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Bible de Jérusalem

Matthieu 5.21-48

21 « Vous avez entenduh qu’il a été dit aux ancêtres : Tu ne tueras point ; et si quelqu’un tue, il en répondra au tribunal.

h L’enseignement traditionnel était donné oralement, surtout dans les synagogues.

22 Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal ; mais s’il dit à son frère : « Crétin ! »,i il en répondra au Sanhédrin ;j et s’il lui dit : « Renégat ! »,k il en répondra dans la géhenne de feu.

i Le mot Raqa, traduit de l’araméen, signifie tête vide, sans cervelle.

j Ici le Grand Sanhédrin, qui siégeait à Jérusalem, par opposition aux simples « tribunaux », vv. 21-22, répandus dans le pays.

k Au sens premier du terme grec « insensé », l’usage juif ajoutait une nuance beaucoup plus grave d’impiété religieuse.

23 Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, 24 laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et alors présente ton offrande. 25 Hâte-toi de t’accorder avec ton adversaire, tant que tu es encore avec lui sur le chemin, de peur que l’adversaire ne te livre au juge, et le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. 26 En vérité, je te le dis : tu ne sortiras pas de là, que tu n’aies rendu jusqu’au dernier sou.

27 « Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu ne commettras pas l’adultère. 28 Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle. 29 Que si ton œil droit est pour toi une occasion de péché, arrache-le et jette-le loin de toi : car mieux vaut pour toi que périsse un seul de tes membres et que tout ton corps ne soit pas jeté dans la géhenne. 30 Et si ta main droite est pour toi une occasion de péché, coupe-la et jette-la loin de toi : car mieux vaut pour toi que périsse un seul de tes membres et que tout ton corps ne s’en aille pas dans la géhenne.

31 « Il a été dit d’autre part : Quiconque répudiera sa femme, qu’il lui remette un acte de divorce. 32 Eh bien ! moi je vous dis : Tout homme qui répudie sa femme, hormis le cas de « prostitution », l’expose à l’adultère ; et quiconque épouse une répudiée, commet un adultère.

33 « Vous avez encore entendu qu’il a été dit aux ancêtres : Tu ne te parjureras pas, mais tu t’acquitteras envers le Seigneur de tes serments. 34 Eh bien ! moi je vous dis de ne pas jurer du tout : ni par le Ciel, car c’est le trône de Dieu ;

35 ni par la Terre, car c’est l’escabeau de ses pieds ; ni par Jérusalem, car c’est la Ville du grand Roi. 36 Ne jure pas non plus par ta tête, car tu ne peux en rendre un seul cheveu blanc ou noir. 37 Que votre langage soit : « Oui ? Oui », « Non ? Non » :l ce qu’on dit de plus vient du Mauvais.

l Cette formule apparemment bien connue, cf. 2 Co 1.17 ; Jc 5.12, peut s’expliquer de diverses façons : 1° Véracité si c’est oui, dites oui ; si c’est non, dites non. 2° Sincérité que le oui (ou le non) de la bouche corresponde au oui (ou au non) du cœur. 3° Solennité la répétition du oui ou du non serait une forme solennelle d’affirmation ou de négation qui doit suffire et dispenser de recourir à un serment engageant la divinité.

38 « Vous avez entendu qu’il a été dit : Œil pour œil et dent pour dent. 39 Eh bien ! moi je vous dis de ne pas tenir tête au méchant :m au contraire, quelqu’un te donne-t-il un soufflet sur la joue droite, tends-lui encore l’autre ;

m Jésus fait allusion à ce qu’on appelle la « loi du talion ». En proportionnant la punition au tort causé, celle-ci représentait une restriction de la vengeance (cf. Gn 4, 23-24). Avec cette injonction de Jésus, on franchit une nouvelle étape de l’évolution des mœurs, dont on retrouve d’ailleurs l’écho dans des textes rabbiniques ultérieurs. On notera que tous les exemples concernent un mal par lequel on est soi-même lésé. Jésus n’interdit, ni de s’opposer dignement aux attaques injustes, cf. Jn 18.22s, ni, encore moins, de combattre le mal dans le monde.

40 veut-il te faire un procès et prendre ta tunique,n laisse-lui même ton manteau ;

n À titre de gage, cf. Ex 22.25s ; Dt 24.12s. Le tour volontairement paradoxal de la pensée est manifeste ; cf. 19.24.

41 te requiert-il pour une course d’un mille, fais-en deux avec lui. 42 À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos.

43 « Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.o

o La deuxième partie de ce commandement ne se trouve pas telle quelle dans la Loi, et ne saurait s’y trouver. Cette expression forcée d’une langue pauvre en nuances (l’original araméen) équivaut à « Tu n’as pas à aimer ton ennemi. » Comparer Lc 14.26 et son parallèle 10.37. On trouve toutefois en Si 12.4-7 et dans les écrits de Qumrân (1 QS 1.10, etc.) une détestation des pécheurs qui n’est pas loin de la haine, et à laquelle Jésus a pu songer.

44 Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis,p et priez pour vos persécuteurs,q

p Add. « faites du bien à ceux qui vous haïssent ».

q Add. « et pour ceux qui vous maltraitent », cf. Lc 6.27s.

45 afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. 46 Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicainsr eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?

r Percepteurs d’impôts (et donc souvent coupables d’extorsions), que leur profession vouait au mépris public ; cf. 9.10 ; 18.17.

47 Et si vous réservez vos saluts à vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? 48 Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait.

Matthieu 19.3-9

3 Des Pharisiens s’approchèrent de lui et lui dirent, pour le mettre à l’épreuve : « Est-il permis de répudier sa femme pour n’importe quel motif ? » 4 Il répondit : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, dès l’origine, les fit homme et femme, 5 et qu’il a dit : Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair ? 6 Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Eh bien ! ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer. »x

x Affirmation catégorique de l’indissolubilité du lien conjugal.

7 « Pourquoi donc, lui disent-ils, Moïse a-t-il prescrit de donner un acte de divorce quand on répudie ? » — 8 « C’est, leur dit-il, en raison de votre dureté de cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; mais dès l’origine il n’en fut pas ainsi. 9 Or je vous le dis : quiconque répudie sa femme — pas pour « prostitution »y — et en épouse une autre, commet un adultère. »

y Étant donné la forme absolue des parallèles Mc 10.11s ; Lc 16.18 et 1 Co 7.10s, il est peu vraisemblable que tous trois aient supprimé une clause restrictive de Jésus, et plus problable qu’un des derniers rédacteurs du premier évangile l’ait ajoutée pour répondre à une certaine problématique rabbinique (discussion entre Hillel et Shammaï sur les motifs légitimant le divorce), évoquée d’ailleurs par son contexte, v. 3, qui pouvait préoccuper le milieu judéo-chrétien pour lequel il écrivait. On aurait donc ici une décision ecclésiastique de portée locale et temporaire, comme fut celle du Décret de Jérusalem concernant la région d’Antioche, Ac 15.23-29. Le sens de porneia oriente la recherche dans la même direction. Certains veulent y voir la fornication dans le mariage, c’est-à-dire l’adultère, et trouvent ici la permission de divorcer en pareil cas ; ainsi les Églises orthodoxes et protestantes. Mais en ce sens on aurait attendu un autre terme, moicheia. Au contraire porneia, dans le contexte, paraît avoir le sens technique de la zenût ou « prostitution » des écrits rabbiniques, dite de toute union rendue incestueuse par un degré de parenté interdit selon la Loi, Lv 18. Dc telles unions, contractées légalement entre païens ou tolérées par les Juifs eux-mêmes chez les prosélytes, ont dû faire difficulté quand ces gens se convertissaient, dans des milieux judéo-chrétiens légalistes comme celui de d’où la consigne de rompre de telles unions irrégulières qui n’étaient en somme que de faux mariages. — Une autre solution envisage que la licence accordée par la clause restrictive ne soit pas celle du divorce, mais de la « séparation » sans remariage. Une telle institution était inconnue du judaïsme, mais les exigences de Jésus ont entraîné plus d’une solution nouvelle, et celle-ci est déjà clairement supposée par Paul en 1 Co 7.11.

Matthieu 19.16-21

Le jeune homme riche.

16 Et voici qu’un homme s’approcha et lui dit : « Maître,a que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle ? »

a Var. « Bon Maître », cf. Mc et Lc.

17 Il lui dit : « Qu’as-tu à m’interroger sur ce qui est bon ? Un seul est le Bon.b Que si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements. » —

b C’est-à-dire Dieu, comme le précisent Mc et Lc, et ici Vulg. — Autre leçon, empruntée à Mc et Lc « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu seul ».

18 « Lesquels ? » lui dit-il. Jésus reprit : « Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas d’adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, 19 honore ton père et ta mère, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. » — 20 « Tout cela, lui dit le jeune homme, je l’ai observé ;c que me manque-t-il encore ? » —

c Add. « dès ma jeunesse », cf. Mc et Lc.

21 Jésus lui déclara : « Si tu veux être parfait,d va, vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi. »

d Jésus n’institue pas ici une catégorie de « parfaits », supérieurs aux chrétiens ordinaires. La « perfection » envisagée est celle de l’économie nouvelle, qui surpasse l’ancienne en l’accomplissant, cf. 5.17. Tous y sont également appelés, cf. 5.48. Mais, pour établir le Royaume, Jésus a besoin de collaborateurs spécialement disponibles ; c’est à eux qu’il demande de renoncer radicalement aux soucis de la famille, 8.21-22, et des richesses, 8.19-20.