11 Et il advint, quand Jésus eut achevé de donner ces consignes à ses douze disciples, qu’il partit de là pour enseigner et prêcher dans leurs villes.y
y Les villes des Juifs.
2 Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des œuvres du Christ. Il lui envoya de ses disciplesz pour lui dire :
z Var. « deux de ses disciples », cf. Lc 7.18.
a Sans douter absolument de Jésus, Jean-Baptiste s’étonne de le voir réaliser un type du Messie si différent de celui qu’il attendait, cf. 3.10-12.
b Littéralement « les pauvres sont évangélisés », cf. 4.23 ; Lc 1.19. Par cette allusion aux oracles d’Isaïe, Jésus montre à Jean que ses œuvres inaugurent bien l’ère messianique, mais par mode de bienfaits et de salut, non de violence et de châtiment. Cf. Lc 4.17-21.
7 Tandis que ceux-là s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules au sujet de Jean : « Qu’êtes-vous allés contempler au désert ? Un roseau agité par le vent ?
8 Alors qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu de façon délicate ? Mais ceux qui portent des habits délicats se trouvent dans les demeures des rois.
Voici que moi j’envoie mon messager en avant de toi
pour préparer ta route devant toi.
11 « En vérité je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n’en a pas surgi de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui.c
c Par ce seul fait qu’il appartient au Royaume, tandis que Jean, en tant que Précurseur est resté à la porte. Cette parole oppose deux époques de l’œuvre divine, deux « économies », sans déprécier en rien la personne de Jean les temps du Royaume transcendent totalement ceux qui les ont précédés et préparés.
d Expression diversement interprétée. Il peut s’agir :1° de la sainte violence de ceux qui s’emparent du royaume au prix des plus durs renoncements ; 2° de la mauvaise violence de ceux qui veulent établir le Royaume par les armes (les Zélotes) ; 3° de la tyrannie des Puissances démoniaques, ou de leurs suppôts terrestres, qui prétendent garder l’empire de ce monde et entraver l’essor du Royaume de Dieu. Enfin certains traduisent « le Royaume des Cieux se fraie sa voie avec violence », c’est-à-dire s’établit avec puissance en dépit de tous les obstacles.
13 Tous les prophètes en effet, ainsi que la Loi, ont mené leurs prophéties jusqu’à Jean.
e Jean est venu achever, dans la perspective de Matthieu, l’économie de l’ancienne Alliance en prenant la succession du dernier des prophètes, Malachie, dont il accomplit la dernière prédiction, Ml 3.23.
16 « Mais à qui vais-je comparer cette génération ? Elle ressemble à des gamins qui, assis sur les places, en interpellent d’autres,
« Nous vous avons joué de la flûte,
et vous n’avez pas dansé !
Nous avons entonné un chant funèbre,
et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine ! »
18 Jean vient en effet, ne mangeant ni ne buvant, et l’on dit : « Il est possédé ! »
19 Vient le Fils de l’homme, mangeant et buvant, et l’on dit : « Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs ! » Et justice a été rendue à la Sagesse par ses œuvres. »f
f Var. « par ses enfants », cf. Lc 7.35. — À la façon d’enfants boudeurs qui repoussent tous les jeux qu’on leur offre (ici jeux de mariage et d’enterrement), les Juifs rejettent toutes les avances de Dieu, aussi bien la pénitence de Jean que la condescendance de Jésus. L’une et l’autre se légitiment pourtant par les situations différentes de Jean-Baptiste et de Jésus par rapport à l’ère messianique cf. 9.14-15 ; 11.11-13. — En dépit de la mauvaise volonté des hommes, le sage dessein de Dieu se réalise et se justifie lui-même par la conduite qu’il inspire à Jean-Baptiste et à Jésus. Les « œuvres » de ce dernier, en particulier, c’est-à-dire ses miracles, v. 2, sont le témoignage qui convainc ou condamne, vv. 6 et 20-24. Jésus est encore rapproché de la Sagesse en 11.28-30 ; 12.42 ; 23.34 ; Jn 6.35 ; 1 Co 1.24. — Une autre exégèse ne voit ici qu’un proverbe dont l’application aux incrédules annonce que leur fausse sagesse, cf. v. 25, récoltera ses justes fruits, à savoir les châtiments divins, vv. 20-24.
20 Alors il se mit à invectiver contre les villes qui avaient vu ses plus nombreux miracles mais n’avaient pas fait pénitence.
21 « Malheur à toi, Chorazeïn ! Malheur à toi, Bethsaïde ! Car si les miracles qui ont eu lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon,g il y a longtemps que, sous le sac et dans la cendre, elles se seraient repenties.
g Villes dont les menaces des prophètes avaient fait des types d’impiété : Am 1.9-10 ; Isa 23 ; Ez 26-28 ; Za 9.2-4.
25 En ce temps-là Jésus prit la parole et dit : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché celah aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits.
h Ce passage, vv. 25-27, étant sans connexion étroite avec le contexte où l’a inséré (cf. sa place différente en Lc), « cela » ne se rapporte pas à ce qui précède, mais doit s’entendre absolument des « mystères du Royaume », 13.11, découverts aux « tout-petits », les disciples, cf. 10.42, mais cachés aux « sages », les Pharisiens et leurs docteurs.
i La profession de relations intimes avec Dieu, vv. 26-27, et l’appel à se faire disciple, vv. 28-30, évoquent maints passages des livres sapientiaux, Pr 8.22-36 ; Si 24.3-9 et 19-20 ; Sg 8.3-4 ; 9.9-18, etc. Jésus s’attribue ainsi le rôle de la Sagesse, cf. 11.19, mais d’une façon éminente, non plus comme une personnification mais comme une personne, « le Fils » par excellence du « Père », cf. 4.3. Ce passage de ton johannique, cf. Jn 1.18 ; 3.11, 35 ; 6.46 ; 10.15, etc., exprime, dans le fond le plus primitif de la tradition synoptique comme chez Jn, la conscience claire que Jésus avait de sa filiation divine. La structure de ce passage aurait pu être influencée par Si 51 sur ce thème des relations privilégiées avec Dieu, voir aussi Ex. 33.12-23.
28 « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau,j et moi je vous soulagerai.
j Allusion à la Loi, dont le « fardeau » est parfois alourdi par certaines observances surajoutées (notamment par les pharisiens). Le « joug de la Loi » est une métaphore fréquente chez les rabbins, voir déjà So 3.9 (LXX) ; Lm 3.27 ; Jr 2.20 ; 5.5 ; cf. Isa 14.25. Si 6.24-30 ; 51.26-27 l’exploite déjà dans un contexte de sagesse, avec l’idée de labeur facile et reposant.
k Épithètes classiques des « Pauvres » de l’AT, cf. So 2.3 ; Dn 3.87. Jésus revendique leur attitude religieuse et s’en autorise pour se faire leur maître de sagesse, comme c’était annoncé du « Serviteur », Isa 61.1-2 et Lc 4.18 ; voir encore 12.18-21 ; 21.5. De fait c’est pour eux qu’il a prononcé les Béatitudes, 5.3, et mainte autre instruction de sa Bonne Nouvelle.
30 Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger. »
12 En ce temps-là Jésus vint à passer, un jour de sabbat, à travers les moissons. Ses disciples eurent faim et se mirent à arracher des épis et à les manger.
l On ne reproche pas aux disciples de cueillir en passant des épis dans le champ d’autrui (Dt 23.26 le permettait), mais de le faire le jour du sabbat. Les casuistes voyaient là un « travail », interdit par la Loi, Ex 34.21.
m Le sabbat ne supprimait pas, mais aggravait plutôt les activités des ministres du culte.
n En cette occasion et lors de guérisons qu’il opère le jour du sabbat, 12.9 14 ; Lc 13.10 17 ; 14.1-6 ; Jn 5.1-18 et 7.19 24 ; 9, Jésus affirme que même une institution divine comme celle du repos sabbatique n’a pas une valeur absolue, qu’elle doit céder à la nécessité ou à la charité, et que lui-même a le pouvoir d’interpréter avec autorité la Loi mosaïque, cf. 5.17 ; 15.1-7 ; 19.1-9. Il l’a en tant que « Fils de l’homme », chef du Royaume messianique, 8.20, et chargé dès ici-bas, 9.6, d’en établir l’économie nouvelle, 9.17, supérieure à l’ancienne car « il y a ici plus grand que le Temple ». — Les rabbins admettaient des dispenses de la loi du sabbat, mais leurs scrupules les restreignaient le plus possible.
9 Parti de là, il vint dans leur synagogue.
15 L’ayant su, Jésus se retira de là. Beaucoup le suivirent et il les guérit tous
16 et il leur enjoignit de ne pas le faire connaître,
18 Voici mon Serviteur que j’ai choisi,
mon Bien-Aimé qui a toute ma faveur.
Je placerai sur lui mon Esprit
et il annoncera le Droito aux nations.
o Le « Droit » divin, qui règle les rapport de Dieu avec les hommes et s’exprime essentiellement par la Révélation et la vraie Religion qui en découle.
19 Il ne fera point de querelles ni de cris
et nul n’entendra sa voix sur les grands chemins.
20 Le roseau froissé, il ne le brisera pas,
et la mèche fumante, il ne l’éteindra pas,
jusqu’à ce qu’il ait mené le Droit au triomphe :
21 en son nom les nations mettront leur espérance.
22 Alors on lui présenta un démoniaque aveugle et muet ; et il le guérit, si bien que le muet pouvait parler et voir.
p Divinité cananéenne dont le nom signifie « Baal le Prince » (et non « Baal du fumier » comme on l’a souvent dit), ce qui explique que l’orthodoxie monothéiste en ait fait le « Prince des démons ». La forme « Béelzéboub » (syr. et Vulg.) est un jeu de mots méprisant (cf. déjà 2 R 1.2s) qui transforme ce titre en « Baal des mouches ».
25 Connaissant leurs sentiments, il leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine ; et nulle ville, nulle maison, divisée contre elle-même, ne saurait se maintenir.
q Littéralement « vos fils », tournure sémitique.
29 « Ou encore, comment quelqu’un peut-il pénétrer dans la maison d’un homme fort et s’emparer de ses affaires, s’il n’a d’abord ligoté cet homme fort ? Et alors il pillera sa maison.
30 « Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui n’amasse pas avec moi dissipe.
r L’homme est excusable de se méprendre sur la dignité divine de Jésus, voilée par ses humbles apparences de « Fils de l’homme », 8.20 ; il ne l’est pas de fermer ses yeux et son cœur aux œuvres éclatantes de l’Esprit. En les niant, il rejette l’avance suprême que lui fait Dieu, et se met hors du salut, cf. He 6.4-6 ; 10.26-31.
33 « Prenez un arbre bon : son fruit sera bon ; prenez un arbre gâté : son fruit sera gâté. Car c’est au fruit qu’on reconnaît l’arbre.
s Il ne s’agit pas simplement de parole « oiseuse », mais de parole mauvaise, en somme de calomnie.
38 Alors quelques-uns des scribes et des Pharisiens prirent la parole et lui dirent : « Maître, nous désirons que tu nous fasses voir un signe. »t
t Un prodige qui exprime et justifie l’autorité que revendique Jésus, cf. Isa 2.11s ; Lc 1.18 ; Jn 2.11. Aucun autre signe ne sera donné que celui de sa résurrection, qui sera le signe décisif et dont ici l’annonce est voilée.
u Image tirée de la Bible, cf. Os 1.2.
v En 16.4 Matthieu ne précise pas, comme ici au v. 40, le sens du « signe de Jonas », et Lc 11.29s l’entend de la prédication de Jésus, qui est un signe pour ses contemporains comme Jonas le fut pour les Ninivites. Cette deuxième interprétation est d’alleurs sous-jacente ici au v. 41. Or elle est moins vraisemblable. Non seulement la prédication déjà actuelle de Jésus ne peut être annoncée comme future, mais encore, et surtout, dans la tradition juive Jonas était célèbre pour sa délivrance miraculeuse, bien plus que pour sa prédication aux païens, qui déplaisait plutôt. Même si son explicitation du v. 40 est tardive, l’interprétation de doit donc mieux refléter que celle de Lc la pensée de Jésus il annonce de façon voilée son triomphe final. Marc n’a pas d’allusion à Jonas, cf. Mc 8.12.
w Cette expression toute faite, tirée telle quelle de Jon 2.1 ne s’applique que de façon approximative à l’intervalle entre la mort et la résurrection du Christ.
43 Lorsque l’esprit impur est sorti de l’homme, il erre par des lieux arides en quête de repos,x et il n’en trouve pas.
x Les anciens considéraient les lieux déserts comme peuplés de démons, cf. Lv 16.8 ; 17.7 ; Isa 13.21 ; 34.14 ; Ba 4.35 ; Ap 18.2 ; 8.28. Toutefois ceux-ci préfèrent encore habiter au milieu des hommes, 8.29.
46 Comme il parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frèresy se tenaient dehors, cherchant à lui parler.
y Il y a plusieurs mentions des « frères » (et des « sœurs ») de Jésus : voir 13.55 ; Jn 7.3 ; Ac 1.14 ; 1 Co 9.5 ; Ga 1.19. Tout en ayant le sens premier de « frère de sang » le mot grec utilisé (adelphos), comme le mot correspondant en hébreu et en araméen, peut désigner des relations de parenté plus larges (cf. Gn 13.8 ; 29.15 ; Lv 10.4), et notamment un cousin germain (1 Ch 23.22). Le grec possède un autre terme pour « cousin » (anèpsios, voir Col 4.10, seul emploi de ce terme dans le NT). Mais le livre de Tobie témoigne de ce que les deux mots peuvent être utilisés indifféremment pour parler de la même personne voir Tb 7.4 « notre frère Tobit » (adelphos ou anèpsios selon les manuscrits). Depuis les Pères de l’Église, l’interprétation prédominante a vu dans ces « frères » de Jésus des « cousins », en accord avec la croyance en la virginité perpétuelle de Marie. En outre, cela est cohérent avec Jn 19.26-27 qui laisse supposer qu’à la mort de Jésus, Marie était seule.
z Le v. 47 est omis par de bons témoins, le scribe ayant probablement sauté de la fin du v. 46 à la fin, presque identique, du v. 47. (= « homeotéleuton »).
a Les liens de la parenté charnelle passent après ceux de la parenté spirituelle, cf. 8.21s ; 10.37 ; 19.29.