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Bible de Jérusalem

2 Maccabées 1-7

DEUXIÈME LIVRE DES MACCABÉES

Introduction au deuxième livre des Maccabées

I. Lettres aux Juifs d’Égyptea

PREMIÈRE LETTRE

1 À leurs frères, aux Juifs qui sont en Égypte,b salut ; les Juifs, leurs frères, qui sont à Jérusalem et ceux du pays de Judée leur souhaitent une paix excellente.

a Ces deux lettres sont des invitations à célébrer la fête de la Dédicace, cf. 1 M 4.59. La première partie du livre, jusqu’à 10.8, sera une justification historique de cette fête.

b Il y avait depuis longtemps des colonies juives en Égypte. La mieux connue est celle d’Éléphantine qui remonte au début du VIe s. Vers 150 av. J.-C., le prêtre Onias IV, fils d’Onias III massacré à Daphné, 4.33s, établit à Léontopolis un temple à l’imitation de celui de Jérusalem, cf. 1 M 10.20. Les Juifs de Jérusalem veulent maintenir la communauté de culte avec leurs frères d’Égypte, alors persécutés par Ptolémée VIII.

2 Que Dieu vous comble de ses bienfaits, qu’il se souvienne de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob, ses fidèles serviteurs. 3 Qu’il vous donne à tous un cœur pour l’adorer et accomplir ses volontés généreusement et de bon gré. 4 Qu’il ouvre votre cœur à sa loi et à ses préceptes et qu’il instaure la paix. 5 Qu’il exauce vos prières et se réconcilie avec vous, qu’il ne vous abandonne pas au temps du malheur. 6 En ce moment, ici même, nous sommes en prière pour vous. 7 Sous le règne de Démétrius, l’an cent soixante-neuf, nous, les Juifs, nous vous avons écrit ceci :c « Au cours de la détresse et de la crise qui fondirent sur nous en ces années, depuis que Jason et ses partisans avaient trahi la terre sainte et le royaume,

c On rappelle donc ici une lettre antérieure, écrite aux Égyptiens en 169 séleucide (142 av. J.-C., cf. 1 M 1.10), touchant les malheurs des Judéens, consécutifs à la défection de Jason, cf. 4.7s. Ce châtiment a cessé avec la réconciliation du Temple et de ses fidèles. Donc, on décide de célébrer la nouvelle dédicace du Temple de Jérusalem.

8 ils incendièrent la grande porte (du Temple) et répandirent le sang innocent. Alors nous avons prié le Seigneur et nous avons été exaucés ; nous avons offert un sacrifice et de la fleur de farine ; nous avons allumé les lampes et exposé les pains. » 9 Et maintenant nous vous écrivons pour que vous célébriez la fête des Tentes du mois de Kisleu. 10 En l’année cent quatre-vingt-huit.d
Ceux qui sont à Jérusalem et ceux qui sont en Judée, le sénat et Judas,e à Aristobule,f conseiller du roi Ptolémée et issu de la race des prêtres consacrés, aux Juifs qui sont en Égypte, salut et bonne santé.

d En 124 av. J.-C., cette « fête des Tentes » (encore v. 18) de Kisleu (décembre) est la Dédicace, cf. 1 M 4.59 ; cet autre nom lui vient de sa ressemblance avec la grande fête des Tentes du mois de Tishri (octobre) cf. 10.6 ; Lv 23.34s.

e La seconde lettre se donne pour un document de quarante ans plus vieux que le précédent, étant une invitation, v. 18, à la dédicace même du Temple, qui eut lieu le 25 Kisleu 148 séleucide (15 décembre 164 av. J.-C.). Le récit joint à des rumeurs sur la mort d’Antiochus Épiphane des traditions populaires concernant Néhémie et Jérémie. L’auteur sacré, en l’insérant en tête de son ouvrage, ne se porte pas garant de sa valeur historique.

f Judas Maccabée.

DEUXIÈME LETTREg

Action de grâces pour le châtiment d’Antiochus

11 Sauvés par Dieu de graves périls, nous le remercions grandement de ce qu’il est notre champion contre le roi,

g Juif alexandrin connu par ses explications allégoriques du Pentateuque. Il dédia son œuvre à Ptolémée VI Philométor (180-145).

12 car c’est lui qui a emporté ceux qui ont marché en armes contre la ville sainte. 13 Leur chef, en effet, étant allé en Perse, fut taillé en pièces avec son armée qui paraissait irrésistible, dans le temple de Nanaia,h grâce à un expédient dont usèrent les prêtres de la déesse.

h Déesse mésopotamienne assimilée à l’Artémis d’Éphèse. Le temple qu’Antiochus IV voulait dépouiller était celui d’Artémis en Élymaïde.

14 Sous prétexte d’épouser Nanaia, Antiochus se rendit en ce lieu avec ses amis dans le but d’en recevoir les très grandes richesses à titre de dot. 15 Les prêtres du Nanaion les avaient exposées, et lui s’était présenté avec quelques personnes dans l’enceinte du sanctuaire. Dès qu’Antiochus fut entré dans le temple, ils le fermèrent et, 16 ayant ouvert la porte secrète dans les lambris du plafond, ils foudroyèrent le chef en lançant des pierres. Ils le coupèrent en morceaux et jetèrent la têtei à ceux qui se trouvaient dehors.

i « la tête » 1 Ms, syr. ; « les têtes » grec et lat. (distraction du scribe, provoquée par le pluriel « morceaux »). — Ce récit populaire de la fin d’Antiochus ne correspond ni à celui de 9.1s, ni à celui de 1 M 6.1s. Les circonstances réelles de sa mort n’étaient pas encore connues et on l’aura imaginée à travers celle d’Antiochus III, qui périt dans une embuscade avec toute son armée, après avoir pillé un temple de Bêl, également en Élymaïde.

17 Qu’en toute chose notre Dieu soit béni, lui qui a livré (à la mort) les sacrilèges !

Le feu sacré miraculeusement conservé.j

18 Comme nous allons célébrer, le vingt-cinq Kisleu, la purification du Temple, nous avons jugé bon de vous en informer, afin que vous aussi vous la célébriez à la manière de la fête des Tentes et du feu qui se manifesta quand Néhémie,k ayant construit le sanctuaire et l’autel, offrit des sacrifices.

j L’anecdote a pour but de montrer que le sanctuaire de Jérusalem n’a perdu aucun de ses privilèges, puisqu’il a même conservé l’ancien feu sacré, cf. Lv 6.5-6.

k À Néhémie qui avec Esdras fonda vers 445/425 la nouvelle communauté juive, des mémoires apocryphes (2.13) attribuent la restauration de l’autel et du Temple, alors que l’autel fut dédié dès 538 et le Temple dès 515, Esd 3.1s ; 6.14s. On notera que l’inauguration de l’autel par Zorobabel est également mise en relation avec la fête des Tentes, Esd 3.4.

19 Lorsque nos pères, en effet, furent emmenés en Perse, les prêtres pieux d’alors prirent du feu de l’autel et le cachèrent secrètement dans une cavité semblable à un puits desséché. Ils l’y mirent en sûreté de telle sorte que l’endroit demeurât ignoré de tous. 20 Nombre d’années s’étant écoulées, lorsque tel fut le bon plaisir de Dieu, Néhémie, envoyé par le roi de Perse,l fit rechercher le feu par les descendants des prêtres qui l’avaient caché.

l Probablement Artaxerxès Ier (464-423).

21 Comme ils expliquaient qu’en faitm ils n’avaient pas trouvé de feu, mais une eau épaisse, il leur ordonna d’en puiser et de la rapporter. Quand on l’eut apportée, Néhémie commanda aux prêtres de répandre cette eau sur ce qui était nécessaire aux sacrifices, le bois et ce qu’on avait placé dessus.

m « en fait » è mèn conj. ; « à nous » hèmin grec et lat.

22 Cet ordre une fois exécuté, et le moment venu où le soleil, d’abord obscurci par les nuages, se remit à briller, un grand brasier s’alluma, ce qui suscita l’admiration de tout le monde. 23 Tandis que le sacrifice se consumait, les prêtres faisaient la prière : tous les prêtres avec Jonathann qui entonnait, les autres reprenant comme Néhémie.

n « tous les prêtres » Vulg. ; « les prêtres et tous » grec et Vet. Lat. — Il y a un anachronisme les grands prêtres du temps de Néhémie sont Élyashib et Yoyada, Ne 3.1 ; 13.28, mais cf. Ne 12.11.

24 Cette prière était ainsi conçue : « Seigneur, Seigneur Dieu, créateur de toutes choses, redoutable, fort, juste, miséricordieux, le seul roi, le seul bon, 25 le seul libéral, le seul juste, tout-puissant et éternel, qui sauves Israël de tout mal, qui as fait de nos pères tes élus et les as sanctifiés, 26 reçois ce sacrifice pour tout ton peuple d’Israël ; garde ton héritage et sanctifie-le. 27 Rassemble ceux d’entre nous qui sont dispersés,o délivre ceux qui sont en esclavage parmi les nations, regarde favorablement ceux qui sont objets de mépris et d’abomination, afin que les nations reconnaissent que tu es notre Dieu.

o Littéralement « notre dispersion » (Diaspora), cf. Dt 30.11 ; Ne 1.5, 8s ; Ps 147.2 ; Isa 49.6.

28 Châtie ceux qui nous tyrannisent et nous outragent insolemment, 29 implante ton peuple dans ton lieu saint, comme l’a dit Moïse. »

30 Les prêtres exécutaient les hymnes sur la harpe. 31 Quand le sacrifice fut consumé, Néhémie ordonna de verser le reste de l’eau sur de grandes pierres.

32 Cela fait, une flamme s’alluma, qui fut absorbée par l’éclat concurrent du feu de l’autel. 33 Lorsque le fait eut été divulgué et qu’on eut raconté au roi des Perses que, dans le lieu où les prêtres déportés avaient caché le feu, une eau avait paru avec laquelle Néhémie et ses compagnons avaient purifié les offrandes du sacrifice,p

p C’est la version rapportée au roi, différente de celle qui précède.

34 le roi, ayant vérifié l’événement, entoura le lieu et fit un sanctuaire. 35 À ceux à qui le roi le concédait, il faisait part des grands revenus qu’il en retirait. 36 Néhémie et ses gens nommèrent ce liquide « nephtar », ce qui s’interprète par purification, mais on l’appelle généralement naphte.q

q Étymologie populaire peu claire donnée du mot persan naft. — Cette histoire combine le souvenir du culte du feu chez les Perses, v. 34, et une certaine connaissance des propriétés du naphte, le pétrole natif, qui fit l’admiration des géographes et des naturalistes grecs et romains.

Jérémie cache le matériel du culte.

2 On trouve dans les documents que le prophète Jérémier donna l’ordre aux déportés de prendre du feu, comme on l’a indiqué,

r Jérémie a été l’une des grandes figures reconnues par le judaïsme, cf. 15.13-15. On lui a attribué les Lamentations, la lettre contre les idoles de Ba 6 (Vulg.) et plusieurs apocryphes. L’un de ceux-ci, perdu pour nous, contenait les détails qui vont suivre. Ils ne sont pas conformes à l’histoire la Tente n’existe plus depuis la construction du Temple de Salomon, l’arche a disparu lors de la destruction de ce Temple, et le Jérémie historique ne la regrette pas, Jr 3.16. Mais l’intention du récit est d’affirmer, malgré l’absence de la Tente et de l’arche, la continuité du culte légitime, cf. 1.18, et de rattacher cette Dédicace à celle du premier Temple par Salomon et à celle de la Tente par Moïse, cf. les vv. 8-12.

2 et comment, leur ayant donné la Loi, le prophète recommanda à ceux qu’on emmenait de ne pas oublier les préceptes du Seigneur et de ne pas s’égarer dans leurs pensées en voyant des statues d’or et d’argent et les ornements dont elles étaient revêtues. 3 Entre autres conseils analogues, il leur adressa celui de ne pas laisser la Loi s’éloigner de leur cœur. 4 Il y avait dans cet écrit que, averti par un oracle, le prophète se fit accompagner par la tente et l’arche, lorsqu’il se rendit à la montagne où Moïse, étant monté, contempla l’héritage de Dieu. 5 Arrivé là, Jérémie trouva une habitation en forme de grotte et il y introduisit la tente, l’arche, l’autel des parfums, puis il en obstrua l’entrée. 6 Quelques-uns de ses compagnons, étant venus ensuite pour marquer le chemin par des signes, ne purent le retrouver. 7 Ce qu’apprenant, Jérémie leur fit des reproches : « Ce lieu sera inconnu, dit-il, jusqu’à ce que Dieu ait opéré le rassemblement de son peuple et lui ait fait miséricorde. 8 Alors le Seigneur manifestera de nouveau ces objets, la gloire du Seigneur apparaîtra ainsi que la Nuée, comme elle se montra au temps de Moïse et quand Salomon pria pour que le saint lieus fût glorieusement consacré. »

s Littéralement « le lieu », de même en 2.18 ; 3.2, 18, 30, 38 ; 5.16-20 ; 10.7 ; 13.23 ; 15.34, expression plus fréquente que « le lieu saint », 1.29 ; 2.18 ; 8.17, mais le sens est identique.

9 On racontait en outre comment, doué du don de sagesse, celui-ci offrit le sacrifice de la dédicace et de l’achèvement du sanctuaire. 10 De même que Moïse avait prié le Seigneur et fait descendre le feu du ciel qui consuma le sacrifice, ainsi Salomon pria et le feu venu d’en haut dévora les holocaustes. 11 Moïse avait dit : « Parce qu’il n’a pas été mangé, le sacrifice pour le péché a été consumé. » 12 Salomon célébra pareillement les huit jours de fête.

La bibliothèque de Néhémie.

13 Outre ces mêmes faits, il était encore raconté dans ces écrits et dans les Mémoires de Néhémiet comment ce dernier, fondant une bibliothèque, y réunit les livres qui concernaient les rois, les écrits des prophètes et de David, et les lettres des rois au sujet des offrandes.u

t Ouvrage non canonique inconnu par ailleurs.

u Ce n’est pas encore une collection des écrits considérés comme canoniques, ce sont des ouvrages utiles à la vie de la communauté. Cette initiative est mise en parallèle avec celle de Judas Maccabée, v. 14.

14 Judas pareillement a rassemblé tous les livres dispersés à cause de la guerre qu’on nous a faite, et ils sont entre nos mains. 15 Si donc vous en avez besoin, envoyez-nous des gens qui vous en rapporteront.

Invitation à la Dédicace.

16 Puisque nous sommes sur le point de célébrer la purification, nous vous en écrivons. Vous ferez bien par conséquent d’en célébrer les jours. 17 Le Dieu qui a sauvé tout son peuple et qui a conféré à tous l’héritage, la royauté, le sacerdoce et la sanctification, 18 comme il l’avait promis par la Loi, ce Dieu, certes, nous l’espérons, aura bientôt pitié de nous et, des régions qui sont sous le ciel, il nous rassemblera dans le saint lieu, car il nous a arrachés à de grands maux et il l’a purifié.

II. Préface de l’auteur

19 L’histoire de Judas Maccabée et de ses frères, la purification du très grand sanctuaire, la dédicace de l’autel, 20 les guerres contre Antiochus Épiphane et son fils Eupator, 21 et les manifestations célestes produites en faveur des braves qui luttèrent généreusement pour le judaïsme, de telle sorte que malgré leur petit nombre ils pillèrent toute la contrée et mirent en fuite les hordes barbares, 22 recouvrèrent le sanctuaire fameux dans tout l’univers, délivrèrent la ville, rétablirent les lois menacées d’abolition, le Seigneur leur ayant été propice avec toute sa mansuétude, 23 tout cela ayant été exposé en cinq livres par Jason de Cyrène, nous essaierons de le résumer en un seul ouvrage.v

v Les deux règnes, v. 20, couvrent les années 175 à 162. En fait, le cadre historique de Jason (lettré de l’importante communauté juive de Cyrénaïque) était plus large la victoire sur Nikanor est de mars 160, sous Démétrius Ier. L’épisode d’Héliodore, par lequel l’auteur inaugure son récit, se situe encore sous le règne de Séleucus IV, l’aîné d’Épiphane et le père de Démétrius Ier.

24 Considérant le flot des chiffres et la difficulté qu’éprouvent ceux qui veulent entrer dans les détours des récits de l’histoire, à cause de l’abondance de la matière, 25 nous avons eu le souci d’offrir de l’agrément à ceux qui se contentent d’une simple lecture, de la commodité à ceux qui aiment à confier les faits à leur mémoire, de l’avantage à tous indistinctement. 26 Pour nous qui avons assumé le pénible labeur de ce résumé, c’est là non une tâche aisée, mais une affaire de sueurs et de veilles, 27 non moins difficile que celle de l’ordonnateur d’un festin qui cherche à procurer la satisfaction des autres. De la même façon, pour rendre service à nombre de gens, nous supporterons agréablement ce pénible labeur, 28 laissant à l’écrivain le soin d’être complet sur chaque événement pour nous efforcer de suivre les contours d’un simple précis. 29 De même en effet que l’architecte d’une maison neuve doit s’occuper de toute la structure, tandis que celui qui se charge de la décorer de peintures à l’encaustique doit rechercher ce qui est approprié à l’ornementation, ainsi, pensé-je, en est-il pour nous. 30 Pénétrer dans les questions et en faire le tour pour en examiner avec curiosité tout le détail appartient à celui qui compose l’histoire, 31 mais, à celui qui fait une adaptation, il faut concéder qu’il recherche la concision de l’exposé et renonce à une histoire exhaustive.

32 Commençons donc ici notre relation sans rien ajouter à ce qui a été dit, car il serait sot d’être diffus avant d’entamer l’histoire et concis dans l’histoire elle-même.

III. Histoire d’Héliodorew

La venue d’Héliodore à Jérusalem.

3 Tandis que la ville sainte était habitée dans une paix complète et qu’on y observait les lois le plus exactement possible, à cause de la piété du grand prêtre Oniasx et de sa haine pour le mal,

w L’auteur a retenu du livre de Jason cet épisode coloré, car il illustre sa thèse, exprimée au v. 39. Le fait se passe au temps de Séleucus IV Philopator (187-175). Il n’est pas étonnant que ce monarque ait voulu s’emparer des richesses du Temple il était en effet très à court d’argent, à cause de la lourde dette envers Rome qu’avait contractée son père Antiochus III à la suite de la défaite de Magnésie (189), cf. 1 M 8.7.

x Onias III, fils de Simon II dont Si 50.1 s fait un bel éloge. Il est loué lui-même, 4.5-6 ; 15.12. Les Oniades continuent la lignée des grands prêtres de l’époque perse, issue de Josué, cf. Ne 12.10s, un descendant de Sadoq, cf. 2 S 8.17 ; 1 Ch 5.27s.

2 il arrivait que les rois eux-mêmes honoraient le saint lieu et rehaussaient la gloire du Temple par les dons les plus magnifiques, 3 si bien que Séleucus, roi d’Asie, couvrait de ses revenus personnels toutes les dépenses nécessaires au service des sacrifices.y

y Ptolémée II et Ptolémée III d’Égypte ainsi qu’Antiochus III de Syrie avaient de même, au siècle précédent, honoré le Temple de leurs présents. Cf. 1 M 10.39s (pour Démétrius Ier).

4 Mais un certain Simon, de la tribu de Bilga, institué prévôt du Temple,z se trouva en désaccord avec le grand prêtre sur la police des marchés de la ville.

z « Bilga » Vet. Lat. et arm. ; « Benjamin » grec. C’est une lignée sacerdotale, cf. Ne 12.5, 18. — Le prévôt avait l’administration financière du Temple.

5 Comme il ne pouvait l’emporter sur Onias, il alla trouver Apollonius, fils de Thraséos, qui était à cette époque le stratège de Cœlé-Syrie et de Phénicie. 6 Il rapporta que le trésor de Jérusalem regorgeait de richesses indicibles au point que la quantité des sommes en était incalculable et nullement en rapport avec le compte exigé par les sacrifices : il était possible de les faire tomber en la possession du roi. 7 Au cours d’une entrevue avec le roi, Apollonius mit celui-ci au courant des richesses qu’on lui avait dénoncées. Arrêtant son choix sur Héliodore, qui était à la tête des affaires, le roi l’envoya avec ordre de procéder à l’enlèvement des susdites richesses. 8 Aussitôt Héliodore se mettait en route, en apparence pour inspecter les villes de Cœlé-Syrie et de Phénicie, en fait pour accomplir les intentions du roi. 9 Arrivé à Jérusalem, et reçu avec bienveillance par le grand prêtre et par la ville, il fit part de ce qu’on avait dévoilé et manifesta le but de sa présence, demandant ensuite si véritablement il en était ainsi. 10 Le grand prêtre lui représenta que le trésor contenait les dépôts des veuves et des orphelins 11 et une somme appartenant à Hyrcan, fils de Tobie, personnage occupant une très haute situation,a et qu’à l’encontre de ce que colportait faussement l’impie Simon, il y avait en tout quatre cents talents d’argent et deux cents talents d’or ;b

a Gouverneur de l’Ammanitide, cf. 1 M 5.13.

b Le dépôt serait de 10 500 kg d’argent et de 5 250 kg d’or, chiffre peu vraisemblable.

12 qu’au reste il était absolument impossible de faire tort à ceux qui s’étaient confiés à la sainteté de ce lieu, à la majesté et à l’inviolabilité d’un Temple vénéré dans le monde entier.

La ville est bouleversée.

13 Mais Héliodore, en vertu des ordres qu’il avait reçus du roi, soutenait absolument que ces richesses devaient être confisquées au profit du trésor royal.

14 Au jour fixé par lui, il entrait pour dresser un inventaire de ces richesses. Une grande anxiété régna dans toute la ville. 15 Revêtus de leurs habits sacerdotaux, les prêtres, prosternés devant l’autel, invoquaient le ciel, auteur de la loi sur les dépôts, le priant de conserver ces biens intacts à ceux qui les avaient déposés. 16 À voir l’aspect du grand prêtre, on ne pouvait manquer de sentir une blessure jusqu’au fond du cœur, tant son air et l’altération de son teint trahissaient l’angoisse de son âme. 17 En proie à la frayeur et au tremblement dans tout son corps, cet homme manifestait à ceux qui le regardaient la souffrance installée dans son cœur. 18 Des gens se précipitaient par groupes hors des maisons pour prier tous ensemble parce que le saint lieu était menacé d’opprobre. 19 Les femmes, ceintes de sacs au-dessous des seins, remplissaient les rues ; les jeunes filles qui étaient tenues à la maison couraient, les unes aux portes, les autres sur les murs, certaines se penchaient aux fenêtres : 20 toutes, les mains tendues vers le ciel, proféraient leur supplication. 21 C’était pitié de voir la prostration confuse de la multitude et l’appréhension du grand prêtre en proie à une grande inquiétude. 22 Pendant que d’un côté on demandait au Seigneur tout-puissant de garder intacts, en toute sûreté, les dépôts à ceux qui les avaient confiés, 23 Héliodore, d’autre part, exécutait ce qui avait été décidé.

Châtiment d’Héliodore.

24 Il était déjà là avec ses gardes, près du Trésor, lorsque le Souverain des Esprits et de toute Puissance se manifesta, avec un tel éclat que tous ceux qui avaient osé entrer là, frappés par la force de Dieu, se trouvèrent sans vigueur ni courage. 25 À leurs yeux apparut un cheval monté par un redoutable cavalier et richement caparaçonné ; bondissant avec impétuosité, il agitait contre Héliodore ses sabots de devant. L’homme qui le montait paraissait avoir une armure d’or. 26 Deux autres jeunes hommes lui apparurent en même temps, d’une force remarquable, éclatants de beauté, couverts d’habits magnifiques ; s’étant placés l’un d’un côté, l’autre de l’autre, ils le flagellaient sans relâche, lui portant une grêle de coups. 27 Héliodore, soudain tombé à terre, fut environné d’épaisses ténèbres. On le ramassa pour le mettre dans une litière,

28 et cet homme, qui venait d’entrer dans la chambre dudit trésor avec un nombreux entourage et tous ses gardes du corps, fut emporté, incapable de s’aider lui-même, par des gens qui reconnaissaient ouvertement la souveraineté de Dieu.

29 Pendant que cet homme, sous le coup de la puissance divine, gisait sans voix, privé de tout espoir et de tout secours, 30 les autres bénissaient le Seigneur qui avait miraculeusement glorifié son saint lieu. Et le sanctuaire, qui un instant auparavant était plein de frayeur et de trouble, fut, par la manifestationc du Seigneur tout-puissant, débordant de joie et d’allégresse.

c En grec epiphainesthai , cf. 2.21. La littérature juive et païenne de l’époque gréco-romaine est pleine de ces « épiphanies » et « théophanies », qui illustraient en quelque sorte la toute-puissance divine. Ici, le récit vient de Jason, cf. 2.23. L’intervention de Dieu est réelle mais nous en ignorons le mode.

31 Certains des compagnons d’Héliodore s’empressèrent de demander à Onias de prier le Très-Haut et d’accorder la vie à celui qui gisait n’ayant plus qu’un souffle.

32 Dans la crainte que le roi ne soupçonnât par hasard les Juifs d’avoir joué un mauvais tour à Héliodore, le grand prêtre offrit un sacrifice pour le retour de cet homme à la vie. 33 Alors que le grand prêtre offrait le sacrifice d’expiation, les mêmes jeunes hommes apparurent à Héliodore revêtus des mêmes habits, et, se tenant debout, lui dirent : « Rends mille actions de grâces au grand prêtre Onias, car c’est en considération de lui que le Seigneur t’accorde la vie sauve. 34 Quant à toi, ainsi fustigé du Ciel, annonce à tous la grandeur de la force de Dieu. » Ayant dit ces paroles, ils disparurent.

Conversion d’Héliodore.

35 Héliodore, ayant offert un sacrifice au Seigneur et fait les plus grands vœux à celui qui lui avait conservé la vie, prit amicalement congé d’Onias et revint avec son armée auprès du roi. 36 Il rendait témoignage à tous des œuvres du Dieu très grand qu’il avait contemplées de ses yeux. 37 Au roi lui demandant quel homme lui paraissait propre à être envoyé une fois encore à Jérusalem, Héliodore répondit : 38 « Si tu as quelque ennemi ou quelque conspirateur contre l’État, envoie-le là-bas et il te reviendra déchiré par les fouets, si toutefois il en réchappe, car il y a vraiment pour le lieu saint une puissance toute particulière de Dieu. 39 Celui qui a sa demeure dans le ciel veille sur ce lieu et le protège ; ceux qui y viennent avec de mauvais desseins, il les frappe et les fait périr. » 40 C’est ainsi que se passèrent les choses relatives à Héliodore et à la sauvegarde du trésor sacré.

IV. Propagande hellénistique et persécution sous Antiochus Épiphane

Méfaits du prévôt Simon.

4 Le susdit Simon, passé dénonciateur du trésor et de la patrie, calomniait Onias comme si ce dernier avait fait assaillir Héliodore et avait été l’artisan de ce malheur.d

d En inventant quelque stratagème pour épouvanter Héliodore.

2 Le bienfaiteur de la cité, le protecteur de ses frères de race, le zélé observateur des lois, il osait en faire un ennemi de la chose publique. 3 Cette haine grandit au point que des meurtres furent commis par des affidés de Simon. 4 Considérant combien une telle rivalité était fâcheuse, et qu’Apollonius, fils de Ménesthée, stratège de Cœlé-Syrie et Phénicie, ne faisait qu’accroître la méchanceté de Simon, 5 Onias se transporta chez le roi, non pour être l’accusateur de ses concitoyens, mais ayant en vue l’intérêt général et particulier de tout le peuple. 6 Il voyait bien en effet que, sans une intervention royale, il était impossible d’obtenir désormais la paix publique, et que Simon ne mettrait pas un terme à sa folie.

Jason, le grand prêtre, introduit l’hellénisme.

7 Séleucus ayant quitté cette vie et Antiochus, surnommé Épiphane, lui ayant succédé,e Jason, frère d’Onias, usurpa le pontificat :f

e Antiochus IV (175-164), frère de Séleucus IV.

f La mort de Séleucus, provoquée par Héliodore en 175, contraria les espoirs d’Onias. Jésus, frère d’Onias, avait marqué son goût pour l’hellénisme en prenant le nom de Jason.

8 il promit au roi, au cours d’une entrevue, trois cent soixante talents d’argent et quatre-vingts talents à prélever sur quelque autre revenu. 9 Il s’engageait en outre à payer cent cinquante autres talents si le roi lui donnait pouvoir d’établir un gymnase et une éphébie et de dresser la liste des Antiochéens de Jérusalem.g

g L’éphébie était un corps de jeunes gens de dix-huit à vingt ans qui apprenaient à porter les armes et s’adonnaient aux exercices corporels et à une certaine culture littéraire. — La formule « Antiochéens de Jérusalem » (cf. de même les « Antiochéens de Ptolémaïs » nommés par des monnaies) témoigne d’une transformation de la ville sainte en cité grecque dont les citoyens étaient recensés.

10 Le roi ayant consenti, Jason, dès qu’il eut saisi le pouvoir, amena ses frères de race à la pratique de la vie grecque. 11 Il supprima les franchises que les rois, par philanthropie, avaient accordées aux Juifs grâce à l’entremise de Jean, père de cet Eupolème qui sera envoyé en ambassade pour conclure un traité d’amitié et d’alliance avec les Romains ; détruisant les institutions légitimes, Jason inaugura des usages contraires à la Loi. 12 Il se fit en effet un plaisir de fonder un gymnase au pied même de l’acropole,h et il conduisit les meilleurs des éphèbes sous le pétase.i

h Siège de la garnison syrienne, l’acropole de ce temps-là dominait l’esplanade du Temple vers l’angle nord-ouest, cf. Ne 7.2 (c’est la future Antonia d’Hérode le Grand). Le gymnase était ainsi contigu au sanctuaire.

i « Conduire sous le pétase », c’était amener quelqu’un aux exercices du gymnase où l’on portait le chapeau à large bord, coiffure d’Hermès, dieu de la lutte et des concours.

13 L’hellénisme atteignit une telle vigueur et la mode étrangère un tel degré, par suite de l’excessive perversité de Jason impie et pas du tout pontife, 14 que les prêtres ne montraient plus aucun zèle pour le service de l’autel, mais que, méprisant le Temple et négligeant les sacrifices, ils se hâtaient de prendre part, dès l’appel du gong, à la distribution, prohibée par la Loi, de l’huile dans la palestre ;j

j L’huile dont se frottaient les athlètes, que leur offraient les gymnasiarques.

15 ne faisant aucun cas des honneurs de leur patrie, ils estimaient au plus haut point les gloires helléniques. 16 C’est bien pour ces raisons qu’ils se trouvèrent ensuite dans des situations pénibles, et qu’en ceux-là mêmes dont ils cherchaient à copier les façons de vivre et auxquels ils voulaient ressembler en tout, ils rencontrèrent des ennemis et des bourreaux. 17 On ne viole pas impunément les lois divines, c’est ce que démontrera la période suivante.

18 Comme on célébrait à Tyr les jeux quadriennaux en présence du roi, 19 l’abject Jason envoya des ambassadeurs, à titre d’Antiochéens de Jérusalem, portant avec eux trois cents drachmes d’argent pour le sacrifice à Héraclès. Mais ceux-là mêmes qui les portaient jugèrent qu’il ne convenait pas de les affecter au sacrifice et qu’elles seraient réservées à une autre dépense. 20 Ainsi, l’argent destiné au sacrifice d’Héraclès par celui qui l’envoyait fut affecté, à cause de ceux qui l’apportaient, à la construction des trirèmes.

Antiochus Épiphane acclamé à Jérusalem.

21 Apollonius, fils de Ménesthée, avait été envoyé en Égypte pour assister aux noces du roi Philométor.k Antiochus apprit que ce dernier était devenu hostile à ses affaires et se préoccupa de sa propre sécurité : c’est ce qui l’amena à Joppé, d’où il se rendit à Jérusalem.

k « les noces », litt. « la présidence (du repas de noce) » prôtoklisia quelques mss grecs et lat., Mt 23.6 ; « la proclamation » (? mot non attesté) prôtoklèsia grec. — Il s’agit du mariage de Ptolémée VI Philométor avec sa sœur Cléopâtre II.

22 Grandement reçu par Jason et par la ville, il fut introduit à la lumière des flambeaux et au milieu des acclamations. À la suite de quoi, il emmena l’armée camper en Phénicie.l

l Le terme de Phénicie s’applique également à la côte palestinienne, et Joppé (Jaffa) fut peut-être le quartier général du roi.

Ménélas devient grand prêtre.

23 Au bout de trois ans, Jason envoya Ménélas, frère du Simon signalé plus haut, porter l’argentm au roi et mener à bien les négociations des affaires urgentes.

m Le tribut annuel, cf. 4.8 ; 1 M 11.28, et peut-être d’autres sommes promises, cf. 4.9.

24 Ménélas, s’étant fait recommander au roi et l’ayant abordé avec les manières d’un personnage de marque, se fit attribuer le pontificat à lui-même, offrant trois cents talents d’argent de plus que n’avait offert Jason. 25 Muni des lettres royales d’investiture, il s’en revint, n’ayant rien qui fût digne de la grand-prêtrise mais n’apportant que les fureurs d’un tyran cruel et les rages d’une bête sauvage. 26 Ainsi Jason qui avait supplanté son propre frère, supplanté à son tour par un autre, dut gagner en fugitif l’Ammanitide. 27 Quant à Ménélas, il possédait sans doute le pouvoir, mais il ne versait rien au roi des sommes qu’il lui avait promises. 28 Sostrate cependant, préfet de l’acropole, lui présentait des réclamations, car c’est à lui que revenait la perception des impôts. Aussi bien tous les deux furent-ils convoqués par le roi. 29 Tandis que Ménélas laissait pour le remplacer comme grand prêtre son propre frère Lysimaque, Sostrate laissait Kratès, le chef des Chypriotes.n

n Il s’agit de mercenaires.

Le meurtre d’Onias.

30 Sur ces entrefaites, il arriva que les habitants de Tarse et de Mallos se révoltèrent parce que leurs villes avaient été données en présent à Antiochis, la concubine du roi. 31 Le roi alla donc en hâte régler cette affaire, laissant pour le remplacer Andronique, l’un des grands dignitaires. 32 Convaincu de saisir une occasion favorable, Ménélas déroba quelques vases d’or du sanctuaire, il en fit cadeau à Andronique et réussit à en vendre d’autres à Tyr et aux villes voisines. 33 Devant l’évidence du fait, Onias lui adressa des reproches, après s’être retiré dans le lieu inviolable de Daphné voisine d’Antioche. 34 En conséquence Ménélas, prenant à part Andronique le pressait de supprimer Onias. Andronique vint donc trouver Onias : se fiant à la ruse et lui tendant la main droite avec serment, il le décida, sans toutefois dissiper tout soupçon, à sortir de son asile, et le mit à mort sur-le-champ sans tenir compte de la justice.

35 Pour ce motif, non seulement les Juifs, mais aussi beaucoup de gens parmi les autres peuples furent indignés et trouvèrent intolérable le meurtre injuste de cet homme.

36 Lorsque le roi fut rentré des régions ciliciennes, les Juifs de la capitale et les Grecs qui partageaient leur haine de la violence vinrent le trouver au sujet du meurtre injustifié d’Onias. 37 Antiochus, contristé jusqu’au fond de l’âme et touché de compassion, versa des larmes au souvenir de la prudence et de la modération du défunt. 38 Enflammé d’indignation, il dépouilla immédiatement Andronique de la pourpre et déchira ses vêtements, puis l’ayant fait mener par toute la ville, il envoya hors de ce monde le meurtrier, à l’endroit même où il avait exercé son impiété sur Onias, le Seigneur le frappant ainsi d’un juste châtiment.o

o Onias est le Prince Oint de Dn 9.25s et le Prince d’une alliance de Dn 11.22. Sa mort ouvre la 70e et dernière semaine d’années, dont le milieu est marqué par la cessation du sacrifice légitime et l’installation de l’« Abomination de la désolation », Dn 9.27 ; cf. 7.25 ; 8.11-14 ; 11.31 ; 12.11s ; 1 M 1.54 ; 4.52 ; 1.9 ; 6.2 ; 10.5. Cette période de trois ans et demi (la moitié d’une « semaine d’années ») doit correspondre à une réalité, car c’est elle qui a suggéré à l’auteur de Dn sa transposition de la prophétie de Jérémie (Jr 25.11-12 ; 29.10). La date donnée en 1 M 1.54 (décembre 167) autorise donc à situer le meurtre d’Onias dans le cours de l’été 170.

Lysimaque périt au cours d’une sédition.

39 Or, un grand nombre de vols sacrilèges ayant été commis dans la ville par Lysimaque d’accord avec Ménélas, et le bruit s’en étant répandu au-dehors, le peuple s’ameuta contre Lysimaque, alors que beaucoup d’objets d’or avaient déjà été dispersés. 40 Comme la multitude s’était soulevée, débordante de colère, Lysimaque arma près de trois mille hommes et prit l’initiative des violences ; marchait en tête un certain Auranos, homme avancé en âge, et non moins en folie. 41 Prenant conscience de l’attaque de Lysimaque, les uns s’armaient de pierres, les autres de gourdins, certains prenaient à pleines mains la cendre qui se trouvait là,p et tous assaillirent pêle-mêle les gens de Lysimaque.

p La cendre des sacrifices, l’échauffourée ayant eut lieu dans les parvis du Temple.

42 Aussi bien leur firent-ils beaucoup de blessés et quelques morts ; ils mirent le reste en fuite et, quant au voleur sacrilège, ils le massacrèrent près du Trésor.

Ménélas acquitté à prix d’argent.

43 Sur ces faits un procès fut intenté à Ménélas. 44 Lorsque le roi vint à Tyr, les trois hommes envoyés par le sénat soutinrent devant lui la justice de leur cause. 45 Voyant déjà la partie perdue, Ménélas promit des sommes importantes à Ptolémée, fils de Dorymène, pour qu’il gagnât le roi à sa cause.

46 Aussi Ptolémée, ayant emmené le roi sous un portique comme pour prendre le frais, le fit changer d’avis, 47 si bien qu’il renvoya Ménélas, l’auteur de tout ce mal, absous des accusations portées contre lui, et qu’il condamna à mort des malheureux qui, s’ils avaient plaidé leur cause même devant des Scythes, eussent été renvoyés innocents. 48 Ceux donc qui avaient pris la défense de la ville, des bourgs et des vases sacrés subirent sans délai cette peine injuste. 49 Aussi vit-on même des Tyriens, outrés d’une telle méchanceté, pourvoir magnifiquement à leur sépulture. 50 Quant à Ménélas, grâce à la cupidité des puissants, il se maintint au pouvoir, grandissant en malice et se posant en principal adversaire de ses concitoyens.

Seconde campagne d’Égypte.

5 Vers ce temps-là Antiochus préparait sa seconde attaque contre l’Égypte.q

q Selon l’auteur de 2 M, l’intervention violente d’Antiochus IV, cf. 5.11s, aurait été provoquée par une sédition à Jérusalem, vv. 5s, et il place le fait pendant la seconde expédition d’Égypte en 168. L’ordre de 1 M est préférable pillage du Temple après la première expédition en 169, 1 M 1.16-24 ; sédition au cours de l’été 169, réprimée en 167 par le Mysarque Apollonius, 1 M 1.29-35 ; cf. 5.24-26.

2 Il arriva que dans toute la ville, pendant près de quarante jours, apparurent, courant dans les airs, des cavaliers vêtus de robes brodées d’or, des troupes armées disposées en cohortes, 3 des escadrons de cavalerie rangés en ordre de bataille, des attaques et des charges conduites de part et d’autre, des boucliers agités, des forêts de piques, des épées tirées hors du fourreau, des traits volants, un éclat fulgurant d’armures d’or et des cuirasses de tout modèle. 4 Aussi tous priaient pour que cette apparition fût de bon augure.r

r L’auteur aime à rapporter ces apparitions célestes, qu’il utilise comme un procédé littéraire, 3.25 ; 10.29-30 ; 11.8, et qu’il a annoncées dans sa préface, 2.21. Cf. une apparition analogue avant la ruine du Temple en 70, rapportée par Josèphe dans sa Guerre Juive .

Agression de Jason et répression d’Épiphane.

5 Or, sur un faux bruit de la mort d’Antiochus, Jason, ne prenant avec lui pas moins d’un millier d’hommes, dirigea à l’improviste une attaque contre la ville. La muraille forcée et la ville finalement prise, Ménélas se réfugia dans l’acropole.

6 Jason se livra sans pitié au massacre de ses propres concitoyens, sans penser qu’un succès remporté sur ses frères de race était le plus grand des insuccès, croyant remporter des trophées sur des ennemis et non sur des compatriotes. 7 D’un côté, il ne réussit pas à s’emparer du pouvoir et, de l’autre, ses machinations ayant tourné à sa honte, il s’en alla chercher de nouveau un refuge en Ammanitide. 8 Sa conduite perverse trouva donc un terme : enfermé chez Arétas, tyran des Arabes, puis s’enfuyant de sa ville,s poursuivi par tous, détesté parce qu’il reniait les lois, exécré comme le bourreau de sa patrie et de ses concitoyens, il échoua en Égypte.

s « de sa ville », litt. « de la ville » (c’est Pétra, la capitale) Vet. Lat. ; « de ville en ville » grec. — Il s’agit d’Arétas Ier, roi des Nabatéens, cf. 1 M 5.25.

9 Lui qui avait banni un grand nombre de personnes de leur patrie, il périt sur la terre étrangère, étant parti pour Lacédémone dans l’espoir d’y trouver un refuge en considération d’une commune origine. 10 Lui qui avait jeté tant d’hommes sur le sol sans sépulture, nul ne le pleura et ne lui rendit les derniers devoirs ; il n’eut aucune place dans le tombeau de ses pères.

11 Lorsque ces faits furent arrivés à la connaissance du roi, celui-ci en conclut que la Judée faisait défection. Il quitta donc l’Égypte, furieux comme une bête sauvage, et prit la ville à main armée. 12 Il ordonna ensuite aux soldats d’abattre sans pitié ceux qu’ils rencontreraient et d’égorger ceux qui monteraient dans leurs maisons. 13 On extermina jeunes et vieux, on supprima femmes et enfants, on égorgea jeunes filles et nourrissons. 14 Il y eut quatre-vingt mille victimes en ces trois jours, dont quarante mille tombèrent sous les coups et autant furent vendus comme esclaves.

Pillage du Temple.

15 Non content de cela, il osa pénétrer dans le sanctuaire le plus saint de toute la terre, avec pour guide Ménélas, qui en était venu à trahir les lois et la patrie.

16 Il prit de ses mains impures les vases sacrés et rafla de ses mains profanes les offrandes que les autres rois y avaient déposées pour l’accroissement, la gloire et la dignité du saint lieu.

17 Antiochus s’exaltait en pensée, ne voyant pas que le Seigneur était irrité pour peu de temps à cause des péchés des habitants de la ville — d’où venait cette indifférence envers le lieu saint. 18 En tout cas, s’ils n’avaient pas été plongés dans une multitude de péchés, lui aussi, à l’instar d’Héliodore envoyé par le roi Séleucus pour inspecter le trésor, il aurait été, dès son arrivée, flagellé et détourné de sa témérité. 19 Mais le Seigneur a choisi non pas le peuple à cause du lieu saint, mais le lieu à cause du peuple.t

t Dieu n’est pas esclave des institutions judaïques, cf. Jr 7.14 ; Mc 2.27. Cette affirmation de la primauté du peuple élu sur les institutions où il prend corps est un présage de l’Évangile.

20 C’est pourquoi le lieu lui-même, après avoir participé aux malheurs du peuple, a eu part ensuite aux bienfaits ; délaissé au moment de la colère du Tout-Puissant, il a été de nouveau, en vertu de sa réconciliation avec le grand Souverain, restauré dans toute sa gloire.

21 Antiochus, après avoir enlevé au Temple dix-huit cents talents, se hâta de retourner à Antioche, croyant, dans sa superbe, à cause de l’exaltation de son cœur, rendre navigable la terre ferme et rendre la mer praticable à la marche.

22 Mais il laissa des préposés pour faire du mal à la nation ; à Jérusalem, Philippe, Phrygien de race,u de caractère plus barbare encore que celui qui l’avait institué ;

u Philippe le Phrygien, qu’on retrouve à 6.11 et 8.8, est distinct de Philippe « ami du roi » de 9.29 ; 1 M 6.14.

23 sur le mont Garizim, Andronique ;v et en plus de ceux-ci, Ménélas qui plus méchamment que les autres dominait sur ses concitoyens.
Nourrissant à l’égard des Juifs une hostilité foncière,

v Andronique, distinct de celui de 4.31s, était, ainsi que Philippe, un épistate , représentant du roi dans une ville. Il résidait sans doute au pied du mont Garizim, à Sichem.

24 le roi envoya le mysarque Apollonius à la tête d’une armée, soit vingt-deux mille hommes, avec ordre d’égorger tous ceux qui étaient dans la force de l’âge et de vendre les femmes et les enfants. 25 Arrivé en conséquence à Jérusalem, et jouant le personnage pacifique, il attendit jusqu’au saint jour du sabbat où, profitant du repos des Juifs, il commanda à ses subordonnés une prise d’armes. 26 Tous ceux qui étaient sortis pour assister au spectacle, il les fit massacrer et, envahissant la ville avec ses soldats en armes, il mit à mort une multitude de gens.

Intervention d’Apollonius le Mysarque.

27 Or Judas, appelé aussi Maccabée, se trouvant avec une dizaine d’autres, se retira dans le désert, vivant comme les bêtes sauvages sur les montagnes avec ses compagnons, ne mangeant jamais que des herbes pour ne pas contracter de souillures.w

w L’auteur regroupe les événements racontés en 1 M 1.53 ; 2.28.

Installation des cultes païens.

6 Peu de temps après, le roi envoya Géronte l’Athénien pour forcer les Juifs à enfreindre les lois de leurs pères et à ne plus régler leur vie sur les lois de Dieu, 2 pour profaner le Temple de Jérusalem et le dédier à Zeus Olympien, et celui du mont Garizim à Zeus Hospitalier, comme le demandaient les habitants du lieu.x

x « (comme le) demandaient » enetugchanon conj. d’après Josèphe (Antiquités Judaïques) ; « (comme) se trouvaient être (les habitants) » etugchanon grec, lat. ; ce qui signifierait qu’étant eux-mêmes hospitaliers, les Samaritains choisissent cette épithète. Mais, en grec, la construction de la phrase serait extrêmement laborieuse. — Les Samaritains, qui ne veulent pas être traités comme les Juifs, vont au-devant des désirs du souverain.

3 L’invasion de ces maux était, même pour la masse, pénible et difficile à supporter. 4 Le sanctuaire était rempli de débauches et d’orgies par des païens qui s’amusaient avec des prostituées et avaient commerce avec des femmes dans les parvis sacrés,y et qui encore y apportaient des choses défendues.

y À l’époque gréco-romaine, les parvis des temples comprenaient des portiques et des salles de banquet pour les repas rituels, qui dégénéraient facilement en orgies. Par ailleurs, la prostitution sacrée se pratiquait encore dans les temples de Syrie.

5 L’autel était couvert de victimes illicites, réprouvées par les lois. 6 Il n’était même pas permis de célébrer le sabbat, ni de garder les fêtes de nos pères, ni simplement de confesser que l’on était Juif. 7 On était conduit par une amère nécessité à participer chaque mois au repas rituel, le jour de la naissance du roi et, lorsque arrivaient les fêtes dionysiaques, on devait, couronné de lierre, accompagner le cortège de Dionysos. 8 Un décret fut rendu, à l’instigation des gens de Ptolémaïs,z pour que, dans les villes grecques du voisinage, l’on tînt la même conduite à l’égard des Juifs, et que ceux-ci prissent part au repas rituel,

z « gens de Ptolémaïs » conj. ; « des Ptolémées » ou « de Ptolémée » grec et lat. — La cité grecque de Ptolémaïs, l’ancienne Akko (Saint-Jean d’Acre), était hostile aux Juifs, cf. 13.25 ; 1 M 5.15 ; 12.48.

9 avec ordre d’égorger ceux qui ne se décideraient pas à adopter les coutumes grecques. Tout cela faisait prévoir l’imminence de la calamité.

10 Ainsi deux femmes furent déférées en justice pour avoir circoncis leurs enfants. On les produisit en public à travers la ville, leurs enfants suspendus à leurs mamelles, avant de les précipiter ainsi du haut des remparts. 11 D’autres s’étaient rendus ensemble dans des cavernes voisines pour y célébrer en cachette le septième jour. Dénoncés à Philippe, ils furent brûlés ensemble, se gardant bien de se défendre eux-mêmes par respect pour la sainteté du jour.

Le sens providentiel de la persécution.

12 Je recommande à ceux qui auront ce livre entre les mains de ne pas se laisser déconcerter à cause de ces calamités, et de croire que ces persécutions ont eu lieu non pour la ruine mais pour la correction de notre race. 13 Quand les pécheurs ne sont pas laissés longtemps à eux-mêmes, mais que les châtiments ne tardent pas à les atteindre, c’est une marque de grande bonté.

14 À l’égard des autres nations, le Maître attend avec longanimité, pour les châtier, qu’elles arrivent à combler la mesure de leurs iniquités ; ce n’est pas ainsi qu’il a jugé à propos d’agir avec nous, 15 afin qu’il n’ait pas à nous punir plus tard lorsque nos péchés auraient atteint leur pleine mesure.a

a L’auteur de la Sagesse développera ce double aspect de la justice divine, mais montrera que, même pour les nations, Dieu reste indulgent, Sg 11.10 ; 12.20-22. Pour la pleine mesure des péchés, cf. Dn 8.23 ; 9.24 ; 1 Th 2.16. L’expression est ancienne, cf. déjà Gn 15.16.

16 Aussi bien ne retire-t-il jamais de nous sa miséricorde : en le châtiant par l’adversité, il n’abandonne pas son peuple. 17 Qu’il nous suffise d’avoir rappelé cette vérité ; après ces quelques mots, il nous faut revenir à notre récit.

Le martyre d’Éléazar.b

18 Éléazar, un des premiers docteurs de la Loi, homme déjà avancé en âge et du plus noble extérieur, était contraint, tandis qu’on lui ouvrait la bouche de force, de manger de la chair de porc.

b Les Pères de l’Église ont loué en Éléazar un martyr d’avant le Christ.

19 Mais lui, préférant une mort glorieuse à une existence infâme, marchait volontairement au supplice de la roue, 20 non sans avoir craché sa bouchée, comme le doivent faire ceux qui ont le courage de rejeter ce à quoi il n’est pas permis de goûter par amour de la vie. 21 Ceux qui présidaient à ce repas rituel interdit par la Loi le prirent à part, car cet homme était pour eux une vieille connaissance ; ils l’engagèrent à faire apporter des viandes dont il était permis de faire usage, et qu’il aurait lui-même préparées ; il n’avait qu’à feindre de manger des chairs de la victime, comme le roi l’avait ordonné, 22 afin qu’en agissant de la sorte, il fût préservé de la mort et profitât de cette humanité due à la vieille amitié qui les liait. 23 Mais lui, prenant une noble résolution, digne de son âge, de l’autorité de sa vieillesse et de ses vénérables cheveux blanchis dans le labeur, digne d’une conduite parfaite depuis l’enfance et surtout de la sainte législation établie par Dieu même, il fit une réponse en conséquence, disant qu’on l’envoyât sans tarder au séjour des morts.

24 « À notre âge, ajouta-t-il, il ne convient pas de feindre, de peur que nombre de jeunes, persuadés qu’Éléazar aurait embrassé à quatre-vingt-dix ans les mœurs des étrangers, 25 ne s’égarent eux aussi, à cause de moi et de ma dissimulation, et cela pour un tout petit reste de vie. J’attirerais ainsi sur ma vieillesse souillure et déshonneur, 26 et quand j’échapperais pour le présent au châtiment des hommes, je n’éviterai pas, vivant ou mort, les mains du Tout-Puissant. 27 C’est pourquoi, si je quitte maintenant la vie avec courage, je me montrerai digne de ma vieillesse, 28 ayant laissé aux jeunes le noble exemple d’une belle mort, volontaire et généreuse, pour les vénérables et saintes lois. »c
Ayant ainsi parlé, il alla tout droit au supplice de la roue,

c L’expression relève du juridisme hellénique, mais pour l’auteur « les lois » sont essentiellement la Loi, 7.30 ; 10.26 ; 12.40 ; 15.9, identique à l’Alliance, cf. 1 M 2.20, et gage de la bienveillance divine, cf. 7.36 ; 8.15.

29 mais ceux qui l’y conduisaient changèrent en malveillance la bienveillance qu’ils avaient eue pour lui un peu auparavant, à cause du discours qu’il venait de tenir et qui à leur point de vue était de la folie. 30 Lui, de son côté, étant sur le point de mourir sous les coups, dit en soupirant : « Au Seigneur qui a la science sainte, il est manifeste que, pouvant échapper à la mort, j’endure sous les fouets des douleurs cruelles dans mon corps, mais qu’en mon âme je les souffre avec joie à cause de la crainte qu’il m’inspire. »

31 Il quitta donc la vie de cette manière (laissant dans sa mort, non seulement à la jeunesse, mais à la grande majorité de la nation, un exemple de courage et un mémorial de vertu).

Le martyre des sept frères.d

7 Il arriva aussi que sept frères ayant été arrêtés avec leur mère, le roi voulut les contraindre, en leur infligeant les fouets et les nerfs de bœuf, à toucher à la viande de porc (interdite par la Loi).

d Après l’exemple d’un vénérable docteur de la Loi, on nous donne celui d’une mère de famille et de ses fils. La persécution, dont les moyens étaient à l’époque très cruels, s’était en effet étendue jusqu’aux femmes et aux enfants, cf. 1 M 1.60s. Le fond du récit est donc historique et l’élaboration littéraire se traduit surtout par les discours mis dans la bouche des protagonistes. Le culte des « sept frères Maccabées » se répandit jusqu’en Occident où plusieurs églises leur furent dédiées. Le récit appelé « Passion des saints Maccabées » eut une large diffusion et servit de modèle à divers Actes de Martyrs.

2 L’un d’eux se faisant leur porte-parole : « Que vas-tu, dit-il, demander et apprendre de nous ? Nous sommes prêts à mourir plutôt que d’enfreindre les lois de nos pères. » 3 Le roi, hors de lui, fit mettre sur le feu des poêles et des chaudrons. 4 Sitôt qu’ils furent brûlants, il ordonna de couper la langue à celui qui avait été leur porte-parole, de lui enlever la peau de la tête et de lui trancher les extrémités, sous les yeux de ses autres frères et de sa mère. 5 Lorsqu’il fut complètement impotent, il commanda de l’approcher du feu, respirant encore, et de le faire passer à la poêle. Tandis que la vapeur de la poêle se répandait au loin, les autres s’exhortaient mutuellement avec leur mère à mourir avec vaillance : 6 « Le Seigneur Dieu voit, disaient-ils, et il a en vérité compassion de nous selon que Moïse l’a annoncé par le cantique qui proteste ouvertement en ces termes : « Et il aura pitié de ses serviteurs ». »

7 Lorsque le premier eut quitté la vie de cette manière, on amena le second pour le supplice. Après lui avoir arraché la peau de la tête avec les cheveux, on lui demandait : « Veux-tu manger du porc, avant que ton corps ne soit torturé membre par membre ? » 8 Il répondit dans la langue de ses pères :e « Non ! » C’est pourquoi lui aussi fut à son tour soumis aux tourments.

e Cette expression revient aux vv. 21 et 27, et l’auteur semble l’avoir comprise comme faisant allusion à l’hébreu, cf. 12.37 ; 15.29. En fait, la langue de cette femme devait plutôt être l’araméen.

9 Au moment de rendre le dernier soupir : « Scélérat que tu es, dit-il, tu nous exclus de cette vie présente, mais le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle,f nous qui mourons pour ses lois. »

f Littéralement « pour une revivification éternelle de vie ». — La foi en la résurrection des corps, qui ne se dégage pas sûrement d’Isa 26.19 et de Jb 19.26-27 (cf. les notes), est affirmée pour la première fois ici (et cf. vv. 11, 14, 23, 29, 36) et dans le passage de Dn 12.2-3, en relation lui aussi avec la persécution d’Antiochus Épiphane (Dn 11). Cf. encore 12.38-46 ; 14.46. Les martyrs ressusciteront, par un effet de la puissance du Créateur, v. 23, pour la vie, v. 14, cf. Jn 5.29, pour une vie éternelle, vv. 9, 36. On rejoint ainsi la doctrine de l’immortalité, qui sera développée, en milieu grec, et sans référence à la résurrection des corps, par Sg 3.1-5, 16. Mais, pour la pensée hébraïque qui ne distinguait pas entre le corps et l’âme, l’idée d’une survie impliquait la résurrection des corps, on le voit ici. Le texte n’enseigne pas directement la résurrection de tous les hommes, et n’envisage que le cas des justes, cf. v. 14. Dn 12.2-3 est plus clair.

10 Après lui on châtia le troisième. Il présenta aussitôt sa langue comme on le lui demandait et tendit ses mains avec intrépidité ; 11 (il déclara courageusement : « C’est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois je les méprise et c’est de lui que j’espère les recouvrer de nouveau. »)g

g Ce v., omis par plusieurs mss latins, est en contradiction avec le précédent la langue tendue a dû être aussitôt coupée, cf. v. 4.

12 Le roi lui-même et son escorte furent frappés du courage de ce jeune homme qui comptait les souffrances pour rien.

13 Ce dernier une fois mort, on soumit le quatrième aux mêmes tourments et tortures. 14 Sur le point d’expirer il s’exprima de la sorte : « Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l’espoir d’être ressuscité par lui, car pour toi il n’y aura pas de résurrection à la vie. »

15 On amena ensuite le cinquième et on le tortura. 16 Mais lui, fixant les yeux sur le roi, lui disait : « Tu as, quoique corruptible, autorité sur les hommes, tu fais ce que tu veux. Ne pense pas cependant que notre race soit abandonnée de Dieu. 17 Pour toi, prends patience et tu verras sa grande puissance, comme il te tourmentera toi et ta race. »

18 Après celui-là ils amenèrent le sixième, qui dit, sur le point de mourir : « Ne te fais pas de vaine illusion, c’est à cause de nous-mêmes que nous souffrons cela, ayant péché envers notre propre Dieu (aussi nous est-il arrivé des choses étonnantes). 19 Mais toi, ne t’imagine pas que tu seras impuni après avoir entrepris de faire la guerre à Dieu. »

20 Éminemment admirable et digne d’une illustre mémoire fut la mère qui, voyant mourir ses sept fils dans l’espace d’un seul jour, le supporta courageusement en vertu des espérances qu’elle plaçait dans le Seigneur. 21 Elle exhortait chacun d’eux, dans la langue de ses pères, et, remplie de nobles sentiments, elle animait d’un mâle courage son raisonnement de femme. Elle leur disait : 22 « Je ne sais comment vous avez apparu dans mes entrailles ; ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie ; ce n’est pas moi qui ai organisé les éléments qui composent chacun de vous. 23 Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé le genre humain et qui est à l’origine de toute chose, vous rendra-t-il, dans sa miséricorde, et l’esprit et la vie, parce que vous vous méprisez maintenant vous-mêmes pour l’amour de ses lois. »

24 Antiochus se crut vilipendé et soupçonna un outrage dans ces paroles. Comme le plus jeune était encore en vie, non seulement il l’exhortait par des paroles, mais il lui donnait par des serments l’assurance de le rendre à la fois riche et très heureux, s’il abandonnait les traditions ancestrales, d’en faire son ami et de lui confier de hauts emplois. 25 Le jeune homme ne prêtant à cela aucune attention, le roi fit approcher la mère et l’engagea à donner à l’adolescent des conseils pour sauver sa vie. 26 Lorsqu’il l’eut longuement exhortée, elle consentit à persuader son fils. 27 Elle se pencha donc vers lui et, mystifiant le tyran cruel, elle s’exprima de la sorte dans la langue de ses pères : « Mon fils, aie pitié de moi qui t’ai porté neuf mois dans mon sein, qui t’ai allaité trois ans, qui t’ai nourri et élevé jusqu’à l’âge où tu es (et pourvu à ton entretien). 28 Je t’en conjure, mon enfant, regarde le ciel et la terre et vois tout ce qui est en eux, et sache que Dieu les a faits de rienh et que la race des hommes est faite de la même manière.

h Littéralement « non des choses qui étaient », première affirmation explicite de la création ex nihilo , mais cf. déjà Isa 44.24 ; voir aussi Jn 1.3 ; Col 1.15s — Quelques mss et le syr. lisent « des choses qui ne sont pas », expression qui pour le philosophe juif Philon désigne la matière inorganisée ; cf. Sg 11.17.

29 Ne crains pas ce bourreau, mais, te montrant digne de tes frères, accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux dans la miséricorde. »

30 À peinei achevait-elle de parler que le jeune homme dit : « Qu’attendez-vous ? Je n’obéis pas aux ordres du roi, j’obéis aux ordres de la Loi qui a été donnée à nos pères par Moïse.

i « à peine » arti conj. ; « encore » eti grec.

31 Et toi, qui t’es fait l’inventeur de toute la calamité qui fond sur les Hébreux,j tu n’échapperas pas aux mains de Dieu.

j Terme archaïsant, ici et à 11.13 ; 15.37 ; cf. Jdt 10.12 ; 12.11 ; 14.18. Les LXX en usent rarement en dehors du Pentateuque.

32 (Nous autres, nous souffrons à cause de nos propres péchés.) 33 Si, pour notre châtiment et notre correction, notre Seigneur qui est vivant s’est courroucé un moment contre nous, il se réconciliera de nouveau avec ses serviteurs. Mais toi 34 ô impie et le plus infect de tous les hommes, ne t’élève pas sans raison, te berçant de vains espoirs et levant la main contre ses serviteurs,k

k « ses serviteurs » quelques mss et versions ; « les serviteurs célestes » grec.

35 car tu n’as pas encore échappé au jugement de Dieu qui peut tout et qui voit tout. 36 Quant à nos frères, après avoir supporté une douleur passagère, en vue d’une vie intarissable, ils sont tombés pour l’alliance de Dieu,l tandis que toi, par le jugement de Dieu, tu porteras le juste châtiment de ton orgueil.

l « en vue d’une vie intarissable » mss latins ; « tombés pour » conj., cf. 6.28 ; 1 M 5.20 ; le grec est inintelligible.

37 Pour moi, je livre comme mes frères mon corps et ma vie pour les lois de mes pères, suppliant Dieu d’être bientôt favorable à notre nation et de t’amener par les épreuves et les fléaux à confesser qu’il est le seul Dieu.m

m Antiochus IV se faisait l’égal des dieux, cf. 9.12. — Sur la notion d’un Dieu absolument universel et sans rival possible, cf. 1 Ch 17.20 ; Si 36.4, et déjà Isa 45.14.

38 Puisse enfin s’arrêter sur moi et sur mes frères la colère du Tout-Puissant justement déchaînée sur toute notre race ! »

39 Le roi, hors de lui, sévit contre ce dernier encore plus cruellement que contre les autres, le sarcasme lui étant particulièrement amer. 40 Ainsi trépassa le jeune homme, sans s’être souillé, et avec une parfaite confiance dans le Seigneur. 41 Enfin la mère mourut la dernière, après ses fils.

42 Mais en voilà assez sur la question des repas rituels et des tortures monstrueuses.