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Bible de Jérusalem

Lamentations 1-4

LES LAMENTATIONS

Introduction aux Lamentations de Jérémie

Première lamentationa

Aleph.

1 Quoi ! elle est assise à l’écart,
la Ville populeuse !
Elle est devenue comme une veuve,
la grande parmi les nations.
Princesse parmi les provinces,
elle est réduite à la corvée.

a Le poète décrit l’état misérable de Jérusalem. Sion personnifiée prend la parole au v. 9, puis au v. 11, pour une plainte, vv. 12-16, puis pour une prière, v. 18s, qui est à la fois une confession, une espérance et une imprécation. — Grec et Vulg. insèrent ici cette introduction « Il arriva, après la réduction d’Israël en captivité et de Jérusalem en désert, que le prophète Jérémie s’assit pleurant ; il proféra cette lamentation sur Jérusalem et dit. »

Bèt.

2 Elle passe des nuits à pleurer
et les larmes couvrent ses joues.
Pas un qui la console
parmi tous ses amants.b
Tous ses amis l’ont trahie,
devenus ses ennemis !

b Les anciens alliés de Juda, cf. Jr 4.30 ; 30.14 ; Ez 16.37-40 ; 23.22-29.

3 Gimel. Juda est exilée,c soumise à l’oppression,
à une dure servitude.
Elle demeure chez les nations
sans trouver de répit.
Tous ses poursuivants l’atteignent
en des lieux sans issue.

c Contrairement à l’ordinaire, Juda est ici personnifié au féminin.

Dalèt.

4 Les chemins de Sion sont en deuil,
nul ne vient plus à ses fêtes.
Toutes ses portes sont désertes,
ses prêtres gémissent,
ses vierges se désolent.
Elle est dans l’amertume !

Hé.

5 Ses oppresseurs ont le dessus,
ses ennemis sont heureux,
car Yahvé l’a affligée
pour ses nombreux crimes ;
ses petits enfants sont partis captifs
devant l’oppresseur.

Vav.

6 De la fille de Sion s’est retirée
toute sa splendeur.
Ses princes étaient comme des cerfs
qui ne trouvent point de pâture ;
ils cheminaient sans force
devant qui les chassait.

Zaïn.

7 Jérusalem se souvient
de ses jours de misère et de détresse,
(de tous ses trésors qui existaient
depuis les jours anciens)d
quand son peuple succombait aux coups de l’adversaire
sans que nul la secourût.
Ses adversaires la voyaient,
ils riaient de sa ruine.

d Glose rompant le rythme.

Hèt.

8 Jérusalem a péché gravement,
aussi est-elle devenue chose impure.
Tous ceux qui l’honoraient la méprisent :
ils ont vu sa nudité.
Elle, elle gémit
et se détourne.

Tèt.

9 Sa souillure colle aux pans de sa robe.
Elle ne songeait pas à cette fin ;
elle est tombée si bas !
Personne pour la consoler.
« Vois, Yahvé, ma misère :
l’ennemi triomphe. »

Yod.

10 L’adversaire a étendu la main
sur tous ses trésors :e
elle a vu les païens
pénétrer dans son sanctuaire,
auxquels tu avais interdit
l’entrée de son assemblée.

e Ceux du Temple, cf. Jos 6.24 ; 1 R 14.26 ; 2 R 24.13, mais sans doute aussi les fonds privés qu’on y déposait, cf. 2 M 4.3s.

Kaph.

11 Son peuple tout entier gémit,
en quête de pain ;
on donne ses bijoux pour de la nourriture,
pour retrouver la vie.
« Vois, Yahvé, et regarde
combien je suis méprisée.

Lamed.

12 Vousf tous qui passez par le chemin,
regardez et voyez
s’il est une douleur pareille
à la douleur qui me tourmente,
dont Yahvé m’a affligée
au jour de sa brûlante colère.

f « Vous » Vulg. ; « Pas pour vous » hébr.

Mem.

13 D’en haut il a envoyé un feu
qu’il a fait descendre dans mes os.
Il a tendu un filet sous mes pas,
il m’a renversée,
il m’a rendue désolée,
malade tout le jour.

Nun.

14 Il a guetté mes crimes :
de sa main il m’enlace,
son joug est sur mon cou,
il fait fléchir ma force.
Le Seigneur m’a mise à leur merci,
je ne puis plus tenir !g

g Ce v. est corrigé d’après Vulg., grec luc. et syr. L’hébr., corrompu, se traduirait litt. « il est lié, le joug de mes crimes, dans sa main ils s’enlacent, ils sont montés sur mon cou, il fait fléchir ma force. Le Seigneur m’a mise à la merci de... je ne puis plus tenir ». — Ici et à plusieurs reprises dans la suite, « le Seigneur » représente la lecture massorétique du nom sacré « Yahvé » (prononcé Adonaï, litt. « mon Seigneur »), passée dans le texte écrit au lieu du nom lui-même. La graphie primitive, YHWH, a été conservée par quelques mss.

Samek.

15 Tous mes braves, le Seigneur les a rejetés
du milieu de moi.
Il a convoqué contre moi une assemblée
pour anéantir mon élite.
Le Seigneur a foulé au pressoir
la vierge, fille de Juda.

Aïn.

16 C’est pour cela que je pleure ;
mes yeux fondent en larmes,h
car il est loin de moi, le consolateur
qui me rendrait la vie.
Mes fils sont bouleversés,
car l’ennemi est trop fort. »

h Littéralement « mon œil, mon œil... »; la répétition pourrait être un effet de style, cf. 3.20, mais peut aussi simplement exprimer le pluriel.

Phé.

17 Sion tend les mains,
pas un qui la console.
Yahvé a mandé contre Jacob
ses oppresseurs de toutes parts ;
Jérusalem est devenue
chose impure parmi eux.

Çadé.

18 « Yahvé, lui, est juste,
car à ses ordres je fus rebelle.
Écoutez donc, tous les peuples,
et voyez ma douleur.
Mes vierges et mes jeunes gens
sont partis en captivité.

Qoph.

19 J’ai fait appel à mes amants :
ils m’ont trahie.
Mes prêtres et mes anciens
expiraient dans la ville,
cherchant une nourriture
qui leur rendît la vie.

Resh.

20 Vois, Yahvé, quelle est mon angoisse !
Mes entrailles frémissent ;
mon cœur en moi se retourne :
Ah ! je n’ai fait qu’être rebelle !
Au-dehors l’épée me prive d’enfants,
au-dedans, c’est comme la mort.

Shin.

21 Entends-moi qui gémis :
pas un qui me console !
Tous mes ennemis ont appris mon mal,
ils se réjouissent de ce que tu as fait.
Fais venir le Jour que tu avais proclamé,
pour qu’ils soient comme moi !i

i « Entends » syr. ; « ils ont entendu » hébr. — « Fais venir » syr. ; « Tu as fait venir » hébr. — Le Jour de Yahvé, désastreux pour Israël dans l’optique préexilique, cf. Am 5.18 ; So 1.14, va devenir tel pour les nations, cf. Jl 3.14.

Tav.

22 Que toute leur méchanceté te soit présente
et traite-les
comme tu m’as traitée
pour tous mes crimes !
Car nombreux sont mes gémissements,
et mon cœur est malade. »

Deuxième lamentationj

Aleph.

2 Quoi ! Le Seigneur en sa colère a enténébré
la fille de Sion !
il a précipité du ciel sur la terre
la gloire d’Israël !
sans plus se souvenir de son marchepied,k
au jour de sa colère !

j Après avoir décrit le désastre et le sort des rois, des prêtres, des prophètes, des anciens, des enfants, vv. 1-12, le poète interpelle Sion, vv. 13-17, en lui rappelant le mensonge des faux prophètes, et l’invite à la lamentation, vv. 18-22.

k Le Temple, cf. Ez 43.7 ; Ps 99.5 ; 132.7.

Bèt.

2 Sans pitié le Seigneur a détruit
toutes les demeures de Jacob ;
il a renversé, en sa fureur,
les forteresses de la fille de Juda ;
il a jeté à terre, il a maudit
le royaume et ses princes.

Gimel.

3 Il a brisé dans l’ardeur de sa colère
toute la vigueur d’Israël,
retiré en arrière sa droite
devant l’ennemi ;
il a allumé en Jacob un feu flamboyant
qui dévore tout alentour.

Dalèt.

4 Il a bandé son arc, comme un ennemi,l
il a assuré sa droite,
il a égorgé, tel un adversaire
tous ceux qui charmaient les yeux ;
sur la tente de la fille de Sion
il a déversé sa fureur comme un feu.

l Comme en Jr 12.7 ; 30.14, Yahvé est présenté tragiquement comme l’ennemi de son peuple.

Hé.

5 Le Seigneur a été comme un ennemi ;
il a détruit Israël,
il a détruit tous ses palais,
abattu ses forteresses
et multiplié pour la fille de Juda
gémissements et gémissements.

Vav.

6 Il a forcé comme un jardin son enclos,m
abattu son lieu de réunion.
Yahvé a fait oublier dans Sion
fêtes et sabbats ;
il a rejeté, dans l’ardeur de sa colère,
roi et prêtre.

m Au lieu de « comme un jardin » (gan) la leçon primitive était peut-être « comme un voleur » (gannab), corrigée par respect pour Dieu.

Zaïn.

7 Le Seigneur a pris en dégoût son autel,
en horreur son sanctuaire ;
aux mains de l’ennemi il a livré
les remparts de ses palais ;
clameurs dans le Temple de Yahvé
comme en un jour de fête !n

n Mais c’était le cri de guerre de l’ennemi.

Hèt.

8 Yahvé a médité d’abattre
le rempart de la fille de Sion.
Il a étendu le cordeau, ne retirant pas sa main
que tout ne soit englouti.
Il a endeuillé mur et avant-mur :
ensemble ils se désolent.

Tèt.

9 Ses portes sont enfouies sous terre,
il en a détruit et brisé les barres ;
son roi et ses princes sont chez les païens ;
plus de Loi !
Ses prophètes même n’obtiennent plus
de vision de Yahvé.

Yod.

10 Ils sont assis à terre, en silence,
les anciens de la fille de Sion ;
ils ont mis de la poussière sur leur tête,
ils ont revêtu des sacs.
Elles penchent la tête vers la terre,
les vierges de Jérusalem.

Kaph.

11 Mes yeux sont consumés de larmes,
mes entrailles frémissent,
mon foie s’épand à terre
pour le brisement de la fille de mon peuple,
tandis que défaillent enfants et nourrissons
sur les places de la Cité.

Lamed.

12 Ils disent à leurs mères :
« Où y a-t-il du pain ? »o
Tandis qu’ils défaillent comme des blessés
sur les places de la Ville,
et qu’ils versent leur âme
sur le sein de leur mère.

o L’hébr. ajoute « et du vin ».

Mem.

13 À quoi te comparer ? À quoi te dire semblable,
fille de Jérusalem ?
Qui pourra te sauver et te consoler,p
vierge, fille de Sion ?
Car il est grand comme la mer, ton brisement ;
qui donc va te guérir ?

p « À quoi te comparer » Vulg. ; « Que témoignerai-je pour toi » hébr. — « Qui pourra... consoler » grec ; « À quoi t’assimiler pour te consoler » hébr.

Nun.

14 Tes prophètes ont eu pour toi des visions
d’illusion et de clinquant.
Ils n’ont pas révélé ta faute
pour changer ton sort.
Ils t’ont servi des oracles,
d’illusion et de séduction.q

q « clinquant », litt. « crépi, badigeon », allusion à Ez 13.10. — « changer ton sort », expression fréquente chez Jérémie, qui signifie également « faire revenir les captifs ». — « Ils t’ont servi », litt. « Ils ont vu pour toi ».

Samek.

15 Ils battent des mains à cause de toi
tous les passants sur le chemin ;
ils sifflotent et hochent la tête
sur la fille de Jérusalem.
« Est-ce là la ville qu’on appelait toute belle,
la joie de toute la terre ? »

Phé.

16 Contre toi, ils ouvrent la bouche,
tous tes ennemis ;
ils sifflotent, grincent des dents,
disant : « Nous l’avons engloutie !
Voilà donc le Jour que nous espérions.
Nous le touchons, nous le voyons ! »

Aïn.

17 Yahvé a accompli ce qu’il avait résolu,
exécuté sa parole
décrétée depuis les jours anciens ;
il a détruit sans pitié.
Il a réjoui l’ennemi à tes dépens,
exalté la vigueur de tes adversaires.

Çadé.

18 Crie doncr vers le Seigneur,
rempart de la fille de Sion ;
laisse couler tes larmes comme un torrent
jour et nuit ;
ne t’accorde pas de relâche,
que tes yeux n’aient pas de repos !

r « Crie donc » ça`aqî lâk conj. ; « leur cœur crie » ça`aq libbam hébr. — L’image du rempart, dans la suite du v., ne semble pas très cohérente et on propose parfois de lire « gémis, fille de Sion » (hemî au lieu de homat) mais cette conj. est sans appui textuel.

Qoph.

19 Debout ! Pousse un cri dans la nuit
au commencement des veilles ;
répands ton cœur comme de l’eau
devant la face de Yahvé,
élève vers lui tes mains
pour la vie de tes petits enfants
(qui défaillent de faim
à l’entrée de toutes les rues) !s

s Les deux derniers stiques qui rompent le rythme sont une addition inspirée du v. 11 ; elle se trouve également dans le grec.

Resh.

20 « Vois, Yahvé, et regarde :
Qui as-tu jamais traité de la sorte ?
Fallait-il que des femmes mangent leurs petits,
les enfants qu’elles berçaient ?
Fallait-il qu’au sanctuaire du Seigneur fussent égorgés
prêtre et prophète ?

Shin.

21 Sur le sol gisent dans les rues
enfants et vieillards,
mes vierges et mes jeunes gens
sont tombés sous l’épée ;
tu as égorgé au jour de ta colère,
tu as immolé sans pitié.

Tav.

22 Tu as convoqué comme pour un jour de fête
les terreurst de tous côtés ;
au jour de la colère de Yahvé, il n’y eut
rescapé ni survivant.
Ceux que j’avais bercés et élevés,
mon ennemi les a exterminés. »

t « les terreurs » conj. ; « mes terreurs » hébr.

Troisième lamentationu

Aleph.

3 Je suis l’homme qui a connu la misère,
sous la verge de sa fureur.

u Ce poème est analogue à plusieurs psaumes où une plainte individuelle s’élargit (ici vv. 40-47) en lamentation collective. Les considérations assez générales des vv. 22-39 reprennent un certain nombre de thèmes de la littérature de sagesse.

2 C’est moi qu’il a conduit et fait marcher
dans la ténèbre et sans lumière.

3 Contre moi seul, il tourne et retourne
sa main tout le jour.

Bèt.

4 Il a consumé ma chair et ma peau,
rompu mes os.

5 Il a élevé contre moi des constructions,
cerné ma tête de tourment.v

v « ma tête de tourment » rôshî tela’ah conj. ; « de fiel et de tourment » rôsh ûtela’ah hébr. — v. difficile. Après l’évocation de la maladie, il semble qu’on ait là l’image d’une ville contre laquelle on élève des machines de siège, mais le texte est incertain.

6 Il m’a fait habiter dans les ténèbres,
comme ceux qui sont morts à jamais.

Gimel.

7 Il m’a emmuré, et je ne puis sortir ;
il a rendu lourdes mes chaînes.

8 Quand même je crie et j’appelle,
il arrête ma prière.

9 Il a barré mes chemins avec des pierres de taille,
obstrué mes sentiers.

Dalèt.

10 Il est pour moi un ours aux aguets,
un lion à l’affût.

11 Faisant dévier mes chemins, il m’a déchiré,
il a fait de moi une horreur.

12 Il a bandé son arc et m’a visé
comme une cible pour ses flèches.

Hé.

13 Il a planté en mes reins,
les flèches de son carquois.

14 Je suis devenu la risée de tout mon peuple,w
leur chanson tout le jour.

w Plusieurs mss hébr. et le syr. ont lu « la risée de tous les peuples », ce qui indique une relecture identifiant l’homme du v. 1 avec Israël.

15 Il m’a saturé d’amertume,
il m’a enivré d’absinthe.

Vav.

16 Il a brisé mes dents avec du gravier,
il m’a nourri de cendre.x

x « nourri de cendre » grec ; « renversé dans la cendre » hébr.

17 Mon âme est excluey de la paix,
j’ai oublié le bonheur !

y « est exclue » syr., Vulg. ; « tu as exclu » hébr.

18 J’ai dit : Mon existence est finie,
mon espérance qui venait de Yahvé.

Zaïn.

19 Souviens-toi de ma misère et de mon angoisse :
c’est absinthe et fiel !

20 Elle s’en souvient, elle s’en souvient, mon âme,
et elle s’effondre en moi.

21 Voici ce qu’à mon cœur je rappellerai
pour reprendre espoir :

Hèt.

22 Les faveurs de Yahvé ne sont pas finies,
ni ses compassions épuisées ;

23 elles se renouvellent chaque matin,
grande est sa fidélité !z

z « sa fidélité » conj. ; « ta fidélité » hébr. — Les vv. 22-24 manquent dans le grec.

24 « Ma part, c’est Yahvé ! dit mon âme,
c’est pourquoi j’espère en lui. »

Tèt.

25 Yahvé est bon pour qui se fie à lui,
pour l’âme qui le cherche.

26 Il est bon d’attendre en silence
le salut de Yahvé.

27 Il est bon pour l’homme de porter
le joug dès sa jeunesse,

Yod.

28 que solitaire et silencieux il s’asseye
quand le Seigneur l’impose sur lui,

29 qu’il mette sa bouche dans la poussière :
peut-être y a-t-il de l’espoir !

30 qu’il tende la joue à qui le frappe,
qu’il se rassasie d’opprobres !

Kaph.

31 Car le Seigneur ne rejette pas
les humains pour toujours :

32 s’il a affligé, il prend pitié
selon sa grande bonté.

33 Car ce n’est pas de bon cœur qu’il humilie
et afflige les fils d’homme !

Lamed.

34 Quand on écrase et piétine
tous les prisonniers d’un pays,

35 quand on fausse le droit d’un homme
devant la face du Très-Haut,

36 quand on fait tort à un homme dans un procès,
le Seigneur ne le voit-il pas ?

Mem.

37 Qui donc n’a qu’à parler pour que les choses soient ?
N’est-ce pas le Seigneur qui décide ?

38 N’est-ce pas de la bouche du Très-Haut
que sortent les maux et les biens ?

39 Pourquoi l’homme murmurerait-il ?
Qu’il soit plutôt brave contre ses péchés !a

a « Qu’il soit brave », litt. « qu’il soit un homme » en lisant yehî (geber) au lieu de hây (« vivant ») que l’hébreu rattache au premier stique.

Nun.

40 Examinons notre voie, scrutons-la
et revenons à Yahvé.

41 Élevons notre cœur et nos mainsb
vers le Dieu qui est au ciel.

b « et nos mains » Vulg. ; « vers nos mains » hébr.

42 Nous, nous avons péché ; nous, nous sommes rebelles :
Toi, tu n’as pas pardonné !

Samek.

43 Tu t’es enveloppé de colère et nous as pourchassés,
massacrant sans pitié.

44 Tu t’es enveloppé d’un nuage
pour que la prière ne passe pas.

45 Tu as fait de nous des balayures,
un rebut parmi les peuples.

Phé.

46 Ils ont ouvert la bouche contre nous,
tous nos ennemis.

47 Frayeur et fosse furent notre lot,
fracas et désastre.

48 Mes yeux se fondent en ruisseaux
pour le désastre de la fille de mon peuple.

Aïn.

49 Mes yeux pleurent et ne s’arrêtent pas,
il n’y a pas de répit,

50 jusqu’à ce que Yahvé regarde
et voie du haut du ciel.

51 Mes yeux me font mal,
pour toutes les filles de ma Cité.

Çadé.

52 Ils m’ont chassé, pourchassé comme un oiseau,
ceux qui m’exècrent sans raison.

53 Dans une fosse, ils ont précipité ma vie,
ils m’ont jeté des pierres.

54 Les eaux ont submergé ma tête ;
je disais : « Je suis perdu ! »

Qoph.

55 J’ai invoqué ton Nom, Yahvé,
de la fosse profonde.

56 Tu entendis mon cri, ne sois pas sourd
à ma prière,c à mon appel.

c « à ma prière » grec (qui omet le mot suivant, glose probable) ; « à ma libération » hébr.

57 Tu te fis proche, au jour où je t’ai appelé.
Tu as dit : « Ne crains pas ! »

Resh.

58 Tu as défendu, Seigneur, la cause de mon âme,
tu as racheté ma vie.d

d Dieu est le go’el de son peuple, cf. Rt 2.20 ; Isa 41.20.

59 Tu as vu, Yahvé, le tort qui m’était fait :
rends-moi justice.

60 Tu as vu toute leur rage,
tous leurs complots contre moi.

Shin.

61 Tu as entendu leurs outrages, Yahvé,
tous leurs complots contre moi.

62 les propos que chuchotaient mes adversaires
contre moi, tout le jour.

63 Qu’ils s’asseyent ou se lèvent, regarde :
je leur sers de chanson.

Tav.

64 Rétribue-les, Yahvé,
selon l’œuvre de leurs mains.

65 Mets en leur cœur l’endurcissement,
ta malédiction sur eux.

66 Poursuis-les avec colère, extirpe-les
de dessous tes cieux !e

e « tes cieux » mss grecs, syr. ; « les cieux de Yahvé » hébr.

Quatrième lamentation

Aleph.

4 Quoi ! il s’est terni, l’or, il s’est altéré,
l’or si fin !
Les pierres sacrées ont été semées
au coin de toutes les rues.f

f L’or et les pierres sacrées symbolisent la population de Jérusalem.

Bèt.

2 Les fils de Sion, précieux
autant que l’or fin,
quoi ! ils sont comptés pour des vases d’argile,
œuvre des mains d’un potier !

Gimel.

3 Même les chacals tendent leurs mamelles
et allaitent leurs petits ;
la fille de mon peuple est devenue cruelle
comme les autruches au désert.

Dalèt.

4 De soif, la langue du nourrisson
s’attache à son palais ;
les petits enfants réclament du pain :
personne ne leur en partage.

Hé.

5 Ceux qui mangeaient des mets délicieux
expirent dans les rues ;
ceux qui étaient élevés dans la pourpre
étreignent le fumier.

Vav.

6 La faute de la fille de mon peuple a surpassé
les péchés de Sodome,
qui fut renversée en un instant
sans qu’on s’y fatiguât les mains.

Zaïn.

7 Ses jeunes gensg étaient plus éclatants que neige,
plus blancs que lait ;
plus vermeil que le corail était leur corps,
leur teint était de saphir.

g « Ses jeunes gens » ne`arêka conj. ; « Ses nazirs » nezîrêka hébr. — Au dernier stique, on traduit « leur teint » d’après la Syro-hexaplaire et Origène ; le mot hébr. gizerah (d’une racine qui signifie « couper », « séparer ») reste ici inexpliqué.

Hèt.

8 Leur visage est plus sombre que la suie,
on ne les reconnaît plus dans les rues.
Leur peau est collée à leurs os,
sèche comme du bois.

Tèt.

9 Heureuses furent les victimes de l’épée
plus que celles de la faim,
qui succombent, épuisées,h
privées des fruits des champs.

h Littéralement « qui s’écoulent, transpercées », peut-être au sens de rendues comme transparentes par la famine.

Yod.

10 De tendres femmes ont, de leurs mains,
fait cuire leurs petits :
ils leur ont servi d’aliment
dans le désastre de la fille de mon peuple.

Kaph.

11 Yahvé a assouvi sa fureur,
déversé l’ardeur de sa colère,
il a allumé en Sion un feu
qui a dévoré ses fondations.

Lamed.

12 Ils ne croyaient pas, les rois de la terre
et tous les habitants du monde,
que l’oppresseur et l’ennemi franchiraient
les portes de Jérusalem.

Mem.

13 C’est à cause des péchés de ses prophètes,
des fautes de ses prêtres,
qui en pleine ville avaient versé
le sang des justes !

Nun.

14 Ils erraient en aveugles dans les rues,
souillés de sang ;
alors on ne pouvait toucher
leurs vêtements.

Samek.

15 « Arrière ! Impur ! » leur criait-on,
« Arrière ! Arrière ! Pas de contact ! »
S’ils partaient et fuyaient chez les nations,
ils ne pouvaient y séjourner.i

i Les coupables sont traités comme des lépreux. — Après « fuyaient », l’hébr. ajoute « on disait ». On peut aussi comprendre « on disait chez les nations ils ne pourront séjourner ».

Phé.

16 La Face de Yahvé les dispersa,
il ne les regarda plus.
On ne marqua plus de respect aux prêtres,
d’égard aux anciens.

Aïn.

17 Toujours nos yeux se consumaient,
épiant un secours : illusion !
De nos tours nous guettions
une nationj qui ne peut sauver.

j L’Égypte, alliée de la dernière guerre.

Çadé.

18 On observait nos pas,
pour nous interdire nos places.
Notre fin était proche, nos jours accomplis,
oui, notre fin était arrivée !

Qoph.

19 Nos pourchasseurs étaient rapides
plus que les aigles du ciel ;
dans les montagnes ils nous traquaient,
nous dressaient des embûches au désert.

Resh.

20 Le souffle de nos narines, l’oint de Yahvék
fut pris dans leurs fosses,
lui dont nous disions : « À son ombre
nous vivrons chez les nations. »

k Sédécias, cf. 2 R 25.6. — « Le souffle de nos narines », c’est-à-dire notre vie elle-même.

Shin.

21 Réjouis-toi, exulte, fille d’Édom,
qui habites au pays de Uç !l
À toi aussi passera la coupe :
tu te soûleras et montreras ta nudité !

l Uç, cf. Gn 36.28 ; Jb 1.1 ; les peuples voisins, Moab, Ammon et surtout Édom, loin de soutenir Israël vaincu, profitèrent de sa défaite, cf. Isa 34.5, d’où les anathèmes contre Édom fréquents dans la littérature prophétique postexilique, cf. Isa 34 ; Ez 25.

Tav.

22 Ta faute est expiée, fille de Sion.
Il ne te déportera plus !
Il va châtier ta faute, fille d’Édom.
Il va dévoiler tes péchés !