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Bible de Jérusalem

2 Samuel 11-12

Seconde campagne ammonite. Faute de David.d

11 Au retour de l’année,e au temps où les rois se mettent en campagne, David envoya Joab et ses serviteurs avec lui ainsi que tout Israël : ils massacrèrent les Ammonites et mirent le siège devant Rabba. Cependant David restait à Jérusalem.

d Dans l’ensemble littéraire que forment les chap. 9-20, la guerre ammonite n’est que le cadre de l’histoire de David et de Bethsabée.

e L’équinoxe de printemps.

2 Il arriva que, vers le soir, David, s’étant levé de son lit, alla se promener sur la terrasse de la maison du roi et aperçut, de la terrasse, une femme qui se baignait. Cette femme était très belle. 3 David fit prendre des informations sur cette femme, et on répondit : « Mais c’est Bethsabée, fille d’Éliam et femme d’Urie le Hittite ! »f

f Un mercenaire étranger. Les Hittites, voir Dt 7.1.

4 Alors David envoya des émissaires pour la prendre. Elle vint chez lui et il coucha avec elle, alors qu’elle venait de se purifier de ses règles. Puis elle retourna dans sa maison. 5 La femme conçut. Elle en fit informer David : « Je suis enceinte ! »

6 David envoya dire à Joab : « Envoie-moi Urie le Hittite », et Joab envoya Urie à David. 7 Lorsque Urie fut arrivé auprès de lui, David demanda comment allaient Joab et le peuple et la guerre. 8 Puis David dit à Urie : « Descends chez toi et lave-toi les pieds. » Urie sortit de la maison du roi, suivi d’un présent du roi. 9 Mais Urie coucha à la porte de la maison du roi avec tous les serviteurs de son maître et ne descendit pas chez lui.

10 On en informa David : « Urie, lui dit-on, n’est pas descendu chez lui. » David demanda à Urie : « N’arrives-tu pas de voyage ? Pourquoi n’es-tu pas descendu chez toi ? » 11 Urie répondit à David : « L’arche, Israël et Juda logent sous les huttes, mon maître Joab et les serviteurs de Monseigneur campent en rase campagne, et moi j’irais chez moi pour manger, boire et coucher avec ma femme !g Par ta vie, par ta propre vie, je ne ferai pas cette chose-là ! »

g La continence était une loi religieuse de la guerre, cf. 1 S 21.6.

12 Alors David dit à Urie : « Reste encore aujourd’hui ici, et demain je te donnerai congé. » Urie resta donc à Jérusalem ce jour-là et le lendemain. 13 David l’invita. Il mangea et il but en sa présence. David l’enivra. Le soir Urie sortit et se recoucha sur son lit avec les serviteurs de son maître, mais il ne descendit pas chez lui.

14 Le matin suivant, David écrivit une lettre à Joab et la fit porter par Urie.

15 Il écrivait dans la lettre : « Mettez Urie en première ligne, au plus fort de la bataille, puis reculez derrière lui : qu’il soit frappé et qu’il meure. » 16 Joab, qui surveillait la ville, plaça Urie à l’endroit où il savait que se trouvaient de vaillants guerriers. 17 Les gens de la ville firent une sortie et attaquèrent Joab. Il y eut des victimes parmi la troupe, parmi les serviteurs de David, et Urie le Hittite mourut aussi.

18 Joab envoya informer David de tous les détails du combat. 19 Il donna cet ordre au messager : « Quand tu auras fini de raconter au roi tous les détails du combat, 20 si la colère du roi s’élève et qu’il te dise : « Pourquoi vous êtes-vous approchés de la ville pour livrer bataille ? Ne saviez-vous pas qu’on tire du haut du rempart ? 21 Qui a frappé Abimélek, le fils de Yerubbaal ?h N’est-ce pas une femme, qui a lancé une meule sur lui, du haut du rempart, et il est mort à Tébèç ? Pourquoi vous êtes-vous approchés du rempart ? », tu diras : Ton serviteur Urie le Hittite est mort lui aussi. »

h « Yerubbaal » grec, cf. Jg 7.1s ; « Yerubbeshèt » hébr., cf. 2.8 ; 4.4.

22 Le messager partit et vint rapporter à David ce dont Joab l’avait chargé. David s’emporta contre Joab et dit au messager : « Pourquoi vous êtes-vous approchés du rempart de la ville pour livrer bataille ? Ne saviez-vous pas qu’on tire du haut des remparts ? Qui a tué Abimélek, le fils de Yerubbaal ? N’est-ce pas une femme qui a jeté une meule sur lui du haut du rempart, et il est mort à Tébèç ? Pourquoi vous êtes-vous approchés du rempart ? » 23 Le messager dit à David : « Ces hommes l’avaient emporté sur nous et étaient sortis vers nous en rase campagne ; mais nous avons contre-attaqué jusqu’à l’entrée de la porte,

24 mais les tireurs ont tiré sur tes serviteurs du haut du rempart ; certains des serviteurs du roi sont morts et ton serviteur Urie le Hittite est mort lui aussi. »

25 David dit au messager : « Tu parleras ainsi à Joab : « Ne prends pas trop mal cette affaire ! L’épée dévore d’une façon ou de l’autre. Renforce ton attaque contre la ville et détruis-la. » Réconforte-le ainsi. »

26 Lorsque la femme d’Urie apprit que son époux, Urie, était mort, elle pleura son mari. 27 Quand le deuil fut achevé, David l’envoya chercher et la recueillit chez lui, et elle devint sa femme. Elle lui enfanta un fils. Mais l’action que David avait commise déplut à Yahvé.

Reproches de Natân. Repentir de David.i

12 Yahvé envoya auprès de David Natân. Celui-ci entra chez lui et lui dit :

« Il y avait deux hommes dans la même ville,
l’un riche et l’autre pauvre.

i L’intervention de Natân, 12.1-15a, peut ne pas avoir figuré dans le récit le plus ancien :au v. 22, David paraît ignorer que l’enfant est condamné. Mais ce récit et le suivant témoignent d’un même sens religieux le crime de David est dénoncé comme une faute grave mais son repentir lui vaut le pardon de Dieu.

2 Le riche avait petit et gros bétail
en très grande abondance.
3 Le pauvre n’avait rien si ce n’est une agnelle,
une seule petite qu’il avait achetée.
Il la nourrissait et elle grandissait avec lui en même temps que ses enfants,
mangeant de sa pitance, buvant dans sa coupe,
dormant dans son sein : elle était pour lui comme une fille.
4 Un hôte se présenta chez l’homme riche
qui n’eut pas le cœur de prendre sur son petit ou gros bétail
de quoi servir au voyageur arrivé chez lui.
Il prit l’agnelle de l’homme pauvre
et l’apprêta pour l’homme arrivé chez lui. »

5 David entra en grande colère contre cet homme et dit à Natân : « Par la vie de Yahvé, il mérite la mort, l’homme qui a fait cela. 6 Pour l’agnelle, il donnera compensation au quadruple, pour avoir commis cette action et n’avoir pas eu de pitié. » 7 Natân dit alors à David : « Cet homme, c’est toi ! Ainsi parle Yahvé, Dieu d’Israël : Je t’ai oint comme roi d’Israël, je t’ai délivré de la main de Saül,

8 je t’ai donné la maison de ton maître, j’ai mis dans tes bras les femmes de ton maître, je t’ai donné la maison d’Israël et de Juda et, si c’est trop peu, j’ajouterai pour toi n’importe quoi. 9 Pourquoi as-tu méprisé Yahvéj et fait ce qui lui déplaît ? Tu as frappé par l’épée Urie le Hittite, sa femme tu l’as prise pour ta femme, lui tu l’as fait périr par l’épée des Ammonites.

j L’hébr. a lu « la parole de Yahvé », très probablement pour éviter que le nom divin ne soit directement l’objet du verbe.

10 Maintenant l’épée ne se détournera plus jamais de ta maison,k parce que tu m’as méprisé et que tu as pris la femme d’Urie le Hittite pour qu’elle devienne ta femme.

k Allusion à la mort sanglante d’Amnon, d’Absalom et d’Adonias, les trois fils de David.

11 « Ainsi parle Yahvé : Je vais, de ta propre maison, faire surgir contre toi le malheur. Je prendrai tes femmes sous tes yeux et je les livrerai à ton prochain, qui couchera avec tes femmes à la vue de ce soleil. 12 Toi, tu as agi dans le secret, mais moi j’accomplirai cela à la face de tout Israël et à la face du soleil ! »

13 David dit à Natân : « J’ai péché contre Yahvé ! » Alors Natân dit à David : « De son côté, Yahvé pardonne ta faute, tu ne mourras pas. 14 Seulement, parce que tu as outragé Yahvél en cette affaire, l’enfant qui t’est né mourra. »

l « outragé Yahvé » corr. L’hébr. a « outragé les ennemis de Yahvé », pour éviter un blasphème. — Le péché n’est pas seulement la violation d’un certain ordre moral ou social, mais d’abord la rupture d’une relation personnelle entre l’homme et Dieu, cf. Gn 39.9 ; Ps 51.6 ; 59.2, que Dieu seul peut rétablir, Ps 65.4 ; cf. Mc 2.5.

15 Et Natân s’en alla chez lui.

Mort de l’enfant de Bethsabée. Naissance de Salomon.

Yahvé frappa l’enfant que la femme d’Urie avait enfanté à David, et il tomba malade. 16 David implora Dieu pour le garçon : il jeûnait strictement, rentrait chez lui et passait la nuit couché par terre. 17 Les dignitaires de sa maison se tenaient debout autour de lui pour le relever de terre, mais il refusa et ne prit avec eux aucune nourriture. 18 Le septième jour, l’enfant mourut. Les serviteurs de David craignaient de lui annoncer que l’enfant était mort. Ils se disaient en effet : « Quand l’enfant était vivant, nous lui avons parlé et il ne nous a pas écoutés. Comment pourrons-nous lui dire que l’enfant est mort ? Il fera un malheur ! » 19 David s’aperçut que ses serviteurs chuchotaient entre eux ; David comprit que l’enfant était mort. Il dit à ses serviteurs : « L’enfant est-il mort ? », et ils répondirent : « Il l’est. »

20 Alors David se leva de terre, se baigna, se parfuma et changea de vêtements. Puis il entra dans la maison de Yahvé et se prosterna. Ensuite il rentra dans sa maison et demanda qu’on lui servît de la nourriture et il mangea.

21 Ses serviteurs lui dirent : « Que fais-tu donc ? Tant que l’enfant était vivant, tu as jeûné et pleuré, et maintenant que l’enfant est mort, tu te lèves et tu prends de la nourriture ! »m

m David n’obéit pas aux règles du deuil et il étonne son entourage. Sa religion est spontanée et non conformiste, vv. 22-23 et 6.21-22.

22 Il répondit : « Tant que l’enfant était vivant, j’ai jeûné et j’ai pleuré, car je me disais : Qui sait ? Yahvé aura peut-être pitié de moi et l’enfant vivra. 23 Maintenant qu’il est mort, pourquoi jeûnerais-je ? Pourrais-je le faire revenir ? C’est moi qui m’en vais le rejoindre,n mais lui ne reviendra pas vers moi. »

n Au séjour des morts, le shéol, cf. Nb 16.33.

24 David consola Bethsabée, sa femme. Il alla vers elle et coucha avec elle. Elle enfanta un fils auquel elle donna le nom de Salomon. Yahvé l’aima 25 et le fit savoir par le prophète Natân. Celui-ci le nomma Yedidya à cause de Yahvé.o

o La naissance de Salomon, fils de Bethsabée, « aimé de Yahvé » (c’est la signification de Yedidya), est l’assurance du pardon de Dieu. Et c’est Salomon, de préférence aux héritiers mieux pourvus de titres, que le choix gratuit de Dieu portera au trône de son père.

Prise de Rabba.

26 Joab donna l’assaut à Rabba des Ammonites et il s’empara de la ville royale.

27 Joab envoya alors des messagers à David pour dire : « J’ai attaqué Rabba, je me suis emparé de la ville des eaux.p

p L’expression vise sans doute une fortification qui protégeait l’alimentation en eau de la ville.

28 Maintenant, rassemble le reste de l’armée, dresse ton camp contre la ville et prends-la ; sinon je m’en emparerai moi-même et elle portera mon nom. » 29 David rassembla toute l’armée et alla à Rabba, il donna l’assaut à la ville et s’en empara. 30 Il enleva de la tête de Milkomq la couronne qui pesait un talent d’or ainsi qu’une pierre précieuse. Celleci fut placée sur la tête de David. Il emporta le butin de la ville en énorme quantité.

q L’hébr. en lisant « leur roi » (malkam) considère qu’il s’agit d’une couronne surmontant la statue du roi des Ammonites, couronne dont le poids est énorme, plus de 30 kg. On doit plutôt penser à la statue du dieu Milkom, dieu des Ammonites (1 R 11.5) comme l’a compris le grec.

31 Quant à sa population, il la fit sortir, la mit à manier la scie, les pics et les haches de fer. Il les affectait au moulage des briques.r Il agissait de même pour toutes les villes des Ammonites. David et toute l’armée revinrent à Jérusalem.

r Travail pénible auquel on affectait les prisonniers de guerre ou les esclaves, cf. Ex 5.