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Bible de Jérusalem

Juges 13-16

12. SAMSONt

L’annonce de la naissance de Samson.

13 Les Israélites recommencèrent à faire ce qui est mal aux yeux de Yahvé, et Yahvé les livra aux mains des Philistins pendant quarante ans.

t L’histoire de Samson est différente de tous les autres récits du livre. Elle raconte, de sa naissance à sa mort, la vie d’un héros local. Il est fort comme un géant et faible comme un enfant, il séduit les femmes et est trompé par elles, il joue de mauvais tours aux Philistins mais n’en délivre pas le pays. L’histoire a l’humour dru des contes populaires par lesquels on se venge d’un oppresseur, qu’on doit subir mais qu’on tourne en dérision. En contraste avec cet aspect populaire et profane, Samson est consacré à Dieu dès le sein de sa mère, et son « naziréat » est la source de sa force. C’est cet aspect charismatique qui lui a valu une place parmi les Juges. — Le récit est une collection d’anecdotes naissance de Samson, 13.2-25 ; mariage et énigme, 14.1-20 ; Samson et les Philistins, 15.1-8, 9-19, avec une première conclusion, v. 20 ; Samson à Gaza, 16.1-3 ; Samson et Dalila, 16.4-21 ; captivité et mort de Samson, 16.22-30, avec une seconde conclusion, v. 31.

2 Il y avait un homme de Çoréa, du clan de Dan,u nommé Manoah. Sa femme était stérile et n’avait pas eu d’enfant.

u La tribu de Dan avait reçu un territoire où se trouvent les localités citées ici Çoréa, Eshtaol, Timna, cf. Jos 19.40 ; elle émigra vers le nord, 17-18. Les histoires de Samson paraissent supposer une situation postérieure à cette migration dans laquelle les Philistins n’interviennent pas. Mais des clans restés sur place vivaient mêlés aux Cananéens et assujettis aux Philistins.

3 L’Ange de Yahvév apparut à cette femme et lui dit : « Tu es stérile et tu n’as pas eu d’enfant

v Cf. 2.1 ; 6.11 et Gn 16.7. Au v. 22, l’ange s’identifie à Yahvé, comme en 6.22-23.

4 mais tu vas concevoir et tu enfanteras un fils. Désormais, prends bien garde ! Ne bois ni vin, ni boisson fermentée, et ne mange rien d’impur. 5 Car tu vas concevoir et tu enfanteras un fils. Le rasoir ne passera pas sur sa tête, car l’enfant sera nazir de Dieu dès le sein de sa mère. C’est lui qui commencera à sauver Israël de la main des Philistins. »w

w Cette notice justifie le rattachement de Samson aux Juges, mais reconnaît que la victoire décisive sur les Philistins ne sera pas l’œuvre de Samson il faudra attendre Saül et David.

6 La femme rentra et dit à son mari : « Un homme de Dieu est venu vers moi ; son apparence ressemblait à celle de l’Ange de Dieu, tant il était redoutable. Je ne lui ai pas demandé d’où il venait et il ne m’a pas fait connaître son nom. 7 Mais il m’a dit : « Tu vas concevoir et tu enfanteras un fils. Désormais ne bois ni vin, ni boisson fermentée, et ne mange rien d’impur, car l’enfant sera nazir de Dieu depuis le sein de sa mère jusqu’au jour de sa mort ! » »

Seconde apparition de l’Ange.

8 Alors Manoah implora Yahvé et dit : « Je t’en prie, Seigneur ! Que l’homme de Dieu que tu as envoyé vienne encore une fois vers nous, et qu’il nous apprenne ce que nous aurons à faire à l’enfant lorsqu’il sera né ! » 9 Dieu exauça Manoah et l’Ange de Dieu vint de nouveau trouver la femme, alors qu’elle était assise dans la campagne, et que Manoah, son mari, n’était pas avec elle. 10 Vite, la femme courut informer son mari et lui dit : « Voici que m’est apparu l’homme qui est venu vers moi l’autre jour. » 11 Manoah se leva, suivit sa femme, vint vers l’homme et lui dit : « Es-tu l’homme qui a parlé à cette femme ? » Et il répondit : « C’est moi. » — 12 « Quand ta parole s’accomplira, lui dit Manoah, quelle sera la règle pour l’enfant et que devra-t-il faire ? » 13 L’Ange de Yahvé répondit à Manoah : « Tout ce que j’ai interdit à cette femme, qu’elle s’en abstienne. 14 Qu’elle n’absorbe rien de ce qui provient de la vigne, qu’elle ne boive ni vin, ni boisson fermentée, qu’elle ne mange rien d’impur, et qu’elle observe tout ce dont je lui ai parlé. »x

x Comme Jérémie, Jr 1.5, et le Serviteur, Isa 49.1, Samson est consacré à Dieu dès le sein de sa mère. Celle-ci doit observer elle-même les prescriptions du naziréat qui s’imposeront au fils qu’elle porte.

15 Manoah dit alors à l’Ange de Yahvé : « Permets que nous te retenions et que nous t’apprêtions un chevreau. »

16 Et l’Ange de Yahvé dit à Manoah : « Quand bien même tu me retiendrais, je ne mangerais pas de ta nourriture, mais si tu désires préparer un holocauste, offre-le à Yahvé. » — En effet, Manoah ne savait pas que c’était l’Ange de Yahvé.

17 Manoah dit alors à l’Ange de Yahvé : « Quel est ton nom, afin que, lorsque ta parole sera accomplie, nous puissions t’honorer ? » 18 L’Ange de Yahvé lui répondit : « Pourquoi me demandes-tu mon nom ? Il est merveilleux. »y

y L’ange laisse entendre que son nom est indicible. Ce n’est pas exactement un refus, car ce nom sera reconnu par l’action accomplie, cf. v. 19.

19 Alors Manoah prit le chevreau ainsi que l’oblation et il l’offrit en holocauste, sur le rocher, à Yahvé qui opère des choses merveilleuses. Manoah et sa femme regardaient. 20 Or comme la flamme montait de l’autel vers le ciel, l’Ange de Yahvé monta dans la flamme de l’autel sous les yeux de Manoah et de sa femme, et ils tombèrent la face contre terre. 21 L’Ange de Yahvé ne se montra plus désormais à Manoah ni à sa femme, et Manoah comprit alors que c’était l’Ange de Yahvé.z

z Manoah a voulu, comme Abraham pour ses trois visiteurs, Gn 18, remplir ses devoirs d’hospitalité. Sur l’ordre de l’ange, le repas est transformé en holocauste, dans lequel Yahvé se révèle. Comparer le sacrifice de Gédéon, 6.19-22.

22 « Nous allons certainement mourir, dit Manoah à sa femme, car nous avons vu Dieu » — 23 « Si Yahvé avait eu l’intention de nous faire mourir, lui répondit sa femme, il n’aurait accepté de notre main ni holocauste ni oblation, il ne nous aurait pas fait voir tout cela et, à l’instant même, fait entendre pareille chose. » 24 La femme mit au monde un fils et elle le nomma Samson.

L’enfant grandit, Yahvé le bénit, 25 et l’esprit de Yahvé commença à l’agiter au camp de Dan, entre Çoréa et Eshtaol.

Le mariage de Samson.

14 Samson descendit à Timna et remarqua, à Timna, une femme parmi les filles des Philistins. 2 Il remonta et l’apprit à son père et à sa mère : « J’ai remarqué à Timna, dit-il, parmi les filles des Philistins, une femme. Prends-la-moi donc pour épouse. » 3 Son père lui dit, ainsi que sa mère : « N’y a-t-il pas de femme parmi les filles de tes frères et dans tout mon peuple, pour que tu ailles prendre femme parmi ces Philistins incirconcis ? » Mais Samson répondit à son père : « Prends-la-moi, celle-là, car c’est celle-là qui me plaît. » 4 Son père et sa mère ne savaient pas que cela venait de Yahvé qui cherchait un sujet de querelle avec les Philistins, car, en ce temps-là, les Philistins dominaient sur Israël.a

a Le rédacteur du texte veut concilier le mariage de Samson avec son rôle d’adversaire des Philistins. Les Philistins s’étaient étendus en dehors de leur territoire propre jusque dans la montagne ; ils menaceront bientôt de dominer entièrement Israël.

5 Samson avec son père et sa mère descendit à Timnab et, comme ils arrivaient aux vignes de Timna, il vit un jeune lion qui venait à sa rencontre en rugissant.

b « avec son père et sa mère » hébr. ; c’est peut-être une addition, car cette précision ne s’accorde pas avec le v. 6.

6 L’esprit de Yahvé fondit sur lui et, sans rien avoir en main, Samson déchira le lion comme on déchire un chevreau ; mais il ne raconta pas à son père ni à sa mère ce qu’il avait fait. 7 Il descendit, s’entretint avec la femme et elle lui plut.

8 À quelque temps de là, Samson revint pour l’épouser. Il fit un détour pour voir le cadavre du lion, et voici qu’il y avait dans la carcasse du lion un essaim d’abeilles et du miel. 9 Il en recueillit dans sa main et, chemin faisant, il en mangea. Lorsqu’il fut revenu près de son père et de sa mère, il leur en donna, ils en mangèrent, mais il ne leur raconta pas qu’il avait recueilli le miel dans la carcasse du lion. 10 Son père descendit ensuite chez la femme et Samson fit là un festin, car c’est ainsi qu’agissent les jeunes gens. 11 Quand on le vit, on choisit trente compagnons pour rester auprès de lui.c

c Samson contracte un mariage dans lequel le mari ne cohabite pas avec sa femme, mais vient lui rendre visite en apportant des cadeaux, cf. 15.1. C’est un type de mariage connu dans d’anciens droits orientaux et chez les Arabes. Samson n’a pas amené les garçons d’honneur qui sont exigés pour la fête, ils sont fournis par le clan de la femme. Le chiffre de trente est énorme peut être veut-on l’honorer, peut-être se méfie-t-on de lui.

L’énigme de Samson.

12 Alors Samson leur dit : « Laissez-moi vous proposer une énigme. Si vous m’en révélez le sens au cours des sept jours de festin,d et si vous trouvez, je vous donnerai trente pièces de toile fine et trente vêtements d’honneur.

d Comparer Gn 29.27, mais le mariage était consommé dès la première nuit, Gn 29.23. — L’hébr. ajoute ici « si vous trouvez »; omis par une partie des versions.

13 Mais si vous ne pouvez pas me donner la solution, c’est vous qui me donnerez trente pièces de toile fine et trente vêtements d’honneur. » — « Propose ton énigme, lui répondirent-ils, nous écoutons. » 14 Il leur dit donc :

« De celui qui mange est sorti ce qui se mange, et du fort est sorti le doux. »

Mais de trois jours ils ne réussirent pas à résoudre l’énigme.

15 Au septième joure ils dirent à la femme de Samson : « Séduis ton mari pour qu’il nous révèle l’énigme, autrement nous te brûlerons, toi et la maison de ton père. Est-ce pour nous dépouiller que vous nous avez invités ici ? »

e Cette indication temporelle s’accorde mal avec la suite du texte, cf. v. 17, mais elle se rattache au v. 18. Les vv. 16-17 ne concernent que la femme de Samson. En toute hypothèse le jour décisif est le septième jour.

16 La femme de Samson le couvrait de ses pleurs ; elle lui dit : « Tu n’as pour moi que de la haine, tu ne m’aimes pas. Tu as proposé une énigme aux fils de mon peuple, et à moi, tu ne l’as pas révélée. » Il lui répondit : « Je ne l’ai révélée ni à mon père ni à ma mère, et à toi je la révélerais ! » 17 Elle le couvrit de ses pleurs pendant les sept jours que dura leur festin. Or, le septième jour, il la lui révéla, car elle l’avait harcelé, mais elle, elle révéla l’énigme aux fils de son peuple.

18 Le septième jour, avant que le soleil ne se couche,f les gens de la ville dirent donc à Samson :

« Qu’y a-t-il de plus doux que le miel,
et quoi de plus fort que le lion ? »
Il leur répliqua :
« Si vous n’aviez pas labouré avec ma génisse,
vous n’auriez pas trouvé mon énigme. »

f Sens incertain ; avec une légère correction (hahadrah au lieu de haharsah) on pourrait comprendre « avant qu’il n’entrât dans la chambre à coucher » cf. 15.1.

19 Alors l’esprit de Yahvé fondit sur lui, il descendit à Ashqelôn, y tua trente hommes, prit leurs dépouilles et remit les vêtements d’honneur à ceux qui avaient révélé l’énigme, puis, enflammé de colère, il remonta à la maison de son père.

20 La femme de Samson fut alors donnée au compagnon qui lui avait servi de garçon d’honneur.

Samson brûle les moissons des Philistins.

15 À quelque temps de là, à l’époque de la moisson des blés, Samson s’en vint revoir sa femme avec un chevreau, et il déclara : « Je veux entrer auprès de ma femme, dans sa chambre. » Mais le beau-père ne le lui permit pas. 2 « Je me suis dit, lui objecta-t-il, que tu l’avais prise en aversion et je l’ai donnée à ton compagnon. Mais sa sœur cadette ne vaut-elle pas mieux qu’elle ? Qu’elle soit tienne à la place de l’autre ! » 3 Samson leur répliqua : « Cette fois-ci, je ne serai quitte envers les Philistins qu’en leur faisant du mal. »

4 Samson s’en alla donc, il captura trois cents renards, prit des torches et, tournant les bêtes queue contre queue, il plaça une torche entre les deux queues, au milieu. 5 Il mit le feu aux torches, puis lâchant les renards dans les moissons des Philistins, il incendia aussi bien les gerbes que le blé sur pied et même les vignes et les oliviers.

6 Les Philistins demandèrent : « Qui a fait cela ? » Et l’on répondit : « C’est Samson, le gendre du Timnite, car celui-ci lui a repris sa femme et l’a donnée à son compagnon. » Alors les Philistins montèrent et ils firent périr dans les flammes cette femme et son père. 7 « Puisque c’est ainsi que vous agissez, leur dit Samson, eh bien ! je ne cesserai qu’après m’être vengé de vous. » 8 Il les battit à plate coutureg et ce fut une défaite considérable. Après quoi il descendit à la grotte du rocher d’Étam et y demeura.

g Littéralement « cuisse sur hanche ».

La mâchoire d’âne.

9 Les Philistins montèrent camper en Juda et ils firent une incursion à Léhi.

10 « Pourquoi êtes-vous montés contre nous ? » leur dirent alors les gens de Juda. « C’est pour lier Samson que nous sommes montés, répondirent-ils, pour le traiter comme il nous a traités. » 11 Trois mille hommes de Juda descendirent à la grotte du rocher d’Étam et dirent à Samson : « Ne sais-tu pas que les Philistins dominent sur nous ? Qu’est-ce que tu nous as fait là ? » Il leur répondit : « Comme ils m’ont traité, c’est ainsi que je les ai traités. » 12 Ils lui dirent alors : « Nous sommes descendus pour te lier, afin de te livrer aux mains des Philistins. » — « Jurez-moi, leur dit-il, que vous ne me tuerez pas vous-mêmes. » — 13 « Non ! lui répondirent-ils, nous voulons seulement te lier et te livrer entre leurs mains, mais nous ne voulons certes pas te faire mourir. » Alors ils le lièrent avec deux cordes neuves et ils le hissèrent du rocher.

14 Comme il arrivait à Léhi et que les Philistins accouraient à sa rencontre avec des cris de triomphe, l’esprit de Yahvé fondit sur Samson, les cordes qu’il avait sur les bras furent comme des fils de lin brûlés au feu et les liens se dénouèrent de ses mains. 15 Trouvant une mâchoire d’âne encore fraîche, il étendit la main, la ramassa et avec elle il abattit mille hommes. 16 Samson dit alors :

« Avec une mâchoire d’âne, je les ai bien étrillés.h
Avec une mâchoire d’âne, j’ai battu mille hommes. »

h L’hébr. offre ici peu de sens et la traduction suit le grec.

17 Quand il eut fini de parler, il jeta loin de lui la mâchoire : et on appela cet endroit Ramat-Léhi.i

i Littéralement « la hauteur de la Mâchoire ».

18 Comme il souffrait d’une soif ardente, il invoqua Yahvé en disant : « C’est toi qui as opéré cette grande victoire par la main de ton serviteur, et maintenant, faudra-t-il que je meure de soif et que je tombe aux mains des incirconcis ? » 19 Alors Dieu fendit le bassin qui est à Léhi et il en sortit de l’eau. Samson but, ses esprits lui revinrent et il se ranima. C’est pourquoi on a donné le nom de En-ha-Qoréj à cette source, qui existe encore à Léhi.

j C’est-à-dire « la source de la Perdrix ». Le nom hébreu de la perdrix signifie « l’appelant ». Ce nom géographique est expliqué par l’appel de Samson vers Dieu, v. 18. Le récit précédent voulait de même expliquer le nom de Ramat-Léhi.

20 Samson jugea Israël à l’époque des Philistins, pendant vingt ans.

L’épisode des portes de Gaza.

16 Puis Samson se rendit à Gaza ; il y vit une prostituée et il entra chez elle. 2 On fit savoir aux gens de Gaza : « Samson est venu ici. » Ils firent des rondes et le guettèrent toute la nuit à la porte de la ville. Toute la nuit ils se tinrent tranquilles. « Attendons, disaient-ils, jusqu’au point du jour, et nous le tuerons. » 3 Mais Samson resta couché jusqu’au milieu de la nuit et, au milieu de la nuit, se levant, il saisit les battants de la porte de la ville, ainsi que les deux montants, il les arracha avec la barre et, les chargeant sur ses épaules, il les porta jusqu’au sommet de la montagne qui est en face d’Hébron.k

k Hébron est à 60 km de Gaza. Cet exploit de l’Hercule danite expliquait peut-être le nom d’un lieu-dit près d’Hébron, au départ de la piste descendant vers Gaza.

Samson trahi par Dalila.l

4 Après cela il aima une femme de la vallée de Soreq qui se nommait Dalila.

l Des femmes ont entraîné Samson dans toutes ses aventures ; il en est sorti grâce à la force que Dieu donne à l’homme qui lui est consacré. Une dernière femme le perdra parce qu’elle lui aura fait manquer à son vœu de nazir.

5 Les princes des Philistins allèrent la trouver et lui dirent « Séduis-le et sache d’où vient sa grande force, par quel moyen nous pourrions nous rendre maîtres de lui et le lier pour le maîtriser. Quant à nous, nous te donnerons chacun onze cents sicles d’argent. »

6 Dalila dit à Samson : « Révèle-moi, je te prie, d’où vient ta grande force et avec quoi il faudrait te lier pour te maîtriser. » 7 Samson lui répondit : « Si on me liait avec sept cordes d’arc fraîches et qu’on n’aurait pas encore fait sécher, je perdrais ma vigueur et je deviendrais comme un homme ordinaire. » 8 Les princes des Philistins apportèrent à Dalila sept cordes d’arc fraîches qu’on n’avait pas encore fait sécher et elle s’en servit pour le lier. 9 Elle avait des gens embusqués dans sa chambre et elle lui cria : « Les Philistins sur toi, Samson ! » Il rompit les cordes d’arc comme se rompt un cordon d’étoupe lorsqu’il sent le feu. On ne sut pas d’où venait sa force.

10 Alors Dalila dit à Samson : « Tu t’es joué de moi et tu m’as dit des mensonges. Mais maintenant révèle-moi, je te prie, avec quoi il faudrait te lier. »

11 Il lui répondit : « Si on me liait fortement avec des cordes neuves qui n’ont jamais servi, je perdrais ma vigueur et je deviendrais comme un homme ordinaire. » 12 Alors Dalila prit des cordes neuves, elle s’en servit pour le lier puis lui cria : « Les Philistins sur toi, Samson ! » et elle avait des gens embusqués dans sa chambre. Mais il rompit comme un fil les cordes qu’il avait aux bras.

13 Alors Dalila dit à Samson : « Jusqu’à présent tu t’es joué de moi et tu m’as dit des mensonges. Révèle-moi avec quoi il faudrait te lier. » Il lui répondit : « Si tu tissais les sept tresses de ma chevelure avec la chaîne d’un tissu, et si tu les comprimais avec la batte de tisserand, je deviendrais faible et serais comme n’importe quel homme. » 14 Or, tandis qu’il dormit, Dalila prit les sept tresses de sa chevelure, les tissa avec la chaîne, et les comprima avec la batte, puis elle lui cria : « Les Philistins sur toi, Samson ! » Il s’éveilla de son sommeil et arracha la batte avec la chaîne.m

m Les vv. 13-14 sont complétés d’après le grec, car le texte hébreu entre le premier emploi du mot « chaîne » et le second a disparu. — Pour comprendre l’action de Dalila, il faut imaginer un métier à tisser horizontal où la chaîne de la pièce qu’on tisse est tendue entre des piquets enfoncés dans le sol. Après chaque passage de la navette, la trame est comprimée par la batte, barre de bois manipulée par le tisserand.

15 Dalila lui dit : « Comment peux-tu dire que tu m’aimes, alors que ton cœur n’est pas avec moi ? Voilà trois fois que tu te joues de moi et tu ne m’as pas révélé d’où vient ta grande force. » 16 Comme tous les jours elle le poussait à bout par ses paroles et qu’elle le harcelait, il fut excédé à en mourir. 17 Il lui ouvrit tout son cœur : « Le rasoir n’a jamais passé sur ma tête, lui dit-il, car je suis nazir de Dieu depuis le sein de ma mère. Si on me rasait, alors ma force se retirerait de moi, je perdrais ma vigueur et je deviendrais comme tous les hommes. » 18 Dalila comprit alors qu’il lui avait ouvert tout son cœur, elle fit appeler les princes des Philistins et leur dit : « Venez cette fois, car il m’a ouvert tout son cœur. » Et les princes des Philistins vinrent chez elle, l’argent en main.

19 Elle endormit Samson sur ses genoux, appela un homme et lui fit raser les sept tresses des cheveux de sa tête. Ainsi elle commença à le dominer et sa force se retira de lui. 20 Elle cria : « Les Philistins sur toi, Samson ! » S’éveillant de son sommeil il se dit : « J’en sortirai comme les autres fois et je me dégagerai. » Mais il ne savait pas que Yahvé s’était retiré de lui. 21 Les Philistins se saisirent de lui, ils lui crevèrent les yeux et le firent descendre à Gaza. Ils l’enchaînèrent avec une double chaîne d’airain et il tournait la meule dans la prison.

Vengeance et mort de Samson.

22 Cependant, après qu’elle eut été rasée, la chevelure se mit à repousser.

23 Les princes des Philistins se réunirent pour offrir un grand sacrifice à Dagôn, leur dieu,n et se livrer à des réjouissances. Ils disaient :
« Notre dieu a livré entre nos mains Samson, notre ennemi. »

n Dagôn était anciennement la grande divinité de la région du Moyen-Euphrate. Son culte s’étant répandu en Syrie et en Palestine, cf. le nom de lieu Bet-Dagôn, Jos 15, 41 ; 19.27. Il avait été adopté par les Philistins, qui semblent avoir très vite tout oublié de leur religion originelle. On retrouvera Dagôn dans l’histoire de l’arche, 1 S 5.2s.

24 Dès que le peuple vit son dieu, il poussa une acclamation en son honneur et dit :

« Notre dieu a livré entre nos mains
Samson,o notre ennemi,
celui qui dévastait notre pays
et qui multipliait nos morts. »

o Ajouté pour le rythme et d’après le v. 23 ; omis par hébr.

25 Et comme leur cœur était en joie, ils s’écrièrent : « Faites venir Samson pour qu’il nous amuse ! » On fit donc venir Samson de la prison et il fit des jeux devant eux, puis on le plaça debout entre les colonnes. 26 Samson dit alors au jeune garçon qui le menait par la main : « Conduis-moi et fais-moi toucher les colonnes sur lesquelles repose le temple, que je m’y appuie. » 27 Or le temple était rempli d’hommes et de femmes. Il y avait là tous les princes des Philistins et, sur la terrasse, environ trois mille hommes et femmes qui regardaient les jeux de Samson. 28 Samson invoqua Yahvé et il s’écria : « Seigneur Yahvé, je t’en prie, souviens-toi de moi, donne-moi des forces encore cette fois, ô Dieu, et que, d’un seul coup, je me venge des Philistins pour mes deux yeux. » 29 Et Samson tâta les deux colonnes du milieu sur lesquelles reposait le temple, il s’arc-bouta contre elles, contre l’une avec son bras droit, contre l’autre avec son bras gauche, 30 et il s’écria : « Que je meure avec les Philistins ! » Il poussa de toutes ses forces et le temple s’écroula sur les princes et sur tout le peuple qui se trouvait là. Ceux qu’il fit mourir en mourant furent plus nombreux que ceux qu’il avait fait mourir pendant sa vie.p

p La fin de Samson a une réelle grandeur il donne sa vie en mettant en œuvre pour la dernière fois, contre les ennemis de son peuple, la force qu’il tient de Dieu.

31 Ses frères et toute la maison de son père descendirent et l’emportèrent. Ils remontèrent et l’ensevelirent entre Çoréa et Eshtaol dans le tombeau de Manoah son père. Il avait jugé Israël pendant vingt ans.q

q La finale du v. constitue une deuxième conclusion dans le cycle de Samson, cf. 15.20. Samson y est assimilé aux « petits » juges.