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Bible de Jérusalem

2 Maccabées 10.9-15.36

VI. Lutte de Judas contre les peuples voisins
  et contre Lysias, ministre d’Eupator

Débuts du règne d’Antiochus Eupator.

9 Telles furent donc les circonstances de la mort d’Antiochus surnommé Épiphane. 10 Nous allons maintenant exposer les faits qui concernent Antiochus Eupator, fils de cet impie, en résumant les maux causés par les guerres.k

k « guerres » polemôn mss lat., syr. ; « villes » poleôn mss lat., grec (sauf 3 mss qui lisent « des guerriers » polemiôn).

11 Ayant hérité du royaume, ce prince promut à la tête des affaires un certain Lysias, stratège en chef de Cœlé-Syrie et Phénicie. 12 Quant à Ptolémée, surnommé Makrôn, le premier à observer la justice envers les Juifs, à cause des torts qu’on leur infligeait, il s’était efforcé de les administrer pacifiquement. 13 Accusé en conséquence par les amis du roi auprès d’Eupator, il s’entendait, en toute occasion, appeler traître, pour avoir abandonné Chyprel que lui avait confié Philométor, avoir passé du côté d’Antiochus Épiphane et n’avoir pas fait honneur à la dignité de sa charge : il quitta l’existence en s’empoisonnant.

l Où sa présence comme gouverneur est attestée par des inscriptions et par l’historien Polybe.

Gorgias et les forteresses iduméennes.

14 Gorgias, devenu stratège de la région, entretenait des troupes mercenaires et saisissait toutes les occasions pour faire la guerre aux Juifs. 15 En même temps, les Iduméens, maîtres de forteresses bien situées, harcelaient les Juifs, et, accueillant les proscrits de Jérusalem, tentaient de fomenter la guerre. 16 Maccabée et ses compagnons, après avoir fait des prières publiques et demandé à Dieu de se faire leur allié, se mirent en mouvement contre les forteresses des Iduméens. 17 Les ayant attaquées avec vigueur, ils se rendirent maîtres de ces positions et repoussèrent tous ceux qui combattaient sur le rempart ; ils égorgeaient quiconque tombait entre leurs mains, ils n’en tuèrent pas moins de vingt mille. 18 Neuf mille hommes au moins s’étant réfugiés dans deux tours remarquablement fortes, ayant avec eux tout ce qu’il faut pour soutenir un siège, 19 Maccabée laissa pour les assiéger Simon et Joseph avec Zacchée et les siens en nombre suffisant, et partit en personne pour des endroits où il y avait urgence. 20 Mais les gens de Simon, avides de richesses, se laissèrent gagner à prix d’argent par quelques-uns de ceux qui gardaient les tours et, pour une somme de soixante-dix mille drachmes, ils en laissèrent s’échapper un certain nombre. 21 Quand on eut annoncé à Maccabée ce qui était arrivé, il réunit les chefs du peuple, il accusa les coupables d’avoir vendu leurs frères à prix d’argent en relâchant contre eux leurs ennemis. 22 Il les fit donc exécuter comme traîtres et aussitôt après il s’empara des deux tours. 23 Menant tout à bonne fin par la valeur de ses armes, il tua dans ces deux forteresses plus de vingt mille hommes.m

m Chiffre grossi, cf. v. 18.

Judas bat Timothée et prend Gazara.n

24 Timothée, qui avait été battu précédemment par les Juifs, ayant levé des forces étrangères en grand nombre et réuni quantité de chevaux venus d’Asie, parut bientôt en Judée, s’imaginant qu’il allait s’en rendre maître par les armes.

n Cet épisode ne semble pas à sa place chronologique, car Timothée qui y trouve la mort apparaît bien vivant l’été de la même année 163, lors de la campagne de Galaad, 12.10-31. La prise de Gazara fait également difficulté, cf. v. 32.

25 À son approche, Maccabée et ses hommes se répandirent en supplications devant Dieu, la tête saupoudrée de terre et les reins ceints d’un cilice. 26 Prosternés contre le soubassement antérieur de l’autel, ils demandaient à Dieu de leur être favorable, de se déclarer l’ennemi de leurs ennemis, l’adversaire de leurs adversaires, suivant les claires expressions de la Loi.

27 Ayant pris les armes au sortir de cette prière, ils s’avancèrent hors de la ville, jusqu’à une sérieuse distance, et, quand ils furent près de l’ennemi, ils s’arrêtèrent. 28 Au moment même où se diffusait la clarté du soleil levant, ils en vinrent aux mains de part et d’autre, les uns ayant pour gage du succès et de la victoire, outre leur vaillance, le recours au Seigneur, les autres prenant leur emportement pour guide des batailles. 29 Au fort du combat, apparurent du ciel aux ennemis, sur des chevaux aux freins d’or, cinq hommes magnifiques qui se mirent à la tête des Juifs 30 et, prenant en même temps Maccabée au milieu d’eux et le couvrant de leurs armures, le gardaient invulnérable. Ils lançaient aussi des traits et la foudre sur les adversaires qui, bouleversés par l’éblouissement, se dispersaiento dans le plus grand désordre.

o « se dispersaient » plusieurs mss grecs ; « furent massacrés » grec et lat.

31 Vingt mille cinq cents fantassins et six cents cavaliers furent alors égorgés. 32 Quant à Timothée, il s’enfuit en personne dans une place très forte appelée Gazara, où Chéréas était stratège.p

p Restreint aux exploits de Judas, a ramené dans le cycle de ce héros la fameuse prise de Gézer dont la renommée persistait dans la tradition populaire. 1 M 13.43, l’attribuera avec raison à son frère Simon.

33 Pendant quatre jours,q Maccabée et les siens l’assiégèrent avec une ardeur joyeuse.

q « quatre » lat. ; « quarante » ou « vingt-quatre » grec.

34 Confiants dans la force de la place, ceux qui se trouvaient à l’intérieur proféraient d’énormes blasphèmes et lançaient des paroles impies. 35 Le cinquième jour commençant à poindre, vingt jeunes gens de la troupe de Maccabée, que les blasphèmes avaient enflammés de colère, s’élancèrent contre la muraille, animés d’un mâle courage et d’une ardeur farouche, et ils massacrèrent quiconque se présentait devant eux. 36 D’autres montaient pareillement contre les assiégés en les prenant à revers, mettaient le feu aux tours et, ayant allumé des bûchers, brûlèrent vifs les blasphémateurs. Cependant, brisant les portes, les premiers accueillirent le reste de l’armée et, à leur tête, s’emparèrent de la ville. 37 Ils égorgèrent Timothée, qui s’était caché dans une citerne, et avec lui son frère Chéréas et Apollophane. 38 Après avoir accompli ces exploits, ils bénirent avec des hymnes et des louanges le Seigneur qui accordait de si grands bienfaits à Israël et qui lui donnait la victoire.

Première campagne de Lysias.r

11 Très peu de temps après, Lysias, tuteur et parent du roi, à la tête des affaires du royaume, très affecté par les derniers événements,

r Les événements rapportés en 11.1-21 et 11.27—12.9 se situent encore en 164, du vivant d’Antiochus Épiphane. Chez Jason de Cyrène, la péricope devait suivre 8.36 (et ainsi se justifie le « très peu de temps après » du v. 1), mais pour l’abréviateur l’action se passe sous Antiochus V, cf. v. 23.

2 assembla environ quatre-vingt mille hommes de pied, avec toute sa cavalerie, et se mit en marche contre les Juifs, comptant bien faire de la Ville une résidence pour les Grecs, 3 soumettre le sanctuaire à un impôt comme les autres lieux de culte des nations et vendre tous les ans la dignité de grand prêtre, 4 ne tenant aucun compte de la puissance de Dieu, mais pleinement confiant dans ses myriades de fantassins, dans ses milliers de cavaliers et ses quatre-vingts éléphants.

5 Ayant donc pénétré en Judée, il s’approcha de Bethsour, qui est une place forte distante de Jérusalem d’environ cinq schœnes,s et la pressa vivement.

s « schœnes » mss grecs ; « stades » grec et versions (avec des chiffres variables). — Le schœne comptait 30 stades, soit environ 5 km et demi.

6 Lorsque Maccabée et les siens apprirent que Lysias assiégeait les forteresses, ils prièrent le Seigneur avec gémissements et larmes, de concert avec la foule, d’envoyer un bon ange à Israël pour le sauver. 7 Maccabée lui-même, prenant les armes le premier, exhorta les autres à s’exposer avec lui au danger pour secourir leurs frères. Ceux-là donc s’élancèrent ensemble, remplis d’ardeur ; 8 ils se trouvaient encore près de Jérusalem lorsqu’un cavalier vêtu de blanc apparut à leur tête, agitant des armes d’or. 9 Alors tous à la fois bénirent le Dieu miséricordieux et se sentirent animés d’une telle ardeur qu’ils étaient prêts à transpercer, non seulement des hommes, mais encore les bêtes les plus sauvages et des murailles de fer. 10 Ils s’avancèrent en ordre de bataille, aidés par un allié venu du ciel, le Seigneur ayant eu pitié d’eux. 11 Ils foncèrent donc à la façon des lions sur les ennemis, couchèrent sur le sol onze mille fantassins et seize cents cavaliers, et contraignirent tous les autres à fuir.

12 La plupart n’en réchappèrent que blessés et sans armes. Lysias lui-même sauva sa vie par une fuite honteuse.

Paix avec les Juifs. Quatre lettres concernant le traité.

13 Mais Lysias, qui ne manquait pas de sens, réfléchit sur le revers qu’il venait d’essuyer ; comprenant que les Hébreux étaient invincibles puisque le Dieu puissant combattait avec eux, il leur envoya une députation 14 pour les amener à un arrangement sous toutes conditions équitables, et leur promettait de contraindre le roi à devenir leur ami.t

t « de contraindre » Vet. Lat., Vulg. ; « de persuader » mss lat. ; « de persuader de contraindre » grec. — L’expression aura paru trop forte à un copiste qui l’aura remplacée en marge par « persuader », mot ensuite incorporé à plusieurs mss. — Pour l’abréviateur, le roi est Antiochus V ; c’est encore un enfant et une telle pression n’a rien d’étonnant.

15 Maccabée consentit à tout ce que proposait Lysias, n’ayant souci que du bien public. Tout ce que Maccabée transmit par écrit à Lysias au sujet des Juifs, le roi l’accorda.u

u Cet accord explique que Judas n’ait pas été autrement inquiété pendant cette année 164.

16 La lettre écrite aux Juifs par Lysias était ainsi libellée : « Lysias au peuple juif, salut. 17 Jean et Absalom,v vos émissaires, m’ayant remis l’acte transcrit ci-dessous, m’ont prié de ratifier les choses qu’il contenait.

v Ce Jean peut être l’aîné des fils de Mattathias, 1 M 2.2 ; Absalom doit être un personnage important, car deux de ses fils exerceront des commandements militaires, cf. 1 M 11.70 ; 13.11.

18 J’ai donc exposé au roiw ce qui devait lui être soumis. Quant à ce qui était possible, je l’ai accordé.

w Antiochus IV. S’il s’agissait du jeune Antiochus V, comme le croit l’abréviateur, la démarche du tout-puissant Lysias s’expliquerait moins bien.

19 Si donc vous conservez vos dispositions favorables envers les intérêts de l’État, je m’efforcerai à l’avenir de travailler à votre bien. 20 Quant aux matières de détail, j’ai donné des ordres à vos envoyés et à mes gens pour en conférer avec vous. 21 Portez-vous bien. L’an cent quarante-huit, le vingt-quatre de Dioscore. »x

x « Dioscore » lat. ; « de Jupiter corinthien » (dioscorinthios) grec. — C’est le nom d’un mois crétois, équivalent de Xanthique, cf. v. 30. On est au printemps de 164.

22 La lettre du roi contenait ce qui suit : « Le roi Antiochusy à son frère Lysias, salut.

y Ici, il s’agit d’Antiochus V, cf. v. suivant, et du rescrit accordé aux Juifs après la deuxième campagne de Lysias, cf. 13.23 ; 1 M 6.59.

23 Notre père ayant émigré vers les dieux,z et nous-même désirant que ceux de notre royaume soient à l’abri des troubles pour s’appliquer au soin de leurs propres affaires,

z Allusion à l’apothéose du souverain, qui était en usage chez les Séleucides autant que chez les Lagides.

24 ayant appris d’autre part que les Juifs ne consentent pas à l’adoption des mœurs grecques voulue par notre père, mais que, préférant leur manière de vivre particulière, ils demandent qu’on leur permette l’observation de leurs lois, 25 désirant donc que ce peuple aussi reste tranquille, nous décidons que le Temple leur soit rendu et qu’ils puissent vivre selon les coutumes de leurs ancêtres. 26 Tu feras donc bien d’envoyer quelqu’un vers eux pour leur tendre la main afin que, au fait du parti adopté par nous, ils aient confiance et vaquent joyeusement à leurs propres affaires. »

27 La lettre du roi à la nation des Juifs était ainsi conçue : « Le roi Antiochus au Sénat des Juifs et aux autres Juifs, salut. 28 Si vous allez bien, cela est conforme à nos vœux, et nous-même nous sommes en bonne santé. 29 Ménélas nous a fait connaître le désir que vous avez de retourner à vos propres demeures. 30 Tous ceux qui, jusqu’au trente Xanthique, retourneront chez eux, obtiendront l’assurance de l’impunité. 31 Les Juifs auront l’usage de leurs aliments spéciaux et de leurs lois comme auparavant. Que nul d’entre eux ne soit molesté d’aucune façon pour des fautes commises par ignorance. 32 J’envoie pareillement Ménélas pour vous tranquilliser.a

a Le rôle conféré au grand prêtre honni par les insurgés montre que le roi n’entendait pas reconnaître leur chef, Judas. Mais l’objectif religieux de la révolte, à savoir le retrait de l’édit d’abolition du culte juif, était atteint.

33 Portez-vous bien. L’an cent quarante-huit, le quinze Xanthique. »

34 Les Romains adressèrent aussi aux Juifs une lettre de cette teneur : « Quintus Memmius, Titus Manilius, Manius Sergius,b légats romains, au peuple des Juifs, salut.

b « Manilius » et « Sergius » sont restitués d’après 2 Mss grecs le reste du grec lit seulement « Titus Manius », mais ce nom formé de deux prénoms est impossible. Titus Manilius et Manius Sergius sont d’ailleurs des personnages connus. Quant à Quintus Memmius, il n’est pas lui-même connu, mais un Titus Memmius avait été légat en 170.

35 Les choses que Lysias, parent du roi, vous a accordées, nous vous les concédons aussi. 36 Quant à celles qu’il a jugé devoir soumettre au roi, envoyez-nous quelqu’un sans délai, après les avoir bien examinées, afin que nous les exposions au roi d’une façon qui vous soit avantageuse, car nous nous rendons à Antioche. 37 Aussi bien, hâtez-vous de nous expédier des gens afin que nous sachions, nous aussi, quelles sont vos intentions. 38 Portez-vous bien. L’an cent quarante-huit, le quinze de Dioscore. »c

c « Dioscore » Vet. Lat. ; « Xanthique » grec.

Affaires de Joppé et de Iamnia.

12 Ces traités conclus, Lysias revint chez le roi,d tandis que les Juifs se remettaient aux travaux des champs.

d L’abréviateur imagine le roi à Antioche (puisque pour lui il s’agit d’Antiochus V). En fait, les deux raids contre les villes maritimes ont dû suivre la première campagne de Lysias, alors qu’Antiochus IV se trouvait en Perse, cf. 6.1 ; 9.1, et ils prennent facilement place dans le courant de l’an 164.

2 Parmi les stratèges en place, Timothée et Apollonius, fils de Gennéos, et aussi Hiéronyme et Démophon, à qui s’ajoutait Nikanor le Cypriarque, ne laissaient goûter aux Juifs ni repos, ni tranquillité.

3 Les habitants de Joppé commirent un acte particulièrement impie. Ils invitèrent les Juifs domiciliés chez eux à monter avec leurs femmes et leurs enfants sur des barques qu’ils avaient préparées eux-mêmes, comme si nulle inimitié n’existait à leur égard. 4 Sur l’assurance d’un décret rendu par le peuple de la ville, les Juifs acceptèrent comme des gens désireux de la paix et sans défiance, mais quand ils furent au large, on les coula à fond au nombre d’au moins deux cents.

5 Dès que Judas eut appris la cruauté commise contre les gens de sa nation, il fit savoir ses ordres à ceux qui étaient avec lui, 6 et, après avoir invoqué Dieu, le juge équitable, il marcha contre les meurtriers de ses frères. De nuit, il incendia le port, brûla les vaisseaux et passa au fil de l’épée ceux qui y avaient cherché un refuge. 7 Mais la place ayant été fermée, il partit dans le dessein d’y revenir pour extirper toute la cité des Joppites. 8 Averti que ceux de Iamnia voulaient jouer le même tour aux Juifs qui habitaient parmi eux, 9 il attaqua de nuit les Iamnites, incendia le port avec la flotte, de telle sorte que les lueurs des flammes furent aperçues jusqu’à Jérusalem quoique distante de deux cent quarante stades.

Expédition en Galaaditide.

10 Il s’était éloigné de là de neuf stadese dans une marche contre Timothée, lorsque tombèrent sur lui des Arabes au nombre d’au moins cinq mille hommes de pied et cinq cents cavaliers.

e Ces neuf stades (moins de 2 km) ne peuvent être comptés à partir de Iamnia, mais d’un point situé en Galaatide, cf. v. 13. L’abréviateur aura mal coupé son extrait de Jason. Sur les circonstances de cette expédition de l’été 163, cf. 1 M 5.9s. — Les « Arabes » sont des Nabatéens, cf. 1 M 5.25, dont le chef serait le phylarque de 8.32.

11 Un violent combat s’étant engagé, et les soldats de Judas l’ayant emporté avec l’aide de Dieu, les nomades vaincus demandèrent à Judas de leur donner la main droite, promettant de lui livrer du bétail et de lui être utiles en tout le reste. 12 Comprenant qu’en réalité ils pourraient lui rendre beaucoup de services, Judas consentit à faire la paix avec eux et, après qu’on se fut donné la main, ils se retirèrent sous la tente.

13 Judas attaqua aussi une certaine ville forte, entourée de remparts, habitée par un mélange de nations et dont le nom était Kaspîn. 14 Confiants dans la puissance de leurs murs et leurs dépôts de vivres, les assiégés se montraient grossiers à l’excès envers Judas et les siens, joignant aux insultes les blasphèmes et des propos impies. 15 Judas et ses compagnons, ayant invoqué le grand Souverain du monde qui, sans béliers ni machines de guerre, renversa Jéricho au temps de Josué, assaillirent le mur avec férocité. 16 Devenus maîtres de la ville par la volonté de Dieu, ils firent un carnage indescriptible, au point que l’étang voisin, large de deux stades, paraissait rempli par le sang qui y avait coulé.

La bataille du Karnion.

17 Comme ils s’étaient éloignés à sept cent cinquante stades de là, ils atteignirent le Charax, chez les Juifs appelés Toubiens.f

f Le « pays de Tobie » de 1 M 5.13, c’est-à-dire l’Ammanitide gouvernée par la famille des Tobiades. On y élevait des chevaux, et un corps de cavaliers toubiens s’illustra en Idumée, v. 35. — Le Charax doit être la forteresse ou Birta de l’Ammanitide (l’actuel Araq el Emir), résidence du gouverneur.

18 Quant à Timothée, ils ne le trouvèrent point dans ces parages, car il avait quitté les lieux sans avoir rien fait, mais non sans avoir laissé sur un certain point une très forte garnison.

19 Dosithée et Sosipater, généraux du Maccabée, s’y rendirent et tuèrent les hommes laissés par Timothée dans la forteresse au nombre de plus de dix mille.

20 Maccabée, de son côté, ayant distribué ses troupes en cohortes, nomma ceux qui seraient à leur tête et s’élança contre Timothée, qui avait autour de lui cent vingt mille fantassins et deux mille cinq cents cavaliers. 21 Informé de l’approche de Judas, Timothée envoya tout d’abord les femmes, les enfants et le reste des bagages au lieu dit le Karnion,g car la place était inexpugnable et difficile d’accès à cause des passes étroites de toute la contrée.

g Site du sanctuaire de l’Astarté aux cornes, cf. 1 M 5.43. — Les « passes étroites » doivent être simplement le lit du torrent mentionné en 1 M 5.37 (le Nahr el-Ehreir, affluent du Yarmuk) ; ce n’est que plus au sud que le terrain devient accidenté, mais l’auteur veut souligner les qualités militaires de la cohorte de Judas et l’effet de terreur qu’elle produit.

22 La cohorte de Judas parut la première : l’épouvante s’étant emparée de l’ennemi, ainsi que la crainte que leur inspirait la manifestation de Celui qui voit tout, ils prirent la fuite en tous sens, de telle sorte que souvent ils se blessaient entre eux et se transperçaient de leurs propres épées. 23 Judas les poursuivit avec une vigueur extrême, embrochant ces criminels dont il fit périr jusqu’à trente mille hommes. 24 Timothée, étant tombé lui-même aux mains des gens de Dosithée et de Sosipater, les conjura avec beaucoup d’artifice de le laisser aller sain et sauf, affirmant qu’il avait en son pouvoir des parents et même des frères de beaucoup d’entre eux, à qui il pourrait arriver d’être supprimés. 25 Quand il les eut persuadés par de longs discours qu’il leur restituerait ces hommes sains et saufs en vertu de l’engagement qu’il prenait, ils le relâchèrent pour sauver leurs frères.

26 S’étant rendu au Karnion et à l’Atargatéion,h Judas égorgea vingt-cinq mille hommes.

h Sanctuaire d’Atargatis, la grande déesse syrienne identifiée à l’Astarté locale.

Retour par Éphrôn et Scythopolis.

27 Après leur désastre (et leur perte), il conduisit son armée contre Éphrôn, ville forte où habitait Lysanias.i De robustes jeunes gens, rangés devant les murailles, combattaient avec vigueur, et, à l’intérieur, il y avait des quantités de machines et de projectiles en réserve.

i « où habitait Lysanias » mss lat. (d’autres mss ont « Lysias ») ; « où habitaient des troupes de toutes races » grec, Vulg. ; « où habitaient Lysias et des troupes de toutes races » grec luc., mss lat. et syr. — Même s’il faut préférer la leçon « Lysias », il ne peut s’agir du stratège de Cœlé-Syrie, qui devait résider à Tyr, mais simplement d’un dynaste local. Le nom était courant.

28 Mais, ayant invoqué le Souverain qui brise par sa puissance les forces des ennemis, les Juifs se rendirent maîtres de la ville et couchèrent sur le sol, parmi ceux qui s’y trouvaient, environ vingt-cinq mille hommes.

29 Partis de là, ils foncèrent sur Scythopolis,j à six cents stades de Jérusalem.

j Nom grec de la ville de Bethsân, 1 M 5.52 (Bet-Sheân en hébreu).

30 Mais les Juifs qui s’y étaient fixés, ayant attesté que les Scythopolites avaient eu pour eux de la bienveillance et leur avaient réservé un accueil humain au temps du malheur, 31 Judas et les siens remercièrent ces derniers et les engagèrent à se montrer encore à l’avenir bien disposés pour leur race.
Ils arrivèrent à Jérusalem très peu avant la fête des Semaines.

Campagne contre Gorgias.

32 Après la fête appelée Pentecôte, ils foncèrent contre Gorgias, stratège de l’Idumée. 33 Celui-ci sortit à la tête de trois mille fantassins et quatre cents cavaliers, 34 qui engagèrent une bataille rangée où il arriva qu’un certain nombre de Juifs succombèrent.

35 Le dénommé Dosithée, cavalier du corps des Toubiens, homme vaillant, se rendit maître de la personne de Gorgias et, l’ayant saisi par la chlamyde,k il l’entraînait de force en vue de capturer vivant ce maudit, mais un cavalier thrace, se jetant sur Dosithée, lui trancha l’épaule, et Gorgias s’enfuit à Marisa.

k La pèlerine courte des cavaliers. — « du corps des Toubiens » mss lat., syr. ; « de ceux de Bakénor » grec, Vulg., mais un tel nom propre n’existe pas.

36 Cependant ceux qui se trouvaient avec Esdrias combattaient depuis longtemps et tombaient d’épuisement. Judas supplia le Seigneur de se montrer leur allié et leur guide dans le combat. 37 Entonnant ensuite à pleine voix dans la langue des pères le cri de guerre avec des hymnes,l il mit en déroute les gens de Gorgias.

l Les hymnes, même guerriers, avaient un caractère liturgique et devaient être en hébreu.

Le sacrifice pour les morts.m

38 Judas, ayant ensuite rallié son armée, se rendit à la ville d’Odollamn et, le septième jour de la semaine survenant, ils se purifièrent selon la coutume et célébrèrent le sabbat en ce lieu.

m Même allégé de ses gloses, cf. v. 45, ce texte exprime la conviction que la prière et le sacrifice expiatoire sont efficaces pour la rémission des péchés des défunts. C’est la première attestation de cette croyance. Cependant, un sacrifice comme celui que faisait faire Judas pouvait n’avoir d’autre but que la purification de la communauté, tout entière souillée par le crime de quelques-uns, cf. Jos 7, et il se peut que ce soit l’auteur qui, quarante ans plus tard, ait prêté à son héros sa propre conviction. Quoi qu’il en soit, elle marque une nouvelle et importante étape dans la théologie juive.

n C’est Adullam, ville célèbre du Bas-Pays, Jos 12.15, cf. 1 S 22.1 ; 2 Ch 11.17, etc.

39 Le jour suivant, on vint trouver Judaso (au temps où la nécessité s’en imposait) pour relever les corps de ceux qui avaient succombé et les inhumer avec leurs proches dans le tombeau de leurs pères.

o « on vint trouver Judas » grec luc., Vet. Lat., syr. ; « ceux qui étaient avec Judas vinrent » grec, Vulg.

40 Or ils trouvèrent sous la tunique de chacun des morts des objets consacrés aux idoles de Iamniap et que la Loi interdit aux Juifs. Il fut donc évident pour tous que cela avait été la cause de leur mort.

p C’est-à-dire des amulettes ou des objets offerts aux divinités païennes, et qui auraient dû être brûlés, cf. Dt 7.25s.

41 Tous donc, ayant béni la conduite du Seigneur, juge équitable qui rend manifestes les choses cachées, 42 se mirent en prière pour demander que le péché commis fût entièrement pardonné, puis le valeureux Judas exhorta la troupe à se garder pure de tout péché, ayant sous les yeux ce qui était arrivé à cause de la faute de ceux qui étaient tombés.

43 Puis, ayant fait une collecte d’environ deux mille drachmes, il l’envoya à Jérusalem afin qu’on offrît un sacrifice pour le péché, agissant fort bien et noblement d’après le concept de la résurrection. 44 Car, s’il n’avait pas espéré que les soldats tombés dussent ressusciter, il était superflu et sot de prier pour les morts, 45 et s’il envisageait qu’une très belle récompense est réservée à ceux qui s’endorment dans la piété, c’était là une pensée sainte et pieuse.q Voilà pourquoi il fit faire ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu’ils fussent délivrés de leur péché.

q Le texte actuel, tel qu’il nous est transmis par le grec et la plupart des versions, représente une harmonisation du texte primitif avec les deux gloses qui l’ont surchargé (l’une sadducéenne, cf. Mt 22.23, l’autre pharisienne). Ce texte nous est conservé dans le principal ms de la Vet. Lat. « parce qu’il espérait que ceux qui étaient tombés ressusciteraient (il est superflu et vain de prier pour les morts), considérant que pour ceux qui se sont endormis avec piété est réservée une très belle récompense (sainte et salutaire pensée). »

Campagne d’Antiochus V et de Lysias. Supplice de Ménélas.

13 L’an cent quarante-neuf,r la nouvelle parvint à Judas qu’Antiochus Eupator marchait sur la Judée avec une troupe nombreuse

r Du calendrier séleucide, mais en comptant à partir du printemps (de 311). On est en automne 163.

2 et accompagné de son tuteur Lysias, qui était à la tête des affaires ; il avait une armée grecque de cent dix mille fantassins, cinq mille trois cents cavaliers, vingt-deux éléphants et trois cents chars armés de faux.

3 Ménélas se joignit à eux et se mit à circonvenir Antiochus avec beaucoup d’astuce, non pour le salut de sa patrie, mais avec l’espoir d’être rétabli dans sa dignité. 4 Mais le Roi des rois éveilla contre ce scélérat la colère d’Antiochus et, Lysias ayant démontré au roi que Ménélas était la cause de tous les maux, Antiochus ordonna de le conduire à Bérée et de l’y faire périr suivant la coutume du lieu.s

s Le grand prêtre Ménélas, qui avait regagné Jérusalem, cf. 11.32, n’a sans doute pas pu s’y maintenir, mais son supplice doit plutôt se situer après la prise de Jérusalem par Antiochus, comme nous le dit Josèphe (Antiquités Judaïques). — Bérée est le nom de la ville macédonienne, Ac 17.10, donné à Alep par Séleucus Ier.

5 Il y a en ce lieu une tour de cinquante coudées, pleine de cendre, munie d’un dispositif circulaire qui, de tout autour, faisait tomber dans la cendre.

6 C’est là qu’on fait monter l’homme coupable de pillage, sacrilège ou de quelques autres forfaits énormes et qu’on le précipite pour le faire périr.t

t « on fait monter » arantes conj. ; « tous » apantes grec, versions. — « on précipite » proôthousin conj. d’après lat. ; « poussent vers » (?) prosôthousin grec. — Le supplice de la cendre est attesté chez les Perses ; il prend ici l’allure d’une application du talion, v. 8 ; cf. 4.26 ; 9.5-6.

7 Tel fut le supplice dont mourut le prévaricateur, et Ménélas ne fut même pas enterré,

8 et cela en toute justice, car il avait commis beaucoup de péchés contre l’autel dont le feu et la cendre étaient purs, et c’est dans la cendre qu’il trouva la mort.

Prières et succès des Juifs près de Modîn.

9 Le roi s’avançait donc, l’esprit hanté de desseins barbares, pour faire voir aux Juifs des choses pires que celles qui leur étaient advenues sous son père.

10 Judas, l’ayant appris, prescrivit au peuple d’invoquer le Seigneur jour et nuit pour que, cette fois encore, il vînt au secours de ceux qui allaient être privés de la Loi, de la patrie et du sanctuaire sacré, 11 et qu’il ne laissât pas ce peuple, qui commençait seulement à reprendre haleine, tomber au pouvoir des nations de triste renom. 12 Lorsqu’ils eurent tous exécuté cet ordre avec ensemble et imploré le Seigneur miséricordieux avec des larmes et des jeûnes, prosternés pendant trois jours continus, Judas les encouragea et leur enjoignit de se tenir prêts. 13 Après un entretien particulier avec les Anciens, il résolut de ne pas attendre que l’armée royale envahît la Judée et devînt maîtresse de la ville, mais de se mettre en marche et de décider de toute l’affaire avec l’assistance du Seigneur.

14 Ayant donc remis la décision au Créateur du monde, exhorté ensuite ses compagnons à combattre généreusement jusqu’à la mort, pour les lois, pour le sanctuaire, la ville, la patrie et les institutions, il fit camper son armée aux environs de Modîn. 15 Quand il eut donné aux siens comme mot d’ordre : « Victoire de Dieu ! », il attaqua avec une élite de jeunes braves la tente du roi pendant la nuit. Parmi les hommes campés, il en tua environ deux mille et ses gens transpercèrent le plus grand des éléphants avec son cornac ; 16 ils remplirent finalement le camp d’épouvante et de confusion et se retirèrent avec un plein succès, 17 alors que déjà le jour commençait à poindre. Et cela se fit grâce à la protection dont le Seigneur couvrait Judas.

Antiochus V traite avec les Juifs.

18 Le roi, ayant tâté de la hardiesse des Juifs, essaya d’attaquer les places au moyen d’artifices. 19 Il s’approcha de Bethsour, forteresse puissante des Juifs, mais il était repoussé, mis en échec, vaincu.

20 Judas fit passer aux assiégés ce qui leur était nécessaire, 21 mais Rodokos, de l’armée juive, dévoilait les secrets aux ennemis : il fut recherché, arrêté et exécuté. 22 Pour la seconde fois, le roi parlementa avec ceux de Bethsour ; il leur tendit la main, prit la leur, se retira, attaqua Judas et ses hommes et eut le dessous. 23 Il apprit que Philippe, laissé à la tête des affaires, avait fait un coup de tête à Antioche. Bouleversé, il donna aux Juifs de bonnes paroles, composa avec eux et leur jura de garder toutes les conditions justes. Après cette réconciliation, il offrit un sacrifice, honora le Temple et fut généreux envers le lieu saint.u

u Le récit de 1 M est moins optimiste, mais insiste sur la liberté religieuse rendue aux Juifs, 6.59, qui n’est pas spécifiée ici l’auteur de ne semble pas avoir vu la relation entre le rescrit d’Antiochus V, 11.22s, et cette seconde campagne de Lysias.

24 Il fit bon accueil à Maccabée et laissa Hégémonide stratège depuis Ptolémaïs jusqu’au pays des Gerréniens.v

v C’est donc le début (encore officieux) des Asmonéens, puisque Judas est reconnu de facto et que seule la région côtière reçoit un gouverneur.

25 Il se rendit à Ptolémaïs, mais les habitants de cette ville, n’agréant pas ce traité, s’en indignaient fort et voulurent en violer les conventions.w

w « s’en indignaient fort et voulurent » Vet. Lat. ; grec corrompu.

26 Alors Lysias monta à la tribune, défendit de son mieux ces conventions, persuada les esprits, les calma, les amena à la bienveillance et partit pour Antioche.
Il en alla ainsi de l’offensive et de la retraite du roi.

VII. Lutte contre Nikanor, général de Démétrius Ier.
  Le jour de Nikanor

Intervention du grand prêtre Alkime.

14 Après un intervalle de trois ans,x Judas et ses compagnons apprirent que Démétrius, fils de Séleucus, ayant abordé au port de Tripoli avec une forte armée et une flotte,

x À partir de 149 séleucide. C’est le printemps de 161.

2 s’était emparé du pays et avait fait périr Antiochus et son tuteur Lysias. 3 Un certain Alkime, précédemment devenu grand prêtre, mais qui s’était volontairement souilléy au temps de la révolte, comprenant qu’il n’y avait pour lui de salut en aucune façon, ni désormais d’accès possible au saint autel,

y C’est-à-dire qu’il avait accepté l’hellénisme.

4 vint trouver le roi Démétrius vers l’an cent cinquante et un, et lui offrit une couronne d’or avec une palme et, de plus, des rameaux d’olivier dus selon l’usage par le Temple ; et, ce jour-là, il ne fit rien de plus.

5 Mais il trouva une occasion complice de sa démence quand, l’ayant appelé dans son conseil, Démétrius l’interrogea sur les dispositions et les desseins des Juifs. Il répondit : 6 « Ceux des Juifs qu’on appelle Assidéens, dont Judas Maccabée a pris la direction, fomentent la guerre et les séditions, ne laissant pas le royaume jouir du calme. 7 C’est pourquoi, ayant été dépouillé de ma dignité héréditaire, je veux dire du souverain pontificat, je suis venu ici, 8 d’abord avec le souci sincère des intérêts du roi, ensuite en considération de nos concitoyens, car la déraison de ceux que j’ai nommés plonge toute notre race dans une grande infortune. 9 Toi donc, ô roi, quand tu auras pris connaissance de chacun de ces griefs, daigne pourvoir au salut de notre pays et de notre nation menacée de toutes parts, suivant cette bienfaisance affable que tu témoignes à tout le monde, 10 car tant que Judas sera en vie, il sera impossible à l’État de goûter la paix. »

11 Dès qu’il eut parlé de la sorte, les autres amis du roi, hostiles à l’action de Judas, s’empressèrent d’enflammer Démétrius. 12 Ayant aussitôt fixé son choix sur Nikanor, qui était devenu éléphantarque, il le promut stratège de Judéez et le fit partir

z « stratège », c’est-à-dire ici gouverneur, pour retirer au grand prêtre Alkime tout pouvoir politique.

13 avec l’ordre de faire périr Judas, de disperser ceux qui étaient avec lui et d’introniser Alkime grand prêtre du plus grand des sanctuaires. 14 Quant aux païens de Judée, qui avaient fui devant Judas, ils se rassemblèrent par troupes autour de Nikanor, pensant bien que l’infortune et le malheur des Juifs tourneraient à leur propre avantage.

Nikanor fait amitié avec Judas.

15 Informés de l’arrivée de Nikanor et de l’agression des païens, les Juifs répandirent sur eux de la poussière et implorèrent Celui qui avait constitué son peuple pour l’éternité et qui ne manquait jamais de secourir son propre héritage avec des signes manifestes. 16 Sur l’ordre de leur chef, ils partirent aussitôt du lieu où ils se trouvaient et en vinrent aux mains avec eux au bourg de Dessau.a

a Cette affaire de Dessau (Adasa, cf. 1 M 7.40) est peut-être identique à l’affaire de Chapharsalama qui est tout proche, 1 M 7.31.

17 Simon, frère de Judas, avait engagé le combat avec Nikanor, mais à cause de l’arrivée subite des adversaires, il avait subi un léger échec.b

b V. mal transmis. On peut aussi comprendre « mais sur le tard, il avait été bousculé par un mouvement inopiné de l’adversaire » ou « mais sur le moment, il avait été terrifié par l’apparition inopinée de l’adversaire ».

18 Toutefois, apprenant quelle était la valeur de Judas et de ses compagnons, leur assurance dans les combats livrés pour la patrie, Nikanor craignit de s’en remettre au jugement par le sang. 19 Aussi envoya-t-il Posidonius, Théodote et Mattathias pour tendre la main aux Juifs et recevoir la leur.

20 Après un examen approfondi des propositions, le chef les communiqua aux troupes, et, les avis ayant été unanimes, elles manifestèrent leur assentiment au traité. 21 On fixa un jour où les chefs s’aboucheraient en particulier. De part et d’autre s’avança un véhicule ; on plaça des sièges d’honneur. 22 Judas avait aposté aux endroits favorables des gens en armes, prêts à intervenir en cas de perfidie soudaine de la part des ennemis. Dans leur entretien ils se mirent d’accord. 23 Nikanor séjourna à Jérusalem sans y rien faire de déplacé. Au contraire, il renvoya ces foules qui, par bandes, s’étaient groupées autour de lui.

24 Il avait sans cesse Judas devant les yeux, éprouvant pour cet homme une inclination de cœur. 25 Il l’engagea à se marier et à avoir des enfants. Judas se maria, goûta la tranquillité, jouit de la vie.c

c Ce portrait nuancé du caractère de Judas et de Nikanor ne se retrouve pas chez l’auteur de 1 M, qui préfère opposer vigoureusement le héros juif au païen impie, 7.42.

Alkime rallume les hostilités et Nikanor menace le Temple.

26 Alkime, voyant leur bonne entente, et s’étant procuré une copie du traité conclu, s’en vint chez Démétrius et lui dit que Nikanor avait des idées contraires aux intérêts de l’État, car l’adversaire même de son royaume, Judas, il l’avait promu diadoque. 27 Le roi entra en fureur et, excité par les calomnies de ce misérable, il écrivit à Nikanor, lui déclarant qu’il éprouvait un grand déplaisir de ces conventions et lui donnant l’ordre d’envoyer sans retard à Antioche le Maccabée chargé de chaînes.

28 Au reçu de ces lignes, Nikanor fut bouleversé, car il lui en coûtait de violer les conventions avec un homme qui n’avait commis aucune injustice. 29 Mais comme il n’était pas facile de s’opposer au roi, il épiait une occasion favorabled pour accomplir cet ordre au moyen d’un stratagème.

d Littéralement « (de s’opposer au roi) il n’était pas facile, une occasion favorable (il épiait) » ouk èn eucheros, kairon conj. ; « il n’était pas, une bonne occasion » (?) ouk èn, eukairon grec, mais ce mot n’est pas attesté.

30 De son côté, Maccabée, remarquant que Nikanor se comportait plus sèchement à son égard et que son abord ordinaire se faisait plus rude, pensa qu’une telle sévérité ne présageait rien de très bon. Il rassembla donc un grand nombre de ses partisans et se déroba à Nikanor. 31 Quand l’autre reconnut qu’il avait été joué de belle manière par cet homme, il se rendit au Sanctuaire très grand et saint, pendant que les prêtres offraient les sacrifices accoutumés, et commanda de lui livrer cet homme. 32 Comme ils assuraient avec serment qu’ils ne savaient où était l’homme qu’il cherchait, 33 Nikanor leva la main droite vers le Temple et affirma avec serment : « Si vous ne me livrez pas Judas enchaîné, je raserai cette demeure de Dieu, je détruirai l’autel et, au même endroit, j’élèverai à Dionysos un sanctuaire splendide. » 34 Sur de telles paroles, il se retira. Mais les prêtres, de leur côté, tendirent les mains vers le ciel, implorant en ces termes Celui qui a toujours combattu pour notre nation : 35 « Ô toi Seigneur, qui n’as besoin de rien, il t’a plu que le Temple où tu habites se trouve au milieu de nous. 36 Maintenant donc, Seigneur saint de toute sainteté, préserve pour jamais de toute profanation cette Maison qui vient d’être purifiée. »

Mort de Razis.e

37 On dénonça alors à Nikanor un des anciens de Jérusalem nommé Razis, homme zélé pour ses concitoyens, jouissant d’un excellent renom et qu’on appelait Père des Juifs à cause de son affection pour eux.

e Le style de cet épisode, qui est absent de 1 M, rappelle celui des sept frères et d’Éléazar, et comme lui aura été emprunté sans grand changement à Jason de Cyrène.

38 Inculpé de Judaïsme dans les premiers temps de la révolte, il avait exposé avec toute la constance possible son corps et sa vie pour le Judaïsme. 39 En vue de montrer la malveillance qu’il nourrissait à l’égard des Juifs, Nikanor envoya plus de cinq cents soldats pour l’arrêter, 40 car il ne doutait pas que faire disparaître cet homme ne fût un grand coup porté aux Juifs. 41 Comme ces troupes étaient sur le point de s’emparer de la tour et forçaient le porche, l’ordre étant donné de mettre le feu et de brûler les portes, Razis, cerné de toutes parts, dirigea son épée contre lui-même ; 42 il choisit noblement de mourir plutôt que de tomber entre des mains criminelles et de subir des outrages indignes de sa noblesse. 43 Son coup ayant manqué le bon endroit, dans la hâte du combat, et les troupes se ruant à l’intérieur des portes, il courut allègrement en haut de la muraille et se précipita avec intrépidité sur la foule. 44 Tous s’étant reculés aussitôt, il s’en vint choir au milieu de l’espace vide. 45 Respirant encore, et enflammé d’ardeur, il se releva tout ruisselant de sang et, malgré de très douloureuses blessures, il traversa la foule en courant. Enfin, debout sur une roche escarpée, 46 et déjà tout à fait exsangue, il s’arracha les entrailles et, les prenant à deux mains, il les projeta sur la foule, priant le maître de la vie et de l’esprit de les lui rendre un jour. Ce fut ainsi qu’il mourut.f

f Le suicide est rare dans la Bible et ne se rencontre guère que dans des situations morales extrêmes, cf. 2 S 17.23. Il n’est pas l’objet d’une condamnation formelle.

Blasphèmes de Nikanor.

15 Apprenant que Judas et les siens étaient dans les parages de Samarie, Nikanor prit le parti de les attaquer sans risque, le jour du repos. 2 Les Juifs qui le suivaient par contrainte lui dirent : « Ne va pas les faire périr d’une façon si sauvage et si barbare, mais rends gloire au jour que Celui qui veille sur toutes choses a sanctifié de préférence. » 3 Alors ce triple scélérat demanda s’il y avait au ciel un souverain qui eût prescrit de célébrer le jour du sabbat. 4 Comme ceux-ci lui répliquaient : « C’est le Seigneur vivant lui-même, souverain au ciel, qui a ordonné d’observer le septième jour », 5 l’autre reprit : « Et moi aussi je suis souverain sur terre : je commande qu’on prenne les armes et qu’on fasse le service du roi. » Toutefois, il ne fut pas maître de réaliser son funeste dessein.

Exhortation et songe de Judas.

6 Tandis que Nikanor, se redressant avec une extrême jactance, décidait d’ériger un trophée commung avec les dépouilles de Judas et de ses compagnons,

g Par « trophée commun » on désigne un tas de pierres autour duquel on entassait les armures des ennemis tombés sur le champ de bataille.

7 Maccabée, de son côté, gardant une confiance inaltérable, avait plein espoir d’obtenir du secours de la part du Seigneur. 8 Il engageait ceux qui se trouvaient avec lui à ne pas redouter l’attaque des païens, mais, au souvenir des secours qui étaient déjà venus du Ciel, à compter qu’en ce moment aussi, du Tout-Puissant leur viendrait la victoire. 9 En les encourageant à l’aide de la Loi et des Prophètes,h en évoquant à leur esprit les combats qu’ils avaient déjà soutenus, il les remplit d’une nouvelle ardeur.

h À ces deux groupes primordiaux (cf. Lc 24.27), le traducteur de l’Ecclésiastique, peu d’années après, ajoutera « les autres livres » des ancêtres, dont certains étaient sans doute considérés comme « livres saints » dès le temps des Maccabées, cf. 1 M 12.9.

10 Ayant ainsi réveillé leur ardeur, il acheva de les exhorter en leur montrant la déloyauté des païens et la violation de leurs serments.

11 Ayant armé chacun d’eux moins de la sécurité que donnent les boucliers et les lances que de l’assurance fondée sur les bonnes paroles, il leur raconta un songe digne de foi, une sorte de vision,i qui les réjouit tous.

i « une sorte de vision » hupar ti grec luc. ; « au sujet de » huper ti grec, versions (mais le ti est inexplicable).

12 Voici le spectacle qui lui avait été offert : l’ex-grand prêtre Onias, cet homme de bien, d’un abord modeste et de mœurs douces, distingué dans son langage et adonné dès l’enfance à toutes les pratiques de la vertu, Onias étendait les mains et priait pour toute la communauté des Juifs.j

j Onias poursuit le rôle d’intercesseur qu’il avait déjà joué de son vivant, 3.10s ; 4.5.

13 Ensuite était apparu à Judas, de la même manière, un homme remarquable par ses cheveux blancs et par sa dignité, revêtu d’une prodigieuse et souveraine majesté. 14 Prenant la parole, Onias disait : « Celui-ci est l’ami de ses frères, qui prie beaucoup pour le peuple et pour la ville sainte tout entière, Jérémie, le prophète de Dieu. »k

k Jérémie, qui a durement souffert pour son peuple, cf. 11.19, 21 ; 14.15 ; 18.18s ; 20.1-2 ; 26, en est l’intercesseur tout indiqué. Ce rôle conféré à Jérémie et à Onias est la première attestation d’une croyance en une prière des justes défunts pour les vivants. Elle est liée à celle en la résurrection, cf. 6-7 ; Ps 16.10 ; 49.16.

15 Puis Jérémie, avançant la main droite, donnait à Judas une épée d’or et prononçait ces paroles en la lui remettant : 16 « Prends ce glaive saint, il est un don de Dieu, avec lui tu briseras les ennemis. »

Dispositions des combattants.

17 Excités par les excellentes paroles de Judas, capables d’inspirer de la vaillance et de donner aux jeunes une âme d’homme fait, les Juifs décidèrent de ne pas se retrancher dans un camp, mais de prendre bravement l’offensive et, dans un corps à corps, de remettre la décision à la fortune des armes,l puisque la ville, la religion et le Sanctuaire étaient en péril,

l « de ne pas se retrancher dans un camp » grec luc. ; « de ne pas combattre » grec. — « à la fortune des armes », litt. « à la bonne fortune » 1 Ms grec, Vet. Lat. ; « avec tout leur courage » grec (sauf grec luc. qui additionne les deux leçons).

18 car l’inquiétude au sujet des femmes, des enfants, des frères et des proches se réduisait à peu de chose, tandis que la plus grande et la première des craintes était pour le Temple consacré. 19 L’angoisse de ceux qui avaient été laissés dans la ville n’était pas moindre, inquiets qu’ils étaient au sujet de l’action qui allait se livrer en rase campagne. 20 Pendant que tous attendaient le prochain dénouement et que déjà les ennemis, ayant opéré leur concentration, se rangeaient en ordre de bataille, les éléphants étant ramenés sur une position favorable et la cavalerie rangée sur les ailes,m

m Cf. 1 M 6.35, et pour la cavalerie sur les flancs, 6.38. Le récit parallèle de 1 M ne nomme pas les éléphants, mais il précise le champ de bataille Adasa, 7.40, 45.

21 Maccabée observait les troupes présentes, l’appareil varié de leur armement et l’aspect farouche des éléphants. Il leva les mains vers le ciel et invoqua le Seigneur qui opère les prodiges, sachant bien que ce n’est pas à l’aide des armes, mais selon ce qu’il juge, qu’il accorde la victoire à ceux qui en sont dignes. 22 Il prononça en ces termes l’invocation suivante : « Ô toi, Maître, tu as envoyé ton ange sous Ézéchias, roi de la Judée, et il a exterminé cent quatre-vingtcinq mille hommes de l’armée de Sennachérib ; 23 maintenant encore, ô Souverain des cieux, envoie un bon ange devant nous pour semer la crainte et l’effroi. 24 Que par la grandeur de ton bras soient frappés ceux qui sont venus, le blasphème à la bouche, attaquer ton peuple saint ! » Et il termina sur ces mots.

Défaite et mort de Nikanor.

25 Or, tandis que les gens de Nikanor s’avançaient au son des trompettes et au chant du péan, 26 les hommes de Judas en vinrent aux mains avec l’ennemi en faisant des invocations et des prières. 27 Combattant de leurs mains et priant Dieu de leur cœur, ils couchèrent sur le sol au moins trente-cinq mille hommes, et se réjouirent grandement de cette manifestation de Dieu. 28 La besogne une fois terminée, et comme ils s’en retournaient avec joie, ils reconnurent que Nikanor était tombé revêtu de son armure.

29 Alors, au milieu des clameurs et de la confusion, ils bénissaient le souverain Maître dans la langue de leurs pères. 30 Celui qui au premier rangn s’était consacré, corps et âme, à ses concitoyens, qui avait conservé pour ses compatriotes l’affection du jeune âge, ordonna de couper la tête de Nikanor et son bras jusqu’à l’épaule, et de les porter à Jérusalem.

n Cf. 1 M 9.11 (le mot ne se retrouve pas ailleurs dans la Bible). Étant donné la culture hellénique de notre auteur, il est probable qu’il a en vue le seul sens attesté en grec, à savoir « premier rôle » (au théâtre) et qu’il emploie le mot pour faire image.

31 Il s’y rendit lui-même et, après avoir convoqué ses compatriotes et placé les prêtres devant l’autel, il envoya chercher les gens de la Citadelle : 32 il leur montra la tête de l’abominable Nikanor et la main que cet infâme avait étendue avec tant d’insolence contre la sainte Maison du Tout-Puissant. 33 Puis, ayant coupé la langue de l’impie Nikanor, il dit qu’on la donnât par morceaux aux oiseaux et qu’on suspendît en face du Temple le salaire de sa folie.o

o « le salaire », ta epicheira , signifie également « le bras » et fait jeu de mot avec « la main », cheir , v. 32.

34 Tous alors firent monter vers le ciel des bénédictions au Seigneur glorieux, en ces termes : « Béni soit Celui qui a gardé son saint lieu exempt de souillure ! »

35 Judas attacha la tête de Nikanor à la Citadelle,p comme un signe manifeste et visible à tous du secours du Seigneur.

p C’est peu probable puisque l’Akra ne fut débarrassée des Syriens que neuf ans plus tard, 1 M 13.51. On a comparé cet anachronisme à celui de 1 S 17.54. Ici aussi, il pourrait s’agir d’une addition, car l’auteur a déjà mentionné l’exposition des restes de Nikanor, v. 33.

36 Ils décrétèrent tous par un vote public de ne pas laisser passer ce jour inaperçu, mais de célébrer le treizième jour du douzième mois, appelé Adar en araméen,q la veille du jour dit de Mardochée.r

q Littéralement « en langue syriaque », mot qui dans les LXX traduit « en araméen » de 2 R 18.26 ; Esd 4.7 ; Dn 2.4.

r Ce « jour de Mardochée » sera identifié à la fête des Purim, cf. Est 9. Mais vers 124 av. J.-C., ils semblent encore distingués. — Le « Rouleau du jeûne » (Ie s. ap. J.-C.) cite le « jour de Nikanor » parmi ceux où il ne faut pas jeûner.