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Vigouroux – Joël 1

Joël

Introduction

Joël, fils de Phatuel, est le second des petits prophètes dans la Vulgate. Son nom signifie « Jéhovah est Dieu. » Nous ne savons rien de sa vie, si ce n’est qu’il était du royaume de Juda. Peut-être vivait-il à Jérusalem. Le Pseudo-Epiphane le fait à tort de la tribu de Ruben, et dit qu’il était né et qu’il fut enseveli à Bethoron, entre Jérusalem et Césarée. Quelques commentateurs supposent, sans preuve, qu’il était prêtre.

Ses prophéties ne sont pas datées, mais on peut regarder comme certain qu’elles sont des plus anciennes qui nous soient parvenues.

Presque chaque verset de Joël montre en lui un maître dans l’art de la parole ; sa langue est aussi pure qu’énergique, aussi vive que claire ; nous pouvons bien l’appeler classique, et, en fait, il servit de modèle aux prophètes qui le suivirent, lesquels lui empruntèrent des passages entiers. Son style s’élève, par la sublimité, au-dessus de celui des autres prophètes, excepté Isaïe et Habacuc. Il unit la force de Michée à la tendresse de Jérémie et à la vivacité des douleurs de Nahum. Sa description de l’invasion des sauterelles est un admirable morceau littéraire ; on l’a accusée d’exagération, mais l’exactitude de chaque trait est garantie par les voyageurs qui ont été témoins du fléau.

L’occasion de sa prophétie fut une terrible invasion de sauterelles, suivie d’une grande famine. Elle se divise en deux parties, qui ont la forme de discours, du chapitre 1 au chapitre 2, verset 17 et du chapitre 2, verset 18 au chapitre 3. Les deux discours sont séparés l’un de l’autre par un verset historique qui sert de transition, chapitre 2, versets 18 et 19. ― 1° Joël décrit les ravages des sauterelles, en qui il voit les messagers de la colère de Jéhovah ou du jour du Seigneur, du chapitre 1 au chapitre 2, verset 11, et il conclut cette première partie par une exhortation pressante au jeûne et à la pénitence, versets 12 à 17. ― Sa parole dut être écoutée, car Joël continue, sous forme narrative, en disant que Dieu pardonne à son peuple, et en lui prédisant un heureux avenir. Bientôt l’ennemi sera détruit et une pluie abondante rendra la terre fertile, verset 18 à 27. Cette pluie sera le symbole d’une effusion du Saint-Esprit sur son peuple, versets 28 et 29 ; plus tard viendra le jour du Seigneur qui anéantira tous les ennemis des Juifs, rassemblés contre Jérusalem, dans la vallée de Josaphat. Les signes avant-coureurs de ce grand jour sont décrits, versets 30 à 32, et le jour lui-même, chapitre 3, versets 1 à 17. Ce jugement de Dieu amènera pour Juda et pour Jérusalem la plénitude des bénédictions messianiques, versets 18 à 21.

Désolation de la Judée par le fléau des insectes et de la sécheresse. Exhortation à la pénitence. Jour terrible qui doit succéder à ce premier fléau.

1 Parole du Seigneur, qui fut adressée à Joël, fils de Phatuel. 2 Ecoutez ceci, vieillards ; et vous tous, habitants du pays, prêtez l’oreille. Pareille chose s’est-elle faite de votre temps ou du temps de vos pères ? [1.2 Vieillards, etc. Joël s’adresse aux habitants de Juda.]3 Racontez-le à vos enfants (fils), et que vos enfants (fils) le disent à leurs enfants (fils), et leurs enfants (fils) à la génération suivante. 4 La sauterelle a mangé les restes de la chenille ; le ver (bruchus) a mangé les restes de la sauterelle, et la ni(g)elle a mangé les restes du ver (bruchus). [1.4 La chenille, etc. Selon le plus grand nombre des interprètes, tant juifs que chaldéens, ces insectes ne sont qu’une figure, qu’un symbole des ennemis du peuple juif. Le Prophète, en effet, emploie parfois des expressions qui ne conviennent nullement à des insectes quelconques. ― L’invasion des sauterelles, qui occupe une si large place dans la prophétie de Joël, est interprétée de deux façons très différentes. ― 1° La paraphrase chaldaïque, saint Ephrem, saint Jérôme et un grand nombre de commentateurs, n’ont vu dans ces insectes qu’un symbole des peuples païens, Assyriens, Mèdes, Perses, Romains. ― 2° Beaucoup de modernes entendent cette invasion dans le sens littéral, s’appuyant surtout sur ce que le Prophète ne parle que des dégâts causés dans les champs et du mal fait aux animaux, non aux personnes, tandis que, s’il s’agissait d’une guerre, les personnes auraient eu beaucoup à souffrir, et Joël n’aurait pu se dispenser de parler de leurs tribulations. De plus, toutes ses paroles semblent se rapporter à un fait passé et non futur. ― 3° Quoiqu’il soit difficile de ne pas voir dans les deux premiers chapitres un événement historique, on peut néanmoins concilier ensemble, jusqu’à un certain point, les deux opinions en admettant, comme cela paraît très vraisemblable, que Joël, dans sa seconde partie, considère l’invasion dont il a parlé dans la première comme le type du jugement de Dieu qui approche.]5 Réveillez-vous, ivrognes ; pleurez et criez (hurlez), vous tous qui buvez le vin avec délices (du vin doux), parce qu’il vous est enlevé de la bouche. [1.5 Doux ; littéralement, avec douceur (in dulcedine). Comme nous l’avons remarqué plus d’une fois, les adjectifs en hébreu son souvent remplacés par un substantif précédé d’une proposition. Ajoutons que le terme hébreu que la Vulgate a traduit ici par douceur signifie le vin doux ou nouveau, en latin mustum, mot qu’elle a employée ailleurs elle-même (voir Cantique des Cantiques, 8, 2 ; Isaïe, 49, 26).]6 Car un peuple vient fondre sur mon pays, fort et innombrable : ses dents sont comme les dents d’un lion, et ses mâchoires (molaires) comme celles d’un lionceau. [1.6 Une nation ; les sauterelles, qui ravagent et détruisent tout.]7 Il a changé ma vigne en désert, et il a arraché l’écorce de mes figuiers ; il les a entièrement dépouillés (de ses feuilles) et il les a jetés à terre ; leurs branches (rameaux) sont devenues blanc(he)s. [1.7 Les sauterelles rongent aussi et dévorent l’écorce des arbres.]8 Pleure comme une vierge qui se revêt d’un sac, à cause de l’époux de sa jeunesse. [1.8 Un sac ; c’est-à-dire, un vêtement rude et grossier qu’on portait dans le deuil.]9 Les oblations de blé et de vin (Le sacrifice et l’oblation) ont disparu de la maison du Seigneur ; les prêtres, les ministres du Seigneur, sont en deuil. [1.9 Les prêtres, etc. ; parce qu’ils ne peuvent plus offrir de sacrifices, à cause du manque de toutes les récoltes.]10 La contrée a été ravagée, la terre est en deuil, parce que le blé est détruit, le vin confus (a été confondu) et l’olivier languissant (l’huile s’est desséchée). [1.10 Le vin a été confondu ; honteux de n’avoir pas répondu à ce qu’on en attendait. C’est une prosopopée semblable à le sol a pleuré, du même verset. Comparer aux versets 12 et 17 ; Isaïe, 24, 7 ; 33, 9. Les Septante portent partout ont séché quant à l’hébreu, il est à la rigueur susceptible des deux sens, mais le premier paraît mieux fondé.]11 Les laboureurs sont confus, les vignerons poussent de grands cris à cause du blé et de l’orge, parce que la moisson des champs a péri. 12 La vigne est confuse et le figuier languissant ; le grenadier, le palmier, le pommier et tous les arbres des champs sont desséchés ; la joie s’en est allée confuse loin (s’est évanouie) des enfants (fils) des hommes. [1.12 En sorte que. C’est la véritable signification qu’a ici le quia de la Vulgate expliqué par l’hébreu, et la seule que comporte le contexte.]13 Prêtres, ceignez-vous et pleurez ; poussez des cris (hurlez), ministres de l’autel ; entrez dans le temple et couchez dans un sac, ministres de mon Dieu, parce que les oblations de blé et de vin (le sacrifice ainsi que la libation) ont disparu de la maison de votre Dieu. [1.13 Ceignez-vous ; revêtez-vous d’habits de deuil.]14 Ordonnez un jeûne sacré, convoquez (une) l’assemblée, rassemblez les vieillards et tous les habitants du pays dans la maison de votre Dieu, et criez au Seigneur. (:) [1.14 Voir Joël, 2, 15.]15 Ah ! quel (ah ! ah ! au) jour ! (;) car le jour du Seigneur est proche, et il vient comme un ravage du Tout-Puissant. [1.15 Ah ! ah ! ah ! au jour (a, a, a, diei) ; c’est-à-dire, ô jour malheureux !]16 Est-ce que devant vos yeux les aliments, la joie et l’allégresse n’ont pas disparu de la maison de notre Dieu ? 17 Les animaux (bêtes de somme) ont pourri dans leurs ordures, les greniers ont été détruits et les magasins (granges) ruinés (dévastées), parce que le blé est confus. [1.17 Le blé a été confondu. Voir le verset 10. ― L’invasion des sauterelles ayant tout dévasté, les animaux périssent faute de nourriture.]18 Pourquoi les bêtes gémissent-elles, et les bœufs du (les) troupeau(x de gros bétail) mugissent-ils (ont-ils mugi) ? C’est parce qu’il n’y a plus de pâturages pour eux ; les troupeaux de brebis périssent aussi (mais même les troupeaux de menu bétail ont péri entièrement). 19 (C’est) Vers vous, Seigneur, (que) je crierai, parce que le feu a dévoré la beauté des prairies (ce qu’il y avait de beau dans le désert), et que la flamme a brûlé tous les arbres de la contrée. [1.19 Un feu ; la stérilité, qui rend les champs comme brûlés et qui est la suite des ravages des sauterelles.]20 Les bêtes mêmes des champs, comme une aire altérée de (qui a soif de la) pluie, lèvent la tête vers vous, parce que les sources des eaux sont desséchées, et que le feu a dévoré la beauté des prairies (ce qu’il y avait de beau dans le désert).

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