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Bible de Jérusalem

2 Maccabées 5-6

Seconde campagne d’Égypte.

5 Vers ce temps-là Antiochus préparait sa seconde attaque contre l’Égypte.q

q Selon l’auteur de 2 M, l’intervention violente d’Antiochus IV, cf. 5.11s, aurait été provoquée par une sédition à Jérusalem, vv. 5s, et il place le fait pendant la seconde expédition d’Égypte en 168. L’ordre de 1 M est préférable pillage du Temple après la première expédition en 169, 1 M 1.16-24 ; sédition au cours de l’été 169, réprimée en 167 par le Mysarque Apollonius, 1 M 1.29-35 ; cf. 5.24-26.

2 Il arriva que dans toute la ville, pendant près de quarante jours, apparurent, courant dans les airs, des cavaliers vêtus de robes brodées d’or, des troupes armées disposées en cohortes, 3 des escadrons de cavalerie rangés en ordre de bataille, des attaques et des charges conduites de part et d’autre, des boucliers agités, des forêts de piques, des épées tirées hors du fourreau, des traits volants, un éclat fulgurant d’armures d’or et des cuirasses de tout modèle. 4 Aussi tous priaient pour que cette apparition fût de bon augure.r

r L’auteur aime à rapporter ces apparitions célestes, qu’il utilise comme un procédé littéraire, 3.25 ; 10.29-30 ; 11.8, et qu’il a annoncées dans sa préface, 2.21. Cf. une apparition analogue avant la ruine du Temple en 70, rapportée par Josèphe dans sa Guerre Juive .

Agression de Jason et répression d’Épiphane.

5 Or, sur un faux bruit de la mort d’Antiochus, Jason, ne prenant avec lui pas moins d’un millier d’hommes, dirigea à l’improviste une attaque contre la ville. La muraille forcée et la ville finalement prise, Ménélas se réfugia dans l’acropole.

6 Jason se livra sans pitié au massacre de ses propres concitoyens, sans penser qu’un succès remporté sur ses frères de race était le plus grand des insuccès, croyant remporter des trophées sur des ennemis et non sur des compatriotes. 7 D’un côté, il ne réussit pas à s’emparer du pouvoir et, de l’autre, ses machinations ayant tourné à sa honte, il s’en alla chercher de nouveau un refuge en Ammanitide. 8 Sa conduite perverse trouva donc un terme : enfermé chez Arétas, tyran des Arabes, puis s’enfuyant de sa ville,s poursuivi par tous, détesté parce qu’il reniait les lois, exécré comme le bourreau de sa patrie et de ses concitoyens, il échoua en Égypte.

s « de sa ville », litt. « de la ville » (c’est Pétra, la capitale) Vet. Lat. ; « de ville en ville » grec. — Il s’agit d’Arétas Ier, roi des Nabatéens, cf. 1 M 5.25.

9 Lui qui avait banni un grand nombre de personnes de leur patrie, il périt sur la terre étrangère, étant parti pour Lacédémone dans l’espoir d’y trouver un refuge en considération d’une commune origine. 10 Lui qui avait jeté tant d’hommes sur le sol sans sépulture, nul ne le pleura et ne lui rendit les derniers devoirs ; il n’eut aucune place dans le tombeau de ses pères.

11 Lorsque ces faits furent arrivés à la connaissance du roi, celui-ci en conclut que la Judée faisait défection. Il quitta donc l’Égypte, furieux comme une bête sauvage, et prit la ville à main armée. 12 Il ordonna ensuite aux soldats d’abattre sans pitié ceux qu’ils rencontreraient et d’égorger ceux qui monteraient dans leurs maisons. 13 On extermina jeunes et vieux, on supprima femmes et enfants, on égorgea jeunes filles et nourrissons. 14 Il y eut quatre-vingt mille victimes en ces trois jours, dont quarante mille tombèrent sous les coups et autant furent vendus comme esclaves.

Pillage du Temple.

15 Non content de cela, il osa pénétrer dans le sanctuaire le plus saint de toute la terre, avec pour guide Ménélas, qui en était venu à trahir les lois et la patrie.

16 Il prit de ses mains impures les vases sacrés et rafla de ses mains profanes les offrandes que les autres rois y avaient déposées pour l’accroissement, la gloire et la dignité du saint lieu.

17 Antiochus s’exaltait en pensée, ne voyant pas que le Seigneur était irrité pour peu de temps à cause des péchés des habitants de la ville — d’où venait cette indifférence envers le lieu saint. 18 En tout cas, s’ils n’avaient pas été plongés dans une multitude de péchés, lui aussi, à l’instar d’Héliodore envoyé par le roi Séleucus pour inspecter le trésor, il aurait été, dès son arrivée, flagellé et détourné de sa témérité. 19 Mais le Seigneur a choisi non pas le peuple à cause du lieu saint, mais le lieu à cause du peuple.t

t Dieu n’est pas esclave des institutions judaïques, cf. Jr 7.14 ; Mc 2.27. Cette affirmation de la primauté du peuple élu sur les institutions où il prend corps est un présage de l’Évangile.

20 C’est pourquoi le lieu lui-même, après avoir participé aux malheurs du peuple, a eu part ensuite aux bienfaits ; délaissé au moment de la colère du Tout-Puissant, il a été de nouveau, en vertu de sa réconciliation avec le grand Souverain, restauré dans toute sa gloire.

21 Antiochus, après avoir enlevé au Temple dix-huit cents talents, se hâta de retourner à Antioche, croyant, dans sa superbe, à cause de l’exaltation de son cœur, rendre navigable la terre ferme et rendre la mer praticable à la marche.

22 Mais il laissa des préposés pour faire du mal à la nation ; à Jérusalem, Philippe, Phrygien de race,u de caractère plus barbare encore que celui qui l’avait institué ;

u Philippe le Phrygien, qu’on retrouve à 6.11 et 8.8, est distinct de Philippe « ami du roi » de 9.29 ; 1 M 6.14.

23 sur le mont Garizim, Andronique ;v et en plus de ceux-ci, Ménélas qui plus méchamment que les autres dominait sur ses concitoyens.
Nourrissant à l’égard des Juifs une hostilité foncière,

v Andronique, distinct de celui de 4.31s, était, ainsi que Philippe, un épistate , représentant du roi dans une ville. Il résidait sans doute au pied du mont Garizim, à Sichem.

24 le roi envoya le mysarque Apollonius à la tête d’une armée, soit vingt-deux mille hommes, avec ordre d’égorger tous ceux qui étaient dans la force de l’âge et de vendre les femmes et les enfants. 25 Arrivé en conséquence à Jérusalem, et jouant le personnage pacifique, il attendit jusqu’au saint jour du sabbat où, profitant du repos des Juifs, il commanda à ses subordonnés une prise d’armes. 26 Tous ceux qui étaient sortis pour assister au spectacle, il les fit massacrer et, envahissant la ville avec ses soldats en armes, il mit à mort une multitude de gens.

Intervention d’Apollonius le Mysarque.

27 Or Judas, appelé aussi Maccabée, se trouvant avec une dizaine d’autres, se retira dans le désert, vivant comme les bêtes sauvages sur les montagnes avec ses compagnons, ne mangeant jamais que des herbes pour ne pas contracter de souillures.w

w L’auteur regroupe les événements racontés en 1 M 1.53 ; 2.28.

Installation des cultes païens.

6 Peu de temps après, le roi envoya Géronte l’Athénien pour forcer les Juifs à enfreindre les lois de leurs pères et à ne plus régler leur vie sur les lois de Dieu, 2 pour profaner le Temple de Jérusalem et le dédier à Zeus Olympien, et celui du mont Garizim à Zeus Hospitalier, comme le demandaient les habitants du lieu.x

x « (comme le) demandaient » enetugchanon conj. d’après Josèphe (Antiquités Judaïques) ; « (comme) se trouvaient être (les habitants) » etugchanon grec, lat. ; ce qui signifierait qu’étant eux-mêmes hospitaliers, les Samaritains choisissent cette épithète. Mais, en grec, la construction de la phrase serait extrêmement laborieuse. — Les Samaritains, qui ne veulent pas être traités comme les Juifs, vont au-devant des désirs du souverain.

3 L’invasion de ces maux était, même pour la masse, pénible et difficile à supporter. 4 Le sanctuaire était rempli de débauches et d’orgies par des païens qui s’amusaient avec des prostituées et avaient commerce avec des femmes dans les parvis sacrés,y et qui encore y apportaient des choses défendues.

y À l’époque gréco-romaine, les parvis des temples comprenaient des portiques et des salles de banquet pour les repas rituels, qui dégénéraient facilement en orgies. Par ailleurs, la prostitution sacrée se pratiquait encore dans les temples de Syrie.

5 L’autel était couvert de victimes illicites, réprouvées par les lois. 6 Il n’était même pas permis de célébrer le sabbat, ni de garder les fêtes de nos pères, ni simplement de confesser que l’on était Juif. 7 On était conduit par une amère nécessité à participer chaque mois au repas rituel, le jour de la naissance du roi et, lorsque arrivaient les fêtes dionysiaques, on devait, couronné de lierre, accompagner le cortège de Dionysos. 8 Un décret fut rendu, à l’instigation des gens de Ptolémaïs,z pour que, dans les villes grecques du voisinage, l’on tînt la même conduite à l’égard des Juifs, et que ceux-ci prissent part au repas rituel,

z « gens de Ptolémaïs » conj. ; « des Ptolémées » ou « de Ptolémée » grec et lat. — La cité grecque de Ptolémaïs, l’ancienne Akko (Saint-Jean d’Acre), était hostile aux Juifs, cf. 13.25 ; 1 M 5.15 ; 12.48.

9 avec ordre d’égorger ceux qui ne se décideraient pas à adopter les coutumes grecques. Tout cela faisait prévoir l’imminence de la calamité.

10 Ainsi deux femmes furent déférées en justice pour avoir circoncis leurs enfants. On les produisit en public à travers la ville, leurs enfants suspendus à leurs mamelles, avant de les précipiter ainsi du haut des remparts. 11 D’autres s’étaient rendus ensemble dans des cavernes voisines pour y célébrer en cachette le septième jour. Dénoncés à Philippe, ils furent brûlés ensemble, se gardant bien de se défendre eux-mêmes par respect pour la sainteté du jour.

Le sens providentiel de la persécution.

12 Je recommande à ceux qui auront ce livre entre les mains de ne pas se laisser déconcerter à cause de ces calamités, et de croire que ces persécutions ont eu lieu non pour la ruine mais pour la correction de notre race. 13 Quand les pécheurs ne sont pas laissés longtemps à eux-mêmes, mais que les châtiments ne tardent pas à les atteindre, c’est une marque de grande bonté.

14 À l’égard des autres nations, le Maître attend avec longanimité, pour les châtier, qu’elles arrivent à combler la mesure de leurs iniquités ; ce n’est pas ainsi qu’il a jugé à propos d’agir avec nous, 15 afin qu’il n’ait pas à nous punir plus tard lorsque nos péchés auraient atteint leur pleine mesure.a

a L’auteur de la Sagesse développera ce double aspect de la justice divine, mais montrera que, même pour les nations, Dieu reste indulgent, Sg 11.10 ; 12.20-22. Pour la pleine mesure des péchés, cf. Dn 8.23 ; 9.24 ; 1 Th 2.16. L’expression est ancienne, cf. déjà Gn 15.16.

16 Aussi bien ne retire-t-il jamais de nous sa miséricorde : en le châtiant par l’adversité, il n’abandonne pas son peuple. 17 Qu’il nous suffise d’avoir rappelé cette vérité ; après ces quelques mots, il nous faut revenir à notre récit.

Le martyre d’Éléazar.b

18 Éléazar, un des premiers docteurs de la Loi, homme déjà avancé en âge et du plus noble extérieur, était contraint, tandis qu’on lui ouvrait la bouche de force, de manger de la chair de porc.

b Les Pères de l’Église ont loué en Éléazar un martyr d’avant le Christ.

19 Mais lui, préférant une mort glorieuse à une existence infâme, marchait volontairement au supplice de la roue, 20 non sans avoir craché sa bouchée, comme le doivent faire ceux qui ont le courage de rejeter ce à quoi il n’est pas permis de goûter par amour de la vie. 21 Ceux qui présidaient à ce repas rituel interdit par la Loi le prirent à part, car cet homme était pour eux une vieille connaissance ; ils l’engagèrent à faire apporter des viandes dont il était permis de faire usage, et qu’il aurait lui-même préparées ; il n’avait qu’à feindre de manger des chairs de la victime, comme le roi l’avait ordonné, 22 afin qu’en agissant de la sorte, il fût préservé de la mort et profitât de cette humanité due à la vieille amitié qui les liait. 23 Mais lui, prenant une noble résolution, digne de son âge, de l’autorité de sa vieillesse et de ses vénérables cheveux blanchis dans le labeur, digne d’une conduite parfaite depuis l’enfance et surtout de la sainte législation établie par Dieu même, il fit une réponse en conséquence, disant qu’on l’envoyât sans tarder au séjour des morts.

24 « À notre âge, ajouta-t-il, il ne convient pas de feindre, de peur que nombre de jeunes, persuadés qu’Éléazar aurait embrassé à quatre-vingt-dix ans les mœurs des étrangers, 25 ne s’égarent eux aussi, à cause de moi et de ma dissimulation, et cela pour un tout petit reste de vie. J’attirerais ainsi sur ma vieillesse souillure et déshonneur, 26 et quand j’échapperais pour le présent au châtiment des hommes, je n’éviterai pas, vivant ou mort, les mains du Tout-Puissant. 27 C’est pourquoi, si je quitte maintenant la vie avec courage, je me montrerai digne de ma vieillesse, 28 ayant laissé aux jeunes le noble exemple d’une belle mort, volontaire et généreuse, pour les vénérables et saintes lois. »c
Ayant ainsi parlé, il alla tout droit au supplice de la roue,

c L’expression relève du juridisme hellénique, mais pour l’auteur « les lois » sont essentiellement la Loi, 7.30 ; 10.26 ; 12.40 ; 15.9, identique à l’Alliance, cf. 1 M 2.20, et gage de la bienveillance divine, cf. 7.36 ; 8.15.

29 mais ceux qui l’y conduisaient changèrent en malveillance la bienveillance qu’ils avaient eue pour lui un peu auparavant, à cause du discours qu’il venait de tenir et qui à leur point de vue était de la folie. 30 Lui, de son côté, étant sur le point de mourir sous les coups, dit en soupirant : « Au Seigneur qui a la science sainte, il est manifeste que, pouvant échapper à la mort, j’endure sous les fouets des douleurs cruelles dans mon corps, mais qu’en mon âme je les souffre avec joie à cause de la crainte qu’il m’inspire. »

31 Il quitta donc la vie de cette manière (laissant dans sa mort, non seulement à la jeunesse, mais à la grande majorité de la nation, un exemple de courage et un mémorial de vertu).