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Bible de Jérusalem

2 Maccabées

DEUXIÈME LIVRE DES MACCABÉES

Introduction au deuxième livre des Maccabées

I. Lettres aux Juifs d’Égyptea

PREMIÈRE LETTRE

1 À leurs frères, aux Juifs qui sont en Égypte,b salut ; les Juifs, leurs frères, qui sont à Jérusalem et ceux du pays de Judée leur souhaitent une paix excellente.

a Ces deux lettres sont des invitations à célébrer la fête de la Dédicace, cf. 1 M 4.59. La première partie du livre, jusqu’à 10.8, sera une justification historique de cette fête.

b Il y avait depuis longtemps des colonies juives en Égypte. La mieux connue est celle d’Éléphantine qui remonte au début du VIe s. Vers 150 av. J.-C., le prêtre Onias IV, fils d’Onias III massacré à Daphné, 4.33s, établit à Léontopolis un temple à l’imitation de celui de Jérusalem, cf. 1 M 10.20. Les Juifs de Jérusalem veulent maintenir la communauté de culte avec leurs frères d’Égypte, alors persécutés par Ptolémée VIII.

2 Que Dieu vous comble de ses bienfaits, qu’il se souvienne de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob, ses fidèles serviteurs. 3 Qu’il vous donne à tous un cœur pour l’adorer et accomplir ses volontés généreusement et de bon gré. 4 Qu’il ouvre votre cœur à sa loi et à ses préceptes et qu’il instaure la paix. 5 Qu’il exauce vos prières et se réconcilie avec vous, qu’il ne vous abandonne pas au temps du malheur. 6 En ce moment, ici même, nous sommes en prière pour vous. 7 Sous le règne de Démétrius, l’an cent soixante-neuf, nous, les Juifs, nous vous avons écrit ceci :c « Au cours de la détresse et de la crise qui fondirent sur nous en ces années, depuis que Jason et ses partisans avaient trahi la terre sainte et le royaume,

c On rappelle donc ici une lettre antérieure, écrite aux Égyptiens en 169 séleucide (142 av. J.-C., cf. 1 M 1.10), touchant les malheurs des Judéens, consécutifs à la défection de Jason, cf. 4.7s. Ce châtiment a cessé avec la réconciliation du Temple et de ses fidèles. Donc, on décide de célébrer la nouvelle dédicace du Temple de Jérusalem.

8 ils incendièrent la grande porte (du Temple) et répandirent le sang innocent. Alors nous avons prié le Seigneur et nous avons été exaucés ; nous avons offert un sacrifice et de la fleur de farine ; nous avons allumé les lampes et exposé les pains. » 9 Et maintenant nous vous écrivons pour que vous célébriez la fête des Tentes du mois de Kisleu. 10 En l’année cent quatre-vingt-huit.d
Ceux qui sont à Jérusalem et ceux qui sont en Judée, le sénat et Judas,e à Aristobule,f conseiller du roi Ptolémée et issu de la race des prêtres consacrés, aux Juifs qui sont en Égypte, salut et bonne santé.

d En 124 av. J.-C., cette « fête des Tentes » (encore v. 18) de Kisleu (décembre) est la Dédicace, cf. 1 M 4.59 ; cet autre nom lui vient de sa ressemblance avec la grande fête des Tentes du mois de Tishri (octobre) cf. 10.6 ; Lv 23.34s.

e La seconde lettre se donne pour un document de quarante ans plus vieux que le précédent, étant une invitation, v. 18, à la dédicace même du Temple, qui eut lieu le 25 Kisleu 148 séleucide (15 décembre 164 av. J.-C.). Le récit joint à des rumeurs sur la mort d’Antiochus Épiphane des traditions populaires concernant Néhémie et Jérémie. L’auteur sacré, en l’insérant en tête de son ouvrage, ne se porte pas garant de sa valeur historique.

f Judas Maccabée.

DEUXIÈME LETTREg

Action de grâces pour le châtiment d’Antiochus

11 Sauvés par Dieu de graves périls, nous le remercions grandement de ce qu’il est notre champion contre le roi,

g Juif alexandrin connu par ses explications allégoriques du Pentateuque. Il dédia son œuvre à Ptolémée VI Philométor (180-145).

12 car c’est lui qui a emporté ceux qui ont marché en armes contre la ville sainte. 13 Leur chef, en effet, étant allé en Perse, fut taillé en pièces avec son armée qui paraissait irrésistible, dans le temple de Nanaia,h grâce à un expédient dont usèrent les prêtres de la déesse.

h Déesse mésopotamienne assimilée à l’Artémis d’Éphèse. Le temple qu’Antiochus IV voulait dépouiller était celui d’Artémis en Élymaïde.

14 Sous prétexte d’épouser Nanaia, Antiochus se rendit en ce lieu avec ses amis dans le but d’en recevoir les très grandes richesses à titre de dot. 15 Les prêtres du Nanaion les avaient exposées, et lui s’était présenté avec quelques personnes dans l’enceinte du sanctuaire. Dès qu’Antiochus fut entré dans le temple, ils le fermèrent et, 16 ayant ouvert la porte secrète dans les lambris du plafond, ils foudroyèrent le chef en lançant des pierres. Ils le coupèrent en morceaux et jetèrent la têtei à ceux qui se trouvaient dehors.

i « la tête » 1 Ms, syr. ; « les têtes » grec et lat. (distraction du scribe, provoquée par le pluriel « morceaux »). — Ce récit populaire de la fin d’Antiochus ne correspond ni à celui de 9.1s, ni à celui de 1 M 6.1s. Les circonstances réelles de sa mort n’étaient pas encore connues et on l’aura imaginée à travers celle d’Antiochus III, qui périt dans une embuscade avec toute son armée, après avoir pillé un temple de Bêl, également en Élymaïde.

17 Qu’en toute chose notre Dieu soit béni, lui qui a livré (à la mort) les sacrilèges !

Le feu sacré miraculeusement conservé.j

18 Comme nous allons célébrer, le vingt-cinq Kisleu, la purification du Temple, nous avons jugé bon de vous en informer, afin que vous aussi vous la célébriez à la manière de la fête des Tentes et du feu qui se manifesta quand Néhémie,k ayant construit le sanctuaire et l’autel, offrit des sacrifices.

j L’anecdote a pour but de montrer que le sanctuaire de Jérusalem n’a perdu aucun de ses privilèges, puisqu’il a même conservé l’ancien feu sacré, cf. Lv 6.5-6.

k À Néhémie qui avec Esdras fonda vers 445/425 la nouvelle communauté juive, des mémoires apocryphes (2.13) attribuent la restauration de l’autel et du Temple, alors que l’autel fut dédié dès 538 et le Temple dès 515, Esd 3.1s ; 6.14s. On notera que l’inauguration de l’autel par Zorobabel est également mise en relation avec la fête des Tentes, Esd 3.4.

19 Lorsque nos pères, en effet, furent emmenés en Perse, les prêtres pieux d’alors prirent du feu de l’autel et le cachèrent secrètement dans une cavité semblable à un puits desséché. Ils l’y mirent en sûreté de telle sorte que l’endroit demeurât ignoré de tous. 20 Nombre d’années s’étant écoulées, lorsque tel fut le bon plaisir de Dieu, Néhémie, envoyé par le roi de Perse,l fit rechercher le feu par les descendants des prêtres qui l’avaient caché.

l Probablement Artaxerxès Ier (464-423).

21 Comme ils expliquaient qu’en faitm ils n’avaient pas trouvé de feu, mais une eau épaisse, il leur ordonna d’en puiser et de la rapporter. Quand on l’eut apportée, Néhémie commanda aux prêtres de répandre cette eau sur ce qui était nécessaire aux sacrifices, le bois et ce qu’on avait placé dessus.

m « en fait » è mèn conj. ; « à nous » hèmin grec et lat.

22 Cet ordre une fois exécuté, et le moment venu où le soleil, d’abord obscurci par les nuages, se remit à briller, un grand brasier s’alluma, ce qui suscita l’admiration de tout le monde. 23 Tandis que le sacrifice se consumait, les prêtres faisaient la prière : tous les prêtres avec Jonathann qui entonnait, les autres reprenant comme Néhémie.

n « tous les prêtres » Vulg. ; « les prêtres et tous » grec et Vet. Lat. — Il y a un anachronisme les grands prêtres du temps de Néhémie sont Élyashib et Yoyada, Ne 3.1 ; 13.28, mais cf. Ne 12.11.

24 Cette prière était ainsi conçue : « Seigneur, Seigneur Dieu, créateur de toutes choses, redoutable, fort, juste, miséricordieux, le seul roi, le seul bon, 25 le seul libéral, le seul juste, tout-puissant et éternel, qui sauves Israël de tout mal, qui as fait de nos pères tes élus et les as sanctifiés, 26 reçois ce sacrifice pour tout ton peuple d’Israël ; garde ton héritage et sanctifie-le. 27 Rassemble ceux d’entre nous qui sont dispersés,o délivre ceux qui sont en esclavage parmi les nations, regarde favorablement ceux qui sont objets de mépris et d’abomination, afin que les nations reconnaissent que tu es notre Dieu.

o Littéralement « notre dispersion » (Diaspora), cf. Dt 30.11 ; Ne 1.5, 8s ; Ps 147.2 ; Isa 49.6.

28 Châtie ceux qui nous tyrannisent et nous outragent insolemment, 29 implante ton peuple dans ton lieu saint, comme l’a dit Moïse. »

30 Les prêtres exécutaient les hymnes sur la harpe. 31 Quand le sacrifice fut consumé, Néhémie ordonna de verser le reste de l’eau sur de grandes pierres.

32 Cela fait, une flamme s’alluma, qui fut absorbée par l’éclat concurrent du feu de l’autel. 33 Lorsque le fait eut été divulgué et qu’on eut raconté au roi des Perses que, dans le lieu où les prêtres déportés avaient caché le feu, une eau avait paru avec laquelle Néhémie et ses compagnons avaient purifié les offrandes du sacrifice,p

p C’est la version rapportée au roi, différente de celle qui précède.

34 le roi, ayant vérifié l’événement, entoura le lieu et fit un sanctuaire. 35 À ceux à qui le roi le concédait, il faisait part des grands revenus qu’il en retirait. 36 Néhémie et ses gens nommèrent ce liquide « nephtar », ce qui s’interprète par purification, mais on l’appelle généralement naphte.q

q Étymologie populaire peu claire donnée du mot persan naft. — Cette histoire combine le souvenir du culte du feu chez les Perses, v. 34, et une certaine connaissance des propriétés du naphte, le pétrole natif, qui fit l’admiration des géographes et des naturalistes grecs et romains.

Jérémie cache le matériel du culte.

2 On trouve dans les documents que le prophète Jérémier donna l’ordre aux déportés de prendre du feu, comme on l’a indiqué,

r Jérémie a été l’une des grandes figures reconnues par le judaïsme, cf. 15.13-15. On lui a attribué les Lamentations, la lettre contre les idoles de Ba 6 (Vulg.) et plusieurs apocryphes. L’un de ceux-ci, perdu pour nous, contenait les détails qui vont suivre. Ils ne sont pas conformes à l’histoire la Tente n’existe plus depuis la construction du Temple de Salomon, l’arche a disparu lors de la destruction de ce Temple, et le Jérémie historique ne la regrette pas, Jr 3.16. Mais l’intention du récit est d’affirmer, malgré l’absence de la Tente et de l’arche, la continuité du culte légitime, cf. 1.18, et de rattacher cette Dédicace à celle du premier Temple par Salomon et à celle de la Tente par Moïse, cf. les vv. 8-12.

2 et comment, leur ayant donné la Loi, le prophète recommanda à ceux qu’on emmenait de ne pas oublier les préceptes du Seigneur et de ne pas s’égarer dans leurs pensées en voyant des statues d’or et d’argent et les ornements dont elles étaient revêtues. 3 Entre autres conseils analogues, il leur adressa celui de ne pas laisser la Loi s’éloigner de leur cœur. 4 Il y avait dans cet écrit que, averti par un oracle, le prophète se fit accompagner par la tente et l’arche, lorsqu’il se rendit à la montagne où Moïse, étant monté, contempla l’héritage de Dieu. 5 Arrivé là, Jérémie trouva une habitation en forme de grotte et il y introduisit la tente, l’arche, l’autel des parfums, puis il en obstrua l’entrée. 6 Quelques-uns de ses compagnons, étant venus ensuite pour marquer le chemin par des signes, ne purent le retrouver. 7 Ce qu’apprenant, Jérémie leur fit des reproches : « Ce lieu sera inconnu, dit-il, jusqu’à ce que Dieu ait opéré le rassemblement de son peuple et lui ait fait miséricorde. 8 Alors le Seigneur manifestera de nouveau ces objets, la gloire du Seigneur apparaîtra ainsi que la Nuée, comme elle se montra au temps de Moïse et quand Salomon pria pour que le saint lieus fût glorieusement consacré. »

s Littéralement « le lieu », de même en 2.18 ; 3.2, 18, 30, 38 ; 5.16-20 ; 10.7 ; 13.23 ; 15.34, expression plus fréquente que « le lieu saint », 1.29 ; 2.18 ; 8.17, mais le sens est identique.

9 On racontait en outre comment, doué du don de sagesse, celui-ci offrit le sacrifice de la dédicace et de l’achèvement du sanctuaire. 10 De même que Moïse avait prié le Seigneur et fait descendre le feu du ciel qui consuma le sacrifice, ainsi Salomon pria et le feu venu d’en haut dévora les holocaustes. 11 Moïse avait dit : « Parce qu’il n’a pas été mangé, le sacrifice pour le péché a été consumé. » 12 Salomon célébra pareillement les huit jours de fête.

La bibliothèque de Néhémie.

13 Outre ces mêmes faits, il était encore raconté dans ces écrits et dans les Mémoires de Néhémiet comment ce dernier, fondant une bibliothèque, y réunit les livres qui concernaient les rois, les écrits des prophètes et de David, et les lettres des rois au sujet des offrandes.u

t Ouvrage non canonique inconnu par ailleurs.

u Ce n’est pas encore une collection des écrits considérés comme canoniques, ce sont des ouvrages utiles à la vie de la communauté. Cette initiative est mise en parallèle avec celle de Judas Maccabée, v. 14.

14 Judas pareillement a rassemblé tous les livres dispersés à cause de la guerre qu’on nous a faite, et ils sont entre nos mains. 15 Si donc vous en avez besoin, envoyez-nous des gens qui vous en rapporteront.

Invitation à la Dédicace.

16 Puisque nous sommes sur le point de célébrer la purification, nous vous en écrivons. Vous ferez bien par conséquent d’en célébrer les jours. 17 Le Dieu qui a sauvé tout son peuple et qui a conféré à tous l’héritage, la royauté, le sacerdoce et la sanctification, 18 comme il l’avait promis par la Loi, ce Dieu, certes, nous l’espérons, aura bientôt pitié de nous et, des régions qui sont sous le ciel, il nous rassemblera dans le saint lieu, car il nous a arrachés à de grands maux et il l’a purifié.

II. Préface de l’auteur

19 L’histoire de Judas Maccabée et de ses frères, la purification du très grand sanctuaire, la dédicace de l’autel, 20 les guerres contre Antiochus Épiphane et son fils Eupator, 21 et les manifestations célestes produites en faveur des braves qui luttèrent généreusement pour le judaïsme, de telle sorte que malgré leur petit nombre ils pillèrent toute la contrée et mirent en fuite les hordes barbares, 22 recouvrèrent le sanctuaire fameux dans tout l’univers, délivrèrent la ville, rétablirent les lois menacées d’abolition, le Seigneur leur ayant été propice avec toute sa mansuétude, 23 tout cela ayant été exposé en cinq livres par Jason de Cyrène, nous essaierons de le résumer en un seul ouvrage.v

v Les deux règnes, v. 20, couvrent les années 175 à 162. En fait, le cadre historique de Jason (lettré de l’importante communauté juive de Cyrénaïque) était plus large la victoire sur Nikanor est de mars 160, sous Démétrius Ier. L’épisode d’Héliodore, par lequel l’auteur inaugure son récit, se situe encore sous le règne de Séleucus IV, l’aîné d’Épiphane et le père de Démétrius Ier.

24 Considérant le flot des chiffres et la difficulté qu’éprouvent ceux qui veulent entrer dans les détours des récits de l’histoire, à cause de l’abondance de la matière, 25 nous avons eu le souci d’offrir de l’agrément à ceux qui se contentent d’une simple lecture, de la commodité à ceux qui aiment à confier les faits à leur mémoire, de l’avantage à tous indistinctement. 26 Pour nous qui avons assumé le pénible labeur de ce résumé, c’est là non une tâche aisée, mais une affaire de sueurs et de veilles, 27 non moins difficile que celle de l’ordonnateur d’un festin qui cherche à procurer la satisfaction des autres. De la même façon, pour rendre service à nombre de gens, nous supporterons agréablement ce pénible labeur, 28 laissant à l’écrivain le soin d’être complet sur chaque événement pour nous efforcer de suivre les contours d’un simple précis. 29 De même en effet que l’architecte d’une maison neuve doit s’occuper de toute la structure, tandis que celui qui se charge de la décorer de peintures à l’encaustique doit rechercher ce qui est approprié à l’ornementation, ainsi, pensé-je, en est-il pour nous. 30 Pénétrer dans les questions et en faire le tour pour en examiner avec curiosité tout le détail appartient à celui qui compose l’histoire, 31 mais, à celui qui fait une adaptation, il faut concéder qu’il recherche la concision de l’exposé et renonce à une histoire exhaustive.

32 Commençons donc ici notre relation sans rien ajouter à ce qui a été dit, car il serait sot d’être diffus avant d’entamer l’histoire et concis dans l’histoire elle-même.

III. Histoire d’Héliodorew

La venue d’Héliodore à Jérusalem.

3 Tandis que la ville sainte était habitée dans une paix complète et qu’on y observait les lois le plus exactement possible, à cause de la piété du grand prêtre Oniasx et de sa haine pour le mal,

w L’auteur a retenu du livre de Jason cet épisode coloré, car il illustre sa thèse, exprimée au v. 39. Le fait se passe au temps de Séleucus IV Philopator (187-175). Il n’est pas étonnant que ce monarque ait voulu s’emparer des richesses du Temple il était en effet très à court d’argent, à cause de la lourde dette envers Rome qu’avait contractée son père Antiochus III à la suite de la défaite de Magnésie (189), cf. 1 M 8.7.

x Onias III, fils de Simon II dont Si 50.1 s fait un bel éloge. Il est loué lui-même, 4.5-6 ; 15.12. Les Oniades continuent la lignée des grands prêtres de l’époque perse, issue de Josué, cf. Ne 12.10s, un descendant de Sadoq, cf. 2 S 8.17 ; 1 Ch 5.27s.

2 il arrivait que les rois eux-mêmes honoraient le saint lieu et rehaussaient la gloire du Temple par les dons les plus magnifiques, 3 si bien que Séleucus, roi d’Asie, couvrait de ses revenus personnels toutes les dépenses nécessaires au service des sacrifices.y

y Ptolémée II et Ptolémée III d’Égypte ainsi qu’Antiochus III de Syrie avaient de même, au siècle précédent, honoré le Temple de leurs présents. Cf. 1 M 10.39s (pour Démétrius Ier).

4 Mais un certain Simon, de la tribu de Bilga, institué prévôt du Temple,z se trouva en désaccord avec le grand prêtre sur la police des marchés de la ville.

z « Bilga » Vet. Lat. et arm. ; « Benjamin » grec. C’est une lignée sacerdotale, cf. Ne 12.5, 18. — Le prévôt avait l’administration financière du Temple.

5 Comme il ne pouvait l’emporter sur Onias, il alla trouver Apollonius, fils de Thraséos, qui était à cette époque le stratège de Cœlé-Syrie et de Phénicie. 6 Il rapporta que le trésor de Jérusalem regorgeait de richesses indicibles au point que la quantité des sommes en était incalculable et nullement en rapport avec le compte exigé par les sacrifices : il était possible de les faire tomber en la possession du roi. 7 Au cours d’une entrevue avec le roi, Apollonius mit celui-ci au courant des richesses qu’on lui avait dénoncées. Arrêtant son choix sur Héliodore, qui était à la tête des affaires, le roi l’envoya avec ordre de procéder à l’enlèvement des susdites richesses. 8 Aussitôt Héliodore se mettait en route, en apparence pour inspecter les villes de Cœlé-Syrie et de Phénicie, en fait pour accomplir les intentions du roi. 9 Arrivé à Jérusalem, et reçu avec bienveillance par le grand prêtre et par la ville, il fit part de ce qu’on avait dévoilé et manifesta le but de sa présence, demandant ensuite si véritablement il en était ainsi. 10 Le grand prêtre lui représenta que le trésor contenait les dépôts des veuves et des orphelins 11 et une somme appartenant à Hyrcan, fils de Tobie, personnage occupant une très haute situation,a et qu’à l’encontre de ce que colportait faussement l’impie Simon, il y avait en tout quatre cents talents d’argent et deux cents talents d’or ;b

a Gouverneur de l’Ammanitide, cf. 1 M 5.13.

b Le dépôt serait de 10 500 kg d’argent et de 5 250 kg d’or, chiffre peu vraisemblable.

12 qu’au reste il était absolument impossible de faire tort à ceux qui s’étaient confiés à la sainteté de ce lieu, à la majesté et à l’inviolabilité d’un Temple vénéré dans le monde entier.

La ville est bouleversée.

13 Mais Héliodore, en vertu des ordres qu’il avait reçus du roi, soutenait absolument que ces richesses devaient être confisquées au profit du trésor royal.

14 Au jour fixé par lui, il entrait pour dresser un inventaire de ces richesses. Une grande anxiété régna dans toute la ville. 15 Revêtus de leurs habits sacerdotaux, les prêtres, prosternés devant l’autel, invoquaient le ciel, auteur de la loi sur les dépôts, le priant de conserver ces biens intacts à ceux qui les avaient déposés. 16 À voir l’aspect du grand prêtre, on ne pouvait manquer de sentir une blessure jusqu’au fond du cœur, tant son air et l’altération de son teint trahissaient l’angoisse de son âme. 17 En proie à la frayeur et au tremblement dans tout son corps, cet homme manifestait à ceux qui le regardaient la souffrance installée dans son cœur. 18 Des gens se précipitaient par groupes hors des maisons pour prier tous ensemble parce que le saint lieu était menacé d’opprobre. 19 Les femmes, ceintes de sacs au-dessous des seins, remplissaient les rues ; les jeunes filles qui étaient tenues à la maison couraient, les unes aux portes, les autres sur les murs, certaines se penchaient aux fenêtres : 20 toutes, les mains tendues vers le ciel, proféraient leur supplication. 21 C’était pitié de voir la prostration confuse de la multitude et l’appréhension du grand prêtre en proie à une grande inquiétude. 22 Pendant que d’un côté on demandait au Seigneur tout-puissant de garder intacts, en toute sûreté, les dépôts à ceux qui les avaient confiés, 23 Héliodore, d’autre part, exécutait ce qui avait été décidé.

Châtiment d’Héliodore.

24 Il était déjà là avec ses gardes, près du Trésor, lorsque le Souverain des Esprits et de toute Puissance se manifesta, avec un tel éclat que tous ceux qui avaient osé entrer là, frappés par la force de Dieu, se trouvèrent sans vigueur ni courage. 25 À leurs yeux apparut un cheval monté par un redoutable cavalier et richement caparaçonné ; bondissant avec impétuosité, il agitait contre Héliodore ses sabots de devant. L’homme qui le montait paraissait avoir une armure d’or. 26 Deux autres jeunes hommes lui apparurent en même temps, d’une force remarquable, éclatants de beauté, couverts d’habits magnifiques ; s’étant placés l’un d’un côté, l’autre de l’autre, ils le flagellaient sans relâche, lui portant une grêle de coups. 27 Héliodore, soudain tombé à terre, fut environné d’épaisses ténèbres. On le ramassa pour le mettre dans une litière,

28 et cet homme, qui venait d’entrer dans la chambre dudit trésor avec un nombreux entourage et tous ses gardes du corps, fut emporté, incapable de s’aider lui-même, par des gens qui reconnaissaient ouvertement la souveraineté de Dieu.

29 Pendant que cet homme, sous le coup de la puissance divine, gisait sans voix, privé de tout espoir et de tout secours, 30 les autres bénissaient le Seigneur qui avait miraculeusement glorifié son saint lieu. Et le sanctuaire, qui un instant auparavant était plein de frayeur et de trouble, fut, par la manifestationc du Seigneur tout-puissant, débordant de joie et d’allégresse.

c En grec epiphainesthai , cf. 2.21. La littérature juive et païenne de l’époque gréco-romaine est pleine de ces « épiphanies » et « théophanies », qui illustraient en quelque sorte la toute-puissance divine. Ici, le récit vient de Jason, cf. 2.23. L’intervention de Dieu est réelle mais nous en ignorons le mode.

31 Certains des compagnons d’Héliodore s’empressèrent de demander à Onias de prier le Très-Haut et d’accorder la vie à celui qui gisait n’ayant plus qu’un souffle.

32 Dans la crainte que le roi ne soupçonnât par hasard les Juifs d’avoir joué un mauvais tour à Héliodore, le grand prêtre offrit un sacrifice pour le retour de cet homme à la vie. 33 Alors que le grand prêtre offrait le sacrifice d’expiation, les mêmes jeunes hommes apparurent à Héliodore revêtus des mêmes habits, et, se tenant debout, lui dirent : « Rends mille actions de grâces au grand prêtre Onias, car c’est en considération de lui que le Seigneur t’accorde la vie sauve. 34 Quant à toi, ainsi fustigé du Ciel, annonce à tous la grandeur de la force de Dieu. » Ayant dit ces paroles, ils disparurent.

Conversion d’Héliodore.

35 Héliodore, ayant offert un sacrifice au Seigneur et fait les plus grands vœux à celui qui lui avait conservé la vie, prit amicalement congé d’Onias et revint avec son armée auprès du roi. 36 Il rendait témoignage à tous des œuvres du Dieu très grand qu’il avait contemplées de ses yeux. 37 Au roi lui demandant quel homme lui paraissait propre à être envoyé une fois encore à Jérusalem, Héliodore répondit : 38 « Si tu as quelque ennemi ou quelque conspirateur contre l’État, envoie-le là-bas et il te reviendra déchiré par les fouets, si toutefois il en réchappe, car il y a vraiment pour le lieu saint une puissance toute particulière de Dieu. 39 Celui qui a sa demeure dans le ciel veille sur ce lieu et le protège ; ceux qui y viennent avec de mauvais desseins, il les frappe et les fait périr. » 40 C’est ainsi que se passèrent les choses relatives à Héliodore et à la sauvegarde du trésor sacré.

IV. Propagande hellénistique et persécution sous Antiochus Épiphane

Méfaits du prévôt Simon.

4 Le susdit Simon, passé dénonciateur du trésor et de la patrie, calomniait Onias comme si ce dernier avait fait assaillir Héliodore et avait été l’artisan de ce malheur.d

d En inventant quelque stratagème pour épouvanter Héliodore.

2 Le bienfaiteur de la cité, le protecteur de ses frères de race, le zélé observateur des lois, il osait en faire un ennemi de la chose publique. 3 Cette haine grandit au point que des meurtres furent commis par des affidés de Simon. 4 Considérant combien une telle rivalité était fâcheuse, et qu’Apollonius, fils de Ménesthée, stratège de Cœlé-Syrie et Phénicie, ne faisait qu’accroître la méchanceté de Simon, 5 Onias se transporta chez le roi, non pour être l’accusateur de ses concitoyens, mais ayant en vue l’intérêt général et particulier de tout le peuple. 6 Il voyait bien en effet que, sans une intervention royale, il était impossible d’obtenir désormais la paix publique, et que Simon ne mettrait pas un terme à sa folie.

Jason, le grand prêtre, introduit l’hellénisme.

7 Séleucus ayant quitté cette vie et Antiochus, surnommé Épiphane, lui ayant succédé,e Jason, frère d’Onias, usurpa le pontificat :f

e Antiochus IV (175-164), frère de Séleucus IV.

f La mort de Séleucus, provoquée par Héliodore en 175, contraria les espoirs d’Onias. Jésus, frère d’Onias, avait marqué son goût pour l’hellénisme en prenant le nom de Jason.

8 il promit au roi, au cours d’une entrevue, trois cent soixante talents d’argent et quatre-vingts talents à prélever sur quelque autre revenu. 9 Il s’engageait en outre à payer cent cinquante autres talents si le roi lui donnait pouvoir d’établir un gymnase et une éphébie et de dresser la liste des Antiochéens de Jérusalem.g

g L’éphébie était un corps de jeunes gens de dix-huit à vingt ans qui apprenaient à porter les armes et s’adonnaient aux exercices corporels et à une certaine culture littéraire. — La formule « Antiochéens de Jérusalem » (cf. de même les « Antiochéens de Ptolémaïs » nommés par des monnaies) témoigne d’une transformation de la ville sainte en cité grecque dont les citoyens étaient recensés.

10 Le roi ayant consenti, Jason, dès qu’il eut saisi le pouvoir, amena ses frères de race à la pratique de la vie grecque. 11 Il supprima les franchises que les rois, par philanthropie, avaient accordées aux Juifs grâce à l’entremise de Jean, père de cet Eupolème qui sera envoyé en ambassade pour conclure un traité d’amitié et d’alliance avec les Romains ; détruisant les institutions légitimes, Jason inaugura des usages contraires à la Loi. 12 Il se fit en effet un plaisir de fonder un gymnase au pied même de l’acropole,h et il conduisit les meilleurs des éphèbes sous le pétase.i

h Siège de la garnison syrienne, l’acropole de ce temps-là dominait l’esplanade du Temple vers l’angle nord-ouest, cf. Ne 7.2 (c’est la future Antonia d’Hérode le Grand). Le gymnase était ainsi contigu au sanctuaire.

i « Conduire sous le pétase », c’était amener quelqu’un aux exercices du gymnase où l’on portait le chapeau à large bord, coiffure d’Hermès, dieu de la lutte et des concours.

13 L’hellénisme atteignit une telle vigueur et la mode étrangère un tel degré, par suite de l’excessive perversité de Jason impie et pas du tout pontife, 14 que les prêtres ne montraient plus aucun zèle pour le service de l’autel, mais que, méprisant le Temple et négligeant les sacrifices, ils se hâtaient de prendre part, dès l’appel du gong, à la distribution, prohibée par la Loi, de l’huile dans la palestre ;j

j L’huile dont se frottaient les athlètes, que leur offraient les gymnasiarques.

15 ne faisant aucun cas des honneurs de leur patrie, ils estimaient au plus haut point les gloires helléniques. 16 C’est bien pour ces raisons qu’ils se trouvèrent ensuite dans des situations pénibles, et qu’en ceux-là mêmes dont ils cherchaient à copier les façons de vivre et auxquels ils voulaient ressembler en tout, ils rencontrèrent des ennemis et des bourreaux. 17 On ne viole pas impunément les lois divines, c’est ce que démontrera la période suivante.

18 Comme on célébrait à Tyr les jeux quadriennaux en présence du roi, 19 l’abject Jason envoya des ambassadeurs, à titre d’Antiochéens de Jérusalem, portant avec eux trois cents drachmes d’argent pour le sacrifice à Héraclès. Mais ceux-là mêmes qui les portaient jugèrent qu’il ne convenait pas de les affecter au sacrifice et qu’elles seraient réservées à une autre dépense. 20 Ainsi, l’argent destiné au sacrifice d’Héraclès par celui qui l’envoyait fut affecté, à cause de ceux qui l’apportaient, à la construction des trirèmes.

Antiochus Épiphane acclamé à Jérusalem.

21 Apollonius, fils de Ménesthée, avait été envoyé en Égypte pour assister aux noces du roi Philométor.k Antiochus apprit que ce dernier était devenu hostile à ses affaires et se préoccupa de sa propre sécurité : c’est ce qui l’amena à Joppé, d’où il se rendit à Jérusalem.

k « les noces », litt. « la présidence (du repas de noce) » prôtoklisia quelques mss grecs et lat., Mt 23.6 ; « la proclamation » (? mot non attesté) prôtoklèsia grec. — Il s’agit du mariage de Ptolémée VI Philométor avec sa sœur Cléopâtre II.

22 Grandement reçu par Jason et par la ville, il fut introduit à la lumière des flambeaux et au milieu des acclamations. À la suite de quoi, il emmena l’armée camper en Phénicie.l

l Le terme de Phénicie s’applique également à la côte palestinienne, et Joppé (Jaffa) fut peut-être le quartier général du roi.

Ménélas devient grand prêtre.

23 Au bout de trois ans, Jason envoya Ménélas, frère du Simon signalé plus haut, porter l’argentm au roi et mener à bien les négociations des affaires urgentes.

m Le tribut annuel, cf. 4.8 ; 1 M 11.28, et peut-être d’autres sommes promises, cf. 4.9.

24 Ménélas, s’étant fait recommander au roi et l’ayant abordé avec les manières d’un personnage de marque, se fit attribuer le pontificat à lui-même, offrant trois cents talents d’argent de plus que n’avait offert Jason. 25 Muni des lettres royales d’investiture, il s’en revint, n’ayant rien qui fût digne de la grand-prêtrise mais n’apportant que les fureurs d’un tyran cruel et les rages d’une bête sauvage. 26 Ainsi Jason qui avait supplanté son propre frère, supplanté à son tour par un autre, dut gagner en fugitif l’Ammanitide. 27 Quant à Ménélas, il possédait sans doute le pouvoir, mais il ne versait rien au roi des sommes qu’il lui avait promises. 28 Sostrate cependant, préfet de l’acropole, lui présentait des réclamations, car c’est à lui que revenait la perception des impôts. Aussi bien tous les deux furent-ils convoqués par le roi. 29 Tandis que Ménélas laissait pour le remplacer comme grand prêtre son propre frère Lysimaque, Sostrate laissait Kratès, le chef des Chypriotes.n

n Il s’agit de mercenaires.

Le meurtre d’Onias.

30 Sur ces entrefaites, il arriva que les habitants de Tarse et de Mallos se révoltèrent parce que leurs villes avaient été données en présent à Antiochis, la concubine du roi. 31 Le roi alla donc en hâte régler cette affaire, laissant pour le remplacer Andronique, l’un des grands dignitaires. 32 Convaincu de saisir une occasion favorable, Ménélas déroba quelques vases d’or du sanctuaire, il en fit cadeau à Andronique et réussit à en vendre d’autres à Tyr et aux villes voisines. 33 Devant l’évidence du fait, Onias lui adressa des reproches, après s’être retiré dans le lieu inviolable de Daphné voisine d’Antioche. 34 En conséquence Ménélas, prenant à part Andronique le pressait de supprimer Onias. Andronique vint donc trouver Onias : se fiant à la ruse et lui tendant la main droite avec serment, il le décida, sans toutefois dissiper tout soupçon, à sortir de son asile, et le mit à mort sur-le-champ sans tenir compte de la justice.

35 Pour ce motif, non seulement les Juifs, mais aussi beaucoup de gens parmi les autres peuples furent indignés et trouvèrent intolérable le meurtre injuste de cet homme.

36 Lorsque le roi fut rentré des régions ciliciennes, les Juifs de la capitale et les Grecs qui partageaient leur haine de la violence vinrent le trouver au sujet du meurtre injustifié d’Onias. 37 Antiochus, contristé jusqu’au fond de l’âme et touché de compassion, versa des larmes au souvenir de la prudence et de la modération du défunt. 38 Enflammé d’indignation, il dépouilla immédiatement Andronique de la pourpre et déchira ses vêtements, puis l’ayant fait mener par toute la ville, il envoya hors de ce monde le meurtrier, à l’endroit même où il avait exercé son impiété sur Onias, le Seigneur le frappant ainsi d’un juste châtiment.o

o Onias est le Prince Oint de Dn 9.25s et le Prince d’une alliance de Dn 11.22. Sa mort ouvre la 70e et dernière semaine d’années, dont le milieu est marqué par la cessation du sacrifice légitime et l’installation de l’« Abomination de la désolation », Dn 9.27 ; cf. 7.25 ; 8.11-14 ; 11.31 ; 12.11s ; 1 M 1.54 ; 4.52 ; 1.9 ; 6.2 ; 10.5. Cette période de trois ans et demi (la moitié d’une « semaine d’années ») doit correspondre à une réalité, car c’est elle qui a suggéré à l’auteur de Dn sa transposition de la prophétie de Jérémie (Jr 25.11-12 ; 29.10). La date donnée en 1 M 1.54 (décembre 167) autorise donc à situer le meurtre d’Onias dans le cours de l’été 170.

Lysimaque périt au cours d’une sédition.

39 Or, un grand nombre de vols sacrilèges ayant été commis dans la ville par Lysimaque d’accord avec Ménélas, et le bruit s’en étant répandu au-dehors, le peuple s’ameuta contre Lysimaque, alors que beaucoup d’objets d’or avaient déjà été dispersés. 40 Comme la multitude s’était soulevée, débordante de colère, Lysimaque arma près de trois mille hommes et prit l’initiative des violences ; marchait en tête un certain Auranos, homme avancé en âge, et non moins en folie. 41 Prenant conscience de l’attaque de Lysimaque, les uns s’armaient de pierres, les autres de gourdins, certains prenaient à pleines mains la cendre qui se trouvait là,p et tous assaillirent pêle-mêle les gens de Lysimaque.

p La cendre des sacrifices, l’échauffourée ayant eut lieu dans les parvis du Temple.

42 Aussi bien leur firent-ils beaucoup de blessés et quelques morts ; ils mirent le reste en fuite et, quant au voleur sacrilège, ils le massacrèrent près du Trésor.

Ménélas acquitté à prix d’argent.

43 Sur ces faits un procès fut intenté à Ménélas. 44 Lorsque le roi vint à Tyr, les trois hommes envoyés par le sénat soutinrent devant lui la justice de leur cause. 45 Voyant déjà la partie perdue, Ménélas promit des sommes importantes à Ptolémée, fils de Dorymène, pour qu’il gagnât le roi à sa cause.

46 Aussi Ptolémée, ayant emmené le roi sous un portique comme pour prendre le frais, le fit changer d’avis, 47 si bien qu’il renvoya Ménélas, l’auteur de tout ce mal, absous des accusations portées contre lui, et qu’il condamna à mort des malheureux qui, s’ils avaient plaidé leur cause même devant des Scythes, eussent été renvoyés innocents. 48 Ceux donc qui avaient pris la défense de la ville, des bourgs et des vases sacrés subirent sans délai cette peine injuste. 49 Aussi vit-on même des Tyriens, outrés d’une telle méchanceté, pourvoir magnifiquement à leur sépulture. 50 Quant à Ménélas, grâce à la cupidité des puissants, il se maintint au pouvoir, grandissant en malice et se posant en principal adversaire de ses concitoyens.

Seconde campagne d’Égypte.

5 Vers ce temps-là Antiochus préparait sa seconde attaque contre l’Égypte.q

q Selon l’auteur de 2 M, l’intervention violente d’Antiochus IV, cf. 5.11s, aurait été provoquée par une sédition à Jérusalem, vv. 5s, et il place le fait pendant la seconde expédition d’Égypte en 168. L’ordre de 1 M est préférable pillage du Temple après la première expédition en 169, 1 M 1.16-24 ; sédition au cours de l’été 169, réprimée en 167 par le Mysarque Apollonius, 1 M 1.29-35 ; cf. 5.24-26.

2 Il arriva que dans toute la ville, pendant près de quarante jours, apparurent, courant dans les airs, des cavaliers vêtus de robes brodées d’or, des troupes armées disposées en cohortes, 3 des escadrons de cavalerie rangés en ordre de bataille, des attaques et des charges conduites de part et d’autre, des boucliers agités, des forêts de piques, des épées tirées hors du fourreau, des traits volants, un éclat fulgurant d’armures d’or et des cuirasses de tout modèle. 4 Aussi tous priaient pour que cette apparition fût de bon augure.r

r L’auteur aime à rapporter ces apparitions célestes, qu’il utilise comme un procédé littéraire, 3.25 ; 10.29-30 ; 11.8, et qu’il a annoncées dans sa préface, 2.21. Cf. une apparition analogue avant la ruine du Temple en 70, rapportée par Josèphe dans sa Guerre Juive .

Agression de Jason et répression d’Épiphane.

5 Or, sur un faux bruit de la mort d’Antiochus, Jason, ne prenant avec lui pas moins d’un millier d’hommes, dirigea à l’improviste une attaque contre la ville. La muraille forcée et la ville finalement prise, Ménélas se réfugia dans l’acropole.

6 Jason se livra sans pitié au massacre de ses propres concitoyens, sans penser qu’un succès remporté sur ses frères de race était le plus grand des insuccès, croyant remporter des trophées sur des ennemis et non sur des compatriotes. 7 D’un côté, il ne réussit pas à s’emparer du pouvoir et, de l’autre, ses machinations ayant tourné à sa honte, il s’en alla chercher de nouveau un refuge en Ammanitide. 8 Sa conduite perverse trouva donc un terme : enfermé chez Arétas, tyran des Arabes, puis s’enfuyant de sa ville,s poursuivi par tous, détesté parce qu’il reniait les lois, exécré comme le bourreau de sa patrie et de ses concitoyens, il échoua en Égypte.

s « de sa ville », litt. « de la ville » (c’est Pétra, la capitale) Vet. Lat. ; « de ville en ville » grec. — Il s’agit d’Arétas Ier, roi des Nabatéens, cf. 1 M 5.25.

9 Lui qui avait banni un grand nombre de personnes de leur patrie, il périt sur la terre étrangère, étant parti pour Lacédémone dans l’espoir d’y trouver un refuge en considération d’une commune origine. 10 Lui qui avait jeté tant d’hommes sur le sol sans sépulture, nul ne le pleura et ne lui rendit les derniers devoirs ; il n’eut aucune place dans le tombeau de ses pères.

11 Lorsque ces faits furent arrivés à la connaissance du roi, celui-ci en conclut que la Judée faisait défection. Il quitta donc l’Égypte, furieux comme une bête sauvage, et prit la ville à main armée. 12 Il ordonna ensuite aux soldats d’abattre sans pitié ceux qu’ils rencontreraient et d’égorger ceux qui monteraient dans leurs maisons. 13 On extermina jeunes et vieux, on supprima femmes et enfants, on égorgea jeunes filles et nourrissons. 14 Il y eut quatre-vingt mille victimes en ces trois jours, dont quarante mille tombèrent sous les coups et autant furent vendus comme esclaves.

Pillage du Temple.

15 Non content de cela, il osa pénétrer dans le sanctuaire le plus saint de toute la terre, avec pour guide Ménélas, qui en était venu à trahir les lois et la patrie.

16 Il prit de ses mains impures les vases sacrés et rafla de ses mains profanes les offrandes que les autres rois y avaient déposées pour l’accroissement, la gloire et la dignité du saint lieu.

17 Antiochus s’exaltait en pensée, ne voyant pas que le Seigneur était irrité pour peu de temps à cause des péchés des habitants de la ville — d’où venait cette indifférence envers le lieu saint. 18 En tout cas, s’ils n’avaient pas été plongés dans une multitude de péchés, lui aussi, à l’instar d’Héliodore envoyé par le roi Séleucus pour inspecter le trésor, il aurait été, dès son arrivée, flagellé et détourné de sa témérité. 19 Mais le Seigneur a choisi non pas le peuple à cause du lieu saint, mais le lieu à cause du peuple.t

t Dieu n’est pas esclave des institutions judaïques, cf. Jr 7.14 ; Mc 2.27. Cette affirmation de la primauté du peuple élu sur les institutions où il prend corps est un présage de l’Évangile.

20 C’est pourquoi le lieu lui-même, après avoir participé aux malheurs du peuple, a eu part ensuite aux bienfaits ; délaissé au moment de la colère du Tout-Puissant, il a été de nouveau, en vertu de sa réconciliation avec le grand Souverain, restauré dans toute sa gloire.

21 Antiochus, après avoir enlevé au Temple dix-huit cents talents, se hâta de retourner à Antioche, croyant, dans sa superbe, à cause de l’exaltation de son cœur, rendre navigable la terre ferme et rendre la mer praticable à la marche.

22 Mais il laissa des préposés pour faire du mal à la nation ; à Jérusalem, Philippe, Phrygien de race,u de caractère plus barbare encore que celui qui l’avait institué ;

u Philippe le Phrygien, qu’on retrouve à 6.11 et 8.8, est distinct de Philippe « ami du roi » de 9.29 ; 1 M 6.14.

23 sur le mont Garizim, Andronique ;v et en plus de ceux-ci, Ménélas qui plus méchamment que les autres dominait sur ses concitoyens.
Nourrissant à l’égard des Juifs une hostilité foncière,

v Andronique, distinct de celui de 4.31s, était, ainsi que Philippe, un épistate , représentant du roi dans une ville. Il résidait sans doute au pied du mont Garizim, à Sichem.

24 le roi envoya le mysarque Apollonius à la tête d’une armée, soit vingt-deux mille hommes, avec ordre d’égorger tous ceux qui étaient dans la force de l’âge et de vendre les femmes et les enfants. 25 Arrivé en conséquence à Jérusalem, et jouant le personnage pacifique, il attendit jusqu’au saint jour du sabbat où, profitant du repos des Juifs, il commanda à ses subordonnés une prise d’armes. 26 Tous ceux qui étaient sortis pour assister au spectacle, il les fit massacrer et, envahissant la ville avec ses soldats en armes, il mit à mort une multitude de gens.

Intervention d’Apollonius le Mysarque.

27 Or Judas, appelé aussi Maccabée, se trouvant avec une dizaine d’autres, se retira dans le désert, vivant comme les bêtes sauvages sur les montagnes avec ses compagnons, ne mangeant jamais que des herbes pour ne pas contracter de souillures.w

w L’auteur regroupe les événements racontés en 1 M 1.53 ; 2.28.

Installation des cultes païens.

6 Peu de temps après, le roi envoya Géronte l’Athénien pour forcer les Juifs à enfreindre les lois de leurs pères et à ne plus régler leur vie sur les lois de Dieu, 2 pour profaner le Temple de Jérusalem et le dédier à Zeus Olympien, et celui du mont Garizim à Zeus Hospitalier, comme le demandaient les habitants du lieu.x

x « (comme le) demandaient » enetugchanon conj. d’après Josèphe (Antiquités Judaïques) ; « (comme) se trouvaient être (les habitants) » etugchanon grec, lat. ; ce qui signifierait qu’étant eux-mêmes hospitaliers, les Samaritains choisissent cette épithète. Mais, en grec, la construction de la phrase serait extrêmement laborieuse. — Les Samaritains, qui ne veulent pas être traités comme les Juifs, vont au-devant des désirs du souverain.

3 L’invasion de ces maux était, même pour la masse, pénible et difficile à supporter. 4 Le sanctuaire était rempli de débauches et d’orgies par des païens qui s’amusaient avec des prostituées et avaient commerce avec des femmes dans les parvis sacrés,y et qui encore y apportaient des choses défendues.

y À l’époque gréco-romaine, les parvis des temples comprenaient des portiques et des salles de banquet pour les repas rituels, qui dégénéraient facilement en orgies. Par ailleurs, la prostitution sacrée se pratiquait encore dans les temples de Syrie.

5 L’autel était couvert de victimes illicites, réprouvées par les lois. 6 Il n’était même pas permis de célébrer le sabbat, ni de garder les fêtes de nos pères, ni simplement de confesser que l’on était Juif. 7 On était conduit par une amère nécessité à participer chaque mois au repas rituel, le jour de la naissance du roi et, lorsque arrivaient les fêtes dionysiaques, on devait, couronné de lierre, accompagner le cortège de Dionysos. 8 Un décret fut rendu, à l’instigation des gens de Ptolémaïs,z pour que, dans les villes grecques du voisinage, l’on tînt la même conduite à l’égard des Juifs, et que ceux-ci prissent part au repas rituel,

z « gens de Ptolémaïs » conj. ; « des Ptolémées » ou « de Ptolémée » grec et lat. — La cité grecque de Ptolémaïs, l’ancienne Akko (Saint-Jean d’Acre), était hostile aux Juifs, cf. 13.25 ; 1 M 5.15 ; 12.48.

9 avec ordre d’égorger ceux qui ne se décideraient pas à adopter les coutumes grecques. Tout cela faisait prévoir l’imminence de la calamité.

10 Ainsi deux femmes furent déférées en justice pour avoir circoncis leurs enfants. On les produisit en public à travers la ville, leurs enfants suspendus à leurs mamelles, avant de les précipiter ainsi du haut des remparts. 11 D’autres s’étaient rendus ensemble dans des cavernes voisines pour y célébrer en cachette le septième jour. Dénoncés à Philippe, ils furent brûlés ensemble, se gardant bien de se défendre eux-mêmes par respect pour la sainteté du jour.

Le sens providentiel de la persécution.

12 Je recommande à ceux qui auront ce livre entre les mains de ne pas se laisser déconcerter à cause de ces calamités, et de croire que ces persécutions ont eu lieu non pour la ruine mais pour la correction de notre race. 13 Quand les pécheurs ne sont pas laissés longtemps à eux-mêmes, mais que les châtiments ne tardent pas à les atteindre, c’est une marque de grande bonté.

14 À l’égard des autres nations, le Maître attend avec longanimité, pour les châtier, qu’elles arrivent à combler la mesure de leurs iniquités ; ce n’est pas ainsi qu’il a jugé à propos d’agir avec nous, 15 afin qu’il n’ait pas à nous punir plus tard lorsque nos péchés auraient atteint leur pleine mesure.a

a L’auteur de la Sagesse développera ce double aspect de la justice divine, mais montrera que, même pour les nations, Dieu reste indulgent, Sg 11.10 ; 12.20-22. Pour la pleine mesure des péchés, cf. Dn 8.23 ; 9.24 ; 1 Th 2.16. L’expression est ancienne, cf. déjà Gn 15.16.

16 Aussi bien ne retire-t-il jamais de nous sa miséricorde : en le châtiant par l’adversité, il n’abandonne pas son peuple. 17 Qu’il nous suffise d’avoir rappelé cette vérité ; après ces quelques mots, il nous faut revenir à notre récit.

Le martyre d’Éléazar.b

18 Éléazar, un des premiers docteurs de la Loi, homme déjà avancé en âge et du plus noble extérieur, était contraint, tandis qu’on lui ouvrait la bouche de force, de manger de la chair de porc.

b Les Pères de l’Église ont loué en Éléazar un martyr d’avant le Christ.

19 Mais lui, préférant une mort glorieuse à une existence infâme, marchait volontairement au supplice de la roue, 20 non sans avoir craché sa bouchée, comme le doivent faire ceux qui ont le courage de rejeter ce à quoi il n’est pas permis de goûter par amour de la vie. 21 Ceux qui présidaient à ce repas rituel interdit par la Loi le prirent à part, car cet homme était pour eux une vieille connaissance ; ils l’engagèrent à faire apporter des viandes dont il était permis de faire usage, et qu’il aurait lui-même préparées ; il n’avait qu’à feindre de manger des chairs de la victime, comme le roi l’avait ordonné, 22 afin qu’en agissant de la sorte, il fût préservé de la mort et profitât de cette humanité due à la vieille amitié qui les liait. 23 Mais lui, prenant une noble résolution, digne de son âge, de l’autorité de sa vieillesse et de ses vénérables cheveux blanchis dans le labeur, digne d’une conduite parfaite depuis l’enfance et surtout de la sainte législation établie par Dieu même, il fit une réponse en conséquence, disant qu’on l’envoyât sans tarder au séjour des morts.

24 « À notre âge, ajouta-t-il, il ne convient pas de feindre, de peur que nombre de jeunes, persuadés qu’Éléazar aurait embrassé à quatre-vingt-dix ans les mœurs des étrangers, 25 ne s’égarent eux aussi, à cause de moi et de ma dissimulation, et cela pour un tout petit reste de vie. J’attirerais ainsi sur ma vieillesse souillure et déshonneur, 26 et quand j’échapperais pour le présent au châtiment des hommes, je n’éviterai pas, vivant ou mort, les mains du Tout-Puissant. 27 C’est pourquoi, si je quitte maintenant la vie avec courage, je me montrerai digne de ma vieillesse, 28 ayant laissé aux jeunes le noble exemple d’une belle mort, volontaire et généreuse, pour les vénérables et saintes lois. »c
Ayant ainsi parlé, il alla tout droit au supplice de la roue,

c L’expression relève du juridisme hellénique, mais pour l’auteur « les lois » sont essentiellement la Loi, 7.30 ; 10.26 ; 12.40 ; 15.9, identique à l’Alliance, cf. 1 M 2.20, et gage de la bienveillance divine, cf. 7.36 ; 8.15.

29 mais ceux qui l’y conduisaient changèrent en malveillance la bienveillance qu’ils avaient eue pour lui un peu auparavant, à cause du discours qu’il venait de tenir et qui à leur point de vue était de la folie. 30 Lui, de son côté, étant sur le point de mourir sous les coups, dit en soupirant : « Au Seigneur qui a la science sainte, il est manifeste que, pouvant échapper à la mort, j’endure sous les fouets des douleurs cruelles dans mon corps, mais qu’en mon âme je les souffre avec joie à cause de la crainte qu’il m’inspire. »

31 Il quitta donc la vie de cette manière (laissant dans sa mort, non seulement à la jeunesse, mais à la grande majorité de la nation, un exemple de courage et un mémorial de vertu).

Le martyre des sept frères.d

7 Il arriva aussi que sept frères ayant été arrêtés avec leur mère, le roi voulut les contraindre, en leur infligeant les fouets et les nerfs de bœuf, à toucher à la viande de porc (interdite par la Loi).

d Après l’exemple d’un vénérable docteur de la Loi, on nous donne celui d’une mère de famille et de ses fils. La persécution, dont les moyens étaient à l’époque très cruels, s’était en effet étendue jusqu’aux femmes et aux enfants, cf. 1 M 1.60s. Le fond du récit est donc historique et l’élaboration littéraire se traduit surtout par les discours mis dans la bouche des protagonistes. Le culte des « sept frères Maccabées » se répandit jusqu’en Occident où plusieurs églises leur furent dédiées. Le récit appelé « Passion des saints Maccabées » eut une large diffusion et servit de modèle à divers Actes de Martyrs.

2 L’un d’eux se faisant leur porte-parole : « Que vas-tu, dit-il, demander et apprendre de nous ? Nous sommes prêts à mourir plutôt que d’enfreindre les lois de nos pères. » 3 Le roi, hors de lui, fit mettre sur le feu des poêles et des chaudrons. 4 Sitôt qu’ils furent brûlants, il ordonna de couper la langue à celui qui avait été leur porte-parole, de lui enlever la peau de la tête et de lui trancher les extrémités, sous les yeux de ses autres frères et de sa mère. 5 Lorsqu’il fut complètement impotent, il commanda de l’approcher du feu, respirant encore, et de le faire passer à la poêle. Tandis que la vapeur de la poêle se répandait au loin, les autres s’exhortaient mutuellement avec leur mère à mourir avec vaillance : 6 « Le Seigneur Dieu voit, disaient-ils, et il a en vérité compassion de nous selon que Moïse l’a annoncé par le cantique qui proteste ouvertement en ces termes : « Et il aura pitié de ses serviteurs ». »

7 Lorsque le premier eut quitté la vie de cette manière, on amena le second pour le supplice. Après lui avoir arraché la peau de la tête avec les cheveux, on lui demandait : « Veux-tu manger du porc, avant que ton corps ne soit torturé membre par membre ? » 8 Il répondit dans la langue de ses pères :e « Non ! » C’est pourquoi lui aussi fut à son tour soumis aux tourments.

e Cette expression revient aux vv. 21 et 27, et l’auteur semble l’avoir comprise comme faisant allusion à l’hébreu, cf. 12.37 ; 15.29. En fait, la langue de cette femme devait plutôt être l’araméen.

9 Au moment de rendre le dernier soupir : « Scélérat que tu es, dit-il, tu nous exclus de cette vie présente, mais le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle,f nous qui mourons pour ses lois. »

f Littéralement « pour une revivification éternelle de vie ». — La foi en la résurrection des corps, qui ne se dégage pas sûrement d’Isa 26.19 et de Jb 19.26-27 (cf. les notes), est affirmée pour la première fois ici (et cf. vv. 11, 14, 23, 29, 36) et dans le passage de Dn 12.2-3, en relation lui aussi avec la persécution d’Antiochus Épiphane (Dn 11). Cf. encore 12.38-46 ; 14.46. Les martyrs ressusciteront, par un effet de la puissance du Créateur, v. 23, pour la vie, v. 14, cf. Jn 5.29, pour une vie éternelle, vv. 9, 36. On rejoint ainsi la doctrine de l’immortalité, qui sera développée, en milieu grec, et sans référence à la résurrection des corps, par Sg 3.1-5, 16. Mais, pour la pensée hébraïque qui ne distinguait pas entre le corps et l’âme, l’idée d’une survie impliquait la résurrection des corps, on le voit ici. Le texte n’enseigne pas directement la résurrection de tous les hommes, et n’envisage que le cas des justes, cf. v. 14. Dn 12.2-3 est plus clair.

10 Après lui on châtia le troisième. Il présenta aussitôt sa langue comme on le lui demandait et tendit ses mains avec intrépidité ; 11 (il déclara courageusement : « C’est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois je les méprise et c’est de lui que j’espère les recouvrer de nouveau. »)g

g Ce v., omis par plusieurs mss latins, est en contradiction avec le précédent la langue tendue a dû être aussitôt coupée, cf. v. 4.

12 Le roi lui-même et son escorte furent frappés du courage de ce jeune homme qui comptait les souffrances pour rien.

13 Ce dernier une fois mort, on soumit le quatrième aux mêmes tourments et tortures. 14 Sur le point d’expirer il s’exprima de la sorte : « Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l’espoir d’être ressuscité par lui, car pour toi il n’y aura pas de résurrection à la vie. »

15 On amena ensuite le cinquième et on le tortura. 16 Mais lui, fixant les yeux sur le roi, lui disait : « Tu as, quoique corruptible, autorité sur les hommes, tu fais ce que tu veux. Ne pense pas cependant que notre race soit abandonnée de Dieu. 17 Pour toi, prends patience et tu verras sa grande puissance, comme il te tourmentera toi et ta race. »

18 Après celui-là ils amenèrent le sixième, qui dit, sur le point de mourir : « Ne te fais pas de vaine illusion, c’est à cause de nous-mêmes que nous souffrons cela, ayant péché envers notre propre Dieu (aussi nous est-il arrivé des choses étonnantes). 19 Mais toi, ne t’imagine pas que tu seras impuni après avoir entrepris de faire la guerre à Dieu. »

20 Éminemment admirable et digne d’une illustre mémoire fut la mère qui, voyant mourir ses sept fils dans l’espace d’un seul jour, le supporta courageusement en vertu des espérances qu’elle plaçait dans le Seigneur. 21 Elle exhortait chacun d’eux, dans la langue de ses pères, et, remplie de nobles sentiments, elle animait d’un mâle courage son raisonnement de femme. Elle leur disait : 22 « Je ne sais comment vous avez apparu dans mes entrailles ; ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie ; ce n’est pas moi qui ai organisé les éléments qui composent chacun de vous. 23 Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé le genre humain et qui est à l’origine de toute chose, vous rendra-t-il, dans sa miséricorde, et l’esprit et la vie, parce que vous vous méprisez maintenant vous-mêmes pour l’amour de ses lois. »

24 Antiochus se crut vilipendé et soupçonna un outrage dans ces paroles. Comme le plus jeune était encore en vie, non seulement il l’exhortait par des paroles, mais il lui donnait par des serments l’assurance de le rendre à la fois riche et très heureux, s’il abandonnait les traditions ancestrales, d’en faire son ami et de lui confier de hauts emplois. 25 Le jeune homme ne prêtant à cela aucune attention, le roi fit approcher la mère et l’engagea à donner à l’adolescent des conseils pour sauver sa vie. 26 Lorsqu’il l’eut longuement exhortée, elle consentit à persuader son fils. 27 Elle se pencha donc vers lui et, mystifiant le tyran cruel, elle s’exprima de la sorte dans la langue de ses pères : « Mon fils, aie pitié de moi qui t’ai porté neuf mois dans mon sein, qui t’ai allaité trois ans, qui t’ai nourri et élevé jusqu’à l’âge où tu es (et pourvu à ton entretien). 28 Je t’en conjure, mon enfant, regarde le ciel et la terre et vois tout ce qui est en eux, et sache que Dieu les a faits de rienh et que la race des hommes est faite de la même manière.

h Littéralement « non des choses qui étaient », première affirmation explicite de la création ex nihilo , mais cf. déjà Isa 44.24 ; voir aussi Jn 1.3 ; Col 1.15s — Quelques mss et le syr. lisent « des choses qui ne sont pas », expression qui pour le philosophe juif Philon désigne la matière inorganisée ; cf. Sg 11.17.

29 Ne crains pas ce bourreau, mais, te montrant digne de tes frères, accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux dans la miséricorde. »

30 À peinei achevait-elle de parler que le jeune homme dit : « Qu’attendez-vous ? Je n’obéis pas aux ordres du roi, j’obéis aux ordres de la Loi qui a été donnée à nos pères par Moïse.

i « à peine » arti conj. ; « encore » eti grec.

31 Et toi, qui t’es fait l’inventeur de toute la calamité qui fond sur les Hébreux,j tu n’échapperas pas aux mains de Dieu.

j Terme archaïsant, ici et à 11.13 ; 15.37 ; cf. Jdt 10.12 ; 12.11 ; 14.18. Les LXX en usent rarement en dehors du Pentateuque.

32 (Nous autres, nous souffrons à cause de nos propres péchés.) 33 Si, pour notre châtiment et notre correction, notre Seigneur qui est vivant s’est courroucé un moment contre nous, il se réconciliera de nouveau avec ses serviteurs. Mais toi 34 ô impie et le plus infect de tous les hommes, ne t’élève pas sans raison, te berçant de vains espoirs et levant la main contre ses serviteurs,k

k « ses serviteurs » quelques mss et versions ; « les serviteurs célestes » grec.

35 car tu n’as pas encore échappé au jugement de Dieu qui peut tout et qui voit tout. 36 Quant à nos frères, après avoir supporté une douleur passagère, en vue d’une vie intarissable, ils sont tombés pour l’alliance de Dieu,l tandis que toi, par le jugement de Dieu, tu porteras le juste châtiment de ton orgueil.

l « en vue d’une vie intarissable » mss latins ; « tombés pour » conj., cf. 6.28 ; 1 M 5.20 ; le grec est inintelligible.

37 Pour moi, je livre comme mes frères mon corps et ma vie pour les lois de mes pères, suppliant Dieu d’être bientôt favorable à notre nation et de t’amener par les épreuves et les fléaux à confesser qu’il est le seul Dieu.m

m Antiochus IV se faisait l’égal des dieux, cf. 9.12. — Sur la notion d’un Dieu absolument universel et sans rival possible, cf. 1 Ch 17.20 ; Si 36.4, et déjà Isa 45.14.

38 Puisse enfin s’arrêter sur moi et sur mes frères la colère du Tout-Puissant justement déchaînée sur toute notre race ! »

39 Le roi, hors de lui, sévit contre ce dernier encore plus cruellement que contre les autres, le sarcasme lui étant particulièrement amer. 40 Ainsi trépassa le jeune homme, sans s’être souillé, et avec une parfaite confiance dans le Seigneur. 41 Enfin la mère mourut la dernière, après ses fils.

42 Mais en voilà assez sur la question des repas rituels et des tortures monstrueuses.

V. Victoire du judaïsme.
  Mort du persécuteur et purification du Temple

Judas Maccabée dans le maquis.n

8 Or Judas, appelé aussi Maccabée, et ses compagnons, s’introduisant secrètement dans les villages, appelaient à eux leurs frères de race, et s’adjoignant ceux qui demeuraient fermes dans le judaïsme, ils en rassemblèrent jusqu’à six mille.

n Ces vv. se rattachent à 5.27. L’auteur regroupe ici des faits attribués à Mattathias en 1 M 2 avec l’activité propre de Judas avant l’intervention d’Antiochus, cf. 1 M 3.1-26.

2 Ils suppliaient le Seigneur d’avoir les yeux sur le peuple que tout le monde accablait, d’avoir pitié du Temple profané par les hommes impies, 3 d’avoir compassion de la ville en train d’être détruite et réduite au niveau du sol, d’écouter le sang qui criait jusqu’à lui, 4 de se souvenir aussi du massacre criminel des enfants innocents et de se venger des blasphèmes lancés contre son nom.

5 Une fois à la tête d’un corps de troupe, le Maccabée devint désormais invincible aux nations, la colère du Seigneur s’étant changée en miséricorde. 6 Tombant à l’improviste sur des villes et des villages, il les brûlait ; occupant les positions favorables, il infligeait à l’ennemi de très lourdes pertes.o

o « très lourdes pertes », litt. « quantité de cadavres », d’après le lat. ; « quantité d’ennemis (mis en fuite) » grec ; certains mss lisent à la fois « ennemis » et « cadavres ».

7 Pour de telles opérations, il choisissait surtout la complicité de la nuit, et la renommée de sa vaillance se répandait partout.

Campagne de Nikanor et de Gorgias.

8 Voyant cet homme s’affirmer peu à peu et remporter des succès de plus en plus fréquents, Philippep écrivit à Ptolémée, stratège de Cœlé-Syrie et Phénicie, de venir au secours des affaires du roi.

p Philippe est l’épistate (cf. 5.22, 23) de Jérusalem, qui relève de Ptolémée, stratège de Cœlé-Syrie et Phénicie, cf. 4.45.

9 Ayant fait choix de Nikanor, fils de Patrocle, du rang des premiers amis, le roi l’envoya sans retard, à la tête d’au moins vingt mille hommes de diverses nations, pour qu’il exterminât la race entière des Juifs. Il lui adjoignit Gorgias, général de métier rompu aux choses de la guerre. 10 Nikanor comptait, à part lui, acquitter au moyen de la vente des Juifs qu’on ferait prisonniers le tribut de deux mille talents dû par le roi aux Romains. 11 Il s’empressa d’envoyer aux villes maritimes une invitation à venir acheter des esclaves juifs, promettant de leur en livrer quatre-vingt-dix pour un talent ; il ne s’attendait pas à la sanction qui devait s’ensuivre pour lui de la main du Tout-Puissant.

12 La nouvelle de l’avance de Nikanor parvint à Judas. Quand celui-ci eut averti les siens de l’approche de l’armée ennemie, 13 les lâches et ceux qui manquaient de foi en la justice de Dieu prirent la fuite et gagnèrent d’autres lieux.

14 Les autres vendaient tout ce qui leur restait et priaient le Seigneur de les délivrer de l’impie Nikanor qui les avait vendus avant même que la rencontre eût lieu : 15 sinon à cause d’eux, du moins en considération des alliances conclues avec leurs pères et parce qu’ils portaient eux-mêmes son nomq auguste et plein de majesté.

q Littéralement « à cause de l’invocation de son nom sur eux », cf. 1 M 7.37. C’est un hébraïsme, cf. Dt 28.10 ; 2 S 12.28 ; 1 R 8.43 ; Isa 4.1, etc.

16 Maccabée, ayant donc réuni ses hommes au nombre de six mille, les exhorte à ne pas être frappés de crainte devant les ennemis et à n’avoir cure de la multitude des païens qui les attaquent injustement, mais à combattre avec vaillance, 17 ayant devant les yeux l’outrage qu’ils ont commis contre le lieu saint et le traitement indigne infligé à la ville bafouée, enfin la ruine des usages traditionnels. 18 « Eux, ajouta-t-il, se fient aux armes et aux actes audacieux, tandis que nous autres, nous avons placé notre confiance en Dieu, le Tout-Puissant, capable de renverser en un clin d’œil ceux qui marchent contre nous, et avec eux le monde entier. » 19 Il leur énuméra les cas de protection dont leurs aïeux furent favorisés, celui qui eut lieu sous Sennachérib, comment avaient péri cent quatre-vingt-cinq mille hommes ; 20 celui qui arriva en Babylonie dans une bataille livrée aux Galates, comment ceux qui prenaient part à l’action, en tout huit miller avec quatre mille Macédoniens, ceux-ci étant aux abois, les huit mille avaient détruit cent vingt mille ennemis, grâce au secours qui leur était venu du Ciel, et avaient fait un grand butin.

r Peut-être des Juifs qui auraient combattu contre des mercenaires gaulois à la solde de Molon, satrape de Médie révolté.

21 Après les avoir remplis de confiance par ces paroles, et les avoir disposés à mourir pour leurs lois et leur patrie, il divisa son armée en quatre corps. 22 À la tête de chaque corps il mit ses frères Simon, Joseph et Jonathas, donnant à chacun d’eux quinze cents hommes. 23 En outre, il ordonna à Esdriass de lire le Livre saint, puis, ayant donné pour mot d’ordre : « Secours de Dieu ! »t il prit la tête du premier corps et attaqua Nikanor.

s « Esdrias » (ou « Esdras ») d’après lat. et arm., cf. 12.36 ; « Éléazar » grec ; c’est l’Azarias de 1 M 5.18, 56.

t Semblables formules étaient en usage dans les armées hellénistiques et romaines, et sont mentionnées par la Règle de la Guerre à Qumrân.

24 Le Tout-Puissant s’étant fait leur allié, ils égorgèrent plus de neuf mille ennemis, blessèrent et mutilèrent la plus grande partie des soldats de Nikanor et les mirent tous en fuite. 25 L’argent de ceux qui étaient venus les acheter tomba entre leurs mains. S’étant attardés assez longtemps à les poursuivre, ils revinrent sur leurs pas, pressés par l’heure,

26 car c’était la veille du sabbat, et, pour ce motif, ils ne s’attardèrent pas à leur poursuite. 27 Quand ils eurent ramassé les armes des ennemis et enlevé leurs dépouilles, ils se livrèrent à la célébration du sabbat, multipliant les bénédictions et louant le Seigneur qui les avait sauvés et avait fixé à ce jour la première manifestation de sa miséricorde. 28 Après le sabbat, ils distribuèrent une part du butin à ceux qu’avait lésés la persécution, aux veuves et aux orphelins ; euxmêmes et leurs enfants se partagèrent le reste. 29 Cela fait, ils organisèrent une supplication commune, priant le Seigneur miséricordieux de se réconcilier entièrement avec ses serviteurs.

Timothée et Bacchidès vaincus.u

30 Se mesurant avec les soldats de Timothée et de Bacchidès, ils en tuèrent plus de vingt mille et emportèrent de bien hautes forteresses. Ils divisèrent leur immense butin en deux parts égales, l’une pour eux-mêmes, l’autre pour les victimes de la persécution, les orphelins et les veuves, sans oublier les vieillards.

u Ce fragment a été placé ici par l’abréviateur pour rassembler ce qui concerne le châtiment des persécuteurs. Le récit interrompu reprend au v. 34.

31 Ils apportèrent un grand soin à recueillir les armes ennemies et les entreposèrent en des lieux convenables. Quant au reste des dépouilles, ils le portèrent à Jérusalem. 32 Ils tuèrent le phylarquev qui se trouvait dans l’entourage de Timothée, homme fort impie qui avait causé beaucoup de mal aux Juifs.

v Sans doute le chef des Arabes défaits au début de la campagne contre Timothée, 12.10s.

33 Pendant qu’ils célébraient les fêtes de la victoire dans leur patrie, ils brûlèrent ceux qui avaient mis le feu aux portes saintesw et s’étaient avec Callisthène réfugiés dans une même petite maison, et qui reçurent ainsi le digne salaire de leur profanation.

w Cet incendie fut sans doute allumé par le mysarque, 1 M 1.31. Les portes saintes sont celles du Temple plutôt que celles du parvis.

Fuite et confession de Nikanor.

34 Le triple scélérat Nikanor, qui avait amené les mille marchands pour la vente des Juifs, 35 humilié, avec l’aide du Seigneur, par des gens qui, pensait-il à part lui, étaient ce qu’il y avait de plus bas, Nikanor, dépouillant son habit d’apparat, s’isolant même de tous les autres, fuyant à travers champs à la manière d’un esclave échappé, parvint à Antioche, ayant une chance extraordinaire alors que son armée avait été détruite. 36 Et celui qui avait promis aux Romains de réaliser un tribut avec le prix des captifs de Jérusalem proclama que les Juifs avaient un défenseur, que les Juifs étaient invulnérables par cela même qu’ils suivaient les lois que lui-même avait dictées.

Fin d’Antiochus Épiphane.

9 Vers ce temps-là, Antiochus était piteusement revenu des régions de la Perse. 2 En effet, une fois entré dans la ville qu’on appelle Persépolis, il s’était mis en devoir d’en piller le templex et d’opprimer la ville. Aussi la foule, se soulevant, recourut-elle aux armes, et il arriva qu’Antiochus, mis en fuite par les habitants du pays, dut opérer une retraite humiliante.

x Le temple en question se trouvait en réalité en Élymaïde, au nord de Persépolis, 1 M 6.3, mais Jason ou l’abréviateur aura préféré situer ce fait dans une ville connue de tous.

3 Comme il se trouvait vers Ecbatane,y il apprit ce qui était arrivé à Nikanor et aux gens de Timothée.

y L’actuelle Hamadan, à 700 km au nord-est de Persépolis. En fait, Épiphane mourut à Tabae, à mi-chemin entre ces deux villes.

4 Transporté de fureur, il pensait faire payer aux Juifs l’injure de ceux qui l’avaient mis en fuite et, pour ce motif, il ordonna au conducteur de pousser son char sans s’arrêter jusqu’au terme du voyage. Mais déjà il était accompagné par la sentence du Ciel. Il avait dit en effet, dans son orgueil : « Arrivé à Jérusalem, je ferai de cette ville la fosse commune des Juifs. »

5 Mais le Seigneur qui voit tout, le Dieu d’Israël, le frappa d’une plaie incurable et invincible.
À peine avait-il achevé sa phrase qu’une douleur d’entrailles sans remède le saisit et que des souffrances aiguës le torturaient au-dedans, 6 ce qui était pleine justice, puisqu’il avait infligé aux entrailles des autres des tourments nombreux et étranges. 7 Il ne rabattait pourtant rien de son arrogance ; toujours rempli d’orgueil, il exhalait contre les Juifs le feu de sa colère et commandait d’accélérer la marche, quand il tomba soudain du char qui roulait avec fracas, le corps entraîné dans une chute malheureuse, et tous les membres tordus. 8 Lui qui tout à l’heure croyait, dans sa jactance surhumaine, commander aux flots de la mer, lui qui s’imaginait peser dans la balance la hauteur des montagnes, se voyait gisant à terre, puis transporté dans une litière, faisant éclater aux yeux de tous la puissance de Dieu, 9 à telle enseigne que les yeux de l’impie fourmillaient de vers et que, lui vivant, ses chairs se détachaient par lambeaux avec d’atroces douleurs,z enfin que la puanteur de cette pourriture soulevait le cœur de toute l’armée.

z « les yeux » Vet. Lat., arm. ; « le corps » grec (sauf 1 Ms « les yeux du corps »). — On ignore la nature du mal qui emporta Antiochus. La description relève d’un genre littéraire propre à la mort des tyrans, cf. Jdt 16.17 ; Isa 14.11 ; Ac 12.23. Même genre de description de la mort d’Hérode le Grand dans les Antiquités Judaïques de Josèphe. Le parallèle de 1 M 6.9 est beaucoup plus sobre.

10 Celui qui naguère semblait toucher aux astres du ciel, personne maintenant ne pouvait l’escorter à cause de l’incommodité intolérable de cette odeur.

11 Là donc, il commença, tout brisé, à dépouiller cet excès d’orgueil et à prendre conscience des réalités sous le fouet divin, torturé par des crises douloureuses. 12 Comme lui-même ne pouvait supporter son infection, il avoua : « Il est juste de se soumettre à Dieu, et, simple mortel, de ne pas penser à s’égaler à la divinité. »a

a « ne pas s’égaler à la divinité » mss et versions ; « ne pas avoir de pensées orgueilleuses » une partie du grec ; grec luc. combine les deux. — L’expression grecque qualifie les honneurs divins que recevaient les rois et les hommes illustres. Cf. l’expression semblable de Ph 2.6 appliquée au Christ.

13 Mais les prières de cet être abject allaient vers un Maître qui ne devait plus avoir pitié de lui : 14 il promettait de déclarer libre la ville sainte que naguère il gagnait en toute hâte pour la raser et la transformer en fosse commune, 15 de faire de tous les Juifs les égaux des Athéniens, eux qu’il jugeait indignes de la sépulture et bons à servir de pâture aux oiseaux de proie ou à être jetés aux bêtes avec leurs enfants, 16 d’orner des plus belles offrandes le saint Temple qu’il avait jadis dépouillé, de lui rendre au double tous les vases sacrés et de subvenir de ses propres revenus aux frais des sacrifices,

17 et finalement de devenir lui-même juif et de parcourir tous les lieux habités pour y proclamer la toute-puissance de Dieu.

Lettre d’Antiochus aux Juifs.

18 Comme ses souffrances ne se calmaient d’aucune façon, car le jugement équitable de Dieu pesait sur lui, et qu’il voyait son état désespéré, il écrivit aux Juifs la lettre transcrite ci-dessous, sous forme de supplique. Elle était ainsi libellée :

19 « Aux excellents Juifs, aux citoyens, Antiochus roi et stratège :b salut, santé et bonheur parfaits !

b Le terme désigne la magistrature suprême d’une ville, ici Antioche, la capitale, dont Antiochus s’était déjà fait nommer édile et tribun. — La lettre devait s’adresser aux « excellents citoyens » d’Antioche, et la mention des Juifs doit être une glose de Jason de Cyrène.

20 Si vous vous portez bien ainsi que vos enfants, et que vos affaires aillent suivant vos désirs, nous en rendons de très grandes actions de grâces.c

c À la fin du v., le grec ajoute « faisant confiance au ciel ».

21 Pour moi, je suis étendu sans force sur un lit et je garde un affectueux souvenir de vous.d
« À mon retour des régions de la Perse, atteint d’un mal fâcheux, j’estimai nécessaire de veiller à la sûreté de tous.

d « de vous » 1 Ms grec, lat., arm. ; « de vos marques de respect et de vos bons sentiments » grec.

22 Ce n’est pas que je désespère de mon état, ayant au contraire le ferme espoir d’échapper à cette maladie. 23 Mais, considérant que mon père, chaque fois qu’il portait les armese dans les pays d’en haut, désignait son futur successeur,

e « porta les armes » estrateusen conj. d’après lat. ; « campa » estratopedeusen grec.

24 afin que, en cas d’un événement inattendu ou d’un bruit fâcheux, ceux qui étaient dans les provinces n’en pussent être troublés, sachant à qui il avait laissé la direction des affaires,

25 après avoir songé en outre que les souverains proches de nous et les voisins de notre royaume épient les circonstances et attendent les éventualités, j’ai désigné comme roi mon fils Antiochus, que plus d’une fois, lorsque je parcourais les satrapies d’en haut, j’ai confié et recommandé à la plupart d’entre vous. Je lui ai écrit d’ailleurs la lettre transcrite ci-dessous.f

f L’auteur n’a pas reproduit cette seconde lettre, à laquelle il n’avait sans doute pas accès.

26 Je vous prie donc et vous conjure, vous souvenant des bienfaits que vous avez reçus de moi en public et en particulier, de conserver chacun, pour mon fils également, les dispositions favorables que vous éprouvez pour moi. 27 Je suis en effet persuadé que, plein de douceur et d’humanité, il suivra scrupuleusement mes intentions et s’entendra bien avec vous. »

28 Ainsi ce meurtrier, ce blasphémateur, en proie aux pires souffrances, semblables à celles qu’il avait fait endurer aux autres, eut le sort lamentable de perdre la vie loin de son pays, en pleine montagne.g

g Le ton violent de l’abréviateur contraste avec celui de la lettre, tout à fait conforme au style protocolaire hellénistique.

29 Philippe, son familier, ramena son corps, mais, craignant le fils d’Antiochus, il se retira en Égypte auprès de Ptolémée Philométor.h

h Détail difficile à concilier avec 1 M 6.55 et 63. Sans doute Philippe sera-t-il resté en Égypte jusqu’à la fin de 163, cf. 13.23.

Purification du Temple.

10 Maccabée, avec ses compagnons, recouvra sous la conduite du Seigneur le sanctuaire et la ville 2 et détruisit les autels élevés par les étrangers sur la place publique ainsi que les lieux du culte. 3 Une fois le Temple purifié, ils bâtirent un autre autel, puis, ayant tiré des étincelles de pierres à feu, ils prirent de ce feu et, après deux ans d’interruption, ils offrirent un sacrifice, firent fumer l’encens, allumèrent les lampes et exposèrent les pains de proposition. 4 Cela fait, prosternés sur le ventre, ils prièrent le Seigneur de ne plus les laisser tomber dans de tels maux, mais de les corriger avec mesure, s’il leur arrivait jamais de pécher, et de ne pas les livrer aux nations blasphématrices et barbares. 5 Ce fut le jour même où le Temple avait été profané par les étrangers que tomba le jour de la purification du Temple, c’est-à-dire le vingt-cinq du même mois qui est Kisleu.i

i Le 15 décembre 164, cf. 1.10, peu de semaines après la mort d’Antiochus Épiphane.

6 Ils célébrèrent avec allégresse huit jours de fête à la manière des Tentes, se souvenant comment naguère, aux jours de la fête des Tentes, ils gîtaient dans les montagnes et dans les grottes à la façon des bêtes sauvages. 7 C’est pourquoi, portant des thyrses, de beaux rameaux et des palmes, ils firent monter des hymnes vers Celui qui avait mené à bien la purification de son lieu saint. 8 Ils décrétèrent par un édit public confirmé par un vote que toute la nation des Juifs solenniserait chaque année ces jours-là.j

j Sur cette fête, la hanukkah , cf. 1 M 4.59. Ici s’achève la première partie du livre, dont l’un des objectifs est d’imposer cette fête à tous les Juifs, cf. les deux lettres préliminaires, 1-2. De même, la seconde partie se terminera par une invitation à célébrer le Jour de Nikanor, 15.36.

VI. Lutte de Judas contre les peuples voisins
  et contre Lysias, ministre d’Eupator

Débuts du règne d’Antiochus Eupator.

9 Telles furent donc les circonstances de la mort d’Antiochus surnommé Épiphane. 10 Nous allons maintenant exposer les faits qui concernent Antiochus Eupator, fils de cet impie, en résumant les maux causés par les guerres.k

k « guerres » polemôn mss lat., syr. ; « villes » poleôn mss lat., grec (sauf 3 mss qui lisent « des guerriers » polemiôn).

11 Ayant hérité du royaume, ce prince promut à la tête des affaires un certain Lysias, stratège en chef de Cœlé-Syrie et Phénicie. 12 Quant à Ptolémée, surnommé Makrôn, le premier à observer la justice envers les Juifs, à cause des torts qu’on leur infligeait, il s’était efforcé de les administrer pacifiquement. 13 Accusé en conséquence par les amis du roi auprès d’Eupator, il s’entendait, en toute occasion, appeler traître, pour avoir abandonné Chyprel que lui avait confié Philométor, avoir passé du côté d’Antiochus Épiphane et n’avoir pas fait honneur à la dignité de sa charge : il quitta l’existence en s’empoisonnant.

l Où sa présence comme gouverneur est attestée par des inscriptions et par l’historien Polybe.

Gorgias et les forteresses iduméennes.

14 Gorgias, devenu stratège de la région, entretenait des troupes mercenaires et saisissait toutes les occasions pour faire la guerre aux Juifs. 15 En même temps, les Iduméens, maîtres de forteresses bien situées, harcelaient les Juifs, et, accueillant les proscrits de Jérusalem, tentaient de fomenter la guerre. 16 Maccabée et ses compagnons, après avoir fait des prières publiques et demandé à Dieu de se faire leur allié, se mirent en mouvement contre les forteresses des Iduméens. 17 Les ayant attaquées avec vigueur, ils se rendirent maîtres de ces positions et repoussèrent tous ceux qui combattaient sur le rempart ; ils égorgeaient quiconque tombait entre leurs mains, ils n’en tuèrent pas moins de vingt mille. 18 Neuf mille hommes au moins s’étant réfugiés dans deux tours remarquablement fortes, ayant avec eux tout ce qu’il faut pour soutenir un siège, 19 Maccabée laissa pour les assiéger Simon et Joseph avec Zacchée et les siens en nombre suffisant, et partit en personne pour des endroits où il y avait urgence. 20 Mais les gens de Simon, avides de richesses, se laissèrent gagner à prix d’argent par quelques-uns de ceux qui gardaient les tours et, pour une somme de soixante-dix mille drachmes, ils en laissèrent s’échapper un certain nombre. 21 Quand on eut annoncé à Maccabée ce qui était arrivé, il réunit les chefs du peuple, il accusa les coupables d’avoir vendu leurs frères à prix d’argent en relâchant contre eux leurs ennemis. 22 Il les fit donc exécuter comme traîtres et aussitôt après il s’empara des deux tours. 23 Menant tout à bonne fin par la valeur de ses armes, il tua dans ces deux forteresses plus de vingt mille hommes.m

m Chiffre grossi, cf. v. 18.

Judas bat Timothée et prend Gazara.n

24 Timothée, qui avait été battu précédemment par les Juifs, ayant levé des forces étrangères en grand nombre et réuni quantité de chevaux venus d’Asie, parut bientôt en Judée, s’imaginant qu’il allait s’en rendre maître par les armes.

n Cet épisode ne semble pas à sa place chronologique, car Timothée qui y trouve la mort apparaît bien vivant l’été de la même année 163, lors de la campagne de Galaad, 12.10-31. La prise de Gazara fait également difficulté, cf. v. 32.

25 À son approche, Maccabée et ses hommes se répandirent en supplications devant Dieu, la tête saupoudrée de terre et les reins ceints d’un cilice. 26 Prosternés contre le soubassement antérieur de l’autel, ils demandaient à Dieu de leur être favorable, de se déclarer l’ennemi de leurs ennemis, l’adversaire de leurs adversaires, suivant les claires expressions de la Loi.

27 Ayant pris les armes au sortir de cette prière, ils s’avancèrent hors de la ville, jusqu’à une sérieuse distance, et, quand ils furent près de l’ennemi, ils s’arrêtèrent. 28 Au moment même où se diffusait la clarté du soleil levant, ils en vinrent aux mains de part et d’autre, les uns ayant pour gage du succès et de la victoire, outre leur vaillance, le recours au Seigneur, les autres prenant leur emportement pour guide des batailles. 29 Au fort du combat, apparurent du ciel aux ennemis, sur des chevaux aux freins d’or, cinq hommes magnifiques qui se mirent à la tête des Juifs 30 et, prenant en même temps Maccabée au milieu d’eux et le couvrant de leurs armures, le gardaient invulnérable. Ils lançaient aussi des traits et la foudre sur les adversaires qui, bouleversés par l’éblouissement, se dispersaiento dans le plus grand désordre.

o « se dispersaient » plusieurs mss grecs ; « furent massacrés » grec et lat.

31 Vingt mille cinq cents fantassins et six cents cavaliers furent alors égorgés. 32 Quant à Timothée, il s’enfuit en personne dans une place très forte appelée Gazara, où Chéréas était stratège.p

p Restreint aux exploits de Judas, a ramené dans le cycle de ce héros la fameuse prise de Gézer dont la renommée persistait dans la tradition populaire. 1 M 13.43, l’attribuera avec raison à son frère Simon.

33 Pendant quatre jours,q Maccabée et les siens l’assiégèrent avec une ardeur joyeuse.

q « quatre » lat. ; « quarante » ou « vingt-quatre » grec.

34 Confiants dans la force de la place, ceux qui se trouvaient à l’intérieur proféraient d’énormes blasphèmes et lançaient des paroles impies. 35 Le cinquième jour commençant à poindre, vingt jeunes gens de la troupe de Maccabée, que les blasphèmes avaient enflammés de colère, s’élancèrent contre la muraille, animés d’un mâle courage et d’une ardeur farouche, et ils massacrèrent quiconque se présentait devant eux. 36 D’autres montaient pareillement contre les assiégés en les prenant à revers, mettaient le feu aux tours et, ayant allumé des bûchers, brûlèrent vifs les blasphémateurs. Cependant, brisant les portes, les premiers accueillirent le reste de l’armée et, à leur tête, s’emparèrent de la ville. 37 Ils égorgèrent Timothée, qui s’était caché dans une citerne, et avec lui son frère Chéréas et Apollophane. 38 Après avoir accompli ces exploits, ils bénirent avec des hymnes et des louanges le Seigneur qui accordait de si grands bienfaits à Israël et qui lui donnait la victoire.

Première campagne de Lysias.r

11 Très peu de temps après, Lysias, tuteur et parent du roi, à la tête des affaires du royaume, très affecté par les derniers événements,

r Les événements rapportés en 11.1-21 et 11.27—12.9 se situent encore en 164, du vivant d’Antiochus Épiphane. Chez Jason de Cyrène, la péricope devait suivre 8.36 (et ainsi se justifie le « très peu de temps après » du v. 1), mais pour l’abréviateur l’action se passe sous Antiochus V, cf. v. 23.

2 assembla environ quatre-vingt mille hommes de pied, avec toute sa cavalerie, et se mit en marche contre les Juifs, comptant bien faire de la Ville une résidence pour les Grecs, 3 soumettre le sanctuaire à un impôt comme les autres lieux de culte des nations et vendre tous les ans la dignité de grand prêtre, 4 ne tenant aucun compte de la puissance de Dieu, mais pleinement confiant dans ses myriades de fantassins, dans ses milliers de cavaliers et ses quatre-vingts éléphants.

5 Ayant donc pénétré en Judée, il s’approcha de Bethsour, qui est une place forte distante de Jérusalem d’environ cinq schœnes,s et la pressa vivement.

s « schœnes » mss grecs ; « stades » grec et versions (avec des chiffres variables). — Le schœne comptait 30 stades, soit environ 5 km et demi.

6 Lorsque Maccabée et les siens apprirent que Lysias assiégeait les forteresses, ils prièrent le Seigneur avec gémissements et larmes, de concert avec la foule, d’envoyer un bon ange à Israël pour le sauver. 7 Maccabée lui-même, prenant les armes le premier, exhorta les autres à s’exposer avec lui au danger pour secourir leurs frères. Ceux-là donc s’élancèrent ensemble, remplis d’ardeur ; 8 ils se trouvaient encore près de Jérusalem lorsqu’un cavalier vêtu de blanc apparut à leur tête, agitant des armes d’or. 9 Alors tous à la fois bénirent le Dieu miséricordieux et se sentirent animés d’une telle ardeur qu’ils étaient prêts à transpercer, non seulement des hommes, mais encore les bêtes les plus sauvages et des murailles de fer. 10 Ils s’avancèrent en ordre de bataille, aidés par un allié venu du ciel, le Seigneur ayant eu pitié d’eux. 11 Ils foncèrent donc à la façon des lions sur les ennemis, couchèrent sur le sol onze mille fantassins et seize cents cavaliers, et contraignirent tous les autres à fuir.

12 La plupart n’en réchappèrent que blessés et sans armes. Lysias lui-même sauva sa vie par une fuite honteuse.

Paix avec les Juifs. Quatre lettres concernant le traité.

13 Mais Lysias, qui ne manquait pas de sens, réfléchit sur le revers qu’il venait d’essuyer ; comprenant que les Hébreux étaient invincibles puisque le Dieu puissant combattait avec eux, il leur envoya une députation 14 pour les amener à un arrangement sous toutes conditions équitables, et leur promettait de contraindre le roi à devenir leur ami.t

t « de contraindre » Vet. Lat., Vulg. ; « de persuader » mss lat. ; « de persuader de contraindre » grec. — L’expression aura paru trop forte à un copiste qui l’aura remplacée en marge par « persuader », mot ensuite incorporé à plusieurs mss. — Pour l’abréviateur, le roi est Antiochus V ; c’est encore un enfant et une telle pression n’a rien d’étonnant.

15 Maccabée consentit à tout ce que proposait Lysias, n’ayant souci que du bien public. Tout ce que Maccabée transmit par écrit à Lysias au sujet des Juifs, le roi l’accorda.u

u Cet accord explique que Judas n’ait pas été autrement inquiété pendant cette année 164.

16 La lettre écrite aux Juifs par Lysias était ainsi libellée : « Lysias au peuple juif, salut. 17 Jean et Absalom,v vos émissaires, m’ayant remis l’acte transcrit ci-dessous, m’ont prié de ratifier les choses qu’il contenait.

v Ce Jean peut être l’aîné des fils de Mattathias, 1 M 2.2 ; Absalom doit être un personnage important, car deux de ses fils exerceront des commandements militaires, cf. 1 M 11.70 ; 13.11.

18 J’ai donc exposé au roiw ce qui devait lui être soumis. Quant à ce qui était possible, je l’ai accordé.

w Antiochus IV. S’il s’agissait du jeune Antiochus V, comme le croit l’abréviateur, la démarche du tout-puissant Lysias s’expliquerait moins bien.

19 Si donc vous conservez vos dispositions favorables envers les intérêts de l’État, je m’efforcerai à l’avenir de travailler à votre bien. 20 Quant aux matières de détail, j’ai donné des ordres à vos envoyés et à mes gens pour en conférer avec vous. 21 Portez-vous bien. L’an cent quarante-huit, le vingt-quatre de Dioscore. »x

x « Dioscore » lat. ; « de Jupiter corinthien » (dioscorinthios) grec. — C’est le nom d’un mois crétois, équivalent de Xanthique, cf. v. 30. On est au printemps de 164.

22 La lettre du roi contenait ce qui suit : « Le roi Antiochusy à son frère Lysias, salut.

y Ici, il s’agit d’Antiochus V, cf. v. suivant, et du rescrit accordé aux Juifs après la deuxième campagne de Lysias, cf. 13.23 ; 1 M 6.59.

23 Notre père ayant émigré vers les dieux,z et nous-même désirant que ceux de notre royaume soient à l’abri des troubles pour s’appliquer au soin de leurs propres affaires,

z Allusion à l’apothéose du souverain, qui était en usage chez les Séleucides autant que chez les Lagides.

24 ayant appris d’autre part que les Juifs ne consentent pas à l’adoption des mœurs grecques voulue par notre père, mais que, préférant leur manière de vivre particulière, ils demandent qu’on leur permette l’observation de leurs lois, 25 désirant donc que ce peuple aussi reste tranquille, nous décidons que le Temple leur soit rendu et qu’ils puissent vivre selon les coutumes de leurs ancêtres. 26 Tu feras donc bien d’envoyer quelqu’un vers eux pour leur tendre la main afin que, au fait du parti adopté par nous, ils aient confiance et vaquent joyeusement à leurs propres affaires. »

27 La lettre du roi à la nation des Juifs était ainsi conçue : « Le roi Antiochus au Sénat des Juifs et aux autres Juifs, salut. 28 Si vous allez bien, cela est conforme à nos vœux, et nous-même nous sommes en bonne santé. 29 Ménélas nous a fait connaître le désir que vous avez de retourner à vos propres demeures. 30 Tous ceux qui, jusqu’au trente Xanthique, retourneront chez eux, obtiendront l’assurance de l’impunité. 31 Les Juifs auront l’usage de leurs aliments spéciaux et de leurs lois comme auparavant. Que nul d’entre eux ne soit molesté d’aucune façon pour des fautes commises par ignorance. 32 J’envoie pareillement Ménélas pour vous tranquilliser.a

a Le rôle conféré au grand prêtre honni par les insurgés montre que le roi n’entendait pas reconnaître leur chef, Judas. Mais l’objectif religieux de la révolte, à savoir le retrait de l’édit d’abolition du culte juif, était atteint.

33 Portez-vous bien. L’an cent quarante-huit, le quinze Xanthique. »

34 Les Romains adressèrent aussi aux Juifs une lettre de cette teneur : « Quintus Memmius, Titus Manilius, Manius Sergius,b légats romains, au peuple des Juifs, salut.

b « Manilius » et « Sergius » sont restitués d’après 2 Mss grecs le reste du grec lit seulement « Titus Manius », mais ce nom formé de deux prénoms est impossible. Titus Manilius et Manius Sergius sont d’ailleurs des personnages connus. Quant à Quintus Memmius, il n’est pas lui-même connu, mais un Titus Memmius avait été légat en 170.

35 Les choses que Lysias, parent du roi, vous a accordées, nous vous les concédons aussi. 36 Quant à celles qu’il a jugé devoir soumettre au roi, envoyez-nous quelqu’un sans délai, après les avoir bien examinées, afin que nous les exposions au roi d’une façon qui vous soit avantageuse, car nous nous rendons à Antioche. 37 Aussi bien, hâtez-vous de nous expédier des gens afin que nous sachions, nous aussi, quelles sont vos intentions. 38 Portez-vous bien. L’an cent quarante-huit, le quinze de Dioscore. »c

c « Dioscore » Vet. Lat. ; « Xanthique » grec.

Affaires de Joppé et de Iamnia.

12 Ces traités conclus, Lysias revint chez le roi,d tandis que les Juifs se remettaient aux travaux des champs.

d L’abréviateur imagine le roi à Antioche (puisque pour lui il s’agit d’Antiochus V). En fait, les deux raids contre les villes maritimes ont dû suivre la première campagne de Lysias, alors qu’Antiochus IV se trouvait en Perse, cf. 6.1 ; 9.1, et ils prennent facilement place dans le courant de l’an 164.

2 Parmi les stratèges en place, Timothée et Apollonius, fils de Gennéos, et aussi Hiéronyme et Démophon, à qui s’ajoutait Nikanor le Cypriarque, ne laissaient goûter aux Juifs ni repos, ni tranquillité.

3 Les habitants de Joppé commirent un acte particulièrement impie. Ils invitèrent les Juifs domiciliés chez eux à monter avec leurs femmes et leurs enfants sur des barques qu’ils avaient préparées eux-mêmes, comme si nulle inimitié n’existait à leur égard. 4 Sur l’assurance d’un décret rendu par le peuple de la ville, les Juifs acceptèrent comme des gens désireux de la paix et sans défiance, mais quand ils furent au large, on les coula à fond au nombre d’au moins deux cents.

5 Dès que Judas eut appris la cruauté commise contre les gens de sa nation, il fit savoir ses ordres à ceux qui étaient avec lui, 6 et, après avoir invoqué Dieu, le juge équitable, il marcha contre les meurtriers de ses frères. De nuit, il incendia le port, brûla les vaisseaux et passa au fil de l’épée ceux qui y avaient cherché un refuge. 7 Mais la place ayant été fermée, il partit dans le dessein d’y revenir pour extirper toute la cité des Joppites. 8 Averti que ceux de Iamnia voulaient jouer le même tour aux Juifs qui habitaient parmi eux, 9 il attaqua de nuit les Iamnites, incendia le port avec la flotte, de telle sorte que les lueurs des flammes furent aperçues jusqu’à Jérusalem quoique distante de deux cent quarante stades.

Expédition en Galaaditide.

10 Il s’était éloigné de là de neuf stadese dans une marche contre Timothée, lorsque tombèrent sur lui des Arabes au nombre d’au moins cinq mille hommes de pied et cinq cents cavaliers.

e Ces neuf stades (moins de 2 km) ne peuvent être comptés à partir de Iamnia, mais d’un point situé en Galaatide, cf. v. 13. L’abréviateur aura mal coupé son extrait de Jason. Sur les circonstances de cette expédition de l’été 163, cf. 1 M 5.9s. — Les « Arabes » sont des Nabatéens, cf. 1 M 5.25, dont le chef serait le phylarque de 8.32.

11 Un violent combat s’étant engagé, et les soldats de Judas l’ayant emporté avec l’aide de Dieu, les nomades vaincus demandèrent à Judas de leur donner la main droite, promettant de lui livrer du bétail et de lui être utiles en tout le reste. 12 Comprenant qu’en réalité ils pourraient lui rendre beaucoup de services, Judas consentit à faire la paix avec eux et, après qu’on se fut donné la main, ils se retirèrent sous la tente.

13 Judas attaqua aussi une certaine ville forte, entourée de remparts, habitée par un mélange de nations et dont le nom était Kaspîn. 14 Confiants dans la puissance de leurs murs et leurs dépôts de vivres, les assiégés se montraient grossiers à l’excès envers Judas et les siens, joignant aux insultes les blasphèmes et des propos impies. 15 Judas et ses compagnons, ayant invoqué le grand Souverain du monde qui, sans béliers ni machines de guerre, renversa Jéricho au temps de Josué, assaillirent le mur avec férocité. 16 Devenus maîtres de la ville par la volonté de Dieu, ils firent un carnage indescriptible, au point que l’étang voisin, large de deux stades, paraissait rempli par le sang qui y avait coulé.

La bataille du Karnion.

17 Comme ils s’étaient éloignés à sept cent cinquante stades de là, ils atteignirent le Charax, chez les Juifs appelés Toubiens.f

f Le « pays de Tobie » de 1 M 5.13, c’est-à-dire l’Ammanitide gouvernée par la famille des Tobiades. On y élevait des chevaux, et un corps de cavaliers toubiens s’illustra en Idumée, v. 35. — Le Charax doit être la forteresse ou Birta de l’Ammanitide (l’actuel Araq el Emir), résidence du gouverneur.

18 Quant à Timothée, ils ne le trouvèrent point dans ces parages, car il avait quitté les lieux sans avoir rien fait, mais non sans avoir laissé sur un certain point une très forte garnison.

19 Dosithée et Sosipater, généraux du Maccabée, s’y rendirent et tuèrent les hommes laissés par Timothée dans la forteresse au nombre de plus de dix mille.

20 Maccabée, de son côté, ayant distribué ses troupes en cohortes, nomma ceux qui seraient à leur tête et s’élança contre Timothée, qui avait autour de lui cent vingt mille fantassins et deux mille cinq cents cavaliers. 21 Informé de l’approche de Judas, Timothée envoya tout d’abord les femmes, les enfants et le reste des bagages au lieu dit le Karnion,g car la place était inexpugnable et difficile d’accès à cause des passes étroites de toute la contrée.

g Site du sanctuaire de l’Astarté aux cornes, cf. 1 M 5.43. — Les « passes étroites » doivent être simplement le lit du torrent mentionné en 1 M 5.37 (le Nahr el-Ehreir, affluent du Yarmuk) ; ce n’est que plus au sud que le terrain devient accidenté, mais l’auteur veut souligner les qualités militaires de la cohorte de Judas et l’effet de terreur qu’elle produit.

22 La cohorte de Judas parut la première : l’épouvante s’étant emparée de l’ennemi, ainsi que la crainte que leur inspirait la manifestation de Celui qui voit tout, ils prirent la fuite en tous sens, de telle sorte que souvent ils se blessaient entre eux et se transperçaient de leurs propres épées. 23 Judas les poursuivit avec une vigueur extrême, embrochant ces criminels dont il fit périr jusqu’à trente mille hommes. 24 Timothée, étant tombé lui-même aux mains des gens de Dosithée et de Sosipater, les conjura avec beaucoup d’artifice de le laisser aller sain et sauf, affirmant qu’il avait en son pouvoir des parents et même des frères de beaucoup d’entre eux, à qui il pourrait arriver d’être supprimés. 25 Quand il les eut persuadés par de longs discours qu’il leur restituerait ces hommes sains et saufs en vertu de l’engagement qu’il prenait, ils le relâchèrent pour sauver leurs frères.

26 S’étant rendu au Karnion et à l’Atargatéion,h Judas égorgea vingt-cinq mille hommes.

h Sanctuaire d’Atargatis, la grande déesse syrienne identifiée à l’Astarté locale.

Retour par Éphrôn et Scythopolis.

27 Après leur désastre (et leur perte), il conduisit son armée contre Éphrôn, ville forte où habitait Lysanias.i De robustes jeunes gens, rangés devant les murailles, combattaient avec vigueur, et, à l’intérieur, il y avait des quantités de machines et de projectiles en réserve.

i « où habitait Lysanias » mss lat. (d’autres mss ont « Lysias ») ; « où habitaient des troupes de toutes races » grec, Vulg. ; « où habitaient Lysias et des troupes de toutes races » grec luc., mss lat. et syr. — Même s’il faut préférer la leçon « Lysias », il ne peut s’agir du stratège de Cœlé-Syrie, qui devait résider à Tyr, mais simplement d’un dynaste local. Le nom était courant.

28 Mais, ayant invoqué le Souverain qui brise par sa puissance les forces des ennemis, les Juifs se rendirent maîtres de la ville et couchèrent sur le sol, parmi ceux qui s’y trouvaient, environ vingt-cinq mille hommes.

29 Partis de là, ils foncèrent sur Scythopolis,j à six cents stades de Jérusalem.

j Nom grec de la ville de Bethsân, 1 M 5.52 (Bet-Sheân en hébreu).

30 Mais les Juifs qui s’y étaient fixés, ayant attesté que les Scythopolites avaient eu pour eux de la bienveillance et leur avaient réservé un accueil humain au temps du malheur, 31 Judas et les siens remercièrent ces derniers et les engagèrent à se montrer encore à l’avenir bien disposés pour leur race.
Ils arrivèrent à Jérusalem très peu avant la fête des Semaines.

Campagne contre Gorgias.

32 Après la fête appelée Pentecôte, ils foncèrent contre Gorgias, stratège de l’Idumée. 33 Celui-ci sortit à la tête de trois mille fantassins et quatre cents cavaliers, 34 qui engagèrent une bataille rangée où il arriva qu’un certain nombre de Juifs succombèrent.

35 Le dénommé Dosithée, cavalier du corps des Toubiens, homme vaillant, se rendit maître de la personne de Gorgias et, l’ayant saisi par la chlamyde,k il l’entraînait de force en vue de capturer vivant ce maudit, mais un cavalier thrace, se jetant sur Dosithée, lui trancha l’épaule, et Gorgias s’enfuit à Marisa.

k La pèlerine courte des cavaliers. — « du corps des Toubiens » mss lat., syr. ; « de ceux de Bakénor » grec, Vulg., mais un tel nom propre n’existe pas.

36 Cependant ceux qui se trouvaient avec Esdrias combattaient depuis longtemps et tombaient d’épuisement. Judas supplia le Seigneur de se montrer leur allié et leur guide dans le combat. 37 Entonnant ensuite à pleine voix dans la langue des pères le cri de guerre avec des hymnes,l il mit en déroute les gens de Gorgias.

l Les hymnes, même guerriers, avaient un caractère liturgique et devaient être en hébreu.

Le sacrifice pour les morts.m

38 Judas, ayant ensuite rallié son armée, se rendit à la ville d’Odollamn et, le septième jour de la semaine survenant, ils se purifièrent selon la coutume et célébrèrent le sabbat en ce lieu.

m Même allégé de ses gloses, cf. v. 45, ce texte exprime la conviction que la prière et le sacrifice expiatoire sont efficaces pour la rémission des péchés des défunts. C’est la première attestation de cette croyance. Cependant, un sacrifice comme celui que faisait faire Judas pouvait n’avoir d’autre but que la purification de la communauté, tout entière souillée par le crime de quelques-uns, cf. Jos 7, et il se peut que ce soit l’auteur qui, quarante ans plus tard, ait prêté à son héros sa propre conviction. Quoi qu’il en soit, elle marque une nouvelle et importante étape dans la théologie juive.

n C’est Adullam, ville célèbre du Bas-Pays, Jos 12.15, cf. 1 S 22.1 ; 2 Ch 11.17, etc.

39 Le jour suivant, on vint trouver Judaso (au temps où la nécessité s’en imposait) pour relever les corps de ceux qui avaient succombé et les inhumer avec leurs proches dans le tombeau de leurs pères.

o « on vint trouver Judas » grec luc., Vet. Lat., syr. ; « ceux qui étaient avec Judas vinrent » grec, Vulg.

40 Or ils trouvèrent sous la tunique de chacun des morts des objets consacrés aux idoles de Iamniap et que la Loi interdit aux Juifs. Il fut donc évident pour tous que cela avait été la cause de leur mort.

p C’est-à-dire des amulettes ou des objets offerts aux divinités païennes, et qui auraient dû être brûlés, cf. Dt 7.25s.

41 Tous donc, ayant béni la conduite du Seigneur, juge équitable qui rend manifestes les choses cachées, 42 se mirent en prière pour demander que le péché commis fût entièrement pardonné, puis le valeureux Judas exhorta la troupe à se garder pure de tout péché, ayant sous les yeux ce qui était arrivé à cause de la faute de ceux qui étaient tombés.

43 Puis, ayant fait une collecte d’environ deux mille drachmes, il l’envoya à Jérusalem afin qu’on offrît un sacrifice pour le péché, agissant fort bien et noblement d’après le concept de la résurrection. 44 Car, s’il n’avait pas espéré que les soldats tombés dussent ressusciter, il était superflu et sot de prier pour les morts, 45 et s’il envisageait qu’une très belle récompense est réservée à ceux qui s’endorment dans la piété, c’était là une pensée sainte et pieuse.q Voilà pourquoi il fit faire ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu’ils fussent délivrés de leur péché.

q Le texte actuel, tel qu’il nous est transmis par le grec et la plupart des versions, représente une harmonisation du texte primitif avec les deux gloses qui l’ont surchargé (l’une sadducéenne, cf. Mt 22.23, l’autre pharisienne). Ce texte nous est conservé dans le principal ms de la Vet. Lat. « parce qu’il espérait que ceux qui étaient tombés ressusciteraient (il est superflu et vain de prier pour les morts), considérant que pour ceux qui se sont endormis avec piété est réservée une très belle récompense (sainte et salutaire pensée). »

Campagne d’Antiochus V et de Lysias. Supplice de Ménélas.

13 L’an cent quarante-neuf,r la nouvelle parvint à Judas qu’Antiochus Eupator marchait sur la Judée avec une troupe nombreuse

r Du calendrier séleucide, mais en comptant à partir du printemps (de 311). On est en automne 163.

2 et accompagné de son tuteur Lysias, qui était à la tête des affaires ; il avait une armée grecque de cent dix mille fantassins, cinq mille trois cents cavaliers, vingt-deux éléphants et trois cents chars armés de faux.

3 Ménélas se joignit à eux et se mit à circonvenir Antiochus avec beaucoup d’astuce, non pour le salut de sa patrie, mais avec l’espoir d’être rétabli dans sa dignité. 4 Mais le Roi des rois éveilla contre ce scélérat la colère d’Antiochus et, Lysias ayant démontré au roi que Ménélas était la cause de tous les maux, Antiochus ordonna de le conduire à Bérée et de l’y faire périr suivant la coutume du lieu.s

s Le grand prêtre Ménélas, qui avait regagné Jérusalem, cf. 11.32, n’a sans doute pas pu s’y maintenir, mais son supplice doit plutôt se situer après la prise de Jérusalem par Antiochus, comme nous le dit Josèphe (Antiquités Judaïques). — Bérée est le nom de la ville macédonienne, Ac 17.10, donné à Alep par Séleucus Ier.

5 Il y a en ce lieu une tour de cinquante coudées, pleine de cendre, munie d’un dispositif circulaire qui, de tout autour, faisait tomber dans la cendre.

6 C’est là qu’on fait monter l’homme coupable de pillage, sacrilège ou de quelques autres forfaits énormes et qu’on le précipite pour le faire périr.t

t « on fait monter » arantes conj. ; « tous » apantes grec, versions. — « on précipite » proôthousin conj. d’après lat. ; « poussent vers » (?) prosôthousin grec. — Le supplice de la cendre est attesté chez les Perses ; il prend ici l’allure d’une application du talion, v. 8 ; cf. 4.26 ; 9.5-6.

7 Tel fut le supplice dont mourut le prévaricateur, et Ménélas ne fut même pas enterré,

8 et cela en toute justice, car il avait commis beaucoup de péchés contre l’autel dont le feu et la cendre étaient purs, et c’est dans la cendre qu’il trouva la mort.

Prières et succès des Juifs près de Modîn.

9 Le roi s’avançait donc, l’esprit hanté de desseins barbares, pour faire voir aux Juifs des choses pires que celles qui leur étaient advenues sous son père.

10 Judas, l’ayant appris, prescrivit au peuple d’invoquer le Seigneur jour et nuit pour que, cette fois encore, il vînt au secours de ceux qui allaient être privés de la Loi, de la patrie et du sanctuaire sacré, 11 et qu’il ne laissât pas ce peuple, qui commençait seulement à reprendre haleine, tomber au pouvoir des nations de triste renom. 12 Lorsqu’ils eurent tous exécuté cet ordre avec ensemble et imploré le Seigneur miséricordieux avec des larmes et des jeûnes, prosternés pendant trois jours continus, Judas les encouragea et leur enjoignit de se tenir prêts. 13 Après un entretien particulier avec les Anciens, il résolut de ne pas attendre que l’armée royale envahît la Judée et devînt maîtresse de la ville, mais de se mettre en marche et de décider de toute l’affaire avec l’assistance du Seigneur.

14 Ayant donc remis la décision au Créateur du monde, exhorté ensuite ses compagnons à combattre généreusement jusqu’à la mort, pour les lois, pour le sanctuaire, la ville, la patrie et les institutions, il fit camper son armée aux environs de Modîn. 15 Quand il eut donné aux siens comme mot d’ordre : « Victoire de Dieu ! », il attaqua avec une élite de jeunes braves la tente du roi pendant la nuit. Parmi les hommes campés, il en tua environ deux mille et ses gens transpercèrent le plus grand des éléphants avec son cornac ; 16 ils remplirent finalement le camp d’épouvante et de confusion et se retirèrent avec un plein succès, 17 alors que déjà le jour commençait à poindre. Et cela se fit grâce à la protection dont le Seigneur couvrait Judas.

Antiochus V traite avec les Juifs.

18 Le roi, ayant tâté de la hardiesse des Juifs, essaya d’attaquer les places au moyen d’artifices. 19 Il s’approcha de Bethsour, forteresse puissante des Juifs, mais il était repoussé, mis en échec, vaincu.

20 Judas fit passer aux assiégés ce qui leur était nécessaire, 21 mais Rodokos, de l’armée juive, dévoilait les secrets aux ennemis : il fut recherché, arrêté et exécuté. 22 Pour la seconde fois, le roi parlementa avec ceux de Bethsour ; il leur tendit la main, prit la leur, se retira, attaqua Judas et ses hommes et eut le dessous. 23 Il apprit que Philippe, laissé à la tête des affaires, avait fait un coup de tête à Antioche. Bouleversé, il donna aux Juifs de bonnes paroles, composa avec eux et leur jura de garder toutes les conditions justes. Après cette réconciliation, il offrit un sacrifice, honora le Temple et fut généreux envers le lieu saint.u

u Le récit de 1 M est moins optimiste, mais insiste sur la liberté religieuse rendue aux Juifs, 6.59, qui n’est pas spécifiée ici l’auteur de ne semble pas avoir vu la relation entre le rescrit d’Antiochus V, 11.22s, et cette seconde campagne de Lysias.

24 Il fit bon accueil à Maccabée et laissa Hégémonide stratège depuis Ptolémaïs jusqu’au pays des Gerréniens.v

v C’est donc le début (encore officieux) des Asmonéens, puisque Judas est reconnu de facto et que seule la région côtière reçoit un gouverneur.

25 Il se rendit à Ptolémaïs, mais les habitants de cette ville, n’agréant pas ce traité, s’en indignaient fort et voulurent en violer les conventions.w

w « s’en indignaient fort et voulurent » Vet. Lat. ; grec corrompu.

26 Alors Lysias monta à la tribune, défendit de son mieux ces conventions, persuada les esprits, les calma, les amena à la bienveillance et partit pour Antioche.
Il en alla ainsi de l’offensive et de la retraite du roi.

VII. Lutte contre Nikanor, général de Démétrius Ier.
  Le jour de Nikanor

Intervention du grand prêtre Alkime.

14 Après un intervalle de trois ans,x Judas et ses compagnons apprirent que Démétrius, fils de Séleucus, ayant abordé au port de Tripoli avec une forte armée et une flotte,

x À partir de 149 séleucide. C’est le printemps de 161.

2 s’était emparé du pays et avait fait périr Antiochus et son tuteur Lysias. 3 Un certain Alkime, précédemment devenu grand prêtre, mais qui s’était volontairement souilléy au temps de la révolte, comprenant qu’il n’y avait pour lui de salut en aucune façon, ni désormais d’accès possible au saint autel,

y C’est-à-dire qu’il avait accepté l’hellénisme.

4 vint trouver le roi Démétrius vers l’an cent cinquante et un, et lui offrit une couronne d’or avec une palme et, de plus, des rameaux d’olivier dus selon l’usage par le Temple ; et, ce jour-là, il ne fit rien de plus.

5 Mais il trouva une occasion complice de sa démence quand, l’ayant appelé dans son conseil, Démétrius l’interrogea sur les dispositions et les desseins des Juifs. Il répondit : 6 « Ceux des Juifs qu’on appelle Assidéens, dont Judas Maccabée a pris la direction, fomentent la guerre et les séditions, ne laissant pas le royaume jouir du calme. 7 C’est pourquoi, ayant été dépouillé de ma dignité héréditaire, je veux dire du souverain pontificat, je suis venu ici, 8 d’abord avec le souci sincère des intérêts du roi, ensuite en considération de nos concitoyens, car la déraison de ceux que j’ai nommés plonge toute notre race dans une grande infortune. 9 Toi donc, ô roi, quand tu auras pris connaissance de chacun de ces griefs, daigne pourvoir au salut de notre pays et de notre nation menacée de toutes parts, suivant cette bienfaisance affable que tu témoignes à tout le monde, 10 car tant que Judas sera en vie, il sera impossible à l’État de goûter la paix. »

11 Dès qu’il eut parlé de la sorte, les autres amis du roi, hostiles à l’action de Judas, s’empressèrent d’enflammer Démétrius. 12 Ayant aussitôt fixé son choix sur Nikanor, qui était devenu éléphantarque, il le promut stratège de Judéez et le fit partir

z « stratège », c’est-à-dire ici gouverneur, pour retirer au grand prêtre Alkime tout pouvoir politique.

13 avec l’ordre de faire périr Judas, de disperser ceux qui étaient avec lui et d’introniser Alkime grand prêtre du plus grand des sanctuaires. 14 Quant aux païens de Judée, qui avaient fui devant Judas, ils se rassemblèrent par troupes autour de Nikanor, pensant bien que l’infortune et le malheur des Juifs tourneraient à leur propre avantage.

Nikanor fait amitié avec Judas.

15 Informés de l’arrivée de Nikanor et de l’agression des païens, les Juifs répandirent sur eux de la poussière et implorèrent Celui qui avait constitué son peuple pour l’éternité et qui ne manquait jamais de secourir son propre héritage avec des signes manifestes. 16 Sur l’ordre de leur chef, ils partirent aussitôt du lieu où ils se trouvaient et en vinrent aux mains avec eux au bourg de Dessau.a

a Cette affaire de Dessau (Adasa, cf. 1 M 7.40) est peut-être identique à l’affaire de Chapharsalama qui est tout proche, 1 M 7.31.

17 Simon, frère de Judas, avait engagé le combat avec Nikanor, mais à cause de l’arrivée subite des adversaires, il avait subi un léger échec.b

b V. mal transmis. On peut aussi comprendre « mais sur le tard, il avait été bousculé par un mouvement inopiné de l’adversaire » ou « mais sur le moment, il avait été terrifié par l’apparition inopinée de l’adversaire ».

18 Toutefois, apprenant quelle était la valeur de Judas et de ses compagnons, leur assurance dans les combats livrés pour la patrie, Nikanor craignit de s’en remettre au jugement par le sang. 19 Aussi envoya-t-il Posidonius, Théodote et Mattathias pour tendre la main aux Juifs et recevoir la leur.

20 Après un examen approfondi des propositions, le chef les communiqua aux troupes, et, les avis ayant été unanimes, elles manifestèrent leur assentiment au traité. 21 On fixa un jour où les chefs s’aboucheraient en particulier. De part et d’autre s’avança un véhicule ; on plaça des sièges d’honneur. 22 Judas avait aposté aux endroits favorables des gens en armes, prêts à intervenir en cas de perfidie soudaine de la part des ennemis. Dans leur entretien ils se mirent d’accord. 23 Nikanor séjourna à Jérusalem sans y rien faire de déplacé. Au contraire, il renvoya ces foules qui, par bandes, s’étaient groupées autour de lui.

24 Il avait sans cesse Judas devant les yeux, éprouvant pour cet homme une inclination de cœur. 25 Il l’engagea à se marier et à avoir des enfants. Judas se maria, goûta la tranquillité, jouit de la vie.c

c Ce portrait nuancé du caractère de Judas et de Nikanor ne se retrouve pas chez l’auteur de 1 M, qui préfère opposer vigoureusement le héros juif au païen impie, 7.42.

Alkime rallume les hostilités et Nikanor menace le Temple.

26 Alkime, voyant leur bonne entente, et s’étant procuré une copie du traité conclu, s’en vint chez Démétrius et lui dit que Nikanor avait des idées contraires aux intérêts de l’État, car l’adversaire même de son royaume, Judas, il l’avait promu diadoque. 27 Le roi entra en fureur et, excité par les calomnies de ce misérable, il écrivit à Nikanor, lui déclarant qu’il éprouvait un grand déplaisir de ces conventions et lui donnant l’ordre d’envoyer sans retard à Antioche le Maccabée chargé de chaînes.

28 Au reçu de ces lignes, Nikanor fut bouleversé, car il lui en coûtait de violer les conventions avec un homme qui n’avait commis aucune injustice. 29 Mais comme il n’était pas facile de s’opposer au roi, il épiait une occasion favorabled pour accomplir cet ordre au moyen d’un stratagème.

d Littéralement « (de s’opposer au roi) il n’était pas facile, une occasion favorable (il épiait) » ouk èn eucheros, kairon conj. ; « il n’était pas, une bonne occasion » (?) ouk èn, eukairon grec, mais ce mot n’est pas attesté.

30 De son côté, Maccabée, remarquant que Nikanor se comportait plus sèchement à son égard et que son abord ordinaire se faisait plus rude, pensa qu’une telle sévérité ne présageait rien de très bon. Il rassembla donc un grand nombre de ses partisans et se déroba à Nikanor. 31 Quand l’autre reconnut qu’il avait été joué de belle manière par cet homme, il se rendit au Sanctuaire très grand et saint, pendant que les prêtres offraient les sacrifices accoutumés, et commanda de lui livrer cet homme. 32 Comme ils assuraient avec serment qu’ils ne savaient où était l’homme qu’il cherchait, 33 Nikanor leva la main droite vers le Temple et affirma avec serment : « Si vous ne me livrez pas Judas enchaîné, je raserai cette demeure de Dieu, je détruirai l’autel et, au même endroit, j’élèverai à Dionysos un sanctuaire splendide. » 34 Sur de telles paroles, il se retira. Mais les prêtres, de leur côté, tendirent les mains vers le ciel, implorant en ces termes Celui qui a toujours combattu pour notre nation : 35 « Ô toi Seigneur, qui n’as besoin de rien, il t’a plu que le Temple où tu habites se trouve au milieu de nous. 36 Maintenant donc, Seigneur saint de toute sainteté, préserve pour jamais de toute profanation cette Maison qui vient d’être purifiée. »

Mort de Razis.e

37 On dénonça alors à Nikanor un des anciens de Jérusalem nommé Razis, homme zélé pour ses concitoyens, jouissant d’un excellent renom et qu’on appelait Père des Juifs à cause de son affection pour eux.

e Le style de cet épisode, qui est absent de 1 M, rappelle celui des sept frères et d’Éléazar, et comme lui aura été emprunté sans grand changement à Jason de Cyrène.

38 Inculpé de Judaïsme dans les premiers temps de la révolte, il avait exposé avec toute la constance possible son corps et sa vie pour le Judaïsme. 39 En vue de montrer la malveillance qu’il nourrissait à l’égard des Juifs, Nikanor envoya plus de cinq cents soldats pour l’arrêter, 40 car il ne doutait pas que faire disparaître cet homme ne fût un grand coup porté aux Juifs. 41 Comme ces troupes étaient sur le point de s’emparer de la tour et forçaient le porche, l’ordre étant donné de mettre le feu et de brûler les portes, Razis, cerné de toutes parts, dirigea son épée contre lui-même ; 42 il choisit noblement de mourir plutôt que de tomber entre des mains criminelles et de subir des outrages indignes de sa noblesse. 43 Son coup ayant manqué le bon endroit, dans la hâte du combat, et les troupes se ruant à l’intérieur des portes, il courut allègrement en haut de la muraille et se précipita avec intrépidité sur la foule. 44 Tous s’étant reculés aussitôt, il s’en vint choir au milieu de l’espace vide. 45 Respirant encore, et enflammé d’ardeur, il se releva tout ruisselant de sang et, malgré de très douloureuses blessures, il traversa la foule en courant. Enfin, debout sur une roche escarpée, 46 et déjà tout à fait exsangue, il s’arracha les entrailles et, les prenant à deux mains, il les projeta sur la foule, priant le maître de la vie et de l’esprit de les lui rendre un jour. Ce fut ainsi qu’il mourut.f

f Le suicide est rare dans la Bible et ne se rencontre guère que dans des situations morales extrêmes, cf. 2 S 17.23. Il n’est pas l’objet d’une condamnation formelle.

Blasphèmes de Nikanor.

15 Apprenant que Judas et les siens étaient dans les parages de Samarie, Nikanor prit le parti de les attaquer sans risque, le jour du repos. 2 Les Juifs qui le suivaient par contrainte lui dirent : « Ne va pas les faire périr d’une façon si sauvage et si barbare, mais rends gloire au jour que Celui qui veille sur toutes choses a sanctifié de préférence. » 3 Alors ce triple scélérat demanda s’il y avait au ciel un souverain qui eût prescrit de célébrer le jour du sabbat. 4 Comme ceux-ci lui répliquaient : « C’est le Seigneur vivant lui-même, souverain au ciel, qui a ordonné d’observer le septième jour », 5 l’autre reprit : « Et moi aussi je suis souverain sur terre : je commande qu’on prenne les armes et qu’on fasse le service du roi. » Toutefois, il ne fut pas maître de réaliser son funeste dessein.

Exhortation et songe de Judas.

6 Tandis que Nikanor, se redressant avec une extrême jactance, décidait d’ériger un trophée commung avec les dépouilles de Judas et de ses compagnons,

g Par « trophée commun » on désigne un tas de pierres autour duquel on entassait les armures des ennemis tombés sur le champ de bataille.

7 Maccabée, de son côté, gardant une confiance inaltérable, avait plein espoir d’obtenir du secours de la part du Seigneur. 8 Il engageait ceux qui se trouvaient avec lui à ne pas redouter l’attaque des païens, mais, au souvenir des secours qui étaient déjà venus du Ciel, à compter qu’en ce moment aussi, du Tout-Puissant leur viendrait la victoire. 9 En les encourageant à l’aide de la Loi et des Prophètes,h en évoquant à leur esprit les combats qu’ils avaient déjà soutenus, il les remplit d’une nouvelle ardeur.

h À ces deux groupes primordiaux (cf. Lc 24.27), le traducteur de l’Ecclésiastique, peu d’années après, ajoutera « les autres livres » des ancêtres, dont certains étaient sans doute considérés comme « livres saints » dès le temps des Maccabées, cf. 1 M 12.9.

10 Ayant ainsi réveillé leur ardeur, il acheva de les exhorter en leur montrant la déloyauté des païens et la violation de leurs serments.

11 Ayant armé chacun d’eux moins de la sécurité que donnent les boucliers et les lances que de l’assurance fondée sur les bonnes paroles, il leur raconta un songe digne de foi, une sorte de vision,i qui les réjouit tous.

i « une sorte de vision » hupar ti grec luc. ; « au sujet de » huper ti grec, versions (mais le ti est inexplicable).

12 Voici le spectacle qui lui avait été offert : l’ex-grand prêtre Onias, cet homme de bien, d’un abord modeste et de mœurs douces, distingué dans son langage et adonné dès l’enfance à toutes les pratiques de la vertu, Onias étendait les mains et priait pour toute la communauté des Juifs.j

j Onias poursuit le rôle d’intercesseur qu’il avait déjà joué de son vivant, 3.10s ; 4.5.

13 Ensuite était apparu à Judas, de la même manière, un homme remarquable par ses cheveux blancs et par sa dignité, revêtu d’une prodigieuse et souveraine majesté. 14 Prenant la parole, Onias disait : « Celui-ci est l’ami de ses frères, qui prie beaucoup pour le peuple et pour la ville sainte tout entière, Jérémie, le prophète de Dieu. »k

k Jérémie, qui a durement souffert pour son peuple, cf. 11.19, 21 ; 14.15 ; 18.18s ; 20.1-2 ; 26, en est l’intercesseur tout indiqué. Ce rôle conféré à Jérémie et à Onias est la première attestation d’une croyance en une prière des justes défunts pour les vivants. Elle est liée à celle en la résurrection, cf. 6-7 ; Ps 16.10 ; 49.16.

15 Puis Jérémie, avançant la main droite, donnait à Judas une épée d’or et prononçait ces paroles en la lui remettant : 16 « Prends ce glaive saint, il est un don de Dieu, avec lui tu briseras les ennemis. »

Dispositions des combattants.

17 Excités par les excellentes paroles de Judas, capables d’inspirer de la vaillance et de donner aux jeunes une âme d’homme fait, les Juifs décidèrent de ne pas se retrancher dans un camp, mais de prendre bravement l’offensive et, dans un corps à corps, de remettre la décision à la fortune des armes,l puisque la ville, la religion et le Sanctuaire étaient en péril,

l « de ne pas se retrancher dans un camp » grec luc. ; « de ne pas combattre » grec. — « à la fortune des armes », litt. « à la bonne fortune » 1 Ms grec, Vet. Lat. ; « avec tout leur courage » grec (sauf grec luc. qui additionne les deux leçons).

18 car l’inquiétude au sujet des femmes, des enfants, des frères et des proches se réduisait à peu de chose, tandis que la plus grande et la première des craintes était pour le Temple consacré. 19 L’angoisse de ceux qui avaient été laissés dans la ville n’était pas moindre, inquiets qu’ils étaient au sujet de l’action qui allait se livrer en rase campagne. 20 Pendant que tous attendaient le prochain dénouement et que déjà les ennemis, ayant opéré leur concentration, se rangeaient en ordre de bataille, les éléphants étant ramenés sur une position favorable et la cavalerie rangée sur les ailes,m

m Cf. 1 M 6.35, et pour la cavalerie sur les flancs, 6.38. Le récit parallèle de 1 M ne nomme pas les éléphants, mais il précise le champ de bataille Adasa, 7.40, 45.

21 Maccabée observait les troupes présentes, l’appareil varié de leur armement et l’aspect farouche des éléphants. Il leva les mains vers le ciel et invoqua le Seigneur qui opère les prodiges, sachant bien que ce n’est pas à l’aide des armes, mais selon ce qu’il juge, qu’il accorde la victoire à ceux qui en sont dignes. 22 Il prononça en ces termes l’invocation suivante : « Ô toi, Maître, tu as envoyé ton ange sous Ézéchias, roi de la Judée, et il a exterminé cent quatre-vingtcinq mille hommes de l’armée de Sennachérib ; 23 maintenant encore, ô Souverain des cieux, envoie un bon ange devant nous pour semer la crainte et l’effroi. 24 Que par la grandeur de ton bras soient frappés ceux qui sont venus, le blasphème à la bouche, attaquer ton peuple saint ! » Et il termina sur ces mots.

Défaite et mort de Nikanor.

25 Or, tandis que les gens de Nikanor s’avançaient au son des trompettes et au chant du péan, 26 les hommes de Judas en vinrent aux mains avec l’ennemi en faisant des invocations et des prières. 27 Combattant de leurs mains et priant Dieu de leur cœur, ils couchèrent sur le sol au moins trente-cinq mille hommes, et se réjouirent grandement de cette manifestation de Dieu. 28 La besogne une fois terminée, et comme ils s’en retournaient avec joie, ils reconnurent que Nikanor était tombé revêtu de son armure.

29 Alors, au milieu des clameurs et de la confusion, ils bénissaient le souverain Maître dans la langue de leurs pères. 30 Celui qui au premier rangn s’était consacré, corps et âme, à ses concitoyens, qui avait conservé pour ses compatriotes l’affection du jeune âge, ordonna de couper la tête de Nikanor et son bras jusqu’à l’épaule, et de les porter à Jérusalem.

n Cf. 1 M 9.11 (le mot ne se retrouve pas ailleurs dans la Bible). Étant donné la culture hellénique de notre auteur, il est probable qu’il a en vue le seul sens attesté en grec, à savoir « premier rôle » (au théâtre) et qu’il emploie le mot pour faire image.

31 Il s’y rendit lui-même et, après avoir convoqué ses compatriotes et placé les prêtres devant l’autel, il envoya chercher les gens de la Citadelle : 32 il leur montra la tête de l’abominable Nikanor et la main que cet infâme avait étendue avec tant d’insolence contre la sainte Maison du Tout-Puissant. 33 Puis, ayant coupé la langue de l’impie Nikanor, il dit qu’on la donnât par morceaux aux oiseaux et qu’on suspendît en face du Temple le salaire de sa folie.o

o « le salaire », ta epicheira , signifie également « le bras » et fait jeu de mot avec « la main », cheir , v. 32.

34 Tous alors firent monter vers le ciel des bénédictions au Seigneur glorieux, en ces termes : « Béni soit Celui qui a gardé son saint lieu exempt de souillure ! »

35 Judas attacha la tête de Nikanor à la Citadelle,p comme un signe manifeste et visible à tous du secours du Seigneur.

p C’est peu probable puisque l’Akra ne fut débarrassée des Syriens que neuf ans plus tard, 1 M 13.51. On a comparé cet anachronisme à celui de 1 S 17.54. Ici aussi, il pourrait s’agir d’une addition, car l’auteur a déjà mentionné l’exposition des restes de Nikanor, v. 33.

36 Ils décrétèrent tous par un vote public de ne pas laisser passer ce jour inaperçu, mais de célébrer le treizième jour du douzième mois, appelé Adar en araméen,q la veille du jour dit de Mardochée.r

q Littéralement « en langue syriaque », mot qui dans les LXX traduit « en araméen » de 2 R 18.26 ; Esd 4.7 ; Dn 2.4.

r Ce « jour de Mardochée » sera identifié à la fête des Purim, cf. Est 9. Mais vers 124 av. J.-C., ils semblent encore distingués. — Le « Rouleau du jeûne » (Ie s. ap. J.-C.) cite le « jour de Nikanor » parmi ceux où il ne faut pas jeûner.

Épilogue de l’abréviateur.

37 Ainsi se passèrent les choses concernant Nikanor, et, comme depuis ce temps-là la ville demeura en la possession des Hébreux,s je finirai également mon ouvrage ici même.

s Il s’agit de la ville religieuse (le mont Sion de 1 M), car la Citadelle, qui reste aux mains des Syriens, n’intéresse pas l’auteur. La victoire de Judas sur Nikanor a en effet sauvé le sanctuaire qui ne sera plus menacé. L’auteur, qui a atteint le but qu’il s’était proposé, peut donc mettre le point final à son ouvrage.

38 Si la composition en est bonne et réussie, c’est aussi ce que j’ai voulu. A-t-elle peu de valeur et ne dépasse-t-elle pas la médiocrité ? C’est tout ce que j’ai pu faire... 39 Comme il est nuisible de boire seulement du vin ou seulement de l’eau, tandis que le vin mêlé à l’eau est agréable et produit une délicieuse jouissance, de même c’est l’art de disposer le récit qui charme l’entendement de ceux qui lisent le livre. C’est donc ici que j’y mettrai fin.