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Bible de Jérusalem

Matthieu 26-28

VII. Passion et résurrection

Complot contre Jésus.

26 Et il advint, quand Jésus eut achevé tous ces discours, qu’il dit à ses disciples : 2 « La Pâque, vous le savez, tombe dans deux jours, et le Fils de l’homme va être livré pour être crucifié. »

3 Alors les grands prêtres et les anciens du peuple s’assemblèrent dans le palais du Grand Prêtre, qui s’appelait Caïphe, 4 et se concertèrent en vue d’arrêter Jésus par ruse et de le tuer. 5 Ils disaient toutefois : « Pas en pleine fête ; il faut éviter un tumulte parmi le peuple. »

L’onction à Béthanie.h

6 Comme Jésus se trouvait à Béthanie, chez Simon le lépreux,

h La femme est Marie, comme le précise Jn. L’épisode analogue raconté en Lc 7.36-50 est un peu différent.

7 une femme s’approcha de lui, avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très précieux, et elle le versa sur sa tête, tandis qu’il était à table. 8 À cette vue les disciples furent indignés : « À quoi bon ce gaspillage ? dirent-ils ; 9 cela pouvait être vendu bien cher et donné à des pauvres. » 10 Jésus s’en aperçut et leur dit : « Pourquoi tracassez-vous cette femme ? C’est vraiment une « bonne œuvre »i qu’elle a accomplie pour moi.

i Les juifs divisaient les « bonnes œuvres » en « aumônes » et « actions charitables »; ces dernières étaient jugées supérieures et comprenaient, entre autres choses, l’ensevelissement des morts. La femme a donc fait une « œuvre » plus excellente que l’aumône, en pourvoyant à la sépulture du Christ.

11 Les pauvres, en effet, vous les aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. 12 Si elle a répandu ce parfum sur mon corps, c’est pour m’ensevelir qu’elle l’a fait. 13 En vérité je vous le dis, partout où sera proclamé cet Évangile, dans le monde entier, on redira aussi, à sa mémoire, ce qu’elle vient de faire. »

La trahison de Judas.

14 Alors l’un des Douze, appelé Judas Iscariote, se rendit auprès des grands prêtres 15 et leur dit : « Que voulez-vous me donner, et moi je vous le livrerai ? » Ceux-ci lui versèrent trente pièces d’argent.j

j Trente sicles (et non trente deniers, comme on dit souvent). C’était le prix fixé par la Loi pour la vie d’un esclave, Ex 21.32.

16 Et de ce moment il cherchait une occasion favorable pour le livrer.

Préparatifs du repas pascal.

17 Le premier jour des Azymes,k les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Où veux-tu que nous te préparions de quoi manger la Pâque ? »

k Le « premier jour » de la semaine, où l’on mangeait des pains sans levain (azymes), cf. Ex 12.1 ; 23.14, était normalement celui qui suivait le repas pascal ; en nommant ainsi le jour précédent, les Synoptiques font preuve d’un usage plus large. Par ailleurs, il semble bien, d’après Jn 18.28 et d’autres détails de la Passion, que le repas pascal fut célébré cette année-là au soir du vendredi (ou « Parascève », 27.62 ; cf. Jn 19.14, 31, 42). La Cène de Jésus que les Synoptiques placent un jour plus tôt, au soir du jeudi, doit dès lors s’expliquer, soit par l’anticipation du rite dans une partie du peuple juif, soit plutôt par une anticipation voulue par Jésus lui-même ne pouvant célébrer la Pâque le lendemain, sinon en sa propre personne sur la Croix, Jn 19.36 ; 1 Co 5.7, Jésus aura institué son rite nouveau au cours d’un repas qui aura reçu par contrecoup les traits de la Pâque ancienne. L’opinion récente qui place la Cène au soir du mardi, selon le calendrier essénien, ne semble pas devoir être retenue. — Le 14 Nisan (jour du repas pascal) étant tombé un vendredi en 30 et en 33 ap. J.-C., les exégètes choisissent l’une ou l’autre de ces deux années pour celle de la mort du Christ, selon qu’ils placent son baptême en 28 ou en 29 et qu’ils assignent à son ministère une durée plus ou moins longue.

18 Il dit : « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : « Le Maître te fait dire : Mon temps est proche, c’est chez toi que je vais faire la Pâque avec mes disciples ». » 19 Les disciples firent comme Jésus leur avait ordonné et préparèrent la Pâque.

Annonce de la trahison de Judas.

20 Le soir venu, il était à table avec les Douze. 21 Et tandis qu’ils mangeaient,l il dit : « En vérité je vous le dis, l’un de vous me livrera. »

l Il s’agit du premier service, qui précédait le repas pascal proprement dit.

22 Fort attristés, ils se mirent chacun à lui dire : « Serait-ce moi, Seigneur ? » 23 Il répondit : « Quelqu’un qui a plongé avec moi la main dans le plat, voilà celui qui va me livrer ! 24 Le Fils de l’homme s’en va selon qu’il est écrit de lui ; mais malheur à cet homme-là par qui le Fils de l’homme est livré ! Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître ! » 25 À son tour, Judas, celui qui allait le livrer, lui demanda : « Serait-ce moi, Rabbi ? » — « Tu l’as dit », répond Jésus.

Institution de l’Eucharistie.

26 Or, tandis qu’ils mangeaient,m Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna aux disciples en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. »

m On est arrivé au centre du repas pascal. C’est sur des gestes précis et solennels du rituel juif (bénédictions à Yahvé prononcées sur le pain et le vin) que Jésus greffe les rites sacramentels du culte nouveau qu’il instaure.

27 Puis, prenant une coupe, il rendit grâcesn et la leur donna en disant : « Buvez-en tous ;

n « Rendre grâces » traduit ici le verbe grec eucharistô, dont le substantif eucharistia, « action de grâces », a été adopté par le langage chrétien pour désigner la Sainte Cène.

28 car ceci est mon sang, le sang de l’alliance,o qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés.p

o Add. (Vulg.) « nouvelle », cf. Lc 22.20 ; 1 Co 11.25 ; Jr 31.31-34.

p Comme jadis, au Sinaï, le sang des victimes scella l’alliance de Yahvé avec son peuple, Ex 24.4-8 ; cf. Gn 15.1, de même sur la Croix le sang de la victime parfaite, Jésus, va sceller entre Dieu et les hommes l’alliance « nouvelle », cf. Lc 22.20, qu’ont annoncée les prophètes, Jr 31.31. Jésus s’attribue la mission de rédemption universelle assignée par Isaïe au « Serviteur de Yahvé », Isa 42.6 ; 49.6 ; 53.12, cf. Isa 42.1. Cf. He 8.8 ; 9.15 ; 12.24. L’idée de nouvelle alliance intervient aussi chez Paul, outre 1 Co 11.25, en divers contextes qui en révèlent la grande importance, 2 Co 3.4-6 ; Ga 3.15-20 ; 4.24.

29 Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le Royaume de mon Père. »q

q Allusion au banquet eschatologique, cf. 8.11 ; 22.1s. C’en est fini des repas terrestres de Jésus avec ses disciples.

Prédiction du reniement de Pierre.

30 Après le chant des psaumes,r ils partirent pour le mont des Oliviers.

r Les psaumes du Hallel, Ps 113-118, dont la récitation clôturait le repas pascal.

31 Alors Jésus leur dit : « Vous tous, vous allez succombers à cause de moi, cette nuit même. Il est écrit en effet : Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées.

s Scandale religieux de voir succomber sans résistance celui qu’ils tiennent pour le Messie, 16.16, et dont ils attendent le triomphe prochain, 20.21s. Les disciples y perdront pour un moment leur courage et même leur foi, cf. Lc 22.31-32 ; Jn 16.1.

32 Mais après ma résurrection je vous précéderai en Galilée. » 33 Prenant la parole, Pierre lui dit : « Si tous succombent à cause de toi, moi je ne succomberai jamais. » 34 Jésus lui répliqua : « En vérité je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » 35 Pierre lui dit : « Dussé-je mourir avec toi, non, je ne te renierai pas. » Et tous les disciples en dirent autant.

À Gethsémani.

36 Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani,t et il dit aux disciples : « Restez ici, tandis que je m’en irai prier là-bas. »

t Le nom signifie « pressoir à huile ». Lieu situé dans la vallée du Cédron, au pied du mont des Oliviers.

37 Et prenant avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à ressentir tristesse et angoisse. 38 Alors il leur dit : « Mon âme est triste à en mourir,u demeurez ici et veillez avec moi. »

u Expression dont la forme littéraire évoque Ps 42.6 ; Ps 42.6-12, 43.5 et Jon 4.9.

39 Étant allé un peu plus loin, il tomba face contre terre en faisant cette prière : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. »v

v Jésus ressent dans toute sa force l’effroi que la mort inspire à l’homme ; il éprouve et exprime le désir naturel d’y échapper, tout en le réprimant par l’acceptation de la volonté du Père. Cf. 4.1.

40 Il vient vers les disciples et les trouve en train de dormir ; et il dit à Pierre : « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi ! 41 Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » 42 À nouveau, pour la deuxième fois, il s’en alla prier : « Mon Père, dit-il, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! » 43 Puis il vint et les trouva à nouveau en train de dormir ; car leurs yeux étaient appesantis.

44 Il les laissa et s’en alla de nouveau prier une troisième fois, répétant les mêmes paroles. 45 Alors il vient vers les disciples et leur dit : « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer :w voici toute proche l’heure où le Fils de l’homme va être livré aux mains des pécheurs.

w Blâme revêtu d’une douce ironie L’heure est passée, où vous auriez dû veiller avec moi. Le moment de l’épreuve est arrivé et Jésus y entrera seul les disciples peuvent dormir, s’ils le veulent...

46 Levez-vous ! Allons ! Voici tout proche celui qui me livre. »

L’arrestation de Jésus.

47 Comme il parlait encore, voici Judas, l’un des Douze, et avec lui une bande nombreuse armée de glaives et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple. 48 Or le traître leur avait donné ce signe : « Celui à qui je donnerai un baiser, c’est lui ; arrêtez-le. » 49 Et aussitôt il s’approcha de Jésus en disant : « Salut, Rabbi ! », et il lui donna un baiser. 50 Mais Jésus lui dit : « Ami, fais ta besogne. »x Alors, s’avançant, ils mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent.

x Littéralement « Ami, ce pour quoi tu es ici ». Plutôt qu’une question (« Pourquoi es-tu ici ? ») ou un reproche (« Que fais-tu là ! »), on peut reconnaître ici une expression stéréotypée, qui veut dire « (fais) ce pour quoi tu es ici », « sois à ton affaire ». Jésus coupe court à des compliments hypocrites c’est l’heure de passer aux actes, cf. Jn 13.27.

51 Et voilà qu’un des compagnons de Jésus, portant la main à son glaive, le dégaina, frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui enleva l’oreille. 52 Alors Jésus lui dit : « Rengaine ton glaive ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. 53 Penses-tu donc que je ne puisse faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d’anges ? 54 Comment alors s’accompliraient les Écritures d’après lesquelles il doit en être ainsi ? » 55 À ce moment-là Jésus dit aux foules : « Suis-je un brigand, que vous vous soyez mis en campagne avec des glaives et des bâtons pour me saisir ? Chaque jour j’étais assis dans le Temple, à enseigner,y et vous ne m’avez pas arrêté. »

y Var. (Vulg.) « j’étais assis parmi vous dans le Temple », cf. Mc 14.49.

56 Or tout ceci advint pour que s’accomplissent les Écritures des prophètes. Alors les disciples l’abandonnèrent tous et prirent la fuite.

Jésus devant le Sanhédrin.

57 Ceux qui avaient arrêté Jésus l’emmenèrent chez Caïphe le Grand Prêtre, où se réunirent les scribes et les anciens. 58 Quant à Pierre, il le suivait de loin, jusqu’au palais du Grand Prêtre ; il pénétra à l’intérieur et s’assit avec les valets, pour voir le dénouement.

59 Or, les grands prêtres et le Sanhédrin tout entier cherchaient un faux témoignage contre Jésus, en vue de le faire mourir ; 60 et ils n’en trouvèrent pas, bien que des faux témoins se fussent présentés en grand nombre. Finalement il s’en présenta deux, 61 qui déclarèrent : « Cet homme a dit : Je puis détruire le Sanctuaire de Dieu et le rebâtir en trois jours. »z

z En fait Matthieu a annoncé la destruction du Temple et du culte juif qu’il symbolise, 24, et la substitution d’un Temple nouveau d’abord son propre corps, ressuscité après trois jours, 16.21 ; 17.23 ; 20.19 ; Jn 2.19-22, et ultérieurement l’Église, 16.18.

62 Se levant alors, le Grand Prêtre lui dit : « Tu ne réponds rien ? Qu’est-ce que ces gens attestent contre toi ? »a

a Vulg. ne voit ici qu’une seule question « Tu ne réponds rien à ce que ces gens attestent contre toi ? »

63 Mais Jésus se taisait. Le Grand Prêtre lui dit : « Je t’adjure par le Dieu Vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu. » —

64 « Tu l’as dit, lui dit Jésus. D’ailleurs je vous le déclare dorénavant, vous verrez le Fils de l’homme siégeant à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel. »b

b « La Puissance » est un équivalent de « Yahvé ». Jésus, renonçant en cet instant suprême à sa consigne du « secret messianique », cf. Mc 1.34, reconnaît catégoriquement qu’il est le Messie, ainsi qu’il l’avait déjà fait confesser à ses intimes, 16.16 ; mais il se dévoile davantage en se donnant, non comme le Messie humain traditionnel, mais comme le « Seigneur » du Ps 110, cf. 22.41s, et le personnage mystérieux, d’origine céleste, entrevu par Daniel, cf. 8.20. On ne le verra plus désormais que dans sa gloire, d’abord par le triomphe de la Résurrection, ensuite par celui du Royaume. Cf. 23.39 ; 24.30.

65 Alors le Grand Prêtre déchira ses vêtements en disant : « Il a blasphémé !c qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Là, vous venez d’entendre le blasphème !

c Le « blasphème » de Jésus consistait, non à se donner comme le Messie, mais à revendiquer la dignité du rang divin.

66 Qu’en pensez-vous ? » Ils répondirent : « Il est passible de mort. »

67 Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d’autres lui donnèrent des coups 68 en disant : « Fais le prophète, Christ, dis-nous qui t’a frappé. »d

d La rédaction de est maladroite car, n’étant pas voilé comme en Lc 22.63, Jésus peut désigner sans difficulté qui l’a frappé. L’important est qu’il est moqué comme « prophète », à cause de sa parole sur le Temple, et peut-être plus précisément comme « Messie-Prophète » (cette interpellation de Jésus par le vocatif « Christ » est unique dans les évangiles), c’est-à-dire comme prétendu Grand Prêtre eschatologique qui veut établir un nouveau Temple.

Reniements de Pierre.

69 Cependant Pierre était assis dehors, dans la cour. Une servante s’approcha de lui en disant : « Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen. » 70 Mais lui nia devant tout le monde en disant : « Je ne sais pas ce que tu dis. » 71 Comme il s’était retiré vers le porche, une autre le vit et dit à ceux qui étaient là : « Celui-là était avec Jésus le Nazôréen. »e

e Var. (Vulg.) « Nazarénien ».

72 Et de nouveau il nia avec serment : « Je ne connais pas cet homme. » 73 Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent et dirent à Pierre : « Sûrement, toi aussi, tu en es : et d’ailleurs ton langagef te trahit. »

f Le dialecte galiléen.

74 Alors il se mit à jurer avec force imprécations : « Je ne connais pas cet homme. » Et aussitôt un coq chanta. 75 Et Pierre se souvint de la parole que Jésus avait dite : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Et, sortant dehors, il pleura amèrement.

Jésus conduit devant Pilate.

27 Le matin étant arrivé, tous les grands prêtres et les anciens du peuple tinrent un conseil contre Jésus, en sorte de le faire mourir. 2 Et, après l’avoir ligoté, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilateg le gouverneur.

g Var. « Ponce Pilate ». — Cf. Lc 3.1. Rome s’étant réservé, en Judée comme dans toutes les provinces de l’Empire, le droit de mettre à mort, les juifs devaient recourir à ce gouverneur pour obtenir confirmation et exécution de leur propre sentence.

Mort de Judas.

3 Alors Judas, qui l’avait livré, voyant qu’il avait été condamné, fut pris de remords et rapporta les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens : 4 « J’ai péché, dit-il, en livrant un sang innocent. »h Mais ils dirent : « Que nous importe ? À toi de voir. »

h Var. « sang juste », cf. 23.35.

5 Jetant alors les pièces dans le sanctuaire, il se retira et s’en alla se pendre. 6 Ayant ramassé l’argent, les grands prêtres dirent : « Il n’est pas permis de le verser au trésor, puisque c’est le prix du sang. » 7 Après délibération, ils achetèrent avec cet argent le « champ du potier » comme lieu de sépulture pour les étrangers. 8 Voilà pourquoi ce champ-là s’est appelé jusqu’à ce jour le « Champ du Sang ».i

i En araméen Haqeldama (cf. Ac 1.19 et ici Vulg.). Une tradition très ancienne et probablement authentique place ce lieu dans la vallée de Hinnom.

9 Alors s’accomplit l’oracle de Jérémiej le prophète : Et ils prirent les trente pièces d’argent, le prix du Précieux qu’ont apprécié des fils d’Israël,

j Om. « Jérémie ». Il s’agit en fait d’une citation libre de Za 11.12-13, combinée avec l’idée de l’achat d’un champ suggérée par Jr 32.6-15. Ceci, joint au fait que Jérémie parle des potiers, 18.2s, qui se trouvaient dans la région de Haqeldama, 19.1s, explique que tout le texte ait pu lui être attribué par approximation.

10 et ils les donnèrent pour le champ du potier, ainsi que me l’a ordonné le Seigneur.k

k Yahvé se plaignait de n’avoir reçu des Israélites, en la personne de son prophète Zacharie, qu’un salaire dérisoire ; la vente de Jésus pour le même prix de misère paraît à réaliser cet oracle prophétique.

Jésus devant Pilate.

11 Jésus fut amené en présence du gouverneur et le gouverneur l’interrogea en disant : « Tu es le Roi des Juifs ? » Jésus répliqua : « Tu le dis. »l

l Par ces mots Jésus reconnaît comme exact, du moins en un certain sens, ce qu’il n’aurait cependant pas dit lui-même. Voir déjà 26.25, 64 ; et cf. Jn 18.33-37.

12 Puis, tandis qu’il était accusé par les grands prêtres et les anciens, il ne répondit rien. 13 Alors Pilate lui dit : « N’entends-tu pas tout ce qu’ils attestent contre toi ? » 14 Et il ne lui répondit sur aucun point, si bien que le gouverneur était fort étonné.

15 À chaque Fête, le gouverneur avait coutume de relâcher à la foule un prisonnier, celui qu’elle voulait. 16 On avaitm alors un prisonnier fameux, nommé Barabbas.n

m Vulg. « Il avait ».

n Ici et au v. 17, var. « Jésus Barabbas », ce qui donne à la question de Pilate un tour frappant, mais cette précision semble venir d’une tradition apocryphe.

17 Pilate dit donc aux gens qui se trouvaient rassemblés : « Lequel voulez-vous que je vous relâche, Barabbas, ou Jésus que l’on appelle Christ ? » 18 Il savait bien que c’était par jalousie qu’on l’avait livré.

19 Or, tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : « Ne te mêle point de l’affaire de ce juste ; car aujourd’hui j’ai été très affectée dans un songe à cause de lui. »

20 Cependant, les grands prêtres et les anciens persuadèrent aux foules de réclamer Barabbas et de perdre Jésus. 21 Prenant la parole, le gouverneur leur dit : « Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ? » Ils dirent : « Barabbas. » 22 Pilate leur dit : « Que ferai-je donc de Jésus que l’on appelle Christ ? » Ils disent tous : « Qu’il soit crucifié ! » 23 Il reprit : « Quel mal a-t-il donc fait ? » Mais ils criaient plus fort : « Qu’il soit crucifié ! » 24 Voyant alors qu’il n’aboutissait à rien, mais qu’il s’ensuivait plutôt du tumulte, Pilate prit de l’eau et se lava les mainso en présence de la foule, en disant : « Je ne suis pas responsable de ce sang ;p à vous de voir ! »

o Geste expressif, et que les Juifs durent bien comprendre, cf. Dt 21.6s ; Ps 26.6 ; 73.13.

p Var. « du sang de ce juste ».

25 Et tout le peuple répondit : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ! »q

q Expression biblique traditionnelle, 2 S 1.16 ; 3.29 ; AC 5.28 ; 18.6, par laquelle le peuple accepte la responsabilité de la condamnation qu’il réclame.

26 Alors il leur relâcha Barabbas ; quant à Jésus, après l’avoir fait flageller,r il le livra pour être crucifié.

r Prélude normal à la crucifixion chez les Romains.

Le couronnement d’épines.

27 Alors les soldats du gouverneur prirent avec eux Jésus dans le Prétoires et ameutèrent sur lui toute la cohorte.

s Le Prétoire, c’est-à-dire la résidence du Préteur, doit être l’ancien palais du roi Hérode le Grand, où s’installait régulièrement le procurateur quand il montait de Césarée à Jérusalem. Ce palais, sis à l’ouest de la ville, à l’emplacement de l’actuelle citadelle, était distinct de la résidence familiale des Asmonéens, qui était proche du Temple et où Hérode Antipas reçut Jésus envoyé chez lui par Pilate. Lc 23.7-12. Certains cherchent le Prétoire dans la forteresse Antonia, au nord du Temple. Mais cette localisation ne s’accorde ni avec les habitudes des procurateurs, telles que nous les font connaître les anciens textes, ni avec l’usage du mot « prétoire », qui ne peut se déplacer ainsi, ni avec les mouvements de Pilate et de la foule juive dans les récits évangéliques de la Passion, surtout celui de saint Jean.

28 L’ayant dévêtu, ils lui mirent une chlamyde écarlate,t

t Manteau de soldat romain (sagum). Sa couleur rouge va évoquer par dérision la pourpre royale.

29 puis, ayant tressé une couronne avec des épines, ils la placèrent sur sa tête, avec un roseau dans sa main droite. Et, s’agenouillant devant lui, ils se moquèrent de lui en disant : « Salut, roi des Juifs ! »u

u Les Juifs s’étaient moqués de Jésus comme « Prophète », 26.68, les Romains se moquent de lui comme « Roi » ces deux scènes reflètent bien les deux aspects, religieux et politique, du procès de Jésus.

30 et, crachant sur lui, ils prenaient le roseau et en frappaient sa tête. 31 Puis, quand ils se furent moqués de lui, ils lui ôtèrent la chlamyde, lui remirent ses vêtements et l’emmenèrent pour le crucifier.

Le crucifiement.

32 En sortant, ils trouvèrent un homme de Cyrène, nommé Simon, et le requirent pour porter sa croix. 33 Arrivés à un lieu dit Golgotha,v c’est-à-dire lieu dit du Crâne,

v Transcription du mot araméen Goulgoltha, « lieu du Crâne », en latin Calvaria (d’où « Calvaire »).

34 ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel ;w il en goûta et n’en voulut point boire.

w Breuvage enivrant que des femmes juives compatissantes, cf. Lc 23.27s, avaient coutume d’offrir aux suppliciés pour atténuer leurs souffrances. En fait ce vin était plutôt mêlé de « myrrhe », cf. Mc 15.23, le « fiel » étant dû chez à une réminiscence du Ps 69.22 (de même que la corr. de « vin » en « vinaigre » de la recension antiochienne). Jésus refuse ce stupéfiant.

35 Quand ils l’eurent crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort.x

x Add. « pour que s’accomplît l’oracle du prophète « Ils se sont partagé mes vêtements, et ma robe, ils l’ont tirée au sort » (Ps 22.19), glose empruntée à Jn 19.24.

36 Puis, s’étant assis, ils restaient là à le garder.

37 Ils placèrent aussi au-dessus de sa tête le motif de sa condamnation ainsi libellé : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. » 38 Alors sont crucifiés avec lui deux brigands, l’un à droite et l’autre à gauche.

Jésus en croix raillé et outragé.

39 Les passants l’injuriaient en hochant la tête 40 et disant : « Toi qui détruis le Sanctuaire et en trois jours le rebâtis, sauve-toi toi-même, si tu es fils de Dieu, et descends de la croix ! » 41 Pareillement les grands prêtres se gaussaient et disaient avec les scribes et les anciens : 42 « Il en a sauvé d’autres et il ne peut se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui ! 43 Il a compté sur Dieu ; que Dieu le délivre maintenant, s’il s’intéresse à lui ! Il a bien dit : Je suis fils de Dieu ! » 44 Même les brigands crucifiés avec lui l’outrageaient de la sorte.

La mort de Jésus.

45 À partir de la sixième heure, l’obscurité se fit sur toute la terre, jusqu’à la neuvième heure.y

y De midi à trois heures après midi.

46 Et vers la neuvième heure, Jésus clama en un grand cri : « Éli, Éli, lema sabachtani ? » , c’est-à-dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »z

z Cri de réelle détresse mais non de désespoir cette plainte empruntée à l’Écriture est une prière à Dieu et elle est suivie dans le Ps par l’assurance joyeuse du triomphe final.

47 Certains de ceux qui se tenaient là disaient en l’entendant : « Il appelle Élie, celui-ci ! »a

a Méchant jeu de mots, fondé sur l’attente d’Élie comme précurseur du Messie, cf. 17.10-13, ou sur la croyance juive qu’il venait au secours des justes dans le besoin.

48 Et aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il imbiba de vinaigreb et, l’ayant mise au bout d’un roseau, il lui donnait à boire.

b Boisson acidulée dont usaient les soldats romains. Le geste fut sans doute compatissant, cf. Jn 19.28s ; les Synoptiques l’ont tenu pour malveillant, Lc 23.36, et l’ont décrit en des termes qui évoquent Ps 69.22.

49 Mais les autres lui dirent : « Laisse ! que nous voyions si Élie va venir le sauver ! » 50 Or Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit.

51 Et voilà que le voile du Sanctuairec se déchira en deux, du haut en bas ; la terre trembla, les rochers se fendirent,d

c Soit la tenture qui fermait le Saint, soit plutôt celle qui séparaît le Saint et le Saint des Saints, cf. Ex 26.31s. À la suite de He 9.12 ; 10.20, la tradition chrétienne a vu dans cette déchirure du voile la suppression de l’ancien culte mosaïque et l’accès ouvert par le Christ au sanctuaire eschatologique.

d Ces manifestations extraordinaires, comme déjà les ténèbres du v. 45, étaient annoncées par les prophètes comme des signes caractéristiques du « Jour de Yahvé », cf. Am 8.9.

52 les tombeaux s’ouvrirent et de nombreux corps de saints trépassés ressuscitèrent : 53 ils sortirent des tombeaux après sa résurrection, entrèrent dans la Ville sainte et se firent voir à bien des gens.e

e Cette résurrection de justes de l’AT est un signe de l’ère eschatologique (Isa 26.19 ; Ez 37 ; Dn 12.2). Libérés de l’Hadès par la mort du Christ, cf. 16.18, ils attendent sa résurrection pour entrer avec lui dans la Ville sainte, c’est-à-dire Jérusalem. On a ici une des premières expressions de la foi à la délivrance des morts par la descente du Christ aux enfers, cf. 1 P 3.19.

54 Quant au centurion et aux hommes qui avec lui gardaient Jésus, à la vue du séisme et de ce qui se passait, ils furent saisis d’une grande frayeur et dirent : « Vraiment celui-ci était fils de Dieu ! »

55 Il y avait là de nombreuses femmes qui regardaient à distance, celles-là même qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et le servaient, 56 entre autres Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.

L’ensevelissement.

57 Le soir venu, il vint un homme riche d’Arimathie, du nom de Joseph, qui s’était fait, lui aussi, disciple de Jésus. 58 Il alla trouver Pilate et réclama le corps de Jésus. Alors Pilate ordonna qu’on le lui remît. 59 Joseph prit donc le corps, le roula dans un linceul propre 60 et le mit dans le tombeau neuff qu’il s’était fait tailler dans le roc ; puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla.

f Linceul « propre » et tombeau « neuf » soulignent la piété de l’ensevelissement ; le deuxième trait explique aussi qu’il ait été possible, car le cadavre d’un supplicié ne pouvait être déposé dans un tombeau déjà occupé, où il aurait souillé des ossements de justes.

61 Or il y avait là Marie de Magdala et l’autre Marie, assises en face du sépulcre.

La garde du tombeau.

62 Le lendemain, c’est-à-dire après la Préparation,g les grands prêtres et les Pharisiens se rendirent en corps chez Pilate

g En grec « Parascève ». Ce terme s’appliquait au vendredi, jour où se faisaient les préparatifs du sabbat. Cf. Jn 19.14. Sur le problème de la chronologie, voir 26.17.

63 et lui dirent : « Seigneur, nous nous sommes souvenus que cet imposteur a dit, de son vivant : « Après trois jours je ressusciterai ! » 64 Commande donc que le sépulcre soit tenu en sûreté jusqu’au troisième jour, pour éviter que ses disciples ne viennent le dérober et ne disent au peuple : « Il est ressuscité des morts ! » Cette dernière imposture serait pire que la première. » 65 Pilate leur répondit : « Vous avez une garde ;h allez et prenez vos sûretés comme vous l’entendez. »

h Ou bien « Utilisez vos gardes », cf. Lc 22.4 ; ou bien « Je mets une garde à votre disposition », cf. Jn 18.3.

66 Ils allèrent donc et s’assurèrent du sépulcre, en scellant la pierre et en postant une garde.

Le tombeau vide. Message de l’Ange.

28 Après le jour du sabbat,i comme le premier jour de la semaine commençait à poindre, Marie de Magdala et l’autre Mariej vinrent visiterk le sépulcre.

i Et non « Au soir du Sabbat » (Vulg.). — Le sabbat étant le jour du repos, le « premier jour de la semaine » juive correspond à notre « dimanche », Ap 1.10, c’est-à-dire « jour du Seigneur », ainsi nommé en mémoire de la Résurrection. Cf. Ac 20.7 ; 1 Co 16.2.

j C’est-à-dire « Marie de Jacques », Mc 16.1 ; Lc 24.10 ; cf. 27.56, 61.

k Le tombeau étant scellé et gardé, les femmes ne songent pas à oindre le corps de Jésus, comme chez Mc et Lc, mais veulent seulement « visiter » le tombeau.

2 Et voilà qu’il se fit un grand tremblement de terre : l’Ange du Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre, sur laquelle il s’assit. 3 Il avait l’aspect de l’éclair, et sa robe était blanche comme neige. 4 À sa vue, les gardes tressaillirent d’effroi et devinrent comme morts. 5 Mais l’ange prit la parole et dit aux femmes : « Ne craignez point, vous : je sais bien que vous cherchez Jésus, le Crucifié. 6 Il n’est pas ici, car il est ressuscité comme il l’avait dit. Venez voir le lieu où ill gisait,

l « il »; var. « le Seigneur ».

7 et vite allez dire à ses disciples : « Il est ressuscité d’entre les morts, et voilà qu’il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez. » Voilà, je vous l’ai dit. » 8 Quittant vite le tombeau,m tout émues et pleines de joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.

m Var. « Sortant vite du tombeau », cf. Mc 16.8.

L’apparition aux saintes femmes.

9 Et voici que Jésus vint à leur rencontre : « Je vous salue », dit-il. Et elles de s’approcher et d’étreindre ses pieds en se prosternant devant lui. 10 Alors Jésus leur dit : « Ne craignez point ; allez annoncer à mes frères qu’ils doivent partir pour la Galilée, et là ils me verront. »n

n S’ils sont d’accord pour rapporter l’apparition initiale de l’Ange (ou des Anges) aux femmes, 28.5-7 ; Mc 16.5-7 ; Lc 24.4-7 ; Jn 20.13, les quatre évangiles divergent en ce qui concerne les apparitions de Jésus lui-même. Mc mis à part, dont la conclusion abrupte pose un problème spécial, cf. Mc 16.8, et dont la finale longue récapitule les données des autres évangiles, on observe chez tous une distinction littérairement et doctrinalement marquée entre : 1° des apparitions privées servant à prouver la Résurrection à Marie-Magdeleine, seule, Jn 20.14-17 ; cf. Mc 16.9, ou accompagnée, 28.9-10 ; aux disciples d’Emmaüs, Lc 24.13-32 ; cf. Mc 16.12, à Simon, Lc 24.34, à Thomas, Jn 20.26-29 ; 2° une apparition collective avec mission apostolique, 28.16-20 ; Lc 24.36-49 ; Jn 20.19-23 ; cf. Mc 16.14-18. On remarque d’autre part deux traditions dans la localisation en Galilée seulement, Mc 16.7 ; 28.10, 16-20 ; en Judée seulement, Lc et Jn 20 ; Jn 21 ajoute, par mode d’appendice, une apparition en Galilée qui, tout en portant un caractère privé (surtout à Pierre et Jean), s’accompagne d’une mission (à Pierre). Le kérygme ancien que Paul récite en 1 Co 15.3-7 énumère cinq apparitions (auxquelles s’ajoute l’apparition à Paul lui-même), qui ne se laissent pas facilement harmoniser avec les récits évangéliques ; il mentionne en particulier une apparition à Jacques qui est également racontée par l’Évangile aux Hébreux. On sent là des traditions différentes, dues à des groupes divers qu’il est difficile de préciser. Mais leurs divergences mêmes attestent mieux qu’une uniformité artificiellement construite le caractère ancien et historique de ces multiples manifestations du Christ ressuscité.

Supercherie des chefs juifs.

11 Tandis qu’elles s’en allaient, voici que quelques hommes de la garde vinrent en ville rapporter aux grands prêtres tout ce qui s’était passé. 12 Ceux-ci tinrent une réunion avec les anciens et, après avoir délibéré, ils donnèrent aux soldats une forte somme d’argent, 13 avec cette consigne : « Vous direz ceci : « Ses disciples sont venus de nuit et l’ont dérobé tandis que nous dormions. »

14 Que si l’affaire vient aux oreilles du gouverneur, nous nous chargeons de l’amadouer et de vous épargner tout ennui. » 15 Les soldats, ayant pris l’argent, exécutèrent la consigne, et cette histoire s’est colportée parmi les Juifs jusqu’à ce jour.

Apparition en Galilée et mission universelle.

16 Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait donné rendez-vous. 17 Et quand ils le virent, ils se prosternèrent ; d’aucuns cependant doutèrent.o

o Autre traduction, moins autorisée par la grammaire « eux qui avaient douté ». — Sur ces doutes que doit mentionner ici, faute d’avoir raconté une autre apparition aux disciples, cf. Mc 16.11, 14 ; Lc 24.11, 41 ; Jn 20.24-29.

18 S’avançant, Jésus leur dit ces paroles :p « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre.

p En ces dernières instructions de Jésus, avec la promesse qui les suit, se trouve condensée la mission de l’Église apostolique. Le Christ glorifié exerce aussi bien sur la terre qu’au ciel, 6.10 ; cf. Jn 17.2 ; Ph 2.10 ; Ap 12.10, le pouvoir sans limites, 7.29 ; 9.6 ; 21.23 ; etc., qu’il a reçu de son Père, cf. Jn 3.35. Ses disciples exerceront « donc » ce pouvoir en son nom par le baptême et la formation des chrétiens. Leur mission est universelle après avoir été annoncé d’abord au peuple d’Israël, 10.5s ; 15.24, comme le comportait le plan divin, le salut doit être désormais offert à toutes les nations, 8.11 ; 21.41 ; 22.8-10 ; 24.14, 30s ; 25.32 ; 26.13 ; cf. Ac 1.8 ; 13.5 ; Rm 1.16. Dans cette œuvre de conversion universelle, si longue et laborieuse qu’elle puisse être, le Ressuscité sera vivant et agissant avec les siens.

19 Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,q

q Il est possible que cette formule se ressente, dans sa précision, de l’usage liturgique établi plus tard dans la communauté primitive. On sait que les Actes parlent de baptiser « au nom de Jésus », cf. Ac 1.5, 2.38. Plus tard on aura explicité le rattachement du baptisé aux trois personnes de la Trinité. Quoi qu’il en soit de ces variations possibles, la réalité profonde reste la même. Le baptême rattache à la personne de Jésus Sauveur ; or toute son œuvre de salut procède de l’amour du Père et s’achève dans l’effusion de l’Esprit.

20 et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin de l’âge. »r

r « la fin de l’âge » la formule revient cinq fois chez Matthieu (13.39, 40, 49 ; 24.3 et ici, voir aussi He 9.26 ; 12.32) ; elle ne signifie pas la fin du monde, de la terre, voir 2 P 3.10, mais plutôt la fin de l’époque actuelle de l’histoire du salut, l’âge de l’Église ; on peut comprendre cette expression comme une allusion discrète à un schéma apocalyptique de l’histoire du salut, qui comprend sept âges du monde, chacun comptant mille ans (chiffre symbolique représentant un temps long). Ce schéma, qui combine les sept jours de la création (Gn 1) avec l’idée qu’un jour, devant le Seigneur, est comme mille ans (2 P 3.8 ; Ps 90.4), va d’Adam à Noé, de Noé à Abraham, d’Abraham à David, de David à l’Exil, de l’Exil au Christ et du Christ à son retour glorieux. On trouve un extrait de ce schéma dans la généalogie de Jésus, 1.17. Voir 24.3, note.