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Vigouroux – Sagesse 17

Jugements de Dieu. Ténèbres de l’Egypte et frayeur des Egyptiens, tandis que le reste du monde jouissait de la lumière et vaquait librement à ses travaux.

17 Vos jugements sont grands, Seigneur, et vos paroles sont ineffables (inexprimables). C’est pourquoi les âmes sans instruction (science) se sont égarées. [17 Il y a dans ce chapitre plusieurs faits qui concernent les Egyptiens ; il faut, pour les mieux comprendre, les comparer avec le livre de l’Exode.][17.1 Inexprimables (inenarrabilia) ; ou difficiles à exposer, à expliquer, comme porte le texte grec. ― Les âmes sans science ; littéralement indisciplinées (indisciplinatæ) ; mais il faut se rappeler que dans l’Ecriture, et surtout dans les Livres sapientiaux, le mot disciplina s’emploie fréquemment pour science ; aussi le grec porte-t-il ici sans instruction, sans éducation. Or ces âmes sans science, de même que les impies, mentionnés dans le verset suivant, désignent les Egyptiens.]2 Car les méchants, persuadés qu’ils pourraient dominer la nation sainte, (ont été) liés par les chaînes des ténèbres et d’une longue nuit ; et enfermés sous leurs toits, ils sont restés couchés (ont été abattus), se soustrayant à votre (éternelle) Providence(, qui ne cesse jamais d’agir). [17.2 Voir Exode, 10, 23. ― Fuyant (fugitivi), etc. ; allusion aux esclaves fugitifs, que leurs maîtres chargent de chaînes et enferment dans un sombre cachot. ― Description de la neuvième plaie d’Egypte, celle des ténèbres (du chapitre 17, verset 1 au chapitre 18, verset 4). Elle fut produite par le vent appelé khamsin, qui obscurcit l’air et le remplit d’une poussière impalpable qui pénètre partout. Les Egyptiens fuient la tempête en s’enfermant sous leurs toits.]3 S’imaginant qu’ils demeuraient cachés dans l’obscurité de leurs péchés (secrets), ils ont été dispersés sous le voile ténébreux de l’oubli, et, saisis d’un horrible effroi, ils ont été frappés d’un profond étonnement. [17.3 Saisis d’un horrible effroi. Les tempêtes de khamsin, surtout quand elles sont portées à un degré extraordinaire, comme dans le miracle de la neuvième plaie, produisent un grand malaise et par conséquent une grande terreur.]4 Car la caverne où ils s’étaient retirés ne les défendait pas de la crainte ; en effet, le bruit qui descendait les effrayait, et ils voyaient paraître des spectres affreux (lugubres) qui les remplissaient d’épouvante. [17.4 Des spectres lugubres apparaissent aux Egyptiens enfiévrés par la tempête.]5 Et il n’y avait pas de feu assez ardent pour leur fournir de la lumière, et les flammes brillantes (pures) des étoiles (astres) ne pouvaient éclairer cette nuit horrible. [17.5 Aucun feu ardent ne pouvait leur donner la lumière du soleil, complètement voilé par le sable impalpable qui remplit l’atmosphère dans les tempêtes de khamsin.]6 (Mais) Ils voyaient apparaître une lueur (un feu) soudain(e), pleins d’effroi, et épouvantés par ces fantômes qu’ils ne faisaient qu’entrevoir, ils croyaient ces apparitions encore plus terribles (ils estimaient pires les choses qu’ils voyaient clairement). [17.6 Un feu subit, etc. Ce feu subit qui passait comme un éclair, leur permettait d’entrevoir les objets, mais non de les remarquer à loisir et distinctement. C’est cette vue subite et interrompue qui au lieu de les rassurer augmentait leur terreur, et par là même leur faisait juger les choses plus affreuses et plus terribles qu’elles ne l’étaient réellement. ― Il leur apparaissait un feu subit. Au lieu de subit, le texte original porte : « un bûcher qui s’allume de lui-même, » expression qui exprime très bien l’état de l’atmosphère embrasée par le khamsin. Elle est rougeâtre comme les lueurs d’un incendie.]7 Le recours à l’art des magiciens ne fut qu’une dérision, et la sagesse dont ils faisaient gloire fut convaincue honteusement de fausseté. [17.7 Voir Exode, 7, 22 ; 8, 7.]8 Car ceux qui promettaient de bannir les craintes et les troubles de l’âme languissante languissaient eux-mêmes ridiculement, pleins d’épouvante. 9 Car alors même que rien de terrible (du côté des spectres) ne les troublait, terrifiés par le passage des bêtes et par le sifflement des serpents, ils mouraient de peur, et ils refusaient de voir l’air auquel on ne pouvait échapper en aucune manière. [17.9 L’air…, ils refusaient de le voir. C’est en effet dans l’air qu’est le fléau.]10 Car, comme la méchanceté est timide, elle se condamne par son propre témoignage ; troublée par la conscience, elle s’attend toujours à de grands maux (se représente toujours d’avance les choses terribles). [17.10 Troublée (turbala) ; se rapporte à méchanceté qui précède. ― Par la conscience (conscientia). C’est le sens formel des Septante. La Vulgate étant amphibologique, nous avons cru devoir l’interpréter par le texte grec, contrairement à Bible catholique anglaise, à celle de Scio (en espagnol), à celle d’Allioli et à celle de Loch et Reischl (en allemand).]11 En effet, la crainte n’est autre chose que le trouble de l’âme qui se croit abandonnée de tout secours. [17.11 L’abandon, etc. ; le manque, la privation des secours que la pensée peut offrir.]12 Et moins elle attend (moins de secours) du dedans d’elle-même, plus elle grossit, sans les bien connaître, les sujets qu’elle a de se tourmenter. [17.12 La cause inconnue ; littéralement l’ignorance de la cause.]13 Pour eux, pendant cette nuit tout à fait impuissante, sortie du plus profond abîme des enfers, dormant le même sommeil, [17.13 Impuissante. Cette nuit est ainsi appelée, soit parce qu’elle mettait les Egyptiens dans l’impuissance d’agir, soit parce qu’elle ne pouvait être ni évitée, ni éclairée.]14 ils étaient tantôt troublés par la crainte des spectres, et tantôt abattus parce que le cœur leur manquait, car un effroi (une crainte) soudain(e) et inattendu(e) s’était emparé(e) d’eux. [17.14 Par l’abandon de leur âme ; dans le grec par la trahison de l’âme ; c’est-à-dire que leur âme effrayée elle-même les abandonnait.]15 Si quelqu’un d’eux était tombé, il demeurait enfermé sans chaînes dans cette sorte de prison (de ténèbres). [17.15 Sans chaînes autres qui le retinssent que l’obscurité même qui les environnait de toutes parts. Comparer au verset 17. ― Quand le khamsin est déchaîné avec violence, l’indigène se couche dans son manteau et ne bouge plus, pour échapper autant que possible à la poussière impalpable et brûlante qui pénètre partout.]16 Que l’homme ainsi surpris fût un laboureur, ou un berger, ou un ouvrier occupé aux travaux des champs (cultivateur), il était soumis à une nécessité inévitable ; [17.16 Une nécessité inévitable ; celle de ne pouvoir quitter le lieu où il avait été surpris par les ténèbres et la frayeur.]17 car ils étaient tous liés par une même chaîne de ténèbres. (Ou) Le vent qui sifflait, (ou) le suave concert (la voix douce) des oiseaux parmi les branches touffues des arbres, (ou) la violence de l’eau qui courait avec impétuosité, 18 (ou) le grand bruit des pierres qui se précipitaient, les mouvements invisibles des animaux qui jouaient ensemble, (ou) la voix puissante des bêtes qui hurlaient, ou l’écho qui retentissait du creux des montagnes, tout les faisait mourir d’effroi. [17.18 Sans être aperçus. Ils entendaient le hurlement des animaux, mais ils ne les voyaient pas.]19 Car tout l’univers était éclairé par une lumière limpide, et s’occupait de ses travaux sans obstacle. 20 Sur eux seuls pesait une nuit profonde, image des ténèbres qui leur étaient réservées, et ils étaient plus insupportables à eux-mêmes que les ténèbres. [17.20 Image, etc. L’écrivain sacré fait allusion au malheur éternel qui attendait les Egyptiens après leur mort, sous l’image d’une nuit profonde. C’est ainsi que l’enfer et la damnation nous sont représentés dans l’Evangile et dans les écrits des Apôtres. Voir Matthieu, 8, 12 ; 22, 13 ; 2 Pierre, 2, 17 ; Jude, 1, 13, etc.]

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