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Vigouroux – Sagesse 10

Merveilles opérées par la sagesse depuis le commencement du monde, en la personne d’Adam, de Noé, d’Abraham, de Jacob, de Joseph, de Moïse, et en faveur des Israélites.

10 C’est elle qui garda celui que Dieu avait formé le premier pour être le père du monde, et qui avait d’abord été créé seul ; [10.1 Voir Genèse, 1, 27. ― Celui qui fut formé le premier par Dieu, Adam.]2 c’est elle aussi qui le tira de son péché, et qui lui donna la force de gouverner toutes choses. [10.2 Voir Genèse, 2, 7.]3 Lorsque (un, note) l’injuste, dans sa colère, se sépara d’elle, il périt par la fureur qui le rendit meurtrier de son frère. [10.3 Voir Genèse, 4, 8. ― Un injuste ; c’est-à-dire Caïn. ― Au meurtre de son frère, Abel.]4 Et lorsque, à cause de lui, l’eau inonda la terre, le salut vint encore de la sagesse (sauva encore le monde), qui dirigea le juste par un bois méprisable. [10.4 Voir Genèse, 7, 21. ― A cause de lui ; à cause de ses péchés que ses descendants imitèrent. ― Un bois méprisable. L’arche de Noé, désigné ici sous le nom de juste, parut, en effet, méprisable aux yeux de ses contemporains impies.]5 Et lorsque les nations conspirèrent ensemble pour se livrer au mal, c’est elle qui connut (discerna) le juste, qui le conserva irrépréhensible devant Dieu, et qui le rendit fort dans sa tendresse pour son fils. [10.5 Voir Genèse, 11, 2. ― Le juste ; probablement Abraham, qui se conserva pur au milieu des peuples idolâtres, et même au milieu de la famille de son père, qui adorait les idoles. ― Et le conserva fort, etc. Ceci convient parfaitement à Abraham, qui, comme le remarque saint Ambroise, se montra sage en croyant à Dieu, qui lui parlait, et en ne préférant pas son amour pour son fils aux ordres de son Dieu ; juste, en rendant au créateur ce qu’il tenait de sa libéralité ; enfin, fort et généreux, en réprimant les sentiments de la nature, en offrant à Dieu un sacrifice entier de tout ce qu’il avait de plus cher au monde, et de tout ce qu’il ressentait de plus vif et de plus tendre.]6 C’est elle qui délivra le juste, lorsqu’il fuyait du milieu des impies, qui périrent par le feu tombé sur la Pentapole. [10.6 Voir Genèse, 19, vv. 17, 22. ― Un juste ; c’est Lot. ― La Pentapole ; c’est-à-dire les cinq villes : Sodome, Gomorrhe, Adam, Séboïm et Ségor ; cette dernière fut préservée par les prières de Lot. Ce qui est dit dans ce verset et le suivant sur la Pentapole se trouve confirmé par les relations des voyageurs.]7 En témoignage de leur malice, cette terre fume encore, demeurée déserte ; les arbres portent des fruits qui ne mûrissent pas (hors de saison), et l’on voit debout une statue de sel, monument d’une âme incrédule. [10.7 Des fruits hors de saison (incerto tempore) ; qui ne mûrissent pas. C’est l’opposé des fruits qui viennent dans leur temps (tempore suo), comme le dit le Psalmiste (voir Psaumes, 1, 3), et qui par là même arrivent à une parfaite maturité. ― Une statue de sel, etc. Voir Genèse, 19, 24-26. ― Il y a toujours une évaporation très forte sur la mer Morte ; elle suffit pour compenser l’apport que lui fait le Jourdain, apport que Tobler évalue à six millions quatre-vingt dix mille tonnes par jour. C’est peut-être à ce phénomène que fait allusion l’auteur de la Sagesse ; mais il faut remarquer de plus que sur la rive orientale, il y a plusieurs sources qui se jettent dans l’ouadi Zerka, et dont l’eau presque bouillante remplit la vallée de vapeur fumante. ― Portant des fruits hors de saison, les célèbres pommes de Sodome. Josèphe dit que la terre de Sodome produit des fruits qui paraissent bons à manger, mais qui se réduisent en poussière dès qu’on les touche. On croit communément que c’est le fruit de l’asclépiade géante, l’ochar des Arabes. Il est jaune et ressemble à une pomme. On trouve sur la côte occidentale de la mer Morte et principalement à Engaddi un fruit qu’on appelle « pomme de Sodome. Il a neuf centimètres de la queue à l’extrémité et onze centimètres de circonférence. Il n’a pas de chair et n’est vraiment qu’une peau verte ressemblant à celle d’une figue, contenant des graines semblables aux pépins des pommes ordinaires. Chacun de ces pépins porte une grosse barbe d’environ trois centimètres de long, plus douce que la soie. Cette barbe se file plus facilement que le coton, mais elle n’a pas beaucoup de résistance. La plante qui le produit est vivace est semi-ligneuse ; elle ne dépasse guère la hauteur de trois mètres, et ses feuilles ressemblent assez à une petite feuille de chou cabu, excepté cependant qu’elles ne sont pas bombées. Ne serait-ce pas là le fruit dont parle le livre de la Sagesse ? » (LIEVIN.)]8 Car ceux qui ont négligé la sagesse ne sont pas seulement tombés dans l’ignorance du bien, mais ils ont en outre laissé aux hommes le souvenir de leur folie, sans que leurs fautes aient pu demeurer cachées. 9 Mais la sagesse a délivré de tous les maux ceux qui l’ont révérée (l’observent). 10 C’est elle qui a conduit le juste par des voies droites, lorsqu’il fuyait la colère de son frère ; elle lui a montré le royaume de Dieu, lui a donné la science des saints, l’a enrichi dans ses travaux, et a fait fructifier ses labeurs. [10.10 Voir Genèse, 28, vv. 5, 10. ― Un juste ; Jacob, frère d’Esaü. ― L’a enrichi (honestavit). Voir Sagesse, 7, 11. Pour les autres détails concernant Jacob, et compris dans les versets 11 et 12, on peut comparer à Genèse, chapitres 31 à 33.]11 Elle l’a aidé contre ceux qui voulaient le tromper par leurs ruses, et elle l’a enrichi. 12 Elle l’a protégé contre ses ennemis, l’a défendu contre les séducteurs, et l’a engagé dans un rude combat, afin qu’il fût victorieux, et qu’il sût que la sagesse est plus puissante que toutes choses. 13 C’est elle qui n’a pas abandonné le juste lorsqu’il fut vendu, mais qui l’a délivré des (mains des) pécheurs ; elle est descendue avec lui dans la fosse, [10.13 Voir Genèse, 37, 28. ― Ce verset et le suivant tracent les principaux traits de l’histoire de Joseph, fils du patriarche Jacob.]14 et ne l’a pas quitté dans les chaînes, jusqu’à ce qu’elle lui eût apporté le sceptre royal et la puissance contre ceux qui l’humiliaient (l’opprimaient) ; elle a convaincu de mensonge ceux qui l’avaient déshonoré, et lui a donné une gloire éternelle. [10.14 Voir Genèse, 41, 40 ; Actes des Apôtres, 7, 10. ― Le sceptre du royaume. Moïse dit que Pharaon établit Joseph sur toute sa maison, et qu’il lui donna une autorité absolue sur toute l’Egypte ; cela suffit pour justifier l’expression sceptre du royaume, surtout si on considère que dans le pays de Chanaan on donnait le nom de rois à tous ceux qui gouvernaient une ville ou qui étaient élevés à de grands honneurs, et qu’Abraham et Moïse sont appelés rois par Justin, Nicolas de Damas et l’historien Josèphe. ― Qui l’ont déshonoré ; c’est-à-dire qui ont cherché à le déshonorer par de fausses accusations, comme la femme de Putiphar.]15 C’est elle qui a délivré le peuple juste et la race irréprochable des nations qui l’opprimaient. [10.15 Voir Exode, 1, 11. ― Un peuple, etc. Les Israélites pouvaient être appelés justes et irrépréhensibles, par rapport aux Egyptiens qu’ils n’avaient jamais offensés et qui les avaient réduits à la plus cruelle servitude, et même un peuple saint, avec le texte grec, puisque ce peuple était choisi de Dieu pour lui être consacré, et que dès lors il servait et adorait le Dieu que ses pères avaient servi et adoré, et que, de plus, les prémices en étaient consacrées à Dieu dans la personne des anciens patriarches et des autres justes qui leur avaient succédé dans ce même peuple. C’est ainsi que saint Paul, dans le temps même de la réprobation d’une partie du peuple juif, dit en parlant de cette nation : Que si les prémices sont saintes, la masse l’est aussi ; et si la racine est sainte, les rameaux aussi (voir Romains, 11, 16).]16 Elle est entrée dans l’âme du serviteur de Dieu, et s’est élevée avec des signes et des prodiges contre les (des) rois redoutables. [10.16 D’un serviteur de Dieu ; de moïse. ― Des rois redoutables. Moïse ne parut que devant Pharaon ; mais, comme on l’a vu au verset 14, on donnait dans ces temps-là le nom de roi aux grands et aux princes.]17 Elle a rendu aux justes la récompense de leurs travaux, les a conduits par une voie admirable, et leur a tenu lieu d’ombre pendant le jour, et de la lumière des étoiles pendant la nuit. 18 Elle les a conduits à travers la mer Rouge, et les a fait passer au milieu des eaux profondes (immenses). [10.18 Voir Exode, 14, 22 ; Psaumes, 67, 13.]19 Elle a submergé (ensevelis) leurs ennemis dans la mer, et elle les a retirés du fond des abîmes. Ainsi les justes ont enlevé les dépouilles des impies ; [10.19 Voir Exode, 12, 35. ― Elle les a retirés eux-mêmes ; c’est-à-dire les Israélites appelés justes dans les versets précédents. La plupart des interprètes expliquent ainsi le texte ; mais quelques-uns appliquent le pronom les (illos) aux Egyptiens, nommés dans le même verset les ennemis des Israélites (inimicos illorum). Ces derniers se fondent : 1° sur ce que Moïse dit expressément qu’après avoir traversé la mer à pied sec, les enfants d’Israël virent les Egyptiens morts sur le rivage (voir Exode, 14, 31) ; 2° sur ce que l’auteur de la Sagesse ajoute immédiatement : C’est pour cela que les justes ont emporté les dépouilles des impies (des Egyptiens) ; arguments, il faut en convenir, plus spécieux que solides.]20 ils ont chanté, Seigneur, votre saint nom, et ils ont loué tous ensemble votre main victorieuse : [10.20 Voir Exode, 15, 1.]21 car la sagesse a ouvert la bouche des muets, et a rendu éloquentes les langues des (petits) enfants.

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