retour

Louis Segond

Lamentations 1-2

Lamentations de Jérémie

Les malheurs de Jérusalem.

1 Eh quoi ! elle est assise solitaire, cette ville si peuplée !
Elle est semblable à une veuve !
Grande entre les nations, souveraine parmi les états,
Elle est réduite à la servitude !

2 Elle pleure durant la nuit, et ses joues sont couvertes de larmes ;
De tous ceux qui l'aimaient nul ne la console ;
Tous ses amis lui sont devenus infidèles,
Ils sont devenus ses ennemis.

3 Juda est en exil, victime de l'oppression et d'une grande servitude ;
Il habite au milieu des nations,
Et il n'y trouve point de repos ;
Tous ses persécuteurs l'ont surpris dans l'angoisse.

4 Les chemins de Sion sont dans le deuil, car on ne va plus aux fêtes ;
Toutes ses portes sont désertes,
Ses sacrificateurs gémissent,
Ses vierges sont affligées, et elle est remplie d'amertume.

5 Ses oppresseurs triomphent, ses ennemis sont en paix ;
Car l'Éternel l'a humiliée,
A cause de la multitude de ses péchés ;
Ses enfants ont marché captifs devant l'oppresseur.

6 La fille de Sion a perdu toute sa gloire ;
Ses chefs sont comme des cerfs
Qui ne trouvent point de pâture,
Et qui fuient sans force devant celui qui les chasse.

7 Aux jours de sa détresse et de sa misère, Jérusalem s'est souvenue
De tous les biens dès longtemps son partage,
Quand son peuple est tombé sans secours sous la main de l'oppresseur ;
Ses ennemis l'ont vue, et ils ont ri de sa chute.

8 Jérusalem a multiplié ses péchés,
C'est pourquoi elle est un objet d'aversion ;
Tous ceux qui l'honoraient la méprisent, en voyant sa nudité ;
Elle-même soupire, et détourne la face.

9 La souillure était dans les pans de sa robe, et elle ne songeait pas à sa fin ;
Elle est tombée d'une manière étonnante, et nul ne la console.
Vois ma misère, ô Éternel !
Quelle arrogance chez l'ennemi !

10 L'oppresseur a étendu la main
Sur tout ce qu'elle avait de précieux ;
Elle a vu pénétrer dans son sanctuaire les nations
Auxquelles tu avais défendu d'entrer dans ton assemblée.

11 Tout son peuple soupire, il cherche du pain ;
Ils ont donné leurs choses précieuses pour de la nourriture,
Afin de ranimer leur vie.
Vois, Éternel, regarde comme je suis avilie !

12 Je m'adresse à vous, à vous tous qui passez ici !
Regardez et voyez s'il est une douleur pareille à ma douleur,
A celle dont j'ai été frappée !
L'Éternel m'a affligée au jour de son ardente colère.

13 D'en haut il a lancé dans mes os un feu qui les dévore ;
Il a tendu un filet sous mes pieds,
Il m'a fait tomber en arrière ;
Il m'a jetée dans la désolation, dans une langueur de tous les jours.

14 Sa main a lié le joug de mes iniquités ;
Elles se sont entrelacées, appliquées sur mon cou ;
Il a brisé ma force ;
Le Seigneur m'a livrée à des mains auxquelles je ne puis résister.

15 Le Seigneur a terrassé tous mes guerriers au milieu de moi ;
Il a rassemblé contre moi une armée,
Pour détruire mes jeunes hommes ;
Le Seigneur a foulé au pressoir la vierge, fille de Juda.

16 C'est pour cela que je pleure, que mes yeux fondent en larmes ;
Car il s'est éloigné de moi, celui qui me consolerait,
Qui ranimerait ma vie.
Mes fils sont dans la désolation, parce que l'ennemi a triomphé.

17 Sion a étendu les mains,
Et personne ne l'a consolée ;
L'Éternel a envoyé contre Jacob les ennemis d'alentour ;
Jérusalem a été un objet d'horreur au milieu d'eux.

18 L'Éternel est juste,
Car j'ai été rebelle à ses ordres.
Ecoutez, vous tous, peuples, et voyez ma douleur !
Mes vierges et mes jeunes hommes sont allés en captivité.

19 J'ai appelé mes amis, et ils m'ont trompée.
Mes sacrificateurs et mes anciens ont expiré dans la ville :
Ils cherchaient de la nourriture,
Afin de ranimer leur vie.

20 Éternel, regarde ma détresse ! Mes entrailles bouillonnent,
Mon cœur est bouleversé au dedans de moi,
Car j'ai été rebelle.
Au dehors l'épée a fait ses ravages, au dedans la mort.

21 On a entendu mes soupirs, et personne ne m'a consolée ;
Tous mes ennemis ont appris mon malheur,
Ils se sont réjouis de ce que tu l'as causé ;
Tu amèneras, tu publieras le jour où ils seront comme moi.

22 Que toute leur méchanceté vienne devant toi,
Et traite-les comme tu m'as traitée,
A cause de toutes mes transgressions !
Car mes soupirs sont nombreux, et mon cœur est souffrant.

La ruine de Jérusalem.

2 Eh quoi ! le Seigneur, dans sa colère, a couvert de nuages la fille de Sion !
Il a précipité du ciel sur la terre la magnificence d'Israël !
Il ne s'est pas souvenu de son marchepied,
Au jour de sa colère !

2 Le Seigneur a détruit sans pitié toutes les demeures de Jacob ;
Il a, dans sa fureur, renversé les forteresses de la fille de Juda,
Il les a fait rouler à terre ;
Il a profané le royaume et ses chefs.

3 Il a, dans son ardente colère, abattu toute la force d'Israël ;
Il a retiré sa droite en présence de l'ennemi ;
Il a allumé dans Jacob des flammes de feu,
Qui dévorent de tous côtés.

4 Il a tendu son arc comme un ennemi ;
Sa droite s'est dressée comme celle d'un assaillant ;
Il a fait périr tout ce qui plaisait aux regards ;
Il a répandu sa fureur comme un feu sur la tente de la fille de Sion.

5 Le Seigneur a été comme un ennemi ;
Il a dévoré Israël, il a dévoré tous ses palais,
Il a détruit ses forteresses ;
Il a rempli la fille de Juda de plaintes et de gémissements.

6 Il a dévasté sa tente comme un jardin,
Il a détruit le lieu de son assemblée ;
L'Éternel a fait oublier en Sion les fêtes et le sabbat,
Et, dans sa violente colère, il a rejeté le roi et le sacrificateur.

7 Le Seigneur a dédaigné son autel, repoussé son sanctuaire ;
Il a livré entre les mains de l'ennemi les murs des palais de Sion ;
Les cris ont retenti dans la maison de l'Éternel,
Comme en un jour de fête.

8 L'Éternel avait résolu de détruire les murs de la fille de Sion ;
Il a tendu le cordeau, il n'a pas retiré sa main sans les avoir anéantis ;
Il a plongé dans le deuil rempart et murailles,
Qui n'offrent plus ensemble qu'une triste ruine.

9 Ses portes sont enfoncées dans la terre ;
Il en a détruit, rompu les barres.
Son roi et ses chefs sont parmi les nations ; il n'y a plus de loi.
Même les prophètes ne reçoivent aucune vision de l'Éternel.

10 Les anciens de la fille de Sion sont assis à terre, ils sont muets ;
Ils ont couvert leur tête de poussière,
Ils se sont revêtus de sacs ;
Les vierges de Jérusalem laissent retomber leur tête vers la terre.

11 Mes yeux se consument dans les larmes, mes entrailles bouillonnent,
Ma bile se répand sur la terre,
A cause du désastre de la fille de mon peuple,
Des enfants et des nourrissons en défaillance dans les rues de la ville.

12 Ils disaient à leurs mères :
Où y a-t-il du blé et du vin ?
Et ils tombaient comme des blessés dans les rues de la ville,
Ils rendaient l'âme sur le sein de leurs mères.

13 Que dois-je te dire ? à quoi te comparer, fille de Jérusalem ?
Qui trouver de semblable à toi, et quelle consolation te donner,
Vierge, fille de Sion ?
Car ta plaie est grande comme la mer :
Qui pourra te guérir ?

14 Tes prophètes ont eu pour toi des visions vaines et fausses ;
Ils n'ont pas mis à nu ton iniquité,
Afin de détourner de toi la captivité ;
Ils t'ont donné des oracles mensongers et trompeurs.

15 Tous les passants battent des mains sur toi,
Ils sifflent, ils secouent la tête contre la fille de Jérusalem :
Est-ce là cette ville qu'on appelait une beauté parfaite,
La joie de toute la terre ?

16 Tous tes ennemis ouvrent la bouche contre toi,
Ils sifflent, ils grincent des dents,
Ils disent : Nous l'avons engloutie !
C'est bien le jour que nous attendions, nous l'avons atteint, nous le voyons !

17 L'Éternel a exécuté ce qu'il avait résolu,
Il a accompli la parole qu'il avait dès longtemps arrêtée,
Il a détruit sans pitié ;
Il a fait de toi la joie de l'ennemi,
Il a relevé la force de tes oppresseurs.

18 Leur cœur crie vers le Seigneur...
Mur de la fille de Sion, répands jour et nuit des torrents de larmes !
Ne te donne aucun relâche,
Et que ton œil n'ait point de repos !

19 Lève-toi, pousse des gémissements à l'entrée des veilles de la nuit !
Répands ton cœur comme de l'eau, en présence du Seigneur !
Lève tes mains vers lui pour la vie de tes enfants
Qui meurent de faim aux coins de toutes les rues !

20 Vois, Éternel, regarde qui tu as ainsi traité !
Fallait-il que des femmes dévorassent le fruit de leurs entrailles,
Les petits enfants objets de leur tendresse ?
Que sacrificateurs et prophètes fussent massacrés dans le sanctuaire du Seigneur ?

21 Les enfants et les vieillards sont couchés par terre dans les rues ;
Mes vierges et mes jeunes hommes sont tombés par l'épée ;
Tu as tué, au jour de ta colère,
Tu as égorgé sans pitié.

22 Tu as appelé de toutes parts sur moi l'épouvante, comme à un jour de fête.
Au jour de la colère de l'Éternel, il n'y a eu ni réchappé ni survivant.
Ceux que j'avais soignés et élevés,
Mon ennemi les a consumés.