de Juda, et non dans un village perdu, comme son contemporain Michée, ni errant çà et là, dans toute la Palestine, comme Elie et Elisée, ou prenant soin de ses troupeaux, comme Amos, le berger de Thécué. C’est le premier prophète vivant dans la cité sainte, dont les écrits nous soient restés. Il prophétisa sous les rois Ozias, Joathan, Achaz et Ezéchias. Sa première vision eut lieu l’année de la mort d’Ozias (758) ; la dernière prophétie de lui, dont nous connaissions la date, est de la quatorzième année d’Ezéchias (712), voir Isaïe, chapitres 36 à 39. On croit qu’il vécut jusque sous le règne de Manassé, qui le fit mourir par le supplice de la scie. Outre ses prophéties, il avait écrit les Annales du roi Ozias, aujourd’hui perdues.

Pendant les seize ans du règne de Joathan (758-742), Isaïe parut rarement sur la scène ; aucune prophétie n’est datée de cette époque ; sous Achaz (742-727), il intervint dans une circonstance importante, au moment où Rasin, roi de Syrie, et Phacée, roi d’Israël, menaçaient Jérusalem ; il contribua sans doute efficacement à faire échouer le projet des ennemis ; ce fut surtout du temps d’Ezéchias (727-698) qu’il exerça avec le plus de succès et d’éclat son ministère prophétique. On a soutenu, mais sans preuve, qu’il avait élevé ce saint roi, comme Nathan avait élevé Salomon. Ce qui est certain, c’est qu’il fut son ami et son conseiller. Il ranima son courage pendant une grave maladie, et il releva sa confiance en Dieu, ainsi que celle de son peuple, au moment de l’invasion de Sennachérib. Il sut aussi faire entendre au fils d’Achaz des paroles sévères de la part de Dieu, lorsque ce prince, cédant à un mouvement de vaine complaisance, étala ses trésors aux ambassadeurs du roi de Babylone. A partir de ces grands événements, nous ne voyons plus apparaître Isaïe sur la scène politique. La tradition plaçait son tombeau à Panéas, dans le pays de Basan ; c’est de là que ses reliques furent transportées à Constantinople, en 442, sous le règne de l’empereur Théodose II.

Isaïe occupe dans la Bible la première place parmi les prophètes. Ce rang d’honneur lui appartient, non par droit d’ancienneté, ― Joël, Jonas, Amos, Osée, ont vécu avant lui, ― mais par droit de mérite, comme au plus grand de tous, par l’étendue et l’importance de ses révélations, aussi bien que par l’éclat incomparable de son style. Aucun autre prophète n’a embrassé un aussi vaste horizon ni touché à tant de sujets ; aucun autre n’a vu avec autant de clarté et de précision autour de lui et dans le lointain des âges. Il est le grand prophète, comme saint Paul est le grand apôtre. Placé à égale distance, dans le temps, de Moïse et de Jésus-Christ, vivant à une des époques les plus critiques de l’histoire du peuple de Dieu, au moment où la race de Jacob était menacée d’être écrasée entre les deux puissances rivales qui se disputaient alors l’empire du monde, l’Egypte et l’Assyrie, il fut le continuateur de l’œuvre de Moïse, la force et le soutien de son roi et de ses frères, comme le boulevard de leur nationalité. C’est le témoignage que lui rend le Saint-Esprit lui-même dans l’Ecclésiastique. Il prépara en outre, plus qu’aucun autre prophète, l’avènement du Messie. Il a décrit d’une manière si exacte les principales circonstances de la vie de Notre-Seigneur, que saint Jérôme a dit de lui avec raison qu’on devrait l’appeler plutôt un évangéliste qu’un prophète.

Le style d’Isaïe est digne de ses prophéties. « Jamais peut-être aucun homme n’a parlé un plus beau langage », a dit Seinecke. Comme tous les génies, il unit la grandeur à la simplicité : rien de plus sublime et en même temps rien de plus naturel, de plus clair et de plus limpide. Son éloquence est pleine de mouvement et de poésie, sans aucun trait forcé ou exagéré ; elle coule à pleins bords, calme et majestueuse, comme un large fleuve, mais sans sortir de ses rives. Isaïe n’a pas des élans de passion comme Joël et Nahum, ses transports ne sont pas impétueux et saccadés comme ceux d’Osée ou d’Amos, et il produit néanmoins une impression plus profonde, parce qu’il sait varier son langage à l’infini et prendre toujours le ton qui convient à son sujet ; tour à tour tendre et sévère ; persuasif et irrésistible, comme une mère, dans ses exhortations ; foudroyant et terrible, comme un juge dans ses menaces.

Son style est coulant, rapide, vif, énergique, coloré. Ses transitions, comme en général chez les Orientaux, ne sont pas ménagées ; elles entraveraient sa marche ; il va droit à son but, et les énumérations sont chez lui fort rares. Ce qui le caractérise, c’est la noblesse, l’éclat, la sublimité, mais il réunit à lui seul les diverses qualités que les autres se partagent. David est un poète lyrique dans les Psaumes, Jérémie un poète élégiaque dans ses Lamentations, Ezéchiel un poète descriptif dans ses grandes visions ; Isaïe est tout à la fois un poète lyrique, élégiaque et descriptif. Il excelle dans tous les genres, et quoiqu’on ne puisse l’apprécier comme il le mérite que dans l’original, ses beautés sont telles qu’elles sont encore visibles et saisissantes jusqu’à travers nos traductions décolorées en langues occidentales. Quel tableau plus achevé que celui de la vision du chapitre 6 : « En l’année à laquelle est mort le roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône haut et élevé, et ce qui était sous lui remplissait le temple. Des Séraphins étaient au-dessus du trône ; l’un avait six ailes et l’autre six ailes ; avec deux ils voilaient leur face, et avec deux ils voilaient les pieds, et avec deux ils volaient. Et ils se criaient l’un à l’autre : Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées, toute la terre est pleine de sa gloire. Et les linteaux des gonds furent ébranlés par la voix des anges qui criaient, et la maison fut remplie de fumée. » Le prophète inspiré de Dieu a fait, en quelques coups de pinceau, un chef-d’œuvre où rien ne manque.

Aucun poète élégiaque n’a trouvé de traits plus touchants qu’Isaïe, dépeignant dans le chapitre 5 l’ingratitude d’Israël envers son Dieu :

Habitants de Jérusalem, hommes de Juda,
Jugez vous-mêmes entre moi et ma vigne.
Qu’ai-je pu faire à ma vigne que je n’aie pas fait ? etc.

L’Ecclésiaste lui-même n’a pas trouvé de termes plus expressifs et d’une mélancolie plus touchante pour décrire la vanité de la vie :

Une voix me dit : Crie.
Et j’ai répondu : Que crierai-je ?
― Toute chair est de l’herbe
Et sa beauté est comme la fleur des champs.
L’herbe sèche, la fleur tombe,
Quand souffle le vent du Seigneur.
Oui, ce peuple n’est que de l’herbe,
L’herbe sèche, la fleur tombe,
Mais la parole de notre Dieu subsiste à jamais.

Toute la seconde partie, du chapitre 40 au chapitre 66, est pleine d’un lyrisme divin. Jamais l’enthousiasme ne s’est élevé plus haut ; Isaïe fait entendre des accents jusque-là inconnus, il exprime ses idées avec un éclat incomparable ; il a des élans superbes ; la richesse de son imagination est inépuisable ; sa palette est chargée des couleurs les plus vives, mais dans ses tableaux, tout est bien fondu, rien ne heurte et ne choque.

Lève-toi, illumine-toi (Jérusalem), ta lumière s’avance
Et la gloire du Seigneur se lève sur toi.
Les ténèbres couvrent la terre, et l’obscurité, les nations,
Mais le Seigneur paraît et sa gloire t’illumine…
Lève les yeux, regarde de tous côtés :
(Les peuples) s’assemblent, ils viennent à toi…
Les dromadaires de Madian et d’Epha,
Ceux de Saba accourent ;
Ils apportent l’or et l’encens, etc. Voir Isaïe, 60, 1-6.

Le livre d’Isaïe est une collection de prophéties faites en différents temps et dans des circonstances diverses. Il ne forme donc pas un tout suivi, une composition rigoureusement enchaînée, comme le livre de Job, par exemple ; c’est un recueil, non une œuvre d’un seul jet. Il y a cependant un ordre et un plan dans ce recueil.

On distingue deux parties bien marquées dans Isaïe. La première embrasse les trente-neuf premiers chapitres ; elle comprend des oracles composés à des époques diverses et sur des sujets variés, sous les règnes d’Ozias, de Joathan, d’Achaz et d’Ezéchias. La seconde est contenue dans les chapitres 40 à 66 ; elle s’occupe, d’une manière suivie, de l’avènement du Rédempteur d’Israël, elle forme un ensemble complet et coordonné et se rattache étroitement à la première. La première elle-même, quoiqu’elle renferme des morceaux d’époques différentes, ne manque pas d’ordre et d’enchaînement. Les prophéties qu’elle nous a conservées sont classées chronologiquement, non pas toutefois d’une manière rigoureuse et absolue, parce que le prophète a aussi tenu compte de la nature des sujets dans la classification qu’il a adoptée.

La lecture des prophéties d’Isaïe est une de celles qui ont toujours été le plus recommandées dans l’Eglise, parce qu’elle est très propre à instruire et à édifier en développant dans les cœurs les sentiments de la foi et de la piété. Quand Saint Augustin, au moment de sa conversion, demanda à Saint Ambroise quel livre il devait lire : Isaïe, lui répondit-il.

On peut y puiser un grand nombre d’instructions ; nous allons en indiquer seulement quelques-unes.

Toutes les exhortations, tous les conseils d’Isaïe n’ont qu’un but, c’est de faire servir Dieu avec fidélité. Celui qui ne se confie pas en Dieu, mais dans les idoles, celui, pouvons-nous dire, qui viole la loi de Dieu pour satisfaire ses passions, sera un jour confondu. Dieu seul est digne de nos hommages. ― Le culte que Dieu demande est le culte intérieur et non pas seulement l’extérieur. Isaïe, après avoir entendu les Séraphins chanter dans le ciel le trisagion, nous recommande d’honorer la sainteté de Dieu. Nous devons mettre notre confiance en Dieu, dans nos nécessités corporelles aussi bien que dans nos nécessités spirituelles.

Le livre d’Isaïe est plein d’enseignements moraux. A cause de l’état de dépravation dans lequel les rois idolâtres avaient fait tomber le peuple, voir Isaïe, 1, 5-6, il condamne le vice plus souvent qu’il ne recommande la vertu, mais la censure qu’il inflige au mal est l’éloge du bien. Il prêche souvent la conversion aux pécheurs, il leur reproche leur ingratitude envers Dieu, le peu de profit qu’ils retirent des avertissements qu’il leur fait donner par ses prophètes, leur luxe effréné, leurs injustices, leur avarice et leur cupidité, leur intempérance, leur orgueil et leur présomption. Il est facile à chacun, en lisant Isaïe, de recueillir et de coordonner une multitude de passages semblables, également utiles pour l’édification personnelle et pour l’instruction des autres.

Nous devons d’ailleurs chercher toujours dans ce prophète, même dans les parties historiques et dans les oracles contre les nations étrangères, Jésus-Christ, son Eglise et leur triomphe sur leurs ennemis.

Ingratitude des Israélites. Menace des vengeances du Seigneur contre eux. Ils sont exhortés à la pénitence. Reproches et menaces contre Jérusalem. Rétablissement de celle-ci.

1 Vision d’Isaïe, fils d’Amos, qu’il a vue sur Juda et Jérusalem, aux jours d’Ozias, de Joathan, d’Achaz et d’Ezéchias, rois de Juda. [1.1 et suivants. Première partie d’Isaïe, du chapitre 1 au chapitre 39. ― Elle contient les prophéties du temps d’Ozias, de Joathan et d’Achaz, et les oracles contre les nations étrangères. Elle se subdivise en quatre groupes. Le premier, du chapitre 1 au chapitre 6, renferme les oracles relatifs au peuple de Dieu, datant du temps d’Ozias et de Joathan. ― Le second groupe comprend les prophéties du temps d’Achaz, du chapitre 7 au chapitre 12. Leur sujet principal est la venue du Messie, désigné sous le nom d’Emmanuel, d’où le nom de livre d’Emmanuel donné aux chapitres 7 à 12. ― Le troisième groupe, du chapitre 13 au chapitre 27, est un recueil de prophéties contre les nations étrangères. ― Le quatrième groupe, du chapitre 28 au chapitre 39, embrasse les prophéties faites sous Ezéchias, jusqu’à l’époque de la destruction de l’armée de Sennachérib. Elles ont trait, pour la plupart, à l’invasion assyrienne. ― I. Le premier groupe contient quatre prophéties détachées. 1° Il s’ouvre par une sorte de prologue, chapitre 1, qui est comme la préface de la collection entière. ― 2° Les chapitres 2 à 4 renferment un oracle sur Juda, dont ils nous font connaître la mission, l’infidélité, le châtiment et enfin le triomphe par l’avènement du Messie. ― 3° Le chapitre 5 nous représente le royaume de Juda comme la vigne du Seigneur. ― 4° Le chapitre 6 raconte la vocation d’Isaïe au ministère prophétique. ― Les règnes d’Ozias (809-758), et de Joathan (758-742), sous lesquels Isaïe écrivit d’abord, furent prospères et florissants, mais la paix et le bien-être amenèrent le luxe et la corruption. C’est là ce qu’attaque principalement le prophète à cette époque de sa vie.][1.1 Vision ; c’est-à-dire révélation ; chose vue, non par les yeux du corps, mais ceux de l’esprit. C’est pourquoi, dans le principe, les prophètes s’appelaient chez les Hébreux, voyants (voir 1 Rois, 9, 9). ― Au temps d’Ozias, etc. L’histoire de ces rois est rapportée dans 4 Rois, chapitres 15 et 16, et 18 à 20. ― 1° Prologue des prophéties d’Isaïe, chapitre 1. ― En tête du premier chapitre, voir Isaïe, 1, 1, nous lisons le titre, le sujet, et la date de tout le recueil. Voir 2 Paralipomènes, 32, 32. Le recueil est appelé vision, c’est-à-dire révélation, dans le sens collectif, pour indiquer que les oracles qu’il contient sont une collection de visions intellectuelles ou révélations surnaturelles. L’objet en est Juda et Jérusalem, car quoique le prophète parle d’Israël et de toutes les autres nations connues de son temps, c’est toujours relativement aux Juifs. ― D’après la chronologie la plus généralement reçue, Ozias mourut en 758, et c’est pendant la dernière année de ce roi qu’Isaïe, voir Isaïe, 6, 1, commença à prophétiser ; Joathan régna de 758 à 742 ; Achaz de 742 à 727 ; Ezéchias, de 727 à 698.]2 Cieux, écoutez, et terre, prête l’oreille, car le Seigneur a parlé. J’ai nourri des enfants (fils), et je les ai élevés ; mais ils m’ont méprisé. [1.2-31 Les versets 2 à 31 sont comme la préface de tout le livre. L’époque où cette préface a été composée est incertaine. Les versets 7 et 8 indiquent une époque pendant laquelle le royaume de Juda était ravagé par une armée étrangère. Il eut à subir trois invasions, du temps d’Isaïe, la première à la fin du règne de Joathan, et la seconde sous Achaz, l’une et l’autre de la part des Israélites et des Syriens, voir 4 Rois, 15, 37 ; 16, 5 ; Isaïe, 6, 1, la troisième sous Ezéchias, de la part des Assyriens, voir 4 Rois, 18, 13 ; Isaïe, chapitre 36. La plupart des commentateurs pensent avec vraisemblance que le chapitre 1 date de la première invasion. ― Le peuple n’a été sensible ni aux bienfaits que Dieu lui a accordés pendant les règnes d’Ozias et de Joathan (versets 2 et 3), ni aux calamités qui viennent de fondre sur lui (versets 4 à 9) ; il ne reste donc au Seigneur qu’à livrer son peuple au châtiment qu’il mérite et à le purifier par le feu de la tribulation, pour se faire ensuite du petit reste qui survivra un peuple selon son cœur (versets 10 à 31). Les versets 24 à 31 se rapportent spécialement au Messie.][1.2 Ecoutez, etc. Dieu avait en vue, dans ces prophéties, non seulement les juifs, mais les chrétiens eux-mêmes, puisque saint Paul dit que toutes ces choses ont été écrites pour nous être un avertissement, à nous, pour qui est venue la fin des temps (voir 1 Corinthiens, 10, 11), et encore que tout ce qui a été écrit, a été écrit pour notre instruction (voir Romains, 15, 4). ― Le verset 1 est le titre général du livre et de la collection des prophéties d’Isaïe. La première prophétie commence au verset 2.]3 Le (Un) bœuf connaît son possesseur, et (un) l’âne l’étable de son maître ; mais Israël ne m’a pas connu, et mon peuple n’a pas eu d’intelligence. 4 Malheur à la nation pécheresse, au peuple chargé d’iniquité(s oublié je pense), à la race corrompue (perverse), aux enfants scélérats. Ils ont abandonné le Seigneur, ils ont blasphémé le saint d’Israël, ils se sont tournés en arrière. [1.4 Le Saint d’Israël ; Dieu. L’idée de la sainteté de Dieu revient souvent dans les prophéties d’Isaïe. Voir Isaïe, 6, 3. La sainteté est le contraire du péché. Le saint est le juste et le pur, qui est au-dessus des autres par ses perfections. Dieu est le saint par excellence.]5 Où vous frapperai-je encore, vous qui multipliez les prévarications ? Toute tête est languissante, et tout cœur est abattu. 6 Depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête il n’y a rien de sain en lui ; ce n’est que blessure, et contusion (meurtrissure), et plaie enflammée, qui n’a pas été bandée, à qui l’on n’a pas appliqué de remède (pansée), et qu’on n’a pas adoucie avec l’huile. [1.6 Ni adoucie par l’huile. L’huile était le remède employé ordinairement pour guérir les plaies. Voir Luc, 10, 34.]7 Votre terre est déserte, vos villes sont brûlées par le feu, les étrangers dévorent votre pays devant vous, et il sera désolé comme une terre ravagée par l’ennemi. [1.7 Voir Isaïe, 5, 6. ― Des étrangers ; des ennemis, probablement les Syriens, les Philistins et les Iduméens unis aux dix tribus schismatiques. Voir 4 Rois, 16, 5.]8 Et la fille de Sion demeurera comme une cabane (un berceau) dans une vigne, et comme une hutte dans un champ de concombres, et comme une ville livrée au pillage. [1.8 La fille de Sion ; c’est-à-dire Jérusalem. Les Orientaux appellent filles les capitales et les villes d’un pays.]9 Si le Seigneur des armées ne nous avait laissé un reste, nous aurions été comme Sodome, et nous serions semblables à Gomorrhe. [1.9 Voir Genèse, 19, 24. ― Si le Seigneur, etc. saint Paul rappelle ce texte en parlant des restes fidèles d’entre les Juifs que Dieu réserva par grâce au temps de l’Evangile, tandis que la multitude demeura dans l’incrédulité, et attira sur elle la colère du Seigneur (voir Romains, 9, 29). ― Comme Sodome. Voir Genèse, note 13.10.]10 Écoutez la parole du Seigneur, princes de Sodome ; prêtez l’oreille à la loi de notre Dieu, peuple de Gomorrhe. 11 Qu’ai-je affaire (à faire) de la multitude de vos victimes ? dit le Seigneur. J’en suis rassasié. Je ne veux ni des holocaustes de béliers, ni de la graisse des troupeaux (animaux gras), ni du sang des veaux, des agneaux et des boucs. [1.11 Voir Jérémie, 6, 20 ; Amos, 5, 22.]12 Lorsque vous veniez (êtes venu) devant moi pour vous promener dans mes parvis (en ma présence), qui a demandé ces offrandes à vos mains (afin que vous vous promeniez dans mes parvis) ? 13 Ne m’offrez plus de vain sacrifice ; l’encens m’est en abomination. Je ne puis souffrir les (ma) néoménie(s), le(s) sabbat(s) et les autres fêtes ; l’iniquité règne dans vos assemblées. 14 Mon âme hait vos nouvelles lunes (calendes) et vos fêtes ; elles me sont devenues à charge, je suis las de les supporter (j’ai peine à les souffrir). [1.14 Vos calendes, le sacrifice du commencement du mois.]15 (Et) Lorsque vous étendrez vos mains, je détournerai mes yeux de vous ; et lorsque vous multiplierez les prières, je n’écouterai pas, parce que vos mains sont pleines de sang. [1.15 Voir Isaïe, 59, 3. ― Lorsque vous étendrez vos mains. On étendait les mains pour prier.]16 Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de devant mes yeux la malice de vos pensées, cessez de faire le mal (d’agir avec perversité), [1.16 Voir 2 Pierre, 3, 11.]17 apprenez à faire le bien, (re)cherchez la justice, assistez l’opprimé, faites droit à (jugez) l’orphelin, défendez la veuve. 18 Et venez et (accusez) attaquez-moi, dit le Seigneur ; et si vos péchés sont comme l’écarlate, ils deviendront blancs comme la neige ; et s’ils sont rouges comme le vermillon, ils seront blancs comme la laine. [1.18 Les Hébreux considéraient le rouge foncé, ainsi que le noir et la nuit, comme le symbole du mal et du péché, tandis que le blanc, le jour et la lumière étaient les emblèmes du bien et du beau.]19 Si vous voulez et si vous m’écoutez, vous mangerez les biens de la terre. 20 Que si vous ne voulez pas, et si vous provoquez ma colère, l’épée vous dévorera, car c’est la bouche du Seigneur qui a parlé. 21 Comment la cité fidèle, pleine d’équité, est-elle devenue une prostituée ? La justice habitait en elle, et (mais) maintenant il y a des meurtriers. 22 Ton argent s’est changé en scories, ton vin a été mêlé d’eau. 23 Tes princes sont infidèles, complices des voleurs. Tous ils aiment les présents, ils recherchent les récompenses. Ils ne font pas droit (rendent pas la justice) à l’orphelin, et la cause de la veuve n’a pas d’accès auprès d’eux. [1.23 Voir Jérémie, 5, 28.]24 C’est pourquoi voici ce que dit le Seigneur, le Dieu des armées, le fort d’Israël : Ah ! Je me consolerai par la perte de (sur) mes adversaires, et je me vengerai de mes ennemis (ceux qui me sont opposés). 25 Et j’étendrai ma main sur (vers) toi, et je (te) purifierai par le feu (de) tes scories, et j’enlèverai tout l’étain (l’alliage) qui est en toi. [1.25 Tes scories, les scories de l’argent, dont il est parlé au verset 22, image des péchés d’Israël. ― Le texte original dit que l’épuration sera faite avec du kali ou de la potasse. Voir Proverbes, 25, 20.]26 Et je rétablirai tes juges comme ils étaient autrefois, et tes conseillers comme ils étaient à l’origine ; après cela tu seras appelée (la) cité du juste, ville fidèle. [1.26 Et je rétablirai, etc. Ce rétablissement peut regarder, selon la lettre, le renouvellement de Jérusalem sous le règne d’Ezéchias ; mais ce renouvellement n’était que la figure de ce qui devait arriver sous Jésus-Christ et dans son Eglise, qui est la vraie cité du juste, la ville vraiment fidèle.]27 Sion sera rachetée par le jugement, et on la rétablira (ramènera) par la justice. 28 Mais (le Seigneur brisera) les scélérats et les pécheurs (périront) tous ensemble, et ceux qui auront abandonné le Seigneur seront consumés. 29 Car ils seront confondus par les idoles auxquelles ils ont sacrifié, et vous rougirez à cause des jardins que vous aviez choisis ; [1.29 Des jardins, etc. Comparer à Isaïe, 65, 3, où il est parlé de ces jardins dans lesquels se commettaient les actions les plus honteuses.]30 lorsque vous serez devenus comme un chêne dont les feuilles tombent, et comme un jardin sans eau. 31 Votre force sera comme de (la cendre chaude de) l’étoupe (sèche), et votre œuvre comme une étincelle ; et l’un(e) et l’autre s’embrasera(ont), et il n’y aura personne pour l’éteindre.

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