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Vigouroux – Philémon 1

Lettre de saint Paul à Philémon

Introduction

Philémon était un homme de qualité de la ville de Colosses, que l’Apôtre, ou son disciple Epaphras, avait gagné au christianisme. Un de ses esclaves, Onésime, ayant pris la fuite, la providence le conduisit à Rome ; et l’Apôtre, l’ayant aussi converti, ne voulut ni le garder auprès de lui sans le consentement de son maître, ni le renvoyer à Colosses, sans recommander à Philémon ce frère repentant, et lui assurer un bon accueil. En la personne de cet esclave, saint Paul plaide la cause de tous ceux qui se trouvaient dans la même condition, c’est-à-dire de l’immensité majorité du genre humain.

Suivant toute apparence, l’Apôtre écrivit cette Lettre en même temps que les Epîtres aux Ephésiens et aux Colossiens. Il y fait mention, comme dans l’Epître aux Colossiens, d’Epaphras, de Timothée, d’Aristarque, de Marc, de Démas et de Luc. Peut-être est-ce par intérêt pour Onésime qu’il fait aux Colossiens de si vives recommandations en faveur des esclaves.

L’Epître à Philémon est la plus courte de toutes celles de l’Apôtre. Après une salutation où il remplace son titre d’apôtre par celui de captif de Jésus-Christ, vient comme exorde et sous forme d’actions de grâce, l’éloge de Philémon, versets 4 à 7. Ensuite il énonce son sujet, sans réticence, mais en s’appuyant sur des raisons qui doivent lui faire espérer un heureux succès, versets 8 à 16. Il finit en se substituant à Onésime, comme le Sauveur s’est substitué aux pécheurs, et en priant Philémon de l’agréer pour son débiteur. Tout cela est dit avec l’onction, la dignité, la simplicité qui caractérisent le chrétien et qu’inspire la charité du Sauveur. Rien de plus affectueux, de plus touchant, de plus propre à faire impression sur un fidèle. Rien aussi de plus insinuant. « Peu de pages, dit M. Renan, ont un accent de sincérité aussi prononcé. Paul seul, autant qu’il semble, a pu écrire ce petit chef d’œuvre. » Nous ajouterons avec saint Jérôme : Un billet d’un Apôtre pouvait seul avoir cette fortune d’être conservé, admiré, pris pour règle de conduite par toute la terre jusqu’à la fin des temps. (L. BACUEZ.)

Saint Paul exhorte Philémon à recevoir Onésime, son esclave, qui, s’étant enfui de chez lui, était venu trouver l’Apôtre à Rome, et y avait reçu le baptême.

1 Paul, prisonnier du Christ Jésus, et le frère Timothée, au bien-aimé Philémon, notre collaborateur, [1.1 Philémon était le maître d’un esclave nommé Onésime, lequel, s’étant enfui de sa maison, se réfugia près de saint Paul. L’Apôtre le convertit, le réconcilia avec Philémon, et en un fit un apôtre.]2 et à Appia, notre sœur très chère, et à Archippe, notre compagnon d’armes, et à l’Eglise qui est dans la (ta) maison. [1.2 Appia était très probablement, comme l’a supposé saint Jean Chrysostome, la femme de Philémon. ― Archippe devait être leur fils. ― A l’Eglise qui est dans ta maison. La maison de Philémon servait d’église ou de lieu de réunion pour les fidèles.]3 Que la grâce et la paix vous soient données par Dieu notre Père et par le Seigneur Jésus-Christ. 4 Je rends grâce à mon Dieu, faisant sans cesse mention de toi dans mes prières, [1.4 Faisant sans cesse mémoire de toi. Voir, pour le vrai sens de cette expression, Romains, 1, 9.]5 parce que j’apprends quelle est (ta charité) et ta foi pour le Seigneur Jésus et (ta charité) envers tous les saints. [1.5 Pour tous les saints. Voir Actes des Apôtres, 9, 13.]6 Je demande que ta libéralité, qui provient de la foi, devienne manifeste, se faisant connaître par toute sorte de bonnes œuvres qui se pratiquent chez vous dans le Christ Jésus. [1.6 Ta participation à la foi. Comparer à Philippiens, 1, 5. D’autres traduisent : La libéralité qui naît de ta foi, qui est un effet de ta foi ; sens dont la Vulgate, en effet, est susceptible aussi bien que le texte grec. Ce verset difficile est diversement expliqué.]7 Car j’ai ressenti une grande joie et une grande consolation au sujet de ta charité, parce que les cœurs des saints ont été soulagés par toi, frère. 8 C’est pourquoi, bien qu’ayant en Jésus-Christ une entière liberté de t’ordonner ce qui convient, 9 c’est de préférence au nom de la charité que je t’adresse une prière, tel que je suis, moi, Paul, vieillard, et de plus maintenant prisonnier de Jésus-Christ. 10 Je te prie pour mon fils, que j’ai engendré dans les chaînes, pour Onésime, 11 qui t’a été autrefois inutile, mais qui maintenant est utile et à moi, et à toi, 12 et que je te renvoie. Accueille-le comme mon propre cœur (mes entrailles). 13 Je voulais le retenir auprès de moi, pour qu’il me servît à ta place dans les chaînes que je porte pour l’Evangile ; [1.13 Les liens de l’Evangile ; c’est-à-dire les liens dont je suis chargé pour l’Evangile.]14 mais je n’ai rien voulu faire sans ton avis, afin que ton bienfait ne fût pas forcé, mais spontané (volontaire). 15 Car peut-être n’a-t-il été séparé de toi pour un temps, afin que tu le recouvres pour l’éternité, 16 non plus désormais comme un esclave, mais comme (celui qui d’esclave est devenu) un frère bien-aimé, pour moi en particulier, à plus forte raison pour toi, soit dans la chair, soit dans le Seigneur. [1.16 Selon la chair, sous le rapport social, étant ton esclave ; selon le Seigneur, en sa qualité de chrétien.]17 Si donc tu me regardes comme uni à toi, accueille-le comme moi-même ; 18 et s’il t’a fait quelque tort, ou s’il te doit quelque chose, mets-le sur mon compte. [1.18 Rien que par sa fuite, Onésime avait causé un grave préjudice à son maître ; peut-être avait-il aussi commis quelque vol.]19 Moi, Paul, je t’écris de ma propre main : je te le rendrai, pour ne pas te dire que tu te dois toi-même à moi. 20 Oui, frère, que je reçoive de toi cette joie dans le Seigneur ; tranquillise mon cœur dans le Seigneur. [1.20 Oui, mon frère. D’après l’édition autorisée de la Vulgate, ces mots se rattachent aux précédents, et confirment ce que l’Apôtre vient de dire.]21 C’est en comptant sur ton obéissance que je t’écris, sachant que tu feras encore plus que je ne dis. 22 En même temps, prépare-moi un logement ; car j’espère vous être rendu, grâce à vos prières. 23 Epaphras, mon compagnon de captivité dans le Christ Jésus, te salue, [1.23 Epaphras. Voir Colossiens, 1, 7.]24 ainsi que Marc, Aristarque, Démas et Luc, mes collaborateurs. [1.24 Marc, voir Actes des Apôtres, 12, 12. ― Aristarque. Voir Actes des Apôtres, 19, 29. ― Démas. Voir Colossiens, 4, 14. ― Luc l’évangéliste.]25 Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit. Amen.

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