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Bible de Jérusalem

Siracide 1.1-42.14

L’ECCLÉSIASTIQUE

Introduction au livre de l’Ecclésiastique

Prologue du traducteura

1 Puisque la Loi, les Prophètes 2 et les autres écrivains qui leur ont succédéb nous ont transmis tant de grandes leçons 3 grâce auxquelles on ne saurait trop féliciter Israël de sa science et de sa sagesse ; 4 comme, en outre, c’est un devoir, non seulement d’acquérir la science par la lecture, 5 mais encore, une fois instruit, de se mettre au service de ceux du dehors, 6 par ses paroles et ses écrits : 7 mon aïeul Jésus, après s’être appliqué avec persévérance à la lecture 8 de la Loi, 9 des Prophètes et 10 des autres livres des ancêtres, 11 et y avoir acquis une grande maîtrise, 12 en est venu, lui aussi, à écrire quelque chose sur des sujets d’enseignement et de sagesse 13 afin que les hommes soucieux d’instruction, se soumettant aussi à ces disciplines, 14 apprissent d’autant mieux à vivre selon la Loi. [a Ce prologuze du traducteur grec ne fait pas partie du livre de l’Ecclésiastique proprement dit et n’est pas habituellement considéré comme canonique.] [b C’est la tradiction tripartite de la Bible hébraïque, cf. 1 M 12.9 et la Table. De même en 8-10, 24-25. Mais il n’est pas sûr qu’à l’époque (fin du IIe s. av. J.-C.) ces trois parties aient eu exactement le même contenu qu’aujourd’hui, surtout en ce qui concerne la troisième.]

15 Vous êtes donc invités 16 à en faire la lecture 17 avec une bienveillante attention 18 et à vous montrer indulgents 19 là où, en dépit de nos efforts d’interprétation, nous pourrions sembler 20 avoir échoué à rendre quelque expression ; 21 c’est qu’en effet il n’y a pas d’équivalence 22 entre des choses exprimées originairement en hébreu et leur traduction dans une autre langue ; 23 bien plus, 24 si l’on considère la Loi elle-même, les Prophètes 25 et les autres livres, 26 leur traduction diffère considérablement de ce qu’exprime le texte original.

27 C’est en l’an 38 du feu roi Évergètec qu’étant venu en Égypte et y ayant séjourné, 28 j’y découvris une vie conforme à une haute sagessed 29 et je me fis un devoir impérieux d’appliquer, moi aussi, mon zèle et mes efforts à traduire le présent livre ; 30 j’y ai consacré beaucoup de veilles et de science 31 pendant cette période, 32 afin de mener à bien l’entreprise et de publier le livre 33 à l’usage de ceux-là aussi qui, à l’étranger, désirent s’instruire, 34 réformer leurs mœurs, et vivre conformément à la Loi. [c Probablement Ptolémée VII Évergète Physcon (170-117). La date correspondrait donc à 132 av. J.-C.] [d « une vie conforme à », litt. « une copie de » : traduction incertaine. On peut aussi comprendre « ... Je trouvai que l’instruction (religieuse) était loin d’égaler (la nôtre) » ; ou encore : « je trouvai une copie renfermant une instruction non médiocre ». D’après l’interprétation adoptée, Ben Sira, présentant au public grec le livre de son grand-père, veut satisfaire une communauté déjà cultivée et digne de cet enrichissement.]

I. Recueil de sentences

L’origine de la sagesse.e

1 Toute sagesse vient du Seigneur,f
elle est près de lui à jamais.

e Ce chapitre aborde deux thèmes fondamentaux du livre, la sagesse qui vient de Dieu et la crainte du Seigneur, nécessaires pour accueillir le don d’en-haut.

f Le terme « Seigneur » (Kyrios) traduit communément dans les LXX le nom de « Yahvé ». Le traducteur de Ben Sira l’emploie très fréquemment, même pour rendre les autres noms divins.

2 Le sable de la mer, les gouttes de la pluie,
les jours de l’éternité, qui peut les dénombrer ?
3 La hauteur du ciel, l’étendue de la terre,
la profondeur de l’abîme,g qui peut les explorer ?

g « la profondeur de l’abîme » lat., cf. syr. ; « l’abîme et la sagesse » grec.

4 Avant toutes choses fut créée la Sagesse,
l’intelligence prudente vient des temps les plus lointains.
5 La source de la sagesse, c’est la parole de Dieu dans les cieux ;
ses cheminements, ce sont les lois éternelles.
h

h Les passages imprimés en italiques proviennent de la seconde édition du texte grec, cf. Introduction ; les principaux témoins seront souvent indiqués en notes pour 1.5, Gr II et lat.

6 La racine de la sagesse, à qui fut-elle révélée ?
Ses ressources, qui les connaît ?
7 La science de la sagesse, à qui est-elle apparue ?
et la richesse de ses voies, qui l’a comprise ?
i

i Gr II et lat. Doublet de 1.6 ?

8 Il n’y a qu’un être sage, très redoutable
quand il siège sur son trône : c’est le Seigneur.
9 C’est lui qui l’a créée,j vue et dénombrée,
qui l’a répandue sur toutes ses œuvres,

j L’auteur insiste sur l’unicité et la transcendance de Dieu. Attribut de Dieu, qualité du monde créé par lui, don de Dieu aux hommes, et souvent personnifiée par les livres sapientiaux, Pr 8.22, la sagesse reste cependant ici une créature, qu’on ne peut identifier avec Dieu.

10 en toute chair selon sa largesse,
et qui l’a distribuée à ceux qui l’aiment.
L’amour du Seigneur est une sagesse digne d’honneur ;
il l’accorde en partage à ceux qui le craignent.
k

k Lat. ajoute « dans l’Esprit Saint », interpolation chrétienne.

La crainte de Dieu.l

11 La crainte du Seigneur est gloire et fierté,
gaieté et couronne d’allégresse.

l Gr II et lat. (1.14-15) ; « craignent » conj. ; litt. « à ceux à qui il est apparu il l’accorde en partage dans sa vision » confusion entre les verbes originaux hébreux « craindre », yr’, et « voir », r’h.

12 La crainte du Seigneur réjouit le cœur,
donne gaieté, joie et longue vie.
La crainte du Seigneur est un don qui vient du Seigneur ;
de fait, elle établit sur les chemins de l’amour.
13 Pour qui craint le Seigneur, tout finira bien,
au jour de sa mort il sera béni.
14 Le principe de la sagesse, c’est de craindre le Seigneur ;
et pour les fidèles, elle est créée avec eux dans le sein.
15 Parmi les hommes, elle s’est fait un nid, fondation éternelle,
et à leur race elle s’attachera fidèlement.
16 La plénitude de la sagesse, c’est de craindre le Seigneur,
elle les enivre de ses fruits ;
17 elle remplit toute leur maison de choses désirables
et de ses produits leurs greniers.
18 Le couronnement de la sagesse, c’est la crainte du Seigneur,
elle fait fleurir bien-être et santé.
Tous deux sont dons de Dieu, en vue du bien-être
et pour ceux qui l’aiment, la fierté s’élargit.
19 m Il fait pleuvoir la science et l’intelligence,
il a exalté la gloire de ceux qui la possèdent.

m La crainte du Seigneur, pour un Juif, n’est autre chose que la religion ou la piété. On voit dès le début de ce développement que l’idée de crainte physique, de terreur devant la puissance redoutable de Yahvé, a pratiquement disparu de la théologie juive.

20 La racine de la sagesse, c’est de craindre le Seigneur,
et sa frondaison, c’est une longue vie.
21 La crainte du Seigneur ôte les péchés ;
celui qui persévère détourne toute colère.
n

n Le texte reçu et lat. ajoutent « Le Seigneur l’a vue et dénombrée », repris à 1.9.

Patience et maîtrise de soi.

22 La passion du méchant ne saurait le justifier,o
car le poids de sa passion est sa ruine.

o Lat. « 26 La crainte du Seigneur, c’est la piété dans la connaissance, 27 mais la sagesse est abhorrée des pécheurs. La crainte du Seigneur chasse le péché. »

23 L’homme patient tient bon jusqu’à son heure,
mais à la fin, sa joie éclate.
24 Jusqu’à son heure, il dissimule ses paroles,
et tout le monde proclame son intelligence.

Sagesse et droiture.

25 Dans les trésors de la sagesse sont les maximes de la science,
mais le pécheur a la piété en horreur.
26 Convoites-tu la sagesse ? Garde les commandements,p
le Seigneur te la prodiguera.

p « la passion du méchant » conj. ; « la passion méchante » grec. À la place de 1.22-27, la version syriaque Peshitta insère Heureux l’homme qui la médite, †car la Sagesse lui est préférable à tous les trésors. Heureux l’homme qui s’en approche †et qui s’occupe de ses commandements. Elle lui prépare une couronne éternelle †et une victoire perpétuelle parmi les saints. Il se réjouit d’elle et elle se réjouit de lui †et ne le rejette pas pour toujours. Les anges du Seigneur se réjouissent de lui †et proclament tous les louanges du Seigneur. Ce livre est tout entier rempli de vie. †Heureux l’homme qui l’écoute et agit en conformité. †€ Écoutez-moi, vous qui craignez Dieu, †prêtez l’oreille et comprenez mes paroles. Qui veut hériter la vie †comme un héritage éternel et une grande joie ? Prête l’oreille à mes paroles et mets-les en pratique †et tu seras inscrit dans le livre de vie. Aime la crainte du Seigneur †et fixe ton cœur en elle et tu n’auras rien à redouter. Approche-toi d’elle et ne tarde pas, †car tu trouveras la vie pour ton esprit. Et quand tu l’approches, †que ce soit en héros et en vaillant !

27 Car la crainte du Seigneur est sagesse et instruction,
ce qu’il aime, c’est la fidélité et la douceur.
28 Ne sois pas indocile à la crainte du Seigneur,
et ne la pratique pas avec un cœur double.
29 Ne sois pas hypocrite devant le monde,q
et veille sur tes lèvres.

q Pour Ben Sira, recevoir de Dieu la sagesse suppose une attitude d’accueil et de vénération, la crainte du Seigneur, manifestée dans la Loi, 19.20 ; cf. Qo 12.13.

30 Ne t’élève pas, de peur de tomber
et de te couvrir de honte,
car le Seigneur révélerait tes secrets
et, au milieu de l’assemblée, il te renverserait,
parce que tu n’as pas pratiqué la crainte du Seigneur
et que ton cœur est plein de fraude.

La crainte de Dieu dans l’épreuve.r

2 Mon fils, si tu t’offres à servir le Seigneur,
prépare-toi à l’épreuve.

r « devant (le monde) », mss, versions ; « dans la bouche (du monde) » grec.

2 Fais-toi un cœur droit, arme-toi de courage,
ne t’effraie pas au temps de l’adversité.
3 Attache-toi à lui, ne t’éloigne pas,
afin d’être exalté à ton dernier jour.
4 Tout ce qui t’advient, accepte-le
et, dans les vicissitudes qui t’humilient,s montre-toi patient.

s Thème fréquent dans l’AT, tout particulièrement dans les Ps.

5 Car l’or est éprouvé dans le feu,
et les élus dans la fournaise de l’humiliation.
Dans la maladie et l’indigence, garde-lui ta confiance.
6 Mets en Dieu ta confiance et il te viendra en aide,
suis droit ton chemin et espère en lui.
7 Vous qui craignez le Seigneur, comptez sur sa miséricorde,
ne vous écartez pas, de peur de tomber.
8 Vous qui craignez le Seigneur, ayez confiance en lui,
et votre récompense ne saurait faillir.
9 Vous qui craignez le Seigneur, espérez ses bienfaits,
la joie éternelle et la miséricorde.
Car sa récompense est un don éternel dans la joie.
10 Considérez les générations passées et voyez :
qui donc, confiant dans le Seigneur, a été confondu ?
Ou qui, persévérant dans sa crainte, a été abandonné ?
Ou qui l’a imploré sans avoir été écouté ?
11 Car le Seigneur est compatissant et miséricordieux,
il remet les péchés et sauve au jour de la détresse.
12 Malheur aux cœurs lâches et aux mains nonchalantes,t
et au pécheur dont la conduite est double.

t Ou « vissicitudes de ta pauvre condition »; litt. « de ton humiliation ».

13 Malheur au cœur nonchalant faute de foi,
car il ne sera pas protégé.
14 Malheur à vous qui avez perdu l’endurance,
que ferez-vous lorsque le Seigneur vous visitera ?
15 Ceux qui craignent le Seigneur ne transgressent pas ses paroles,
ceux qui l’aiment observent ses voies.
16 Ceux qui craignent le Seigneur cherchent à lui plaire,
ceux qui l’aiment se rassasient de la loi.u

u L’auteur semble faire appel à la résistance en temps de persécution. Il condamne l’apostasie, même purement extérieure, vv. 12, 15, cf. 2 M 6.21-28.

17 Ceux qui craignent le Seigneur ont un cœur toujours prêt
et savent s’humilier devant lui.
18 Jetons-nous dans les bras du Seigneur, et non dans ceux des hommes,
car telle est sa majesté, telle aussi sa miséricorde.

Devoirs envers les parents.

3 Enfants, écoutez-moi, je suis votre père,
faites ce que je vous dis, afin d’être sauvés.
2 Car le Seigneur glorifie le père dans ses enfants,
il fortifie le droit de la mère sur ses fils.
3 Celui qui honore son père expie ses fautes,
4 celui qui glorifie sa mère est comme quelqu’un qui amasse un trésor.
5 Celui qui honore son père trouvera de la joie dans ses enfants,
au jour de sa prière il sera exaucé.
6 Celui qui glorifie son père verra de longs jours,
celui qui obéit au Seigneur donne satisfaction à sa mère.v

v Ainsi Ben Sira, loin d’opposer amour et obéissance, les identifie. L’amour est désintéressé ; il n’est question que secondairement de la récompense attendue. Cette attitude, carastéristique de Ben Sira, n’est pas inouïe dans la pensée juive. Cf. par exemple Pirqé Abôt, 1.3 « Ne soyez pas comme des esclaves qui servent leur maître pour en recevoir une récompense. Soyez comme des esclaves qui servent leur maître sans songer à la récompense. »

7 Celui qui craint le Seigneur honore son père.
Il sert ses parents comme son Seigneur.w

w Grec II et lat.

8 En actes comme en paroles honore ton père
afin que la bénédiction te vienne de lui.
9 Car la bénédiction d’un père affermit la maison de ses enfants,
mais la malédiction d’une mère en détruit les fondations.
10 Ne te glorifie pas du déshonneur de ton père :
il n’y a pour toi aucune gloire au déshonneur de ton père.
11 Car c’est la gloire d’un homme que l’honneur de son père
et c’est une honte pour les enfants qu’une mère méprisée.
12 Mon fils, viens en aide à ton père dans sa vieillesse,
ne lui fais pas de peine pendant sa vie.
13 Même si son esprit faiblit, sois indulgent,
ne lui manque pas de respect, toi qui es en pleine force.
14 Car une charité faite à un père ne sera pas oubliée,
et, pour tes péchés, elle te vaudra réparation.
15 Au jour de ton épreuve Dieu se souviendra de toi,
comme glace au soleil, s’évanouiront tes péchés.
16 Tel un blasphémateur, celui qui délaisse son père,
un maudit du Seigneur, celui qui exaspère sa mère.

L’humilité.x

17 Mon fils, conduis tes affaires avec douceur,
et tu seras plus aimé qu’un homme munificent.y

x « son Seigneur » conj. ; « des maîtres » grec.

y « munificent », litt. « donneur de présents » hébr. ; « agréable » grec.

18 Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser
pour trouver grâce devant le Seigneur,z

z Grec II et syr.

19 Nombreux sont les gens hautains et fameux,
mais c’est aux humbles qu’il révèle ses secrets.
20 car grande est la puissance du Seigneur,
mais il est honoré par les humbles.a

a C’est souligner la condescendance de Dieu qui se met à la portée des plus humbles. Mais l’hébr., « car grande est la miséricorde de Dieu, aux humbles il dévoile ses secrets », exprime une idée plus fréquente dans l’AT Dieu comble de grâce celui qui s’humilie, Pr 3.34 ; Ps 25.14 ; cf. Mt 11.25 ; Lc 1.52.

21 Ne cherche pas ce qui est trop difficile pour toi,
ne scrute pas ce qui est au-dessus de tes forces.b

b Contre la curiosité (vv. 21-24) la Loi doit suffire à l’étude du sage. Ben Sira met peut-être en garde contre les spéculations de l’hellénisme.

22 Sur ce qui t’a été assigné exerce ton esprit,
tu n’as pas à t’occuper de choses mystérieuses.
23 Ne te tracasse pas de ce qui te dépasse,c
l’enseignement que tu as reçu est déjà trop vaste pour l’esprit humain.

c « de ce qui te dépasse » hébr. ; « de tes œuvres superflues » grec.

24 Car beaucoup se sont fourvoyés dans leurs conceptions,d
une opinion erronée a égaré leurs pensées.e

d Hébr. « car nombreuses sont les pensées des hommes. »

e Grec II ; hébr. « 25 Faute de prunelle, manque la lumière ; faute de savoir, manque la sagesse. »

25 Faute de prunelle tu manques de lumière ;
si tu es dénué de science, ne fais pas de déclaration.

L’orgueil.

26 Un cœur obstiné finira dans le malheur
et qui aime le danger y périra.f

f Hébr. « et qui aime le bonheur sera conduit par lui. »

27 Un cœur obstiné se charge de peines,
le pécheur accumule péché sur péché.
28 Au mal de l’orgueilleux il n’est pas de guérison,
car la méchanceté est enracinée en lui.
29 L’homme prudent médite en son cœur les paraboles,
une oreille qui l’écoute, c’est le rêve du sage.

Charité envers les pauvres.

30 L’eau éteint les flammes,
l’aumône remet les péchés.
31 Qui répond par des bienfaitsg prépare l’avenir,
au jour de sa chute il trouvera un soutien.

g Le texte ne précise pas s’il s’agit de répondre aux bienfaits par des bienfaits, ou au mal par le bien. Hébr. « Qui fait le bien le rencontrera sur ses routes. »

4 Mon fils, ne refuse pas au pauvre sa subsistance
et ne fais pas languir les yeux du miséreux.
2 Ne fais pas souffrir celui qui a faim,
n’exaspère pas l’indigent.
3 Ne t’acharne pas sur un cœur exaspéré,
ne fais pas languir après ton aumône le nécessiteux.
4 Ne repousse pas le suppliant durement éprouvé,
ne détourne pas du pauvre ton regard.
5 Ne détourne pas tes yeux du nécessiteux,
ne donne à personne l’occasion de te maudire.
6 quelqu’un te maudit dans sa détresse,
son Créateur exaucera son imprécation.
7 Fais-toi aimer de la communauté,
devant un grand baisse la tête.
8 Prête l’oreille au pauvre
et rends-lui son salut avec douceur.
9 Délivre l’opprimé des mains de l’oppresseur
et ne sois pas lâche en rendant la justice.
10 Sois pour les orphelins un père
et comme un mari pour leur mère.h
Et tu seras comme un fils du Très-Haut
qui t’aimera plus que ne fait ta mère.

h Hébr. « les veuves », la veuve et l’orphelin étant le type de ceux envers qui la charité est recommandée, cf. Dt 10.18 ; 14.29 ; 24.19, etc. ; Ps 68.6 ; 146.9 ; Ez 22.7, etc.

La Sagesse éducatrice.i

11 La Sagesse élève ses enfants
et prend soin de ceux qui la cherchent.

i La Sagesse est ici personnifiée, comme en Pr 1.23-25 ; 8.12-21 ; 9.1-6. Ses « enfants » sont ceux qui l’étudient et la pratiquent, cf. Luc 7.35.

12 Celui qui l’aime aime la vie,
ceux qui la cherchent dès le matin seront remplis de joie.
13 Celui qui la possède héritera la gloire ;
où il porte ses pas le Seigneur le bénit.
14 Ceux qui la servent rendent un culte au Saint
et ceux qui l’aiment sont aimés du Seigneur.
15 Celui qui l’écoute juge les nations,
celui qui s’y applique habite en sécurité.
16 S’il se confie en elle, il l’aura en partage,
et sa postérité en conservera la jouissance.
17 Car elle peut le conduire d’abord par un chemin sinueux,
faisant venir sur lui crainte et tremblement,
le tourmenter par sa discipline jusqu’à ce qu’elle puisse lui faire confiance,
l’éprouver par ses exigences,
18 puis elle revient vers lui sur le droit chemin et le réjouit,
et lui découvre ses secrets.
19 S’il s’égare, elle l’abandonne
et le laisse aller à sa perte.j

j L’hébr. et le syr. font de ce passage, vv. 15-19, un « discours de la Sagesse » à la première personne, à l’imitation de Pr 1.22s ; 8.1s.

Pudeur et respect humain.k

20 Tiens compte des circonstances et garde-toi du mal,
et n’aie pas à rougir de toi-même.

k Ce passage fait peut-être allusion à la tentation à laquelle étaient exposés les juifs de dissimuler leur foi et leurs observances face à l’hellénisme, cf. 1 M 1.12-15 ; 2 M 4.11-16.

21 Car il y a une honte qui conduit au péché
et il y a une honte qui est gloire et grâce.
22 Ne sois pas trop sévère pour toi-même
et ne rougis pas pour ta perte.
23 Ne tais pas une parole lorsqu’elle peut sauver
et ne cache pas ta sagesse.l

l « lorsqu’elle peut sauver », litt. « au temps du salut », sens incertain (hébr. « en son temps »). — « et ne cache pas ta sagesse » hébr. ; Gr II et lat. ajoutent « pour la (sa) beauté », sens incertain.

24 Car c’est au discours qu’on connaît la sagesse
et dans la parole que paraît l’instruction.
25 Ne parle pas contre la vérité,
mais rougis de ton ignorance.
26 N’aie pas honte de confesser tes péchés,
ne t’oppose pas au courant du fleuve.m

m Il serait plus aisé de l’arrêter que de celer à Dieu les péchés commis. La confession des péchés n’était pas inconnue dans le judaïsme, Lv 5.5 ; Nb 5.7 ; 2 S 12.13 ; 1 R 21.27 ; Ps 32.5 ; 51.6, etc.

27 Ne t’aplatis pas devant un sot,
ne sois pas partial en faveur du puissant.
28 Jusqu’à la mort lutte pour la vérité,
le Seigneur Dieu combattra pour toi.
29 Ne sois pas hardi en paroles,
paresseux et lâche dans tes actes.
30 Ne sois pas comme un lionn à la maison
et un poltron avec tes serviteurs.

n Var. (hébr. et syr.) « un chien »; les deux stiques seraient parallèles au lieu de s’opposer.

31 Que ta main ne soit pas tendue pour recevoir
et fermée quand il s’agit de rendre.

Richesse et présomption.

5 Ne te confie pas en tes richesses
et ne dis pas : « Cela me suffit. »
2 Ne laisse pas ton désir et ta force t’entraîner
à suivre les passions de ton cœur.
3 Ne dis pas : « Qui a pouvoir sur moi ? »o
car le Seigneur ne manquera pas de te punir.

o Comme l’« insensé » qui nie, sinon l’existence de Dieu, du moins sa providence, Ps 53.2.

4 Ne dis pas : « J’ai péché ! que m’est-il arrivé ? »p
car le Seigneur sait attendre.

p Défi du sceptique à la justice divine apparemment inactive.

5 Ne sois pas si assuré du pardon
que tu entasses péché sur péché.
6 Ne dis pas : « Sa miséricorde est grande,
il me pardonnera la multitude de mes péchés ! »
car il y a chez lui pitié et colère
et son courroux s’abat sur les pécheurs.
7 Ne tarde pas à revenir au Seigneur
et ne remets pas jour après jour,
car soudain éclate la colère du Seigneur
et au jour du châtiment tu serais anéanti.
8 Ne te fie pas aux richesses mal acquises,
elles te seront inutiles au jour du malheur.

Fermeté et possession de soi.

9 Ne vanne pas à tout vent,
ne t’engage pas dans tout sentier
(ainsi en est-il du pécheur à la parole double).q

q Ce stique pourrait être une glose provenant de 6.1.

10 Sache être ferme dans ton sentiment
et n’avoir qu’une parole.
11 Sois prompt à écouter
et lent à donner ta réponse.
12 tu sais quelque chose, réponds à ton prochain,
sinon mets la main sur ta bouche.
13 Honneur et confusion sont dans la parole
et la langue de l’homme fait son malheur.
14 Ne te fais pas traiter de médisant
et ne sois pas un rusé discoureur ;
car si la honte est pour le voleur,
une dure condamnation atteint le fourbe.
15 Dans les grandes comme dans les petites choses évite les fautesr
et d’ami ne deviens pas ennemi.

r « évite les fautes », hébr. ; « ne te trompe pas » grec.

6 Car une mauvaise réputation produit confusion et infamie ;
ainsi en est-il du pécheur à la parole double.
2 Ne t’exalte pas dans ta passion,
de peur que ta forces ne soit déchirée comme un taureau,

s « ta force » hébr. et lat. ; « ta passion » grec.

3 que tu ne dévores ton feuillage et que tu ne perdes tes fruits,
que tu ne te retrouves comme du bois sec.
4 Une passion perverse est la perte d’un homme,
elle fait de lui la risée de ses ennemis.

L’amitié.

5 Une bouche agréable multiplie les amis,
une langue affable attire maintes réponses aimables.
6 Que soient nombreuses tes relations,t
mais pour les conseillers prends-en un entre mille.

t Littéralement « ceux qui sont en paix avec toi », ou peut-être « ceux qui te souhaitent la paix ». Cf. hébr. « les hommes de ta salutation ».

7 tu veux te faire un ami, commence par l’éprouver
et ne te hâte pas de te confier à lui.
8 Car tel lie amitié lorsque ça lui chante,
qui ne restera pas fidèle au jour de ton épreuve.
9 Tel est ami qui se change en ennemi
et qui va dévoiler votre querelle pour ta confusion.
10 Tel est ami et s’assied à ta table,
qui ne restera pas fidèle au jour de l’épreuve.
11 Dans ta prospérité il sera un autre toi-même,
parlant librement à tes serviteurs,u

u Hébr. « dans ton malheur, il s’éloigne de toi ».

12 mais dans ton abaissement il se tournera contre toi
et évitera ton regard.
13 Éloigne-toi de tes ennemis
et garde-toi de tes amis.
14 Un ami fidèle est un puissant soutien :
qui l’a trouvé a trouvé un trésor.
15 Un ami fidèle n’a pas de prix,
on ne saurait en estimer la valeur.
16 Un ami fidèle est un baume de vie,
le trouveront ceux qui craignent le Seigneur.
17 Qui craint le Seigneur règle bien ses amitiés,
car tel on est, tel est l’ami qu’on a.v

v La crainte de Dieu doit être le ciment d’une amitié authentique.

L’apprentissage de la sagesse.

18 Mon fils ! dès ta jeunesse choisis l’instruction
et jusqu’à tes cheveux blancs tu trouveras la sagesse.
19 Comme le laboureur et le semeur, cultive-law
et compte sur ses fruits excellents,
car quelque temps tu peineras à la cultiver,
mais bientôt tu mangeras de ses produits.

w « cultive-la », litt. « approche-toi d’elle ». Cette instruction propose trois conseils 6.18-22, la patience de l’agriculteur ; 6.23-31, la soumission de l’esclave jointe à l’endurance du chasseur ; 6.32-37, la fréquentation de maîtres de valeur.

20 Elle est fort rude aux ignorants
et l’homme court de sens ne s’y attache pas.
21 Elle pèsera lourd sur lui comme une pierre de touche
et il ne tardera pas à la rejeter.
22 Car la sagesse mérite bien son nom,x
ce n’est pas au grand nombre qu’elle se montre.

x Jeu de mot sur mûsâr, qui signifie soit discipline soit éloigné.

23 Écoute, mon fils, accueille ma pensée,
ne rejette pas mon conseil :
24 Engage tes pieds dans ses entraves
et ton cou dans son collier.
25 Présente ton épaule à son fardeau,
ne sois pas impatient de ses liens.
26 De toute ton âme approche-toi d’elle,
de toutes tes forces suis ses voies.
27 Mets-toi sur sa trace et cherche-la : elle se fera connaître à toi ;
si tu la tiens ne la lâche pas.
28 Car à la fin tu trouveras en elle le repos,
et pour toi elle se changera en joie.
29 Ses entraves te deviendront une puissante protection,
ses colliers une parure précieuse.
30 Son jougy sera un ornement d’or,
ses liens des rubans de pourpre.

y « son joug » d’après hébr. ; « sur elle » grec le traducteur a dû lire `alêah au lieu de `ullah. Ce qui semblait un esclavage se révèle une parure de roi ou de grand prêtre.

31 Comme un vêtement d’apparat tu la revêtiras,
tu la ceindras comme un diadème de joie.
32 tu le veux, mon fils, tu t’instruiras
et ta docilité te vaudra l’habileté.
33 tu aimes à écouter, tu apprendras,
et si tu prêtes l’oreille, tu seras sage.
34 Tiens-toi dans l’assemblée des vieillards
et si tu vois un sage, attache-toi à lui.
35 Écoute volontiers toute parole qui vient de Dieu,z
que les proverbes subtils ne t’échappent pas.

z Littéralement « tout discours divin ». L’adjectif manque en hébr. et en syr.

36 tu vois un homme de sens, va vers lui dès le matin,
et que tes pas usent le seuil de sa porte.
37 Médite sur les commandements du Seigneur,
occupe-toi sans cesse de ses préceptes.
C’est lui qui fortifiera ton cœur
et la sagesse que tu désires te sera accordée.

Conseils divers.

7 Ne fais pas le mal, et le mal ne sera pas ton maître ;
2 éloigne-toi de l’injustice et elle s’écartera de toi.
3 Mon fils, ne sème pas dans les sillons d’injustice
de crainte de récolter sept fois plus.

4 Ne demande pas au Seigneur la première place,
ni au roi un siège glorieux.
5 Ne joue pas au juste devant le Seigneur,
ni au sage devant le roi.
6 Ne brigue pas la place de juge
si tu n’es pas capable d’extirper l’injustice,
de peur de te laisser influencer par un grand,
au risque de perdre ta droiture.
7 Ne te rends pas coupable envers l’assemblée de la ville
et ne déchois pas devant le peuple.

8 Ne te laisse pas entraîner deux fois à pécher,
car pour une seule fois tu n’échapperas pas.
9 Ne dis pas : « Dieu considérera la multitude de mes offrandes,
quand je les présenterai au Dieu Très-Haut il les recevra. »

10 Ne sois pas hésitant dans la prière
et ne néglige pas de faire l’aumône.

11 Ne te gausse pas d’un homme qui est dans la peine,
car celui qui humilie peut relever.

12 Ne forge pas le mensonge contre ton frère,
pas davantage envers un ami.

13 Garde-toi de proférer aucun mensonge,
car il ne peut en sortir rien de bon.a

a Littéralement « sa continuité (?) n’est pas pour le bien. » Sens incertain mais confirmé par l’hébr. « le résultat n’est pas agréable ».

14 Ne pérore pas dans l’assemblée des vieillards
et ne répète pas tes paroles dans la prière.

15 Ne répugne pas aux besognes pénibles,
ni au travail des champs créé par le Très-Haut.

16 Ne te range pas au nombre des pécheurs,
souviens-toi que la Colère ne saurait tarder.
17 Humilie-toi profondément,
car le feu et les vers sont le châtiment de l’impie.b

b Hébr. « car l’espérance de l’homme, c’est la vermine », cf. Jb 25.6. Les vers et le feu se trouvent réunis en Isa 66.24 (que reprendra Mc 9.48) et en Jdt 16.17.

18 N’échange pas un ami contre de l’argent,
ni un vrai frère pour l’or d’Ophir.
19 Ne te détourne pas d’une épouse sage et bonne,c
car sa grâce vaut plus que l’or.

c Ou peut-être « N’hésite pas à épouser une femme sage et bonne », cf. v. 26.

20 Ne maltraite pas l’esclave qui travaille fidèlement,
ni le salarié qui se dévoue.
21 Aime dans ton cœurd l’esclave intelligent,
ne lui refuse pas la liberté.

d Littéralement « que ton âme aime » le traducteur a sans doute mal compris l’hébr. « aime comme ton âme », c’est-à-dire « comme toi-même ».

Les enfants.

22 As-tu des troupeaux ? Prends-en soin ;
si tu en tires profit, garde-les.
23 As-tu des enfants ? Fais leur éducation
et dès l’enfance fais-leur plier l’échine.e

e Hébr. « et dès l’enfance, marie-les ».

24 As-tu des filles ? Veille sur leur corps,
et n’égaie pas devant elles ton visage.
25 Marie ta fille, tu auras accompli une grande chose,
mais donne-la à un homme sensé.
26 As-tu une femme selon ton cœur ? Ne la répudie pas,
mais si tu ne l’aimes pas ne te fie pas à elle.f

f Ou peut-être « à celle qui est détestée ne te fie pas », allusion possible à la bigamie, cf. Gn 29.31 ; Dt 21.15 ; 1 S 1.2 ; 37.11.

Les parents.

27 De tout ton cœur honore ton père
et n’oublie jamais ce qu’a souffert ta mère.
28 Souviens-toi qu’ils t’ont donné le jour :
que leur offriras-tu en échange de ce qu’ils ont fait pour toi ?g

g Ces deux vv. sont omis par l’hébr.

Les prêtres.

29 De toute ton âme crains le Seigneur
et révère ses prêtres.h

h Ben Sira vénère le culte et ses ministres, cf. 50. Ici, le respect pour le prêtre est mis directement en parallèle avec l’adoration du Seigneur, selon l’esprit des textes auxquels le v. 31 fait allusion Nb 18.11-18 (prémices) ; Lv 5.6 (sacrifices de réparation, ou « pour le péché ») ; Ex 29.27 ; Lv 7.32 ; Dt 18.3 (offrande des épaules). Le « sacrifice de sanctification » (hébr. « de justice ») est probablement l’oblation de Lv 2.1-16.

30 De toutes tes forces aime celui qui t’a créé
et ne délaisse pas ses ministres.
31 Crains le Seigneur et honore le prêtre
et donne-lui sa part comme il t’est prescrit :
prémices, sacrifice de réparation, offrande des épaules,
sacrifice de sanctification et prémices des choses saintes.

Les pauvres et les éprouvés.

32 Au pauvre également fais des largesses,
pour que ta bénédictioni soit parfaite.

i Celle qu’accordera le Seigneur.

33 Que ta générosité touche tous les vivants,
même aux morts ne refuse pas ta piété.j

j Sur le devoir de donner aux morts une sépulture décente, cf. 2 S 21.10-14 ; Jr 22.19 ; Isa 34.3 ; Tb 1.17-18 ; 12.12. Plus tard, on se préoccupa aussi d’offrir pour eux des prières et des sacrifices, 2 M 12.38-46. Mais certaines pratiques païennes du culte des morts semblent avoir été prohibées par la loi, Dt 26.14, cf. Ba 6.26 ; 30.18. Ben Sira ne précise pas.

34 Ne te détourne pas de ceux qui pleurent,
afflige-toi avec les affligés.
35 Ne crains pas de visiter des malades,
par de tels actes tu te gagneras l’affection.
36 Dans tout ce que tu fais souviens-toi de ta fin
et tu ne pécheras jamais.k

k « ce que tu fais » hébr. ; « tes paroles » grec. — Même si Ben Sira n’a pas encore une idée nette et certaine de la rétribution après la mort, il souligne à plusieurs reprises l’importance de la dernière heure, cf. 11.26-28. Il peut d’ailleurs y avoir un progrès de l’hébreu à la traduction grecque l’hébreu dit simplement « en toutes tes actions considère la fin », c’est-à-dire prends garde aux conséquences de tes actes. En précisant « ta fin », le grec vise clairement les fins dernières.

Prudence et réflexion.

8 Ne lutte pas avec un grand,
de peur de tomber entre ses mains.
2 Ne te querelle pas avec un riche,
de peur qu’il n’ait plus de poids que toi ;
car l’or a perdu bien des gens
et a fait fléchir le cœur des rois.
3 Ne dispute pas avec un beau parleur,
ne mets pas de bois sur son feu.
4 Ne plaisante pas avec un homme mal élevé,
de peur de voir insulter tes ancêtres.l

l Par les malédictions si fréquentes dans le style oriental.

5 Ne fais pas de reproches au pécheur repentant,
souviens-toi que nous sommes tous coupables.m

m « coupables » hébr. ; « dans les châtiments » grec.

6 Ne méprise pas un homme avancé en âge,
car peut-être nous aussi deviendrons vieux.
7 Ne te réjouis pas de la mort d’un homme,
souviens-toi que tous nous devons mourir.

La tradition.n

8 Ne méprise pas le discours des sages
et reviens souvent à leurs maximes ;
car c’est d’eux que tu apprendras la doctrine
et l’art de servir les grands.

n Ben Sira n’ignore pas que la sagesse est affaire de tradition, et qu’elle était autrefois, en Israël comme en Égypte, le bien du fonctionnaire, constituant pour lui un « art de servir les grands ».

9 Ne fais pas fi du discours des vieillards,
car eux-mêmes ont été à l’école de leurs pères ;o
c’est d’eux que tu apprendras la prudence
et l’art de répondre à point nommé.

o Les rabbins ont une haute idée de la tradition qu’ils appellent « la loi orale ». Cf. déjà Dt 4.9 ; 11.19 ; Ps 44.2 ; 78.3s ; Jb 8.8 ; 12.12. La plupart des livres bibliques ont existé à l’état de tradition orale avant d’être mis par écrit. Et ceci est vrai en particulier des proverbes et des maximes de sagesse.

La prudence.

10 Ne mets pas le feu aux charbons du pécheur,
de crainte de te brûler à sa flamme.
11 Ne te laisse pas pousser à bout par l’homme insolent,
ce serait un piège tendu devant tes lèvres.

12 Ne prête pas à un homme plus fort que toi :
si tu prêtes, tiens la chose pour perdue.

13 Ne te porte pas caution au-delà de tes moyens :
si tu t’es porté caution, sois prêt à payer.

14 N’aie pas de procès avec un juge,
car la sentence sera rendue en sa faveur.

15 Ne te mets pas en route avec un aventurier,
de peur qu’il ne t’accable de maux ;
car il n’en fait qu’à sa tête
et sa folie te perdra avec lui.
16 Ne te dispute pas avec un homme coléreux,
ne t’engage pas avec lui dans un lieu désert,
car le sang ne compte pas à ses yeux
et là où il n’y a pas de secours il se jettera sur toi.

17 Ne prends pas un sot pour confident,
car il ne saurait garder ton secret.
18 Devant un étranger, ne fais rien qui doive rester secret,
car tu ne sais pas ce qu’il peut inventer.
19 N’ouvre pas ton cœur à n’importe qui
et ne prétends pas obtenir ses bonnes grâces.p

p Hébr. « et ne détourne pas de toi le bonheur. »

Les femmes.

9 Ne sois pas jaloux de ton épouse bien-aimée
et ne lui donne pas l’idée de te faire du mal.
2 Ne te livre pas entre les mains d’une femme,
de peur qu’elle ne prenne de l’ascendant sur toi.
3 Ne va pas au-devant d’une courtisane :
tu pourrais tomber dans ses pièges.
4 Ne fréquente pas une chanteuse :
tu te ferais prendre à ses artifices.
5 N’arrête pas ton regard sur une jeune fille,
de peur d’être piégé quand elle expiera.q

q C’est-à-dire être puni avec elle, cf. Lv 20.10 ; Dt 22.22.

6 Ne te livre pas aux mains des prostituées :
tu y perdrais ton patrimoine.
7 Ne promène pas ton regard dans les rues de la ville
et ne rôde pas dans les coins déserts.
8 Détourne ton regard d’une jolie femme
et ne l’arrête pas sur une beauté étrangère.
Beaucoup ont été égarés par la beauté d’une femme
et l’amour s’y enflamme comme un feu.
9 Près d’une femme mariée garde-toi bien de t’asseoir
et de pique-niquer au vin avec elle,
de peur que le désir ne te dévie vers eller
et que dans ta passion tu ne glisses à ta perte.

r Hébr. « que ton cœur ne penche vers elle ».

Rapports avec les hommes.

10 N’abandonne pas un vieil ami,
le nouveau venu ne le vaudra pas.
Vin nouveau, ami nouveau,
laisse-le vieillir, tu le boiras avec délices.

11 N’envie pas le succès du pécheur,
tu ne sais comment cela finira.
12 Ne te félicite pas de la réussite des impies,
souviens-toi qu’ici-bas ils ne resteront pas impunis.s

s « ici-bas », litt. « jusqu’au shéol ». — Sur le problème de la rétribution temporelle, cf. l’Introduction.

13 Tiens-toi éloigné de l’homme qui a le pouvoir de tuer
et tu n’auras aucune crainte de la mort.
tu l’approches, garde-toi d’un faux pas,
il pourrait t’ôter la vie.
Sache bien que tu es entouré de pièges
et que tu marches sur les remparts.t

t Donc exposé aux flèches des ennemis, mais le texte est douteux. Hébr. « sur des filets ».

14 Autant que tu le peux, fréquente ton prochain
et prends conseil des sages.
15 Pour ta conversation, recherche les hommes intelligents,
et que tous tes entretiens portent sur la loi du Très-Haut.
16 Que les justes soient tes commensaux
et que ta fierté soit dans la crainte du Seigneur.

17 Un ouvrage fait de main d’ouvrier mérite louange,
mais le chef du peuple, lui, doit être habile dans le discours.u

u Cette maxime met en parallèle l’ouvrier, dont la valeur réside dans l’habileté manuelle, et le chef d’État qui s’impose par son éloquence.

18 Le beau parleur est redouté dans la ville
et le bavard est détesté.

Le gouvernement.

10 Le sage gouvernant tient son peuple dans la discipline
et l’autorité d’un homme sensé est bien établie.
2 Tel le gouvernant et tels ses subordonnés,
tel celui qui régit la ville et tels les habitants.
3 Un roi sans instruction est la ruine de son peuple,
une ville doit sa prospérité à l’intelligence des chefs.
4 Aux mains du Seigneur est le gouvernement du monde ;
il suscite au bon moment le chef qui convient.
5 Le succès d’un homme est dans la main du Seigneur ;
c’est lui qui donne au scribe sa gloire.

Contre l’orgueil.

6 Ne garde pas rancune au prochain, quels que soient ses torts,
et ne réagis jamais par des actes d’arrogance.

7 L’orgueil déplaît à Dieu comme à l’homme,
et tous deux regardent l’injustice comme une faute.
8 La souveraineté passe d’une nation à une autre
par l’injustice, l’arrogance et l’argent.
Rien de plus impie que celui qui aime l’argent :
même son âme il la vend !
9 Pourquoi tant d’orgueil pour qui est terre et cendre,
un être qui, vivant, a déjà les tripes dégoûtantes ?v

v Texte corrigé d’après syr. hex. et des commentaires ; le grec est obscur (« un être qui, vivant, jette (?) ses intestins ») ; l’hébr., corrompu, est inintelligible.

10 Une longue maladie se moque du médecin,
qui est roi aujourd’hui demain mourra.w

w Le texte semble affirmer l’inutilité des efforts humains pour sauver l’homme voué à la mort, mais cf. chap. 38.

11 Quand un homme meurt, il reçoit en partage
les insectes, les fauves et les vers.

12 Le principe de l’orgueil humain, c’est d’abandonner le Seigneur
et de tenir son cœur éloigné du Créateur.
13 Car le principe de l’orgueil c’est le péché,
celui qui s’y adonne répand l’abomination.
C’est pourquoi le Seigneur a rendu éclatante leur détresse
et les a réduits à néant.
14 Le Seigneur a renversé le trône des puissants
et fait asseoir à leur place les doux.
15 Le Seigneur a déraciné les orgueilleuxx
et planté à leur place les humbles.

x « les orgueilleux » conj. ; « les nations » grec (les deux mots sont graphiquement très proches en hébr., mais le v. 15 manque) ; « les nations orgueilleuses » lat.

16 Le Seigneur a bouleversé le territoire des nations
et les a anéanties jusqu’aux fondements de la terre.
17 Il les a quelquefois enlevées et détruites
et a effacé du monde leur souvenir.

18 L’orgueil n’est pas fait pour l’homme
ni la violente colère pour la race de la femme.

Les gens dignes d’honneur.

19 Quelle race est digne d’honneur ? La race de l’homme.
Quelle race est digne d’honneur ? Ceux qui craignent le Seigneur.
Quelle race est digne de mépris ? La race de l’homme.
Quelle race est digne de mépris ? Ceux qui violent les préceptes.
20 Le chef est honoré parmi ses frères,
ceux qui craignent le Seigneur sont honorés de lui.
21 Être accepté de Dieu trouve son principe dans la crainte du Seigneur,
mais le principe du rejet, c’est l’endurcissement et l’orgueil.
22 Prosélyte, étrangery ou pauvre,
leur fierté est dans la crainte du Seigneur.

y Hébr. ; « riche, chargé d’honneurs » grec.

23 Ce n’est pas bien de mépriser un pauvre intelligent,
il ne convient pas d’honorer un pécheur.
24 Grand, magistrat, puissant sont dignes d’honneur,
mais nul n’est plus grand que celui qui craint le Seigneur.
25 L’esclave sage a les hommes libres comme serviteurs
et l’homme instruit ne se plaint pas.z

z On rapprochera de cette maxime les déclarations de saint Paul sur l’esclavage, Ga 3.28 ; Col 3.11 ; Phm 16.

Humilité et vérité.

26 Ne fais pas le malin quand tu accomplis ta besogne,
ne fais pas le glorieux quand tu es dans la gêne.
27 Mieux vaut l’homme qui travaille et vit dans l’abondance
que celui qui va se glorifiant et manque de pain.
28 Mon fils, glorifie-toi modestement
et apprécie-toi à ta juste valeur.
29 Qui oserait justifier celui qui se fait tort à soi-même
et estimer celui qui se méprise ?
30 On honore le pauvre pour son savoir
et le riche pour ses richesses.
31 Honoré dans la pauvreté, que serait-ce dans la richesse !
méprisé dans la richesse, que serait-ce dans la pauvreté !

Ne pas se fier aux apparences.

11 Le pauvre, s’il est sage, tient la tête haute
et s’assied parmi les grands.

2 Ne félicite pas un homme pour sa prestance
et ne prends personne en grippe d’après son apparence.
3 L’abeille est petite parmi les êtres ailés,
mais ce qu’elle produit est d’une douceur exquise.

4 Ne sois pas fier des vêtements que tu portes
et ne t’enorgueillis pas lorsqu’on t’honore :a
car les œuvres du Seigneur sont admirables,
mais elles sont cachées aux hommes.b

a Hébr. « Ne te moque pas de qui est en haillons, ne raille pas qui est dans la peine. »

b C’est-à-dire invisibles et imprévisibles. Un coup du sort peut renverser toutes les situations. Cf. Ps 113.7s ; 1 S 2.8 ; Jb 12.17-19. Les maximes suivantes illustrent celle-ci.

5 Souvent des souverains étaient assis sur le pavéc
et un inconnu a reçu le diadème.

c On peut aussi comprendre « ont été mis sur le pavé » (après avoir régné) ; le parallèle serait alors antithétique, mais l’hébr. « beaucoup d’humiliés se sont assis sur le trône », appuie l’interprétation proposée.

6 Souvent des puissants ont été durement humiliés
et des hommes illustres sont tombés au pouvoir d’autrui.

Réflexion et lenteur.

7 Ne blâme pas avant d’avoir examiné,
réfléchis d’abord, puis exprime tes reproches.
8 Ne réponds pas avant d’avoir écouté,
n’interviens pas au milieu du discours.

9 Ne t’échauffe pas pour une affaire qui ne te regarde pas
et ne te mêle pas des querelles des pécheurs.

10 Mon fils n’entreprends pas beaucoup d’affaires ;
si tu les multiplies, tu ne t’en tireras pas indemne ;
même en courant, tu n’arriveras pas
et tu ne pourras échapper par la fuite.d

d L’hébr. ajoute une seconde forme, connue du syr. « si tu ne cours pas tu n’atteindras pas, si tu ne cherches pas tu ne trouveras pas. »

11 Il en est qui peinent, se fatiguent et se hâtent
pour n’en être que mieux distancés.

Confiance en Dieu seul.

12 Il y a des faibles qui réclament de l’aide,
pauvres de moyens et riches de dénuement ;
le Seigneur les regarde avec faveur,
il les relève de leur misère.
13 Il leur fait relever la tête
et beaucoup s’en étonnent.
14 Bien et mal, vie et mort,
pauvreté et richesse, tout vient du Seigneur.
15 La sagesse, la science et la connaissance de la Loi viennent du Seigneur,
l’amour et la pratique des bonnes œuvres viennent de lui.
16 La folie et les ténèbres sont créées pour les pécheurs ;
de ceux qui se plaisent au mal, le mal accompagne la vieillesse.e

e Hébr., Gr II, lat. et syr.

17 Le don du Seigneur reste fidèle aux hommes pieuxf
et sa bienveillance les conduira à jamais.

f Le grec traduit ainsi l’hébr. « justes », de même v. 22 ; 12.2 ; 13.17.

18 Il y a des gens qui s’enrichissent à force d’avarice,
voici quelle sera leur récompense :
19 Le jour où ils se disent : « J’ai trouvé le repos,
maintenant je peux vivre sur mes biens »,
ils ne savent pas combien de temps cela durera :
il leur faudra laisser cela à d’autres et mourir.g

g On s’est demandé si Jésus ne s’est pas inspiré de ce v. pour la parabole de Lc 12.16-21 (noter surtout le v. 19). C’est bien la même idée de l’inutilité des biens amassés à grand-peine, et dont le possesseur va se trouver privé au jour de sa mort.

20 Sois attaché à ta besogne, occupe-t’en bienh
et vieillis dans ton travail.

h « ta besogne » hébr. ; « ton alliance » grec. — « occupe-t’en bien » var. ; hébr. « mets-y ta joie », cf. Qo 2.24 ; 3.13.

21 Ne t’étonne pas des œuvres du pécheur,
confie-toi dans le Seigneur et tiens-toi à ta besogne.
Car c’est chose facile aux yeux du Seigneur,
rapidement, en un instant, d’enrichir un pauvre.
22 La bénédiction du Seigneur est la récompense de l’homme pieux,
en un instant Dieu fait fleurir sa bénédiction.
23 Ne dis pas : « De quoi ai-je besoin ?
Désormais quel sera mon avoir ? »
24 Ne dis pas : « J’ai suffisamment,
quelle malchance pourrait m’atteindre ? »
25 Au jour du bonheur on ne se souvient pas des maux
et au jour du malheur on oublie le bonheur.i

i Ou peut-être « On oublie les maux (qui peuvent survenir)... On ne se souvient pas du bonheur (dont on peut être gratifié) ». Ainsi appliqué à l’avenir, ce v. serait plus conforme au contexte. L’interprétation paraît cependant moins probable.

26 C’est qu’il est aisé au Seigneur, au jour de la mort,
de rendre à chacun selon ses actes.
27 Une heure d’épreuve fait oublier le bien-être
et c’est à sa dernière heure que les œuvres d’un homme sont dévoilées.
28 Ne vante le bonheur de personne avant la fin,
car c’est dans sa fin qu’on se fait connaître.j

j « dans sa fin » hébr. ; « dans ses enfants » grec. — Ces trois vv. (cf. 7.36) expriment la confiance avec laquelle l’auteur attend, au jour de la mort, un jugement où seront dévoilés les mérites et les fautes. Mais il ne s’arrête pas à décrire la rétribution, ni à préciser si elle sera éternelle.

Se méfier du méchant.

29 N’introduis pas chez toi n’importe qui,
car nombreuses sont les ruses de l’intrigant.
30 Comme une perdrix captive dans sa cage, ainsi le cœur de l’orgueilleux,
comme l’espion, il guette ta ruine.k

k Entre 11.30a et 11.30b, un ms hébr. insère « comme le loup qui se tient en embuscade pour dévorer. Comme ils sont nombreux les méfaits du violent ! Il est comme un chien parmi ceux qui mangent à la maison et il ravage tout ; le violent s’amène et met la querelle dans tout leur bien. Le médisant, comme un ours, est aux aguets près de la maison des railleurs. »

31 Changeant le bien en mal, il est à l’affût,
aux meilleures qualités il trouve des tares.
32 Une étincelle allume un grand brasier,
le pécheur est à l’affût pour faire couler le sang.
33 Prends garde au méchant car il complote le mal,
crains qu’il ne t’inflige une flétrissure éternelle.
34 Introduis l’étranger, il mettra le trouble chez toi
et il t’aliénera ta maisonnée.

Les bienfaits.

12 tu fais le bien, sache à qui tu le fais
et tes bienfaits ne seront pas perdus.
2 Fais le bien à un homme pieux, il te le rendra,
sinon par lui-même, du moins par le Très-Haut.
3 Pas de bienfaits à qui persévère dans le mal
et se refuse à faire la charité.l

l Hébr. « Point de profit pour qui fait du bien au méchant ; il ne fait même pas une bonne action. »

4 Donne à l’homme pieux
et ne viens pas en aide au pécheur.m

m Ce verset manque en hébr. ; doublet de 12.7. Le lat. donne à la suite 12.4, 6bc, 4. On opposera Mt 5.43-48 ; Lc 6.27-36 ; Rm 12.20. — Saint Augustin, choqué par cette injonction, a tenté de l’adoucir en commentant « Ne donne pas au pécheur en tant que pécheur, donne-lui en tant qu’homme. »

5 Fais le bien à qui est humble
et ne donne pas à l’impie.
Refuse-lui son pain, ne le lui donne pas,
il en deviendrait plus fort que toi.
Car tu serais payé au double en méchanceté
pour tous les bienfaits dont tu l’aurais gratifié.
6 Car le Très-Haut lui-même a les pécheurs en horreur
et aux impies il infligera une punition.
Il les garde jusqu’au jour de leur châtiment.
7 Donne à l’homme bon,
mais ne viens pas en aide au pécheur.

Vrais et faux amis.

8 Dans la prospérité on ne peut reconnaître le véritable ami,
et dans l’adversité l’ennemi ne peut se cacher.
9 Quand un homme est heureux, ses ennemis ont du chagrin ;n
quand il est malheureux, même son ami l’abandonne.

n L’hébr. « même celui qui le hait est son ami » respecte mieux le parallélisme.

10 Ne te fie jamais à ton ennemi ;
de même que l’airain se rouille, ainsi fait sa méchanceté.
11 Même s’il se fait humble et s’avance en courbant l’échine,
veille sur toi-même et méfie-toi de lui.
Agis envers lui comme si tu polissais un miroir,
sache que sa rouille ne tiendra pas jusqu’à la fin.o

o Hébr. « agis envers lui comme (avec) celui qui révèle un secret il ne sera pas capable de te nuire ; et sache la conséquence de la jalousie. »

12 Ne le mets pas près de toi,
il pourrait te renverser et prendre ta place.
Ne le fais pas asseoir à ta droite,
il chercherait à te ravir ton siège,
et finalement tu comprendrais mes paroles,
tu te repentirais en songeant à mon discours.
13 Qui aurait pitié du charmeur que mord le serpent
et de tous ceux qui affrontent les bêtes féroces ?
14 Il en va de même de celui qui fait du pécheur son compagnon
et qui prend part à ses péchés.
15 Il reste quelque temps avec toi,
mais, si tu chancelles, il ne se contient plus.
16 L’ennemi n’a que douceur sur les lèvres,
mais dans son cœur il médite de te jeter dans la fosse.
L’ennemi a des larmes dans les yeux,
et s’il trouve l’occasion il ne se rassasiera pas de sang.
17 Si le sort t’est contraire, tu le trouveras là avant toi,
et sous prétexte de t’aider il te saisira le talon.
18 Il hochera la tête et battra des mains,p
il ne fera que murmurer et changer de visage.

p Hocher la tête, geste de moquerie, Ps 22.8 ; 109.25 ; Jb 16.4 ; cf. Mt 27.39. Battre des mains, Ez 25.6 ; Na 3.19 ; Lm 2.15.

Fréquenter ses égaux.

13 Qui touche à la poix s’englue,
qui fréquente l’orgueilleux en vient à lui ressembler.
2 Ne te charge pas d’un fardeau trop lourd,
ne te lie pas à plus fort et plus riche que toi.
Pourquoi mettre le pot de terre avec le pot de fer ?
S’il le heurte, il se brisera.q

q Comparaison classique qui se trouve déjà dans Ésope.

3 Le riche commet une injustice, il prend de grands airs ;
le pauvre est lésé, il se fait suppliant.
4 tu lui es utile il se sert de toi,
si tu fais défaut, il s’écartera de toi.
5 As-tu quelque bien ? Il vivra avec toi,
il te dépouillera sans aucun remords.
6 A-t-il besoin de toi ? Il t’enjôlera,
te fera des sourires et te donnera de l’espoir,
il t’adressera de bonnes paroles
et dira : « De quoi as-tu besoin ? »
7 Il t’humiliera au cours de ses festins,
jusqu’à te dépouiller par deux et trois fois,
et pour finir il se moquera de toi.
Puis, s’il t’aperçoit, il s’écartera de toi
en hochant la tête à ton sujet.

8 Prends garde de ne pas te laisser séduire,
pour ne pas être humilié dans ta sottise.r

r « dans ta sottise », lat., syr. ; « dans ta joie » grec. — Hébr. « Prends garde de ne pas être trop insolent (?), ne ressemble pas aux insensés. »

9 Quand un grand t’appelle, dérobe-toi,
il t’appellera de plus belle.
10 Ne te précipite pas, de peur d’être repoussé ;
ne te tiens pas trop loin, de peur d’être oublié.s

s Expression frappante de la modération réfléchie et non dépourvue de malice qui caractérise Ben Sira. — Le conseil évangélique de Lc 14.8-10, dont on serait tenté de rapprocher cette maxime, n’a en fait exactement ni le même contenu ni le même motif.

11 Ne t’avise pas d’être familier avec lui,
ne te fie pas à sa faconde.
Par son verbiage il te met à l’épreuve,
comme en se jouant il s’informe.

12 Impitoyable est celui qui colporte les propos ;
il ne t’épargne ni les coups ni les chaînes.
13 Prends garde et fais bien attention,
car tu chemines en compagnie de ta propre ruine.
14 Quand tu entends cela dans ton sommeil, éveille-toi ;
toute ta vie, aime le Seigneur et invoque-le pour ton salut.
t

t Gr II et lat.

15 Tout être vivant aime son semblable
et tout homme son prochain.
16 Toute chair s’accouple selon son espèce
et l’homme s’associe à son semblable.
17 Comment pourraient s’entendre le loup et l’agneau ?
Ainsi en est-il du pécheur et de l’homme pieux.
18 Quelle paix peut-il y avoir entre l’hyène et le chien ?
Et quelle paix entre le riche et le pauvre ?u

u Pour Ben Sira, le précepte de ne fréquenter que ses égaux est en continuité avec l’harmonie de la nature et donc conforme à l’ordre divin. La condamnation de la richesse n’est pas absolue, cf. v. 24, mais l’auteur veut empêcher le pauvre de se laisser séduire par le riche qui risque de l’écraser.

19 Les onagres au désert sont le gibier des lions,
ainsi les pauvres sont la proie des riches.
20 Pour l’orgueilleux l’humilité est une abjection :
ainsi le riche a le pauvre en horreur.
21 Quand le riche fait un faux pas, ses amis le soutiennent ;
quand le malheureux fait une chute, ses amis le rejettent.
22 Quand le riche trébuche,v beaucoup le reçoivent dans leurs bras,
s’il dit des sottises, on lui donne raison.
Quand le malheureux trébuche, on lui fait des reproches,
s’il dit des choses sensées, il n’y a pas de place pour lui.

v Ce v. est sans doute à prendre métaphoriquement, « trébucher » peut avoir le sens de « dire des sottises » (hébr. « parle »), cf. 14.1, et la suite montre qu’il s’agit surtout de discours.

23 Quand le riche parle, tous se taisent
et l’on porte aux nues son discours.
Quand le pauvre parle, on dit : « Qui est-ce ? »
Et s’il achoppe on le jette par terre.

24 La richesse est bonne quand elle est sans péché,
la pauvreté est mauvaise aux dires de l’impie.w

w Ou peut-être « à la mesure de l’impiété » (hébr. « à la mesure de l’insolence »). — La richesse n’est pas une tare mais seulement un danger.

25 Le cœur de l’homme modèle son visage,
soit en bien soit en mal.
26 À cœur en fête, gai visage ;
l’invention de proverbes suppose de pénibles réflexions.x

x « cœur en fête », ou « bon cœur », hébr., c’est-à-dire bonne personne. — On voit mal comment, en grec, le second stique se rattache au précédent. Hébr. « isolement et air pensif cogitation de misère », où le contraste ressort.

Le vrai bonheur.

14 Heureux l’homme qui n’a pas péchéy en paroles
et qui n’est pas tourmenté par le regret de ses fautes.

y Littéralement « n’a pas trébuché ». — Beaucoup de Ps chantent ainsi le bonheur des cœurs purs, cf. Ps 1 ; 32 ; 41 ; 119 ; 128, par opposition aux « heureux » de ce monde. C’est déjà l’annonce des béatitudes évangéliques, Mt 5.1-12.

2 Heureux l’homme qui ne se fait pas à lui-même de reproches
et qui ne sombre pas dans le désespoir.

Envie et avarice.

3 À l’homme mesquin ne sied pas la richesse,
et pour l’homme cupide à quoi bon de grands biens ?
4 Qui amasse en se privant amasse pour autrui,
de ses biens d’autres se repaîtront.

5 Celui qui est dur pour soi-même, pour qui serait-il bon ?
Il ne jouit même pas de ses propres biens.
6 Il n’y a pas homme plus cruel que celui qui se torture soi-même,
c’est là le salaire de sa méchanceté.
7 S’il fait du bien, c’est par mégarde,
finalement il laisse voir sa méchanceté.
8 C’est un méchant, l’homme aux regards cupides,
qui détourne les yeuxz et méprise la vie d’autrui.

z De ceux qui ont besoin de son secours.

9 L’homme jaloux n’est pas content de ce qu’il a,
la cupiditéa dessèche l’âme.

a « la cupidité », litt. « l’œil mauvais », conj. ; « l’iniquité mauvaise » grec (confusion entre `ayin et `awon, mais le texte hébr. que nous connaissons est différent).

10 L’avare est chiche de pain
et la disette est sur sa table.

11 Mon fils, si tu as de quoi, traite-toi bien,
et présente au Seigneur les offrandes qu’il demande.
12 N’oublie pas que la mort ne tardera pas
et que le pacte du shéolb ne t’a pas été révélé.

b Probablement le décret qui fixe la date de la mort, cf. Isa 28.15, 18.

13 Avant de mourir fais du bien à tes amis
et selon tes moyens sois libéral.
14 Ne te refuse pas le bonheur présent,
ne laisse rien échapper d’un légitime désir.
15 Ne laisseras-tu pas à d’autres ta fortune ?
Et tes biens ne seront-ils pas partagés par le sort ?
16 Offre et reçois, trompe tes soucis,
ce n’est pas au shéol qu’on peut chercher la joie.
17 Toute chair s’use comme un vêtement,
la loi éternelle c’est qu’il faut mourir.
18 Comme le feuillage verdoyant sur un arbre touffu,
tantôt tombe et tantôt repousse,
ainsi les générations de chair et de sang :
les uns meurent et les autres naissent.
19 Toute œuvre corruptible périt
et son auteur s’en va avec elle.c

c Hébr. « Toutes les actions de l’homme sont vouées à la corruption, et l’œuvre de ses mains le suivra », c’est-à-dire le suivra dans la corruption. Ap 14.13 transpose cette pensée les œuvres suivent le fidèle dans la splendeur de la vie nouvelle. Ces réflexions sont pour Qohélet un sujet d’étonnement et même de scandale. Ben Sira n’y voit qu’une leçon de détachement.

Bonheur du sage.

20 Heureux l’homme qui médite sur la sagesse
et qui raisonne avec intelligence,
21 qui réfléchit dans son cœur sur les voies de la sagesse
et qui s’applique à ses secrets.d

d Cf. le Ps 119, en particulier les vv. 15, 23, 148 sur le bonheur que donne la méditation de la Loi. Ici l’objet de l’étude est la sagesse, qui se découvre surtout dans les proverbes et les maximes des sages.

22 Il la poursuit comme le chasseur,
il est aux aguets sur sa piste ;
23 il se penche à ses fenêtres
et écoute à ses portes ;
24 il se poste tout près de sa demeure
et fixe un pieu dans ses murailles ;e

e Pour y fixer sa propre tente. — Plusieurs images sont employées pour caractériser la recherche de la sagesse celle du chasseur qui la poursuit, de l’espion qui tente de surprendre ses paroles, du nomade qui campe sous son ombre.

25 il dresse sa tente à proximité
et s’établit dans une retraite de bonheur ;
26 il place ses enfants sous sa protection
et sous ses rameaux il trouve un abri ;
27 sous son ombre il est protégé de la chaleur
et il s’établit dans sa gloire.f

f Cette « gloire » (hébr. « refuge ») désigne peut-être la nuée qui manifestait la présence de Yahvé, cf. Ex 16.10 ; 24.16. C’est la shekinah (« Présence ») de la littérature rabbinique.

15 Ainsi fait celui qui craint le Seigneur ;
celui qui se saisit de la loig reçoit la sagesse.

g Jr 2.8 connaît quatre fonctions officielles le prêtre, le légiste, le chef, le prophète. « Celui qui se saisit de la loi » se rattache au second de ces états, celui du « scribe », du « docteur de la Loi », qui devint de plus en plus important dans le judaïsme, cf. Esd 7.6.

2 Elle vient au-devant de lui comme une mère,
comme une épouse vierge elle l’accueille ;
3 elle le nourrit du pain de la prudence,
elle lui donne à boire l’eau de la sagesse ;
4 il s’appuie sur elle et ne chancelle pas,
il s’attache à elle et n’est pas confondu.
5 Elle l’élève au-dessus de ses compagnons,
au milieu de l’assemblée elle lui ouvre la bouche.
6 Il trouve le bonheur et une couronne de joie,
il reçoit en partage une renommée éternelle.
7 Jamais les insensés ne la posséderont,
et les pécheurs jamais ne la verront.
8 Elle se tient à distance de l’orgueil
et les menteurs ne songent pas à elle.
9 La louange ne sied pas à la bouche du pécheur,
puisqu’elle ne lui est pas accordée par le Seigneur.
10 Car c’est en sagesse que s’exprime la louange,
et c’est le Seigneur qui la guide.

La liberté humaine.

11 Ne dis pas : « C’est le Seigneur qui m’a fait pécher »,
car il ne fait pas ce qu’il a en horreur.h

h « il ne fait pas » hébr. et 1 Ms grec ; « ne fais pas » grec.

12 Ne dis pas : « C’est lui qui m’a égaré »,
car il n’a que faire d’un pécheur.
13 Le Seigneur hait toute espèce d’abomination
et aucune n’est aimée de ceux qui le craignent.
14 C’est lui qui au commencement a fait l’homme
et il l’a laissé à son conseil.i

i Ce v. est souvent invoqué pour soutenir la doctrine de la liberté. L’hébr. « ... il l’a livré à son ennemi et l’a laissé à son penchant », en fait plutôt une explication de l’origine du mal, mais la première phrase est un ajout hors de propos ; pour Ben Sira, le « penchant » n’est pas de soi mauvais, comme il le sera dans les textes rabbiniques, mais il désigne l’orientation libre de la volonté pour le bien ou pour le mal « si tu veux », dit 15.14.

15 tu le veux, tu garderas les commandements
pour rester fidèle à son bon plaisir.j

j Syr. et hébr. ajoutent « si tu as foi en lui, toi aussi tu vivras », cf. Ha 2.4 ; Jn 11.25.

16 Devant toi il a mis le feu et l’eau,
selon ton désir étends la main.
17 Devant les hommes sont la vie et la mort,
à leur gré l’une ou l’autre leur est donnée.
18 Car grande est la sagesse du Seigneur,
il est tout-puissant et voit tout.
19 Ses regards sont tournés vers ceux qui le craignent,
il connaît lui-même toutes les œuvres des hommes.
20 Il n’a commandé à personne d’être impie,
il n’a donné à personne licence de pécher.

Malédiction des impies.

16 Ne désire pas une nombreuse descendance de propres à rien
et ne mets pas ta joie dans des fils impies.
2 Quel que soit leur nombre, ne te réjouis pas
s’ils ne possèdent pas la crainte de Dieu.
3 Ne compte pas pour eux sur une longue vie,
ne t’attends pas à ce qu’ils durent,k
Car tu gémiras d’un deuil prématuré,
soudain tu connaîtras leur fin.

Oui, mieux vaut un seull que mille,
et mourir sans enfants qu’avoir des fils impies.

gk L’hébr. ajoute « car ils n’auront pas un avenir heureux ».

l L’hébr. et des témoins grecs ajoutent « faisant le bon plaisir de Dieu (ou du Seigneur) »; lat. « craignant Dieu ».

4 Par un seul homme intelligent une ville se peuple,
mais la race des pervers sera détruite.
5 J’ai vu de mes yeux beaucoup de choses semblables,
et de mes oreilles j’en ai entendu de plus fortes.
6 Dans l’assemblée des pécheurs s’allume le feu,
dans la race rebelle s’est enflammée la Colère.
7 Dieu n’a point pardonné aux géants d’autrefois
qui s’étaient révoltés, fiers de leur puissance.
8 Il n’a pas épargné la ville où habitait Lot :
leur orgueil lui faisait horreur.
9 Il n’a pas eu pitié de la race de perdition :
ceux qui se prévalaientm de leurs péchés.
Tout cela, il le fit pour des nations au cœur dur,
et de la multitude de ses saints, il ne s’émut pas.

m Les anciens habitants de Canaan.

10 Il traita de même six cent mille hommes de pied,
qui s’étaient ligués dans la dureté de leur cœur.n
Il flagelle et s’apitoie, blesse et guérit :
le Seigneur veille en compatissant et en châtiant.

n On songe à Ex 12.37 ou à Nb 11.21. Ces hommes moururent au désert et n’entrèrent pas en Canaan, Nb 14.20-23.

11 N’y eût-il qu’un seul homme au cou raide,
il serait inouï qu’il restât impuni,
car pitié et colère appartiennent au Seigneur
puissant dans le pardon, répandant la colère.
12 Autant que sa miséricorde, autant est grande sa réprobation,
il jugera les hommes selon leurs œuvres.
13 Il ne laissera pas impuni le pécheur avec ses larcins,
il ne frustrera pas la patience de l’homme pieux.
14 Il tiendra compte de tout acte de charitéo
et chacun sera traité selon ses œuvres.

o Littéralement « toute aumône », grec ; hébr. « Pour tout homme pratiquant la justice (c’est-à-dire l’aumône), il y a un salaire. »

15 Le Seigneur a endurci le cœur de Pharaon pour qu’il ne le reconnût pas,
afin de faire connaître ses actions sous le ciel.
16 À toute la création sa pitié se manifeste,
il a partagé sa lumière et son ombre entre les hommes.
p

p Hébr., Gr II, syr. ; cf. 12.6 et Mt 5.45.

La rétribution est certaine.

17 Ne dis pas : « Je me cacherai pour échapper au Seigneur ;
là-haut qui se souviendra de moi ?
Au milieu de la foule je ne serai pas reconnu,
que suis-je dans la création immense ? »q

q Ainsi Adam et Caïn tentaient de se cacher de la face du Seigneur, Gn 3.10 ; 4.9.

18 Voici : le ciel, le plus haut des cieux,
l’abîme et la terre sont ébranlés lors de sa visite.
Tout l’univers fut produit et existe par sa volonté.
19 En même temps les montagnes et les fondements de la terre
tremblent sous son regard.
20 Mais à tout cela on ne réfléchit pas ;
qui donc s’intéresse à ses voies ?
21 La tempête aussi reste invisible,
la plupart de ses œuvres sont dans le secret.r

r Hébr. « 20 Il ne fait pas attention à moi non plus, qui s’intéresse à mes voies ? 21 je pèche nul œil ne me voit, et si je mens en grand secret, qui le sait ? » Le discours du pécheur se poursuit ainsi jusqu’au v. 22, les vv. 18 et 19 n’étant que des incidentes.

22 « Les œuvres de la justice, qui les annoncera ?
Qui les attendra ? Car le décret est loin. »s
Une enquête sur tout se fera au terme.t

s L’objecteur semble vouloir dire que la rétribution se fait attendre et n’est pas certaine. Sur le sens du mot « décret », diathêkê, cf. 14.12.

t Gr II et lat.

23 Il est court de sens celui qui tient de telles réflexions ;
l’insensé, égaré, ne rêve que folies.

L’homme dans la création.

24 Écoute-moi, mon fils, et acquiers la connaissance,
applique ton cœur à mes paroles.u

u C’est ici le scribe qui parle et non la sagesse personnifiée.

25 Avec mesure je te révélerai la discipline,
avec soin je proclamerai la connaissance..

26 Lorsqu’au commencement le Seigneur créa ses œuvres,v
sitôt faites, il leur attribua une place.

v « créa » en ktisei conj. d’après l’hébr. ; « par décision » en krisei grec.

27 Il ordonna ses œuvres pour l’éternité,
depuis leurs origines jusqu’à leurs générations lointaines.
Elles ne souffrent la faim ni la fatigue
et n’abandonnent jamais leur tâche.
28 Aucune n’a jamais heurté l’autre
et jamais elles ne désobéissent à sa parole.w

w Il s’agit des astres dont la marche régulière a frappé Ben Sira. Cf. 42.23 ; Ba 3.33-35.

29 Ensuite le Seigneur jeta les yeux sur la terre
et la remplit de ses biens.
30 De toute espèce d’animaux il en couvrit la face
et ils retourneront à la terre.
17 Le Seigneur a tiré l’homme de la terrex
pour l’y renvoyer ensuite.

x Ben Sira suit l’ordre du récit de Gn 1 création des astres, des plantes et des animaux, de l’homme.

2 Il a assigné aux hommes un nombre précis de jours et un temps déterminé,
il a remis en leur pouvoir ce qui est sur terre.
3 Il les a revêtus de force, comme lui-même,
à son image il les a créés.
4 À toute chair il a inspiré la crainte de l’homme,
pour qu’il domine bêtes sauvages et oiseaux.
5 Ils reçurent l’usage des cinq pouvoirs du Seigneur,
comme sixième, l’intelligence leur fut donnée en partage
et comme septième la raison, interprète de ses pouvoirs.
y

y On décèle dans ce texte une influence stoïcienne, peut-être par l’intermédiaire d’Aristobule, juif alexandrin du IIe s. av. J.-C. qui liait Gn 1 à des spéculations de type pythagoricien sur le chiffre sept.

6 Il leur donna le jugement, une langue, des yeux,
des oreilles et un cœur pour penser.z

z Dans l’anthropologie hébraïque, le cœur est le siège de l’intelligence et du discernement, cf. Gn 8.21.

7 Il les remplit de science et d’intelligence
et leur fit connaître le bien et le mal.
8 Il mit sa craintea dans leur cœur
pour leur montrer la grandeur de ses œuvres.
Et il leur donna de célébrer éternellement ses merveilles.b

a « sa crainte » mss grecs ; « son œil » texte reçu.

b Gr II et lat.

9 Ils loueront son saint nom,
10 racontant la grandeur de ses œuvres.
11 Il leur accorda encore la connaissance,
il les gratifia de la loi de la vie,
pour qu’ils comprennent qu’ils sont mortels, eux qui existent à présent.
12 il a conclu avec eux une alliance éternelle
et leur a fait connaître ses jugements ;c

c C’est la loi de Moïse les vv. suivants décrivent la révélation du Sinaï.

13 leurs yeux contemplèrent la grandeur de sa majesté,
leurs oreilles entendirent la magnificence de sa voix.
14 Il leur dit : « Gardez-vous de tout mal »,
il leur donna des commandements, chacun à l’égard de son prochain.

Le juge divin.

15 Leur conduite est toujours devant lui,
jamais cachée à ses regards.
16 Dès la jeunesse leurs voies les mènent au mal
et ils ne purent changer leurs cœurs
de pierre en un cœur de chair
,
17 car dans la répartition des peuples et de toute la terre,d
à chaque peuple il a préposé un prince ;
mais Israël est la portion du Seigneur,

d Peut-être inspirée d’Ez 11.19 ; 36.26, cette addition affirme l’impossibilité pour l’homme de faire le bien. Ben Sira, dans son texte, est moins pessimiste.

18 son premier-né qu’il nourrit de discipline,
auquel il dispense la lumière de son amour, sans l’abandonner.
e

e À l’époque de Ben Sira, aucune dynastie ne règne sur Israël. Du reste, l’opposition à la royauté, très ancienne, 1 S 8, dut à plus forte raison exister lors de la restauration maccabéenne.

19 Toutes leurs actions sont devant lui comme le soleil,
ses regards sont assidus à observer leur conduite.
20 Leurs injustices ne lui sont point cachées,
tous leurs péchés sont devant le Seigneur.
21 Mais le Seigneur est bon et connaît sa créature,
il ne les détruit ni ne les abandonne, mais les épargne.
f

f Cf. Dt 31.6-8.

22 L’aumône d’un homme est pour lui comme un sceau,
il conserve un bienfait comme la pupille de l’œil,
dispensant à ses fils et à ses filles le repentir.g

g Cf. Sg 12.19.

23 Un jour il se lèvera et les récompensera,
sur leur tête il fera venir leur récompense.h

h On ne voit pas exactement ici quand et sous quelle forme aura lieu la rétribution.

24 Mais à ceux qui se repentent il accorde un retour,
il réconforte ceux qui ont perdu l’endurance.

Invitation à la pénitence.

25 Convertis-toi au Seigneur et renonce à tes péchés,
implore-le bien en face, cesse de l’offenser.
26 Reviens vers le Très-Haut, détourne-toi de l’injustice,
car c’est lui qui te guidera des ténèbres à l’illumination du saluti
et hais vigoureusement l’iniquité.

i Une perspective eschatologique est ici sous-jacente. Cf. 1 P 2.9.

27 Car qui louera le Très-Haut dans le shéol,
si les vivants ne lui rendent gloire ?
28 La louange est inconnue des morts comme de ceux qui ne sont pas,
celui qui a vie et santé glorifie le Seigneur.
29 Qu’elle est grande la miséricorde du Seigneur,
son indulgence pour ceux qui se tournent vers lui !
30 Car l’homme ne peut tout avoir,
puisque le fils d’homme n’est pas immortel.
31 Quoi de plus lumineux que le soleil ? Pourtant il disparaît.
La chair et le sang ne peuvent nourrir que malice.
32 C’est lui qui surveille les puissances en haut des cieux,j
et tous les hommes ne sont que terre et cendre.

j Sans doute les astres, cf. 16.28 ; Isa 24.21-23.

Grandeur de Dieu.

18 Celui qui vit éternellement a créé tout ensemble.
2 Le Seigneur seul sera proclamé juste
et il n’y en a pas d’autres que lui.
3 Il gouverne le monde de la paume de sa main,
et tout obéit à sa volonté,
car lui, le roi de l’univers, par son pouvoir,
il y sépare les choses sacrées des profanes.
4 À personne il n’a donné le pouvoir d’annoncer ses œuvres,
et qui découvrira ses merveilles ?
5 Qui pourra mesurer la puissance de sa majesté
et qui pourra détailler ses miséricordes ?
6 On n’y peut rien retrancher et rien ajouter,
et l’on ne peut découvrir les merveilles du Seigneur.
7 Quand un homme a fini, c’est alors qu’il commence,
et quand il s’arrête il est tout déconcerté.k

k Quand l’homme a épuisé ses possibilités pour connaître Dieu et ses merveilles, il n’en est encore qu’au commencement. Ces constatations rappellent celles de Qohélet, mais la conclusion est toute différente pour Ben Sira, cette faiblesse de l’homme ne fait que souligner la grandeur de Dieu.

Néant de l’homme.

8 Qu’est-ce que l’homme ? À quoi sert-il ?
Quel est son bien et quel est son mal ?
9 La durée de sa vie : cent ans tout au plus.
Nul ne peut prévoir l’heure pour chacun du dernier sommeil.
10 Une goutte d’eau tirée de la mer, un grain de sable,
telles sont ces quelques années auprès de l’éternité.
11 C’est pourquoi le Seigneur use avec eux de patience
et répand sur eux sa miséricorde.
12 Il voit, il sait combien leur fin est misérable,
c’est pourquoi il a multiplié son pardon.
13 La pitié de l’homme est pour son prochain,
mais la pitié du Seigneur est pour toute chair :
il reprend, il corrige, il enseigne,
il ramène, tel le berger, son troupeau.l

l Cf. 2 M 6.13-16 ; Sg 12.19-22. Le judaïsme tardif était préoccupé de justifier les interventions divines pour la punition des hommes. La miséricorde universelle de Dieu et son caractère pédagogique, ici soulignés, sont une nouveauté dans l’AT.

14 Il a pitié de ceux qui reçoivent la discipline
et qui cherchent avec zèle ses jugements.

La façon de donner.m

15 Mon fils, n’assaisonne pas de blâme tes bienfaits,
ni tous tes cadeaux de paroles chagrines.

m Ici reprennent les conseils de conduite. Le développement sur la magnanimité de Dieu amène une première collection de maximes sur la bienfaisance.

16 La rosée ne calme-t-elle pas la chaleur ?
Ainsi la parole vaut mieux que le cadeau.
17 Certes, une parole ne vaut-elle pas mieux qu’un riche présent ?
Mais l’homme charitable unit les deux.
18 L’insensé ne donne rien et fait affront,
et le don de l’envieux brûle les yeux.

Réflexion et prévision.

19 Avant de parler, instruis-toi,
avant d’être malade, soigne-toi.
20 Avant le jugement éprouve-toi,
au jour de la visite tu seras acquitté.
21 Humilie-toi avant de tomber malade,n
quand tu as péché montre ton repentir.

n La maladie est fréquemment présentée comme le châtiment du péché. Aussi la conversion et le repentir sont-ils un moyen d’éviter la maladie.

22 Que rien ne t’empêche d’accomplir un vœu en temps voulu,
n’attends pas la mort pour te mettre en règle.
23 Avant de faire un vœu, prépare-toi
et ne sois pas comme un homme qui tente le Seigneur.
24 Pense à la colère des derniers jours,
à l’heure de la vengeance, quand Dieu détourne sa face.o

o Le jour de la mort, cf. 1.13, plutôt que le jour du jugement. En général Ben Sira est peu préoccupé d’eschatologie.

25 Quand tu es dans l’abondance songe à la disette,
à la pauvreté et à la misère quand tu es riche.
26 Entre matin et soir le temps change,
tout passe vite devant le Seigneur.
27 En toutes choses le sage est sur ses gardes,
aux jours de péchép il évite l’offense.

p C’est-à-dire aux jours où le péché attire le sage.

28 Tout homme sensé reconnaît la sagesse ;
à qui l’a trouvée il fait son compliment.
29 Des gens parlèrent intelligemment et c’étaient des sages :
ils ont fait pleuvoir des maximes excellentes.q
Mieux vaut l’assurance en l’unique Maître
que de s’attacher d’un cœur mort à un mort.
r

q Allusion aux recueils de sagesse tels que les Proverbes.

r Les idoles sont des morts, cf. Sg 13.18.

Possession de soi-même.

30 Ne te laisse pas entraîner par tes passions
et refrène tes désirs.
31 tu t’accordes la satisfaction de tes appétits,
tu fais la risée de tes ennemis.
32 Ne te complais pas dans une existence voluptueuse,
ne t’oblige pas à en faire les frais.s

s Hébr. « Ne te réjouis pas d’un bien-être sans valeur (?), de crainte de devenir deux fois plus pauvre. »

33 Ne t’appauvris pas en festoyant avec de l’argent emprunté,
quand tu n’as pas un sou dans ta bourse.
Car ce serait machiner contre ta propre vie.t

t Gr II et lat.

19 Un ouvrier buveur ne sera jamais riche,
qui méprise les riens peu à peu s’appauvrit.
2 Le vin et les femmes pervertissent les hommes sensés,
qui fréquente les prostituées perd toute pudeur.
3 Des larves et des vers il sera la proie
et l’homme téméraire y perdra la vie.u

u C’est-à-dire que la mort prématurée sera son châtiment.

Contre le bavardage.

4 Celui qui a la confiance facile montre sa légèreté,
celui qui pèche se fait tort à soi-même.
5 Celui qui prend plaisir au malv sera condamné,
et celui qui résiste aux plaisirs couronne sa propre vie.

v « au mal » mss grecs (dont Sinaïticus) ; « à son cœur » texte reçu.

6 Celui qui tient sa langue vivra sans disputes,
celui qui hait le bavardage échappe au mal.
7 Ne rapporte jamais ce qu’on t’a dit
et jamais on ne te nuira ;
8 d’un ami comme d’un ennemi ne raconte rien,
à moins qu’il n’y ait faute pour toi, ne le révèle pas ;
9 on t’écouterait, on se méfierait de toi
et à l’occasion on te haïrait.
10 As-tu entendu quelque chose ? Sois un tombeau.w
Courage ! tu n’en éclateras pas !

w Littéralement « que cela meure en toi ».

11 Une parole entendue, et voilà le sot en travail
comme la femme en mal d’enfant.
12 Une flèche plantée dans la cuisse,
telle est une parole dans le ventre du sot.

Vérifier ce qu’on entend dire.

13 Va trouver ton ami : peut-être n’a-t-il rien fait,
et s’il a fait quelque chose il ne recommencera pas.
14 Va trouver ton voisin : peut-être n’a-t-il rien dit,
et s’il a dit quelque chose il ne le redira pas.
15 Va trouver ton ami, car on calomnie souvent,
ne crois pas tout ce qu’on te dit.
16 Souvent on glisse sans mauvaise intention ;
qui n’a jamais péché en parole ?
17 Va trouver ton voisin avant d’en venir aux menaces,
obéis à la loi du Très-Haut.

Vraie et fausse sagesse.

18 La crainte du Seigneur est le principe de son accueil
et la sagesse gagne son affection.
19 La connaissance des commandements du Seigneur, c’est la discipline de vie ;
ceux qui font ce qui lui plaît cueilleront les fruits de l’arbre d’immortalité.
20 Toute sagesse est crainte du Seigneur
et en toute sagesse il y a l’accomplissement de la Loi,x
et reconnaissance de sa toute-puissance.

x Cf. 1.16, 18, etc. ; Jb 28.28 ; Ps 111.10 ; Pr 1.7 ; 9.10 ; 15.33.

21 Le domestique qui dit à son maître : « Je ne ferai pas ce qui te plaît »,
même si après il le fait, irrite celui qui le nourrit.
y

y Cf. Mt 21.28-32.

22 Mais connaître le mal n’est pas la sagesse
et le conseil des pécheurs n’est pas la prudence.
23 Il y a un savoir-faire qui est abominable ;
est insensé celui à qui manque la sagesse.
24 Mieux vaut être pauvre d’intelligence avec la crainte
que surabonder de prudence et violer la loi.z

z Toute intelligence n’est pas sagesse. Il y a une intelligence dépravée et une prudence de mauvais aloi.

25 Il y a un habile savoir-faire au service de l’injustice
et tel pour établir son droit use de fourberie,
mais tel est sage qui fait droit en justice.
26 Tel marche courbé sous le chagrina
mais au fond de lui ce n’est que ruse :

a « marche » quelques mss ; « fait le mal » texte reçu.

27 baissant la tête et faisant le sourd,
s’il n’est pas démasqué il prend l’avantage sur toi.
28 Tel se sent trop faible pour pécher,
qui fera le mal à la première occasion.
29 À son air on connaît un homme,
à son visage on connaît l’homme de sens.
30 L’habit d’un homme, son rire,
sa démarche révèlent ce qu’il est.

Silence et parole.

20 Il y a des reproches intempestifs,
il y a un silence qui dénote l’homme sensé.
2 Mieux vaut faire des reproches que garder sa colère.
3 Celui qui s’accuse d’une faute évite la peine.

4 Tel l’eunuque qui voudrait déflorer une jeune fille,
tel celui qui prétend rendre la justice par la violence.

5 Tel se tait et passe pour sage,
tel autre se fait détester pour son bavardage.

6 Tel se tait parce qu’il ne sait que répondre,
tel autre se tait sachant que c’est opportun.

7 Le sage sait se taire jusqu’au bon moment,
mais le bavard et l’insensé manquent l’occasion.

8 Celui qui parle trop se fait détester
et celui qui prétend s’imposer suscite la haine.

Qu’il est beau, quand on te reprend, de manifester du repentir :
tu échapperas ainsi à une faute volontaire.
b

b Gr II et lat.

Paradoxes.

9 Tel trouve son salut dans le malheur
et parfois une aubaine provoque un dommage.

10 Il y a des générosités qui ne te profitent pas
et il y a des générosités qui rapportent le double.

11 Parfois la gloire apporte l’humiliation
et certains dans l’abaissement lèvent la tête.c

c Le sens n’est pas certain. L’interprétation donnée ici paraît conforme au contexte elle affirme le rapprochement des contraires la gloire produit l’humiliation, l’abaissement produit l’exaltation. On songe au Magnificat « Il a renversé les potentats de leur trône et élevé les humbles. »

12 Tel achète beaucoup de choses avec peu d’argent,
et cependant les paie sept fois trop cher.

13 Par des paroles le sage se fait aimer,
mais les générosités des sots vont en pure perte.
14 Le cadeau de l’insensé ne te sert à rien,
pas plus que celui du jaloux quand il y est contraint,
car ses yeux sont avides de recevoir le septuple ;
d

d D’après syr. et lat. ; « car ses yeux sont beaucoup au lieu d’un » grec.

15 il donne peu et reproche beaucoup,
il ouvre la bouche comme un crieur public ;
il prête aujourd’hui, demain il redemande :
c’est un homme détestable.
16 L’insensé dit : « Je n’ai pas un ami,
de mes bienfaits nul ne me sait gré ;
ceux qui mangent mon pain ont mauvaise langue. »
17 Tant de gens, si souvent, se gaussent de lui !
Car son avoir il ne l’a pas accueilli avec droiture,
et de même le fait de ne pas avoir ne change pas son attitude.
e

e Sens incertain. Sauf les derniers mots, cet ajout se trouve aussi en lat. En contraste, cf. Jb 1.21.

Paroles maladroites.

18 Mieux vaut un faux pas sur le pavé qu’une incartade de langage ;
c’est ainsi que trébuchent soudainement les méchants.

19 Un homme grossier est comme une gaudriole
ressassée par des imbéciles.f

f Interprétation incertaine d’un texte peu sûr. On peut préférer le syr. « Comme une queue grasse de brebis immangeable sans sel, ainsi une parole intempestive. »

20 De la bouche du sot on n’accepte pas un proverbe,
car il ne le dit pas à propos.

21 Tel est préservé du péché par son indigence,
à ses heures de loisir il n’a pas de remords.

22 Tel se perd par respect humain,
il se perd par égard pour un insensé.

23 Tel par timidité fait des promesses à son ami
et s’en fait un ennemi sans motif.

Le mensonge.

24 C’est une grave souillure pour un homme que le mensonge,
il est ressassé par les ignorants.

25 Mieux vaut un voleur qu’un maître menteur,
mais l’un et l’autre vont à leur perte.

26 L’habitude du mensonge déshonore,
la honte du menteur est sans cesse sur lui.

Sur la sagesse.

27 Par ses discours le sage se fait estimer
et l’homme avisé plaît aux grands.g

g En 20.13, comme ici, au lieu de « par ses discours » logois, on propose, sur l’appui soit du syr. soit de l’hébr. « en peu de mots » oligois, conj. — La sagesse du scribe est d’abord un savoir-faire qui permet de réussir dans la vie, spécialement par la faveur des grands.

28 Celui qui cultive la terre obtient une bonne récolte,
celui qui plaît aux grands se fait pardonner l’injustice.

29 Présents et cadeaux aveuglent les yeux des sages,
comme un bâillon sur la bouche ils étouffent les reproches.

30 Sagesse cachée et trésor invisible,
à quoi servent-ils l’un et l’autre ?

31-32 Mieux vaut un homme qui cache sa folie
qu’un homme qui cache sa sagesse.h

h La sagesse est faite pour briller et éclairer les hommes ; la cacher, c’est manquer à sa vocation.

32 Mieux vaut la persévérance inflexible dans la recherche du Seigneur
que l’agitation anarchique de sa propre vie.
i

i L’image est celle d’un char lancé dans la course sans aurige.

Différents péchés.

21 Mon fils ! tu as péché ? Ne recommence plus
et implore le pardon de tes fautes passées.
2 Comme tu fuirais le serpent, fuis la faute :
si tu l’approches elle te mordra ;
ses dents sont des dents de lion
qui ôtent la vie aux hommes.
3 Toute transgression est une épée à deux tranchants
dont la blessure est incurable.

4 La terreur et la violence dévastent la richesse,
ainsi la maison de l’orgueilleux sera détruite.
5 La prière du pauvre frappe les oreilles de Dieu,
dont le jugement ne saurait tarder.

6 Qui hait la réprimande emprunte le sentier du pécheur,
celui qui craint le Seigneur se convertit en son cœur.

7 Le beau parleur est connu partout
mais l’homme réfléchi en connaît les faiblesses.

8 Bâtir sa maison avec l’argent d’autrui,
c’est amasser des pierres pour sa tombe.j

j « pour sa tombe » Gr II, syr. ; « pour l’hiver » (au lieu de bois pour se chauffer ?) grec.

9 L’assemblée des pécheurs est un tas d’étoupe
qui finira dans la flamme et le feu.

10 Le chemin des pécheurs est bien pavé,
mais il aboutit au gouffre du shéol.k

k Ces deux vv. expriment clairement la foi en une rétribution et font songer aux peines de l’enfer (cf. aussi Isa 50.11 ; 66.24). C’est bien ainsi que l’interprète le lat. « mais à la fin, ce sont les enfers, les ténèbres et les tourments. »

Le sage et l’insensé.

11 Celui qui garde la loi contrôle son penchant,l
la perfection de la crainte du Seigneur c’est la sagesse.

l « son penchant » syr., cf. 15.14 ; « sa pensée » grec.

12 Tel ne peut rien apprendre faute de dons naturels,
mais il est des dons qui engendrent l’amertume.

13 La science du sage abonde comme un déluge,
et son conseil est comme une source vive.
14 Le cœur du sot est comme un vase brisé
qui ne retient aucune connaissance.
15 un homme instruit entend une parole sage,
il l’apprécie et y ajoute du sien ;
qu’un débauché l’entende, elle lui déplaît,
il la rejette derrière lui.
16 Le discours du sot pèse comme un fardeau en voyage,
mais sur les lèvres du sage on trouve la grâce.
17 La parole de l’homme sensé est recherchée dans l’assemblée,
ce qu’il dit, chacun le médite dans son cœur.

18 Une maison en ruines, telle est la sagesse du sot,
et la science de l’insensé, ce sont des discours incohérents.

19 La discipline pour l’insensé, ce sont des entraves à ses pieds
et des menottes à sa main droite.

20 Le sot éclate de rire bruyamment,
le rire de l’homme de sens est rare et discret.

21 Pour l’homme sensé la discipline est un bijou d’or,
un bracelet à son bras droit.m

m Ce v. répond au v. 19. Le v. 20 qui les sépare n’est pas à sa place.

22 Le sot se hâte de faire son entrée,
l’homme expérimenté prend une attitude modeste ;n

n « prend une attitude modeste », litt. « a honte devant un visage »; l’interprétation adoptée est soutenue par le syr.

23 de la porte l’insensé regarde à l’intérieur,
l’homme bien élevé reste dehors.
24 C’est le fait d’un mal élevé que d’écouter aux portes,
un homme sensé en sent le déshonneur.

25 Les lèvres du bavard jasent de ce qui ne les regarde pas,o
les paroles des sages sont soigneusement pesées.

o D’après grec 248 ; « les lèvres des étrangers en sont peinées » texte reçu. Lat. « Les lèvres des sots racontent des bêtises ».

26 Le cœur des sots est dans leur bouche,
mais la bouche des sages c’est leur cœur.

27 Quand l’impie maudit le Satan,p
il se maudit soi-même.

p L’auteur identifie le Satan (le tentateur, cf. Jb 1-2) avec l’instinct mauvais qui est intérieur. En croyant maudire un être extérieur, c’est sa propre volonté perverse que l’homme maudit.

28 Le médisant se fait tort à soi-même
et se fait détester de son entourage.

Le paresseux.

22 Le paresseux est semblable à une pierre crottée,
tout le monde le persifle pour son infamie.
2 Le paresseux est semblable à une poignée d’ordures,
quiconque le touche secoue la main.

Les enfants dégénérés.

3 C’est la honte d’un père que d’avoir donné le jour à un fils mal élevé,
et si c’est une fille, elle cause un dommage.q

q Soit une fille mal élevée comme le fils de la première partie du verset, soit peut-être toute fille, selon la mentalité encore fréquente chez les Arabes.

4 Une fille sensée trouvera un mari,
mais la fille indigne est le chagrin de celui qui l’a engendrée.
5 Une fille éhontée déshonore son père et son mari,
l’un et l’autre la renient.

6 Remontrances inopportunes : musique en un jour de deuil ;
coups de fouet et correction, voilà en tout temps la sagesse.r

r Les scribes sont partisans des châtiments corporels dans l’éducation, Pr 13.24 ; 19.18 ; 22.15 ; 23.13-14 ; 29.15, 17. Ils sont toujours efficaces tandis que les remontrances exigent des circonstances favorables.

7 Des enfants qui mènent une vie honnête en ne manquant de rien
font oublier l’origine obscure de leurs parents.
8 Des enfants méprisants, mals élevés, gonflés d’orgueil,
souillent la noblesse de leur famille.

Sagesse et folie.

9 C’est recoller des tessons que d’enseigner un sot,
c’est réveiller un homme abruti de sommeil.
10 Raisonner un sot c’est raisonner un homme assoupi,
à la fin il dira : « De quoi s’agit-il ? »

11 Pleure un mort : il a perdu la lumière,
pleure un insensé : il a perdu l’esprit ;s
pleure plus doucement le mort, car il a trouvé le repos,
pour l’insensé la vie est plus triste que la mort.

s L’insensé n’est pas le fou, mais l’homme révolté, sceptique ou libertin.

12 Pour un mort le deuil dure sept jours,
pour l’insensé et l’impie, tous les jours de leur vie.

13 N’adresse pas de longs discours à l’insensé,
ne va pas au-devant du sot,
car, insensible, il te couvrira de mépris,
garde-toi de lui pour n’avoir pas d’ennuis,
pour ne pas te souiller à son contact.
Écarte-toi de lui, tu trouveras le repos,
ses divagations ne t’ennuieront pas.

14 Qu’y-a-t-il de plus lourd que le plomb ?
Comment cela s’appelle-t-il ? L’insensé.
15 Le sable, le sel, la masse de fer
sont plus faciles à porter que l’insensé.

16 Une charpente de bois assemblée dans une construction
ne se laisse pas disjoindre par un tremblement de terre ;
un cœur résolu, après mûre réflexion,
ne se laisse pas émouvoir à l’heure du danger.
17 Un cœur appuyé sur une sage réflexion
est comme un ornement ciselét sur un mur poli.

t « ciselé » conj. ; « de sable » texte reçu.

18 De petits cailloux au sommet d’un muru
ne résistent pas au vent :
le cœur du sot effrayé par ses imaginations
ne peut résister à la peur.

u « de petits cailloux » mss grecs ; « des pieux » texte reçu. — Il y a peut-être là une allusion à la coutume palestinienne de placer sur les murs entourant les vignes de petits cailloux que les chacals en passant font tomber, causant un bruit qui attire l’attention du veilleur.

L’amitié.

19 En frappant l’œil on fait couler des larmes,
en frappant le cœur on fait apparaître les sentiments.

20 Qui lance une pierre sur des oiseaux les fait envoler,
qui fait un reproche à son ami tue l’amitié.
21 tu as tiré l’épée contre ton ami,
ne te désespère pas : il peut revenir ;
22 si tu as ouvert la bouche contre ton ami,
ne crains pas : une réconciliation est possible,
sauf le cas d’outrage, mépris, trahison d’un secret, coup perfide,
car alors tout ami s’en ira.

23 Gagne la confiance de ton prochain dans sa pauvreté
afin que, dans sa prospérité, tu jouisses avec lui de ses biens ;
aux jours d’épreuve demeure-lui fidèle,
afin de recevoir, s’il vient à hériter, ta part de l’héritage.

Car on ne doit jamais mépriser les contoursv
ni admirer un riche privé de sens.

v C’est-à-dire l’apparence misérable de certaines personnes.

24 Précédant les flammes on voit la vapeur du brasier et la fumée ;
ainsi, précédant le sang, les injures.

25 Je n’aurai pas honte de protéger un ami
et de lui je ne me cacherai pas ;
26 et s’il m’arrive du mal par lui,
tous ceux qui l’apprendront se garderont de lui.

Vigilance.w

27 Qui mettra une garde à ma bouche
et sur mes lèvres le sceau du discernement,
afin que je ne trébuche pas par leur fait,
que ma langue ne cause pas ma perte ?

w On notera la profondeur religieuse de ce développement. Chacun des souhaits que formule l’homme qui veut progresser, s’achève en prière.

23 Seigneur, père et maître de ma vie,x
ne me laisse pas trébucher par leur fait.

x Avec le lat. et le syr., on transpose 23.1 après 23.4a.

2 Qui appliquera le fouet à mes pensées
et à mon cœur la discipline de la sagesse,
afin qu’on n’épargne pas mes erreurs
et que mes péchés n’échappent pas ?
3 De peur que mes erreurs ne se multiplient
et que mes péchés ne surabondent,
que je ne tombe aux mains de mes adversaires
et que mon ennemi ne se moque de moi.
Elle leur est loin l’espérance de ta miséricorde.
4 Seigneur, père et Dieu de ma vie,
ne m’abandonne pas à leur caprice
fais que mes regards ne soient pas effrontés,
5 détourne de moi la convoitise,
6 que l’appétit sexuel et la luxure ne s’emparent pas de moi,
ne me livre pas au désir impudent.

Les serments.

7 Écoutez, mes enfants, une instruction sur la bouche,y
celui qui la garde ne sera pas confondu.

y Plutôt que « instruction de ma bouche » syr. et 1 Ms grec.

8 Le pécheur est pris par ses propres lèvres,
elles font choir le médisant et l’orgueilleux.
9 N’accoutume pas ta bouche à faire des serments,
ne prends pas l’habitude de prononcer le nom du Saint.
10 Car de même qu’un domestique toujours surveillé
n’échappera pas aux coups,z
ainsi celui qui jure et invoque le Nom à tort et à travers
ne sera pas exempt de faute.

z Traduction incertaine. On peut aussi comprendre « un domestique continuellement mis à la question en porte nécessairement les marques. »

11 Un homme prodigue de serments est rempli d’impiété
et le fléau ne s’éloignera pas de sa maison.
S’il pèche,a sa faute sera sur lui ;
s’il a agi à la légère, il a péché doublement ;
s’il a fait un faux serment, il ne sera pas justifié,
car sa maison sera pleine de calamités.

a En n’accomplissant pas son serment. L’auteur envisage trois cas de gravité croissante serment fait sincèrement mais non tenu, serment fait à la légère, faux serment.

Les paroles impures.b

12 Il y a une manière de parler qui ressemble à la mort,
qu’elle ne soit pas en usage dans l’héritage de Jacob,
car les hommes pieux repoussent tout cela,
ils ne se vautrent pas dans le péché.

b D’après le contexte, il s’agit d’impureté en paroles. Mais le texte reste vague et ne permet pas de préciser exactement la faute envisagée.

13 N’habitue pas ta bouche à l’impureté grossière
où se trouve la parole du péché.
14 Souviens-toi de ton père et de ta mère
quand tu sièges au milieu des grands,
de crainte que tu ne t’oublies en leur présence,c
que tu ne te conduises comme un sot,
et que tu n’en arrives à souhaiter de n’être pas né
et à maudire le jour de ta naissance.

c « quand » conj. ; « car » grec. — « tu ne t’oublies » syr. ; « tu ne (l’) oublies » grec ; « Dieu ne t’oublie » lat.

15 Un homme accoutumé aux paroles répréhensibles
ne se corrigera de sa vie.

L’homme dépravé.

16 Deux sortes d’êtres multiplient les péchésd
et la troisième attire la colère :
la passion brûlante comme un brasier :
elle ne s’éteindra pas qu’elle ne soit assouvie ;
l’homme qui convoite sa propre chair :
il n’aura de cesse que le feu ne le consume ;

d Proverbe numérique, cf. Pr 30.15, mais dont la structure n’est pas très claire.

17 à l’homme impudique toute nourriture est douce,
il ne se calmera qu’à sa mort.
18 L’homme infidèle à sa propre couche
qui dit en son cœur : « Qui me voit ?
L’ombre m’environne, les murs me protègent,
personne ne me voit, que craindrais-je ?
Le Très-Haut ne se souviendra pas de mes fautes. »
19 Ce qu’il craint ce sont les yeux des hommes,
il ne sait pas que les yeux du Seigneur
sont dix mille fois plus lumineux que le soleil,
qu’ils observent toutes les actions des hommes
et pénètrent dans les recoins les plus secrets.
20 Avant qu’il créât, toutes choses lui étaient connues,e
elles le sont encore après leur achèvement.f

e Cette connaissance antérieure à la création, c’est précisément la sagesse divine, Pr 8.22.

f Dieu continue de veiller sur le monde après la création.

21 En pleine ville cet homme sera puni,
quand il s’y attend le moins il sera pris.

La femme adultère.

22 Il en est de même de la femme infidèle à son mari,
qui lui apporte un héritier conçu d’un étranger.
23 Tout d’abord elle a désobéi à la loi du Très-Haut,
ensuite elle est coupable envers son mari ;
en troisième lieu elle s’est souillée par l’adultère
et a conçu des enfants d’un étranger.
24 Elle sera traduite devant l’assemblée
et on examinera ses enfants.
25 Ses enfants n’auront pas de racines,
ses branches ne porteront pas de fruit.
26 Elle laissera un souvenir de malédiction
et sa honte ne sera jamais effacée.
27-28 Et ceux qui viennent après elle sauront
que rien ne vaut la crainte du Seigneur
et que rien n’est plus doux que de s’attacher aux commandements du Seigneur.
28 Suivre Dieu est un grand honneur ;
c’est prolonger tes jours que d’être accueilli par lui.
g

g Gr II et lat.

Discours de la Sagesse.h

24 La Sagesse fait son propre éloge,
au milieu de son peuple elle montre sa fierté.

h « Éloge de la Sagesse » sous-titre grec. On comparera ce morceau aux autres discours de la Sagesse personnifiée (Pr 1.20-33 ; 8.1-36 ; 9.1-6) et aux éloges de la sagesse (Jb 28 ; Ba 3.9 — 4.4). C’est ici le chapitre central du livre, où la doctrine de la sagesse est présentée dans son ensemble, avec de nombreuses réminiscences des livres bibliques antérieurs l’auteur propose une interprétation du passé, du point de vue de la Sagesse. Plus encore que dans les Proverbes, on est frappé par certaines expressions qui annoncent une théologie de la Trinité la Sagesse est à la fois intimement unie à Dieu et distincte de lui, caractéristiques que l’on appliquera plus tard soit à la personne du Verbe, soit à celle de l’Esprit. Cf. Jn 1.1. Pour l’auteur cependant, la Sagesse dont il a déjà parlé en 1.1-10 ; 4.11-19 ; 6.18-36 ; 14.20. 15.10, est la Présence universelle de Dieu qui se révèle et croît en Israël, tel l’arbre de vie, et s’offre toujours à lui.

2 Dans l’assemblée du Très-Haut elle ouvre la bouche,
et devant sa Puissance elle montre sa fierté.
3 « Je suis issue de la bouche du Très-Hauti
et comme une vapeur j’ai couvert la terre.

i Le lat. ajoute « première-née avant toute créature, c’est moi qui fit lever dans le ciel la lumière indéfectible »; cf. Gn 1.3-5 ; Pr 8.22 ; Col 1.15.

4 J’ai habité dans les cieux
et mon trône était une colonne de nuée.j

j La colonne de nuée du désert, qui dans les textes anciens est la manifestation de la présence de Yahvé.

5 Seule j’ai fait le tour du cercle des cieux,
j’ai parcouru la profondeur des abîmes.
6 Dans les flots de la mer, sur toute la terre,
chez tous les peuples et toutes les nations, j’ai régné.k

k « j’ai régné » 1 Ms grec, syr., lat. ; « j’ai acquis » grec.

7 Parmi eux tous j’ai cherché le repos,
j’ai cherché en quel patrimoine m’installer.
8 Alors le créateur de l’univers m’a donné un ordre,
celui qui m’a créée m’a fait dresser ma tente,
Il m’a dit : « Installe-toi en Jacob,
en Israël reçois ton héritage. »
9 Avant les siècles, dès le commencement il m’a créée,
éternellement je subsisterai.
10 Dans la Tente sainte, en sa présence, j’ai officié ;l
c’est ainsi qu’en Sion je me suis établie,

l Pour Ben Sira, le culte du Temple de Jérusalem est encore une œuvre de la Sagesse, soit simplement parce que, comme l’ordre du monde, il est une expression de la perfection divine, soit plus précisément parce qu’il se trouve codifié dans la Loi, expression parfaite de la Sagesse, 24.23.

11 et que dans la cité bien-aimée j’ai trouvé mon repos,
qu’en Jérusalem j’exerce mon pouvoir.
12 Je me suis enracinée chez un peuple plein de gloire,
dans le domaine du Seigneur se trouve mon héritage.
13 J’y ai grandi comme le cèdre du Liban,
comme le cyprès sur le mont Hermon.
14 J’ai grandi comme le palmier d’Engaddi,m
comme les plants de roses de Jéricho,
comme un olivier magnifique dans la plaine,
j’ai grandi comme un platane.

m « Engaddi » 2 Mss grecs ; « sur les rivages » texte reçu.

15 Comme le cinnamome et l’acanthe j’ai donné du parfum,
comme une myrrhe de choix j’ai embaumé,
comme le galbanum, l’onyx, le labdanum,n
comme la vapeur d’encens dans la Tente.

n Après différents parfums naturels qui entrent dans la composition de l’huile d’onction, Ex 30.23, c’est à l’encens liturgique, Ex 30.34, que Ben Sira la compare. — Galbanum et labdanum sont des gommes-résines aromatiques comme la myrrhe ; l’onyx est une sécrétion de certains mollusques, utilisée dans la fabrication de l’encens.

16 J’ai étendu mes rameaux comme le térébinthe,
ce sont des rameaux de gloire et de grâce.
17 Je suis comme une vigne aux pampres gracieux,
et mes fleurs sont des produits de gloire et de richesse.
18 Je suis la mère du bel amour et de la crainte,
de la connaissance et de la sainte espérance.
À tous mes enfants je donne
des biens éternels, à ceux qu’il a choisis.
o

o Le texte de ce verset est incertain ; on peut comprendre aussi « je suis donnée éternellement... » ou « je donne mes produits éternels à ceux... ». Le lat. remplace ce v. par « En moi est toute grâce de voie et de vérité, en moi toute espérance de vie et de force », cf. Jn 14.6.

19 Venez à moi, vous qui me désirez ;
et rassasiez-vous de mes produits.
20 Car mon souvenir est plus doux que le miel,
mon héritage plus doux qu’un rayon de miel.
21 Ceux qui me mangent auront encore faim,
ceux qui me boivent auront encore soif.
22 Celui qui m’obéit n’aura pas à en rougir
et ceux qui œuvrent par moi ne pécheront pas. »p

p Le lat. ajoute « ceux qui me mettent en lumière auront la vie éternelle », cf. Dn 12.3.

La Sagesse et le sage.q

23 Tout cela n’est autre que le livre de l’alliance du Dieu Très-Haut,
la Loi promulguée par Moïse,
laissée en héritage aux assemblées de Jacob.

q Le discours terminé, l’auteur l’interprète la Sagesse a sa meilleure expression dans la Loi, comprise comme révélation de Dieu.

24 Ne cessez d’être forts dans le Seigneur,
attachez-vous à lui pour qu’il vous affermisse.
Le Seigneur tout-puissant est l’unique Dieu
et il n’y a pas d’autre sauveur que lui.
r

r Le lat. ajoute un texte différent « Le Seigneur a promis à David son serviteur de faire surgir de lui un roi très vaillant qui siégera à jamais sur un trône de gloire », cf. 2 S 7.12 ; 1 Ch 28.5-7 ; Ps 89.37-38 ; 132.11 ; Lc 1.32-33.

25 C’est elle qui fait abonder la sagesse comme les eaux du Phisôn,s
comme le Tigre à la saison des fruits ;

s Dans tout ce passage, l’auteur songe au paradis terrestre et à ses quatre fleuves. Gn 2.10s, symboles de fertilité.

26 qui fait déborder l’intelligence comme l’Euphrate,
comme le Jourdain au temps de la moisson ;
27 qui fait couler la discipline comme le Nil,t
comme le Gihôn aux jours des vendanges.

t « couler ... comme le Nil » (ye’ôr) d’après syr. ; « briller ... comme une lumière » (’ôr) grec.

28 Le premier n’a pas fini de la connaître,
et de même le dernier ne l’a pas dépistée.
29 Car ses pensées sont plus vastes que la mer,
ses desseins plus grands que l’abîme.
30 Et moi,u je suis comme un canal issu d’un fleuve,
comme un cours d’eau conduisant au paradis.

u Le lat. et le ms grec 248 précisent erronément « Moi, la Sagesse. » En fait c’est l’auteur qui se met en scène pour définir son rôle de sage, cf. 33.16 s ; 39.1-11, tout en continuant à exploiter l’image des vv. précédents. la Sagesse est un vaste cours d’eau qui irrigue tout Israël, il est, lui, un canal qui en procède et qui arrose son modeste jardin.

31 J’ai dit : « Je vais arroser mon jardin,
je vais irriguer mes parterres. »
Et voici que mon canal est devenu fleuve
et le fleuve est devenu mer.v

v Par la grâce du Seigneur, les eaux deviennent de plus en plus abondantes. Le scribe devient un prophète qui s’adresse à toutes les générations, v. 33. L’auteur s’inspire probablement d’images analogues telles que Ez 47.1-12 ; Isa 11.9, etc.

32 Je ferai luire encore la discipline comme l’aurore,
je porterai au loin sa lumière.w

w Le lat. ajoute « Je pénétrerai les profondeurs de la terre, je visiterai tous ceux qui dorment et j’illuminerai ceux qui espèrent dans le Seigneur. » Comme les autres ajouts du lat. dans ce chapitre, celui-ci peut être compris du Christ, cf. 1 P 3.19, identifié à la Sagesse ; cependant il n’est pas absolument sûr que ces additions soient d’origine chrétienne ; les spéculations juives sur la Sagesse peuvent le plus souvent en rendre compte.

33 Je répandrai encore l’instruction comme une prophétie
et je la transmettrai aux générations futures.
34 Voyez : ce n’est pas pour moi seul que je travaille,
mais pour tous ceux qui la cherchent.

Proverbes.

25 Il est trois choses qui charment mon âme,
qui sont agréables à Dieu et aux hommes :x
l’accord entre frères, l’amitié entre voisins,
un mari et une femme qui s’entendent bien.

x D’après syr. et lat. ; grec « Trois choses me parent et me rendent charmante devant le Seigneur et les hommes »; ce serait encore un discours de la Sagesse, cf. 24.30.

2 Il est trois sortes de gens que hait mon âme,
et dont l’existence me met hors de moi :
un pauvre gonflé d’orgueil, un riche menteur,
un vieillard adultère et dénué de sens.

Les vieillards.

3 tu n’as rien amassé dans ta jeunesse,
comment dans ta vieillesse aurais-tu quelque chose ?
4 Quelle belle chose que le jugement joint aux cheveux blancs
et, pour les anciens, de connaître le conseil !
5 Quelle belle chose que la sagesse chez les vieillards
et chez les grands du monde une pensée réfléchie !
6 La couronne des vieillards, c’est une riche expérience,
leur fierté, c’est la crainte du Seigneur.

Proverbe numérique.

7 Il y a neuf choses qui me viennent à l’esprit et que j’estime heureuses
et une dixième que je vais vous dire :
un homme qui trouve sa joie dans ses enfants,
celui qui voit, de son vivant, la chute de ses ennemis ;
8 heureux celui qui vit avec une femme de sens,
celui qui ne laboure pas avec un bœuf et un âne,y
celui qui n’a jamais péché par la parole,
celui qui ne sert pas un maître indigne de lui ;

y Soit au sens propre, cf. Lv 19.19 ; Dt 22.10, soit plutôt au sens métaphorique (cf. 2.10 ; 6.14) image d’un couple mal assorti. — Ce stique, omis par le grec, est rétabli d’après l’hébr. et le syr.

9 heureux celui qui a trouvé la prudence
et qui peut s’adresser à un auditoire attentif ;
10 comme il est grand celui qui a trouvé la sagesse,
mais personne ne surpasse celui qui craint le Seigneur.
11 Car la crainte du Seigneur l’emporte sur tout :
celui qui la possède, à quoi le comparer ?
12 C’est en craignant le Seigneur qu’on commence à l’aimer
et par la confiance qu’on commence à s’attacher à lui.
z

z Gr II et lat. ; cf. 1.12.

Les femmes.

13 Toute blessure, sauf une blessure du cœur !
toute méchanceté, sauf une méchanceté de femme !
14 tout malheur, sauf un malheur qui vient de l’adversaire !
toute injustice, sauf une injustice qui vient de l’ennemi !

15 Il n’y a pire venin que le venin du serpent,
il n’y a pire haine que la haine d’une femme.a

a « venin » syr. ; « tête » grec et lat. (le mot hébr. rôsh signifie « tête » et « venin »). — « haine d’une femme », syr., lat. et mss grecs ; « haine de l’ennemi » texte reçu (qui répète 14).

16 J’aimerais mieux habiter avec un lion ou un dragon
qu’habiter avec une femme méchante.

17 La méchanceté d’une femme change son visage,
elle fait grise mine, on dirait un ours.b

b Hébr. « change le visage de son mari et le fait ressembler à un ours. »

18 Son mari s’attable parmi ses voisins
et, malgré lui,c il gémit amèrement.

c « malgré lui » 1 Ms grec, hébr., syr. ; « en les écoutant » grec.

19 Toute malice n’est rien près d’une malice de femme :
que le sort des pécheurs lui advienne !

20 Une montée sablonneuse sous les pas d’un vieillard,
telle est une femme bavarde pour un homme tranquille.
21 Ne te laisse pas prendre à la beauté d’une femme,
ne t’éprends jamais d’une femme.

22 C’est un objet de colère, de reproche et de honte
qu’une femme qui entretient son mari.

23 Cœur abattu, visage triste, blessure secrète,
voilà l’œuvre d’une femme méchante.
Mains inertes et genoux sans force,
telle est la femme qui fait le malheur de son mari.

24 C’est par la femme que le péché a commencé
et c’est à cause d’elle que tous nous mourons.d

d Allusion au premier péché. Saint Paul souligne aussi la culpabilité d’Ève, 2 Co 11.3 ; 1 Tm 2.14, mais cf. Rm 5.12.

25 Ne donne pas à l’eau un passage,
ni à la femme méchante la liberté de parler.
26 elle n’obéit pas au doigt et à l’œil,
sépare-toi d’elle.e

e Littéralement « elle ne marche pas selon ta main, sépare-la de ta chair », cf. Gn 2.24 ; Ep 5.31. On sait que la loi mosaïque permettait le divorce, Dt 24.1-4 ; cf. Mt 19.3-9.

26 Heureux l’époux dont la femme est excellente,
le nombre de ses jours sera doublé.
2 Une femme parfaite est la joie de son mari,
il passera dans la paix toutes les années de sa vie.
3 Une femme excellente est une part de choix,
attribuée à ceux qui craignent le Seigneur :
4 riches ou pauvres, leur cœur est en liesse,
ils montrent toujours un visage joyeux.
5 Trois choses me font peur
et une quatrième m’épouvante :f
une calomnie qui court la ville, une émeute populaire,
une fausse accusation : tout cela est pire que la mort ;

f « et une quatrième m’épouvante » mss grecs, lat., cf. syr. ; « et devant une quatrième je supplie » ou « et à une quatrième j’ai été livré » texte reçu.

6 mais c’est crève-cœur et douleur qu’une femme jalouse d’une autre,
et tout cela, c’est le fléau de la langue.g

g « et tout cela... langue » syr. ; « et le fléau de la langue qui atteint tout le monde » grec.

7 Une femme méchante, c’est un joug à bœufs mal attaché ;h
prétendre la maîtriser, c’est saisir un scorpion.

h Qui frotte et glisse sur le cou des animaux, causant douleurs et blessures.

8 Une femme qui boit, c’est un sujet de grande colère,
elle ne peut cacher son déshonneur.

9 L’inconduite d’une femme se lit dans la vivacité de son regard
et se reconnaît à ses œillades.
10 Méfie-toi bien d’une fille hardie
de peur que, se sentant les coudées franches, elle n’en profite.
11 Garde-toi bien des regards effrontés
et ne t’étonne pas s’ils t’entraînent au mal.
12 Comme un voyageur altéré elle ouvre la bouche,
elle boit de toutes les eaux qu’elle rencontre,
elle s’assied face à tout piquet,
à toute flèche elle ouvre son carquois.

13 La grâce d’une épouse fait la joie de son mari
et sa science est pour lui une force.i

i Littéralement « engraisse les os ».

14 Une femme silencieuse est un don du Seigneur,
celle qui est bien élevée est sans prix.
15 Une femme pudique est une double grâce,
celle qui est chaste est d’une valeur inestimable.

16 Comme le soleil levant sur les montagnes du Seigneur,
ainsi le charme d’une jolie femme dans une maison bien tenue.
17 Une lumière brillant sur un lampadaire sacré,j
ainsi la beauté d’un visage sur un corps bien planté.

j Allusion probable au candélabre à sept branches, 1 M 4.49, 50.

18 Des colonnes d’or sur une base d’argent,
ainsi de belles jambes sur des talons solides.k

k « sur des talons solides » Sinaïticus (= S), cf. lat. ; « sur la poitrine d’une (femme) solide » grec.

19 Mon fils, garde saine la fleur de ton âge
et ne livre pas ta force à des étrangers.
20 Après avoir cherché le champ le plus fertile du pays,
sèmes-y ton propre grain, confiant dans la noblesse de ta race.
21 Ainsi les rejetons que tu laisseras après toi,
sûrs de leur noblesse, s’enorgueilliront.
22 Une femme de louage ne vaut pas un crachat,
une épouse légitime est une citadelle qui tue ceux qui l’entreprennent.
23 Une femme impie est donnée en partage au pécheur,
une femme pieuse, à qui craint le Seigneur.
24 Une femme éhontée ne se plaît que dans le déshonneur,
une femme pudique est délicate même avec son mari.
25 Une femme hardie n’est pas plus respectée qu’un chien,
mais celle qui est modeste craint le Seigneur.
26 Une femme qui honore son époux passe pour sage aux yeux de tous,
mais celle qui le déshonore est réputée impie dans son orgueil.
Heureux le mari d’une femme excellente,
car le nombre de ses jours sera doublé.
27 Une femme criarde et bavarde
est une trompette qui sonne la déroute ;
tout homme, dans ces conditions,
passe sa vie dans les fracas de la guerre.
l

l Gr II et syr. Cette addition est la seule qui traite la prostituée de façon injurieuse, mais c’est aussi la seule à relever les qualités religieuses de l’épouse.

Choses attristantes.

28 Il y a deux choses qui me font de la peine
et la troisième m’excite la bile :
un guerrier défaillant par indigence,
des hommes de sens qui souffrent le mépris,
celui qui passe de la justice au péché ;
le Seigneur le destine à périr par l’épée.

Le négoce.

29 Un marchand évite difficilement la faute
et le trafiquant ne saurait être sans péché.

27 Beaucoup ont péché par amour du gain,m
celui qui veut s’enrichir se montre impitoyable.n

m « par amour du gain » S ; « pour une chose indifférente » texte reçu.

n Littéralement « détourne les yeux », c’est-à-dire refuse de compatir ; cf. Pr 28.27.

2 Un piquet s’enfonce entre deux pierres jointes,
entre vente et achat une faute s’introduit.o

o « s’introduit » sunthlibèsetai conj. ; « est broyée » suntribèsetai grec.

3 Qui ne s’attache pas fermement à la crainte du Seigneur,
sa maison sera bientôt détruite.

La parole.

4 Dans le crible qu’on secoue il reste des saletés,
de même les défauts de l’homme dans ses discours.
5 Le four éprouve les vases du potier,
l’épreuve de l’homme est dans sa conversation.
6 Le verger où croît l’arbre est jugé à ses fruits,
ainsi à la parole d’un homme les pensées de son cœur.p

p Texte corrigé ; grec « ainsi la parole vient du sentiment du cœur de l’homme. »

7 Ne loue personne avant qu’il n’ait parlé,
car c’est là qu’est la pierre de touche.

La justice.

8 tu poursuis la justice, tu l’atteindras,
tu t’en revêtiras comme d’une robe d’apparat.
9 Les oiseaux cherchent la compagnie de leurs semblables,
la vérité revient à ceux qui la pratiquent.
10 Le lion guette sa proie,
ainsi le péché guette ceux qui commettent l’injustice.

11 Le discours de l’homme pieux est toujours sagesse,
mais l’insensé est changeant comme la lune.
12 Pour aller chez les insensés, attends l’occasion,q
avec des gens réfléchis, prends ton temps.

q Traduction incertaine ; on peut aussi comprendre « Parmi les insensés, guette les occasions », c’est-à-dire sois sur tes gardes.

13 Le discours des sots est une horreur,
leur rire éclate dans les délices du péché.

14 Le langage de l’homme prodigue de serments fait dresser les cheveux,
quand il se querelle on se bouche les oreilles.
15 La querelle des orgueilleux fait couler le sang
et leurs injures sont pénibles à entendre.

Les secrets.

16 Qui révèle les secrets perd son crédit
et ne trouve plus d’ami selon son cœur.
17 Envers ton ami sois affectueux et confiant,
mais si tu as révélé ses secrets ne cours plus après lui ;
18 car, comme on supprime un homme en le tuant,
tu as tué l’amitié de ton prochain.
19 Comme on ouvre la main et l’oiseau s’envole,
tu as perdu ton ami, tu ne le rattraperas pas.
20 Ne le poursuis pas : il est loin,
il s’est enfui comme la gazelle échappée au filet.
21 Car on panse une blessure, on pardonne une injure,
mais pour qui a révélé un secret, plus d’espoir.

Hypocrisie.

22 Qui cligne de l’œil machine le mal,
nul ne peut l’en détourner.r

r D’autres mss donnent « qui le connaît garde ses distances. »

23 En ta présence il est tout miel,
il s’extasie devant tes propos ;
mais par derrière il change de langage
et de tes paroles fait une pierre d’achoppement.
24 Je hais bien des choses, mais rien tant que cet homme,
et le Seigneur le hait aussi.
25 Qui jette une pierre en l’air se la jette sur la tête,
qui frappe en traître en subit le contrecoup.s

s Littéralement « et un coup perfide fait partager les blessures ».

26 Qui creuse une fosse y tombera,
qui tend un piège s’y fera prendre.
27 Qui fait le mal, le mal retombera sur lui,
sans même qu’il sache d’où il lui vient.
28 Sarcasme et injure sont le fait de l’orgueilleux,
mais la vengeance le guette comme un lion.
29 Ils seront pris au piège ceux que réjouit la chute des hommes pieux,
la douleur les consumera avant leur mort.t

t Perspective de rétribution terrestre conforme aux idées traditionnelles ; cf. Jb 21.20-21.

La rancune.

30 Rancune et colère, voilà encore des choses abominables
qui sont le fait du pécheur.

28 Celui qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur
qui tient un compte rigoureux des péchés.
2 Pardonne à ton prochain ses torts,
alors, à ta prière, tes péchés te seront remis.
3 un homme nourrit de la colère contre un autre,
comment peut-il demander à Dieu la guérison ?
4 Pour un homme, son semblable, il est sans compassion,
et il prierait pour ses propres fautes !
5 Lui qui n’est que chair garde rancune,
qui lui pardonnera ses péchés ?
6 Souviens-toi de la fin et cesse de haïr,
de la corruption et de la mort, et sois fidèle aux commandements.
7 Souviens-toi des commandements et ne garde pas rancune au prochain,
de l’alliance du Très-Haut, et passe par-dessus l’offense.

Les querelles.

8 Reste à l’écart des querelles et tu éviteras le péché ;
l’homme passionné attise les querelles ;
9 le pécheur sème le trouble parmi les amis,
parmi les gens qui vivent en paix il jette la brouille.
10 Le feu brûle suivant son combustible,
la dispute augmente à mesure de l’entêtement ;
la fureur d’un homme dépend de sa force,
sa colère monte selon sa richesse.
11 Une querelle soudaine allume le feu,
une dispute irréfléchie fait verser le sang.
12 Souffle sur une flammèche, elle s’enflamme,
crache dessus, elle s’éteint :
telle est la puissance de ta bouche.

La langue.

13 Fi du bavard et du fourbe :
ils ont perdu beaucoup de gens qui vivaient en paix.
14 La troisième langueu a ébranlé bien des gens,
les a dispersés d’une nation à l’autre ;
elle a détruit de puissantes cités
et renversé des maisons de grands.

u Soit celle qui s’immisce en tiers dans les querelles, soit celle qui fait trois victimes le calomniateur, l’auditeur et le calomnié (ainsi le Talmud).

15 La troisième langue a fait répudier des femmes parfaites,
les dépouillant du fruit de leurs travaux.
16 Qui lui prête l’oreille ne trouve plus le repos,
ne peut plus demeurer dans la paix.
17 Un coup de fouet laisse une marque,
mais un coup de langue brise les os.
18 Bien des gens sont tombés par l’épée,
mais beaucoup plus ont péri par la langue.
19 Heureux qui est à l’abri de ses atteintes,
qui n’est pas exposé à sa fureur,
qui n’a pas porté son joug,
qui n’a pas été lié de ses chaînes.
20 Car son joug est un joug de fer
et ses chaînes des chaînes d’airain.
21 Une mort terrible, la mort qu’elle inflige,
et le shéol lui est préférable.
22 Elle n’a pas d’emprise sur les hommes pieux,
ils ne sont pas brûlés à sa flamme.v

v La comparaison de la langue avec un feu sera reprise par Jc 3.5-6. Mais on se demande si Ben Sira, qui s’est lancé dans une description de la calomnie personnifiée, n’oublie pas plus ou moins l’objet précis de son discours pour décrire l’ennemi en général.

23 Ceux qui abandonnent le Seigneur sont ses victimes,
en eux elle brûlera sans s’éteindre,
elle sera lancée contre eux comme un lion,
elle les déchirera comme une panthère.
24 Vois, entoure d’épines ta propriété,
serre ton argent et ton or.
25 Dans ton langage use de balances et de poids,
à ta bouche mets porte et verrou.
26 Garde-toi de faire par elle des faux pas,
tu tomberais au pouvoir de celui qui te guette.

Le prêt.w

29 Prêter à son prochain, c’est pratiquer la miséricorde,x
lui venir en aide, c’est observer les commandements.

w Le prêt (sans intérêt) était prescrit par la Loi à l’égard des Israélites, Ex 22.24 ; Lv 25.35-36 ; Dt 15.7-11. Cf. Mt 5.42 ; Ps 37.21, 26.

x D’après syr. ; grec intervertit les termes.

2 Sache prêter à ton prochain lorsqu’il est dans le besoin ;
à ton tour, restitue au temps convenu.
3 Tiens bien ta parole et sois loyal avec autrui,
et dans tous tes besoins tu trouveras ce qu’il te faut.
4 Beaucoup traitent un prêt comme une aubainey
et mettent dans la gêne ceux qui les ont aidés.

y Littéralement « comme un objet trouvé ».

5 Avant de recevoir, on baise les mains du prêteur,
on parle humblement de ses richesses.
Au jour de l’échéance, on tire en longueur,
en guise de restitution, on explique qu’on est ennuyé,z
on s’en prend aux circonstances.

z Sens incertain ennuyé de ne pouvoir restituer, qu’on le regrette, qu’on s’excuse ; ou bien on répond par des mots évasifs. Le lat. ajoute « et des récriminations ».

6 Peut-on s’acquitter ? Le prêteur recevra à peine la moitié de son argent
et il pourra s’estimer heureux.
Dans le cas contraire on l’aura frustré de son argent
et il aura, sans l’avoir mérité,a un ennemi de plus
qui s’acquitte en malédictions et en injures
et qui rend des outrages en guise de révérence.

a « sans l’avoir mérité » mss grecs, syr., lat. ; « non sans raison » texte reçu.

7 Bien des gens, sans malice,b se refusent à prêter,
ils ne se soucient pas d’être dépouillés malgré eux.

b « Sans malice » mss grecs, syr., lat. ; « par suite de la méchanceté (des emprunteurs) » texte reçu.

L’aumône.

8 Pourtant, sois indulgent pour les malheureux,
ne leur fais pas attendre tes aumônes.
9 Pour obéir au précepte, viens en aide au pauvre ;
il est dans le besoin : ne le renvoie pas les mains vides.
10 Sacrifie ton argent pour un frère et un ami,
qu’il ne rouille pas en pure perte, sous une pierre.
11 Use de tes richesses selon les préceptes du Très-Haut,
cela te sera plus utile que l’or.
12 Serre tes aumônes dans tes greniers,
elles te délivreront de tout malheur.
13 Mieux qu’un fort bouclier, mieux qu’une lourde lance,
devant l’ennemi, elles combattront pour toi.

Les cautions.

14 L’homme de bien se porte caution pour son prochain ;
c’est avoir perdu toute honte que de l’abandonner.
15 N’oublie pas les services de ton garant :
il a donné sa vie pour toi.
16 Des bontés de son garant le pécheur n’a cure,
17 l’ingrat oublie celui qui l’a sauvé.
18 Une caution a ruiné bien des gens droits
et les a ballottés comme les vagues de la mer.
Elle a exilé des hommes puissants
qui ont erré parmi des nations étrangères.
19 Le méchant qui se précipite pour cautionner
en quête d’un profit se précipite vers la condamnation.
20 Viens en aide au prochain selon ton pouvoir
et prends garde de ne pas tomber toi-même.

L’hospitalité.

21 La première chose pour vivre, c’est l’eau, le pain et le vêtement,
et une maison pour s’abriter.
22 Mieux vaut une vie de pauvre sous un abri de planches
que des mets fastueux dans une maison étrangère.
23 Que tu aies peu ou beaucoup, montre-toi content,
tu n’entendras pas le reproche de ton entourage.c

c Var. de lat. « et ne te fais pas traiter d’étranger ».

24 Triste vie que d’aller de maison en maison,
là où tu t’arrêtes, tu n’oses ouvrir la bouche ;
25 tu es un étranger, tu sers à boire à un ingrat,
et par-dessus le marché tu en entends de dures :
26 « Viens ici, étranger, mets la table,
si tu as quelque chose, donne-moi à manger. »
27 « Va-t’en, étranger, cède à un plus digne,
mon frère vient me voir, j’ai besoin de la maison. »
28 C’est dur pour un homme sensé
de s’entendre reprocher l’hospitalité,d
et d’être traité comme un débiteur.

d Littéralement « d’entendre un reproche d’étranger » lat. ; « d’entendre un reproche de la maison » grec.

L’éducation.

30 Qui aime son fils lui prodigue le fouet,
plus tard ce fils sera sa consolation.
2 Qui élève bien son fils en tirera satisfaction
et parmi ses connaissances il s’en montrera fier.
3 Celui qui instruit son fils rend jaloux son ennemi
et se montre joyeux devant ses amis.

4 Qu’un père vienne à mourir, c’est comme s’il n’était pas mort,
car il laisse après lui un fils qui lui ressemble.
5 Vivant, il a trouvé la joie dans sa présence,
devant la mort il n’a pas eu de peine.
6 Contre ses ennemis il laisse un vengeure
et pour ses amis quelqu’un qui leur rende leurs bienfaits.

e Au sens hébreu (go’el) celui qui a « droit de rachat » (cf. Rt 2.20 ; 4.4), mais aussi celui qui est le défenseur des opprimés.

7 Celui qui gâte son fils pansera ses blessures,f
à chacun de ses cris ses entrailles tressailliront.

f Interprétation incertaine ; soit les blessures de son fils, que celui-ci recevra au cours d’une vie agitée, soit ses propres blessures qu’un fils ingrat lui infligera.

8 Un cheval mal dressé devient rétif,
un enfant laissé à lui-même devient mal élevé.
9 Cajole ton enfant, tu en seras stupéfait,
joue avec lui, il te fera pleurer.
10 Ne ris pas avec lui, si tu ne veux pas pleurer avec lui,
tu finirais par grincer des dents.
11 Ne lui laisse pas de liberté pendant sa jeunesse
et ne ferme pas les yeux sur ses sottises.
12 Fais-lui courber l’échine pendant sa jeunesse,
meurtris-lui les côtes tant qu’il est enfant,
de crainte que, dans son entêtement, il ne te désobéisse
et que tu en éprouves de la peine.g

g Les vv. 11-12, 12d, omis par le grec, sont restitués d’après Gr II, hébr. et lat. (syr. pour 12a cf. 7.23).

13 Élève ton fils et forme-le bien,
pour ne pas avoir à endurer son insolence.

La santé.

14 Mieux vaut un pauvre sain et vigoureux
qu’un riche éprouvé dans son corps.
15 Santé et vigueur valent mieux que tout l’or du monde,
un corps vigoureux mieux qu’une immense fortune.
16 Il n’y a richesse préférable à la santé
ni bien-être supérieur à la joie du cœur.
17 Plutôt la mort qu’une vie chagrine,
l’éternel repos qu’une maladie persistante.
18 Des mets à profusion devant une bouche fermée,
telles sont les offrandes déposées sur une tombe.h

h « sur une tombe »; var. hébr. « devant une idole ».

19 Que sert l’offrande à une idole
qui ne mange ni ne sent !
Tel est celui que le Seigneur persécute :i

i C’est-à-dire le malade, incapable de se nourrir ; cf. l’hébr. « Ainsi celui qui a de la fortune et ne peut pas en jouir », mais le texte est probablement altéré.

20 il regarde et soupire,
il est comme un eunuque qui étreint une vierge et soupire.

La joie.

21 Ne te laisse pas aller à la tristesse
et ne t’abandonne pas aux idées noires.
22 La joie du cœur, voilà la vie de l’homme,
la gaieté, voilà qui prolonge ses jours.
23 Trompe tes soucis,j console ton cœur,
chasse la tristesse :
car la tristesse en a perdu beaucoup,
elle ne saurait apporter de profit.

j « Trompe tes soucis » S, hébr., syr. ; « Aime ton âme » texte reçu.

24 Passion et colère abrègent les jours,
les soucis font vieillir avant l’heure.k

k Tous les mss grecs mettent 33.16 — 36.13 avant 30.25 — 33.16a. Les versions syriaque et latine ont conservé l’ordre primitif, dont les fragments hébreux témoignent également. Cf. Introduction.

25 À cœur généreux, bon appétit :l
il se soucie de ce qu’il mange.

l Sens incertain. Hébr. « Le sommeil d’un cœur heureux tient lieu de mets. »

Les richesses.

31 Les insomnies que cause la richesse sont épuisantes,
les soucis qu’elle apporte ôtent le sommeil.
2 Les soucis de la veillée empêchent de dormir,m
une grave maladie éloigne le sommeil.

m « empêchent (de dormir) » hébr. ; « appellent (le sommeil) » grec. Le texte de 31.1-2 est incertain ; 31.1 semble un doublet de 42.9b.

3 Le riche travaille à amasser des biens
et lorsqu’il s’arrête, c’est pour se rassasier de plaisirs ;
4 le pauvre travaille n’ayant pas de quoi vivre
et dès qu’il s’arrête il tombe dans la misère.

5 Celui qui aime l’or n’échappe guère au péché,
celui qui poursuit le gain en sera la dupe.n

n « (celui qui poursuit) le gain en sera la dupe » hébr. ; « (celui qui poursuit) la corruption en sera rempli » grec.

6 Beaucoup ont été victimes de l’or,
leur ruine était inévitable.o

o Hébr. « Ils ont misé sur les perles, ils n’ont pas réussi à échapper au malheur ni à être sauvés au jour de la colère. »

7 Car c’est un piègep pour ceux qui lui sacrifient
et tous les insensés s’y laissent prendre.

p Littéralement « un bois d’achoppement ». Grammaticalement, il s’agit de l’or, mais l’auteur songe peut-être à une idole, ce qui justifierait la leçon « sacrifient » de 2 Mss et lat. (texte reçu « ceux qui en sont fous ») ; hébr. « c’est un piège pour le sot. »

8 Bienheureux le riche qui se garde sans tache
et qui ne court pas après l’or.q

q En hébreu « la richesse », mammôn, mot d’origine araméenne fréquent dans les écrits rabbiniques, et cf. Mt 6.24 ; Lc 16.9, 11, 13.

9 Qui est-il, que nous le félicitions ?
Car il fait des miracles dans son peuple.
10 Qui a subi cette épreuve et s’est révélé parfait ?
Ce lui sera un sujet de gloire.
Qui a pu pécher et n’a pas péché,
faire le mal et ne l’a pas fait ?
11 Ses biens seront consolidés
et l’assemblée publiera ses bienfaits.r

r Allusion probable à la coutume de proclamer dans les synagogues les noms des bienfaiteurs de la communauté. — Lat. « toute l’assemblée (ecclesia) des saints publiera ses bienfaits. »

Les banquets.

12 As-tu pris place à une table somptueuse ?
La bouche béante devant elle,
ne dis pas : « Quelle abondance ! »
13 Souviens-toi que c’est mal d’avoir un œil avide :
y a-t-il pire créature que l’œil ?
Aussi pleure-t-il à tout propos.s

s « à tout propos » hébr. ; « de tout visage » grec.

14 Là où ton hôte regarde, n’étends pas la main,
ne te jette pas sur le plat en même temps que lui.
15 Juge ce que ressent le prochain d’après toi-même
et en toute chose sois réfléchi.t

t Hébr. « sur tout ce que tu détestes, réfléchis. »

16 Mange en homme bien élevéu ce qui t’est présenté,
ne joue pas des mâchoires, ne te rends pas odieux.

u « bien élevé » hébr. ; omis par grec.

17 Arrête-toi le premier par bonne éducation,
ne sois pas glouton, de crainte d’un affront.
18 tu es à table en nombreuse compagnie,
ne te sers pas avant les autres.
19 Qu’il suffit de peu à un homme bien élevé !
Aussi, une fois couché, il respire librement.
20 À régime sobre, bon sommeil,
on se lève tôt, on a l’esprit libre.
L’insomnie, les vomissements, les coliques,
voilà pour l’homme intempérant.
21 tu as été forcé de trop manger,
lève-toi, va vomirv et tu seras soulagé.

v « va vomir » mss grecs, hébr. ; « au milieu du repas (?) » texte reçu.

22 Écoute-moi, mon fils, sans me mépriser :
plus tard tu comprendras mes paroles.
Dans tout ce que tu fais sois modéréw
et jamais la maladie ne t’atteindra.

w « modéré » hébr. ; « rapide » grec.

23 On vante hautement un hôte fastueux
et l’éloge de sa munificence est durable.
24 Mais un hôte mesquin est décrié dans la ville
et l’on cite les traits de son avarice.

Le vin.

25 Avec le vin ne fais pas le brave,
car le vin a perdu bien des gens.
26 La fournaise éprouve la trempe de l’acier,
ainsi le vin éprouve les cœurs dans un tournoi de fanfarons.
27 Le vin c’est la vie pour l’homme,
quand on en boit modérément.
Quelle vie mène-t-on privé de vin ?
Il a été créé pour la joie des hommes.
28 Gaieté du cœur et joie de l’âme, voilà le vin
qu’on boit quand il faut et à sa suffisance.
29 Amertume de l’âme, voilà le vin
qu’on boit avec excès, par passion et par défi.x

x « par défi » d’après hébr. (trad. incertaine) ; « par un faux pas (?) » grec.

30 L’ivresse excite la fureur de l’insensé pour sa perte,
elle diminue sa force et provoque les coups.
31 Au cours d’un banquet ne provoque pas ton voisin
et ne te moque pas de lui s’il est gai,
ne lui adresse pas de reproche,
ne l’agace pas de tes réclamations.

Les banquets.

32 On t’a fait président ?y Ne le prends pas de haut,
sois avec les convives comme l’un d’eux,
prends soin d’eux et ensuite assieds-toi.

y L’institution de festins somptueux avec un « ordonnateur » choisi par le sort ou par élection (cf. 2 M 2.27 ; Jn 2.8) semble s’être répandue en Palestine sous l’influence des Grecs ou des Romains ; le vin y était en honneur litt. « banquet de vin », 31.31 ; 32.5 ; 49.1 ; Est 7.7. Les rabbins mettront les Juifs pieux en garde contre ces mœurs, Ben Sira recommande seulement les bonnes manières.

2 Ayant rempli tous tes devoirs, prends place
pour te réjouir avec eux
et recevoir la couronne, prix de ta réussite.z

z Sur les couronnes dans les festins, cf. Isa 28.1-4 ; Sg 2.8.

3 Parle, vieillard, car cela te sied,
mais avec discrétion : n’empêche pas la musique.a

a Le terme peut désigner soit la musique ou le chant, soit toute manifestation d’art poésie, représentation dramatique, etc.

4 Au cours d’une audition ne prodigue pas les discours,
ne sermonne pas à contretemps.
5 Un sceau d’escarboucle sur un bijou,
tel est un concert musical au cours d’un banquet.
6 Un sceau d’émeraude sur une monture d’or,
telle est une mélodie avec un vin de choix.

7 Parle, jeune homme, quand c’est nécessaire,
deux fois au plus, si l’on t’interroge.
8 Résume ton discours, dis beaucoup en peu de mots,
sache te montrer ensemble entendu et silencieux.
9 Ne traite pas avec les grands d’égal à égal,
si un autre parle, sois sobre de paroles.
10 L’éclair précède le tonnerre,
la grâce s’avance devant l’homme modeste.
11 L’heure venue, va-t’en, ne traîne pas,
cours à la maison, ne flâne pas.
12 Là, divertis-toi, fais ce qui te plaît,
mais ne pèche pas en parlant avec insolence.b

b Hébr. « dans la crainte de Dieu et non dans le dénuement. »

13 Et pour cela bénis le Créateur,
celui qui te comble de ses bienfaits.

La crainte de Dieu.

14 Celui qui craint le Seigneur entend ses leçons,
ceux qui le cherchent trouvent sa faveur.
15 Celui qui scrute la loi en est rassasié,
mais pour l’hypocrite elle est un scandale.
16 Ceux qui craignent le Seigneur trouvent la bonne décision,
ils font briller leurs bonnes actions comme une lumière.c

c Hébr. « comprennent la justice et font sortir de l’obscurité leur pensée. »

17 Le pécheur n’accepte pas la réprimande,
pour suivre sa volonté il trouve des excuses.d

d Hébr. « il fait violence à la loi. »

18 L’homme sensé ne méprise pas les avis,
l’étranger et l’orgueilleux ne connaissent pas la crainte.e

e Hébr. « Le sage ne cache pas la sagesse ; l’orgueilleux et l’impie ne gardent pas la Loi. »

19 Ne fais rien sans réflexion,
tu ne te repentiras pas de tes actes.f

f Ou « et ne te repens pas quand tu es en train de faire quelque chose. »

20 Ne suis pas un chemin raboteux,
de crainte de buter sur les pierres.
21 Ne te fie pas au chemin uni
22 et méfie-toi de tes enfants.
23 En toutes choses veille sur toi-même,g
cela aussi c’est observer les commandements.

g « veille sur toi-même » d’après l’hébr. ; « fie-toi à toi-même » grec.

24 Celui qui a confiance dans la loi observe ses préceptes,
celui qui met sa confiance dans le Seigneur ne souffre aucun dommage.

33 Celui qui craint le Seigneur, le mal ne le frappe pas,
et même dans l’épreuve, il sera délivré.
2 Celui qui hait la loi n’est pas sage,h
mais le faux observant est comme un vaisseau dans la tempête.

h Avec l’hébr. ; « le sage ne hait pas la loi » grec.

3 L’homme sensé met sa confiance dans la loi,i
la loi est pour lui digne de foi comme un oracle.

i Hébr. « comprend la parole de Yahvé. »

4 Prépare tes discours et tu te feras écouter,j
rassemble ton savoir avant de répondre.

j Hébr. « et ensuite tu agiras. »

5 Les sentiments du sot sont comme une roue de chariot,
son raisonnement comme un essieu qui tourne.
6 Un cheval en rut est comme un ami moqueur,
dès qu’on veut le monter il hennit.

Inégalité des conditions.

7 Pourquoi un jour est-il plus grand que l’autre,k
puisque, toute l’année, la lumière vient du soleil ?

k Le problème posé semble être non de cosmologie, différence de longueur des jours, mais de religion, différence de dignité entre jours de fête et jours profanes. C’est du moins ce que suggère le v. 9.

8 C’est qu’ils ont été distingués dans la pensée du Seigneur,
qui a diversifié les saisons et les fêtes.
9 Il a exalté et consacré les uns
et fait des autres des jours ordinaires.
10 Tous les hommes viennent du limon,
c’est de la terre qu’Adam a été formé.
11 Dans sa grande sagessel le Seigneur les a distingués,
il a diversifié leurs conditions.

l « sagesse » hébr. ; « science » grec.

12 Il en a béni et exalté quelques-uns,
il en a consacré et les a mis près de lui.
Il en a maudit et humilié
et les a rejetés de leur place.
13 Comme l’argile dans la main du potier,
qui la façonne selon son bon plaisir,m
ainsi les hommes dans la main de leur Créateur
qui les rétribue selon sa justice.

m « qui le façonne selon » 2 Mss grecs, lat. ; « toutes ses voies (sont) selon » grec.

14 Vis-à-vis du mal il y a le bien,
vis-à-vis de la mort, la vie.
Ainsi, vis-à-vis de l’homme pieux, le pécheur.n

n Hébr. et syr. ajoutent « et en face de la lumière, les ténèbres. »

15 Contemple donc toutes les œuvres du Très-Haut,
toutes vont par paires, en vis-à-vis.

16 Pour moi, dernier venu, j’ai veillé
comme un grappilleur après les vendangeurs.
17 Par la bénédiction du Seigneur j’arrive le premier
et comme le vendangeur j’ai rempli le pressoir.
18 Reconnaissez que je n’ai pas travaillé pour moi seul,
mais pour tous ceux qui cherchent l’instruction.

19 Écoutez-moi donc, grands du peuple,
présidents de l’assemblée,o prêtez l’oreille.

o La synagogue, où les Juifs pieux se réunissaient pour leur instruction.

Indépendance.

20 À ton fils, à ta femme, à ton frère, à ton ami,
ne donne pas pouvoir sur toi pendant ta vie.
Ne donne pas à un autre tes biens,
tu pourrais le regretter et devrais les redemander.
21 Tant que tu vis et qu’il te reste un souffle,
ne te livre pas au pouvoir de qui que ce soit.
22 Car il vaut mieux que tes enfants te supplient,
plutôt que de tourner vers eux des regards suppliants.
23 En tout ce que tu fais, reste le maître,
ne fais pas une tache à ta réputation.
24 Quand seront consommés les jours de ta vie,
à l’heure de la mort, distribue ton héritage.

Les esclaves.p

25 À l’âne le fourrage, le bâton, les fardeaux,
au serviteur le pain, le châtiment, le travail.

p Sur la dureté à l’égard des esclaves Ex 21.20-21 ; cf. Mt 18.34 ; Lc 12.46. Les esclaves n’étaient pourtant pas abandonnés à l’arbitraire des maîtres. Leurs droits étaient précisés par la Loi Ex 21.1-6, 26-27 ; Lv 25.46 ; Dt 15.12-18, cf. ici vv. 30-33. Comparer l’attitude de saint Paul, Ep 6.9 ; Col 4.1 ; Phm 16.

26 Fais travailler ton esclave, tu trouveras le repos ;
laisse-lui les mains libres,q il cherchera la liberté.

q « tu trouveras le repos »; var. hébr. « afin qu’il ne demande pas le repos ». — « laisse-lui les mains libres »; hébr. « et s’il lève la tête ».

27 Le joug et la bride font plier la nuque,
au mauvais serviteur la torture et la question.
28 Mets-le au travail pour qu’il ne reste pas oisif,r

r Hébr. « Pour qu’il ne se révolte pas ».

29 car l’oisiveté enseigne tous les mauvais tours.
30 Mets-le à l’ouvrage comme il lui convient
et s’il n’obéit pas mets-le aux fers.
Mais ne sois trop exigeant envers personne,
ne fais rien de contraire à la justice.

31 Tu n’as qu’un esclave ? Qu’il soit comme toi-même,
puisque tu l’as acquis dans le sang.s

s C’est-à-dire tu l’as acquis de ta substance, avec de l’argent péniblement gagné. Mais le texte n’est pas sûr.

32 Tu n’as qu’un esclave ? Traite-le comme un frère,
car tu en as besoin comme de toi-même.
33 Si tu le maltraites et qu’il prenne la fuite,
sur quel chemin iras-tu le chercher ?

Les songes.t

34 Les espérances vaines et trompeuses sont pour l’insensé
et les songes donnent des ailes aux sots.

t Dans l’AT, Dieu use parfois des songes pour instruire les hommes : Gn 28.10-17 ; 31.10-13, 24 ; 37.5-11 ; 41.1-36, etc. Cf. Nb 12.6. Voir encore Mt 1.20-23 ; 2.13, 22. Mais le recours aux songes comme moyens ordinaires de divination est blâmé par les prophètes et les législateurs Jr 29.8 ; Qo 5.6 ; Lv 19.26 ; Dt 13.2-6 ; 18.9-14. Ben Sira adopte cette dernière attitude tout en reconnaissant la possibilité de songes authentiquement divins (v. 6).

2 C’est saisir une ombre et poursuivre le vent
que de s’arrêter à des songes.
3 Miroir et songes sont choses semblables :
en face d’un visage paraît son image.u

u « miroir et songes » conj. (cf. la suite) ; « visions de songes » grec. — Le songe, comme le miroir, ne fait apparaître qu’une image irréelle ; ou encore le songe ne fait que refléter ce que le songeur porte en lui, sans rien lui apprendre de plus, et sans plus de garantie (cf. v. 4).

4 De l’impur que peut-on tirer de pur ?
Du mensonge que peut-on tirer de vrai ?
5 Divination, augures, songes, autant de vanités,
ce sont là rêveries de femme enceinte.v

v Littéralement « ainsi imagine le cœur d’une femme en travail ».

6 À moins qu’ils ne soient envoyés en visiteurs du Très-Haut,
n’y applique pas ton cœur.
7 Les songes ont égaré beaucoup de gens,
ceux qui comptaient dessus ont échoué.
8 C’est sans mensonge que s’accomplit la Loi
et la sagesse est parfaite dans la sincérité.w

w Aux songes trompeurs, Ben Sira oppose la Loi et la sagesse qui ne déçoivent pas.

Les voyages.

9 On a beaucoup appris quand on a beaucoup voyagé
et un homme d’expérience parle avec intelligence.
10 Celui qui n’a pas été à l’épreuve connaît peu de choses,
11 mais celui qui a voyagé déborde de savoir-faire.
12 J’ai beaucoup vu au cours de mes voyages
et j’en ai compris plus que je ne saurais dire.
13 Bien des fois j’ai été en danger de mort,
et j’ai été sauvé, voici de quelle manière :x

x On peut comprendre aussi « et j’ai été sauvé grâce à ce que je viens de dire, mon expérience »; on observe en effet une progression dans la valeur de ce qui peut sauver les songes, l’expérience, la crainte du Seigneur.

14 Ceux qui craignent le Seigneur, leur esprit vivra,
15 car leur espérance s’appuie sur qui peut les sauver.
16 Celui qui craint le Seigneur n’a peur de rien,
il ne tremble pas, car Dieu est son espérance.
17 Heureuse l’âme de qui craint le Seigneur :
18 sur qui s’appuie-t-il et qui est son soutien ?
19 Les regards du Seigneur sont fixés sur ceux qui l’aiment,
puissante protection, soutien plein de force,
abri contre le vent du désert, ombrage contre l’ardeur du midi,
protection contre les obstacles, assurance contre les chutes.
20 Il élève l’âme, il illumine les yeux,
il donne santé, vie et bénédiction.

Sacrifices.

21 Sacrifier un bien mal acquis, c’est se moquer,
22 les dons des méchants ne sont pas agréables.
23 Le Très-Haut n’agrée pas les offrandes des impies,
ce n’est pas pour l’abondance des victimes qu’il pardonne les péchés.
24 C’est immoler le fils en présence de son père
que d’offrir un sacrifice avec les biens des pauvres.
25 Une maigre nourriture, c’est la vie des pauvres,
les en priver, c’est commettre un meurtre.
26 C’est tuer son prochain que de lui ôter la subsistance,
27 c’est répandre le sang que de priver le salarié de son dû.
28 L’un bâtit, l’autre démolit ;
qu’en retirent-ils sinon de la peine ?
29 L’un bénit, l’autre maudit :
de qui le Maître écoutera-t-il la voix ?
30 Qui se purifie du contact d’un mort et de nouveau le touche,
que lui sert son ablution ?
31 Ainsi l’homme qui jeûne pour ses péchés,
puis s’en va et les commet encore ;
qui exaucera sa prière ?
Que lui sert de s’humilier ?

Loi et sacrifices.y

35 Observer la loi c’est multiplier les offrandes,

y Ben Sira est à la fois un fervent ritualiste très attaché au culte et un moraliste soucieux d’observer la Loi dans tous ses préceptes de justice et de charité. Ces deux tendances se rejoignent ici selon Ben Sira, la pratique de la Loi est elle-même un culte.

2 s’attacher aux préceptes c’est offrir des sacrifices de communion.
3 Se montrer charitable c’est faire une oblation de fleur de farine,
4 faire l’aumône c’est offrir un sacrifice de louange.
5 Ce qui plaît au Seigneur c’est qu’on se détourne du mal,
c’est offrir un sacrifice expiatoire que de fuir l’injustice.
6 Ne parais pas devant le Seigneur les mains vides,
7 car tout cela est dû selon les préceptes.
8 L’offrande du juste réjouit l’autel,z
son parfum s’élève devant le Très-Haut.

z Littéralement « graisse l’autel ».

9 Le sacrifice du juste est agréable,
son mémorial ne sera pas oublié.
10 Glorifie le Seigneur avec générosité
et ne sois pas avare des prémices que tu offres.
11 Chaque fois que tu fais une offrande montre un visage joyeux
et consacre la dîme avec joie.
12 Donne au Très-Haut comme il t’a donné,
avec générosité, selon tes moyens.a

a L’hébr. ajoute dans la marge « Celui-là prête à Dieu qui donne à un pauvre ; qui le lui rendra sinon lui ? », cf. Pr 19.17.

13 Car le Seigneur paie de retour,
il te rendra au septuple.

La justice divine.

14 N’essaie pas de le corrompre par des présents, il les refuse,
15 ne t’appuie pas sur un sacrifice injuste.
Car le Seigneur est un juge
qui ne fait pas acception de personnes.
16 Il ne considère pas les personnes pour faire tort au pauvre,
il écoute l’appel de l’opprimé.
17 Il ne néglige pas la supplication de l’orphelin,
ni de la veuve qui épanche ses plaintes.
18 Les larmes de la veuve ne coulent-elles pas sur ses joues
19 et son cri n’accable-t-il pas celui qui les provoque ?
20 Celui qui sert Dieub de tout son cœur est agréé
et son appel parvient jusqu’aux nuées.

b Ou « qui rend service (au prochain) ».

21 La prière de l’humble pénètre les nuées ;c
tant qu’elle n’est pas arrivée il ne se console pas.d
Il n’a de cesse que le Très-Haut n’ait jeté les yeux sur lui,

c Où Dieu habite, cf. Ps 68.35 ; 104.3, etc.

d « il ne se console pas » var. hébr. « elle ne s’arrête pas ».

22 qu’il n’ait fait droit aux justes et rétabli l’équité.
Et le Seigneur ne tardera pas,
il n’aura pas de patience à leur égard,
tant qu’il n’aura brisé les reins de gens sans pitié
23 et tiré vengeance des nations,
exterminé la multitude des orgueilleux
et brisé le sceptre des injustes,
24 tant qu’il n’aura rendu à chacun selon ses œuvres
et jugé les actions humaines selon les cœurs,
25 tant qu’il n’aura rendu justice à son peuple
et ne l’aura comblé de joie dans sa miséricorde.
26 La miséricorde est bonne au temps de la tribulation,
comme les nuages de pluie au temps de la sécheresse.

Prière pour la délivrance et la restauration d’Israël.e

36 Aie pitié de nous, maître, Dieu de l’univers, et regarde,

e Bien que préparée par 35.23-26, cette prière tranche par son ton sur le reste du livre généralement serein. L’authenticité de ce texte est parfois mise en doute ; on le rapproche de l’addition hébraïque après 51.12. Composée avec soin de quatre quatrains (le v. 11 manque en hébreu), cette prière suppose une forte émotion, 36.6-12 ; on a pensé à l’affaire d’Héliodore, 2 M 3, en 175. Le texte, animé d’une grande espérance, ne dénote cependant pas clairement d’idées messianiques ; cf. 36.20.

2 répands ta crainte sur toutes les nations.
3 Lève la main contre les nations étrangères,
et qu’elles voient ta puissance.
4 Comme, à leurs yeux, tu t’es montré saint envers nous,
de même, à nos yeux, montre-toi grand envers elles.
5 Qu’elles te connaissent, tout comme nous avons connu
qu’il n’y a pas d’autre Dieu que toi, Seigneur.

6 Renouvelle les prodiges et fais d’autres miracles,
7 glorifie ta main et ton bras droit.
8 Réveille ta fureur, déverse ta colère,
9 détruis l’adversaire, anéantis l’ennemi.
10 Hâte le temps, souviens-toi du serment,
que l’on célèbre tes hauts faits.f

f Hébr. « fais hâter la fin, souviens-toi du terme. Car qui te dira Que fais-tu ? »

11 Qu’un feu vengeur dévore les survivants,
que les oppresseurs de ton peuple soient voués à la ruine.
12 Brise la tête des chefs étrangers
qui disent : « Il n’y a que nous. »

13 Rassemble toutes les tribus de Jacob,
16 rends-leur leur héritage comme au commencement.g

g Cette espérance d’un rassemblement des tribus, particulièrement vivace au temps de l’Exil, se perpétua dans le Judaïsme bien après le retour des exilés ; les Juifs considérèrent toujours la dispersion à l’étranger comme une situation provisoire et regrettable à laquelle la venue du messie doit mettre fin.

17 Aie pitié, Seigneur, du peuple appelé de ton nom,
d’Israël dont tu as fait un premier-né.
18 Aie compassion de ta ville sainte,
de Jérusalem, le lieu de ton repos.
19 Remplis Sion de ta louange
et ton sanctuaire de ta gloire.h

h « de la louange »; var. hébr. « de ta majesté ». — « ton sanctuaire » (naon) avec hébr. ; « ton peuple » (laon) grec.

20 Rends témoignage à tes premières créatures,i
accomplis les prophéties faites en ton nom.

i S’agit-il du peuple d’Israël dans son ensemble, ou des patriarches, qu’un ancien midrash range parmi les sept choses créées avant le monde ? ou de la sagesse créée, prémice de la création (Pr 8.22) ? Ou l’auteur considère-t-il que le messie ou le règne messianique, créés avant toutes choses, vont bientôt se manifester sur la terre ? Il est difficile de préciser la pensée.

21 Donne satisfaction à ceux qui espèrent en toi,
que tes prophètes soient véridiques.
22 Exauce, Seigneur, la prière de tes serviteurs,j
selon la bénédiction d’Aaron sur ton peuple.
Et que tous, sur la terre, reconnaissent
que tu es le Seigneur, le Dieu éternel !

j « tes serviteurs » mss grec, hébr. ; « ceux qui te prient » texte reçu.

Du discernement.

23 L’estomac accueille toute sorte de nourriture,
mais tel aliment est meilleur qu’un autre.
24 Le palais reconnaît à son goût le gibier,
de même le cœur avisé discerne les paroles mensongères.
25 Un cœur pervers donne du chagrin,
l’homme d’expérience le paie de retour.

Choix d’une femme.

26 Une femme accepte n’importe quel mari,
mais il y a des filles meilleures que d’autres.k

k On s’est demandé, en se basant sur le parallélisme, s’il ne fallait pas lire plutôt « un mari prend n’importe quelle femme, mais... » Pourtant l’hébr. donne la même construction que le grec. Tel qu’il se présente, le texte semble souligner l’avantage de l’homme qui peut choisir sa femme, tandis que celle-ci n’a pas le choix.

27 La beauté d’une femme réjouit le regard,
c’est le plus grand de tous les désirs de l’homme.
28 la bonté et la douceur sont sur ses lèvres,
son mari est le plus heureux des hommes.
29 Celui qui acquiert une femme a le principe de la fortune,
une aide semblable à lui,l une colonne d’appui.

l Hébr. « une ville fortifiée ».

30 Faute de clôture le domaine est livré au pillage,
sans une femme l’homme gémit et va à la dérive.
31 Comment se fier à un voleur de grand chemin
qui court de ville en ville ?
De même à l’homme qui n’a pas de nid,
qui s’arrête là où la nuit le surprend.

Faux amis.

37 Tout ami dit : « Moi aussi je suis ton ami »,
mais tel n’est ami que de nom.
2 N’est-ce pas pour un homme un chagrin mortel
qu’un camarade ou un ami qui devient ennemi ?
3 Ô mauvais penchant, pourquoi as-tu été créé,m
pour couvrir la terre de malice ?

m « créé », litt. « roulé (dans quelque chose) »; le mot, peut-être mal transcrit ou altéré par une correction théologique, est interprété d’après l’hébr. « Malheur au méchant qui dit Pourquoi ai-je été créé ? » — Le « mauvais penchant » qui entraîne l’homme au mal est un élément important de la théologie rabbinique. Cf. 15.14.

4 Le camarade félicite un ami dans le bonheur
et au moment de l’adversité se tourne contre lui.n

n Hébr. « Mauvais est l’ami qui profite de la table et au moment de l’adversité se tient au loin. »

5 Le camarade compatit avec son ami par intérêto
et au moment du combat prend les armes.

o Littéralement « dans l’intérêt de son ventre ». — Les vv. 4-5 présentent le contraste entre deux compagnons l’un s’enfuit lors du danger, l’autre reste fidèle. Le v. 5 hébr. rend le contraste plus clair « Le bon ami combat contre l’ennemi, et contre les adversaires prend les armes. »

6 N’oublie pas ton ami dans ton cœur,
ne perds pas son souvenir au milieu des richesses.

Les conseillers.

7 Tout conseiller donne des conseils,
mais il en est qui cherchent leur intérêt.
8 Méfie-toi du donneur de conseils,
demande-toi d’abord de quoi il a besoin
— car il donne ses conseils dans son propre intérêt —
de crainte qu’il ne jette son dévolu sur toi,p

p Texte incertain ; hébr. « pourquoi cela lui échoit-il ? »

9 qu’il ne te dise : « Tu es sur la bonne voie »,
et ne reste à distance pour voir ce qui t’arrivera.
10 Ne consulte pas quelqu’un qui te regarde en dessous
et à ceux qui t’envient, cache tes desseins.
11 Ne consulte pas non plus une femme sur sa rivale,q
ni un poltron sur la guerre,
ni un négociant sur le commerce,
ni un acheteur sur une vente,
ni un envieux sur la reconnaissance,
ni un homme sans pitié sur la bienfaisance,
ni un paresseux sur un travail quelconque,
ni un mercenaire saisonnier sur l’achèvement d’une tâche,
ni un domestique nonchalant sur un grand travail ;
ne t’appuie sur ces gens pour aucun conseil.

q Le développement qui suit illustre les vv. 7-8 en donnant l’exemple de conseillers qui ont un intérêt personnel dans les avis qu’ils peuvent donner.

12 Mais adresse-toi toujours à un homme pieux,r
que tu connais pour observer les commandements,
dont l’âme est comme la tienne,
et qui, si tu échoues, partagera ta souffrance.

r Hébr. « celui qui est dans la crainte (de Dieu) », cf. Pr 1.7. Pour Ben Sira, la crainte de Dieu l’emporte sur toutes les sagesses profanes.

13 Ensuite, tiens-toi au conseil de ton cœur,
car nul ne peut t’être plus fidèle.
14 Car l’âme de l’homme l’avertit souvent mieux
que sept veilleurs en faction sur une hauteur.
15 Et par-dessus tout cela, supplie le Très-Haut,
qu’il dirige tes pas dans la vérité.

Vraie et fausse sagesse.

16 Le principe de toute œuvre c’est la parole,s
avant toute entreprise il faut la réflexion.

s La parole peut être soit la parole intérieure, celle du projet, soit la décision d’entreprendre.

17 La racine des pensées, c’est le cœur,
18 il donne naissance à quatre rameaux :t
le bien et le mal, la vie et la mort,
et ce qui les domine toujours, c’est la langue.

t D’après l’hébr. ; grec « comme signe de changement de cœur, quatre parties apparaissent ».

19 Tel homme est habile pour enseigner les autres
qui, pour lui-même, n’est bon à rien ;
20 tel homme, beau parleur, est détesté,
il finira par mourir de faim,u

u Hébr. « 19 Tel est sage et agit sagement pour beaucoup, qui pour lui-même est un sot. 20 Tel est sage et méprisé pour ses paroles, il sera privé de toute nourriture agréable. »

21 car le Seigneur ne lui accorde pas sa faveur :
il est dépourvu de toute sagesse.
22 Tel est sage à ses propres yeux
et les fruits de son intelligence sont, à l’entendre, assurés.v

v Hébr. « sont pour son corps. »

23 Le vrai sage enseigne son peuple
et les fruits de son intelligence sont assurés.w

w Hébr. « Tel sage est sage pour les gens de son peuple, et les fruits de son intelligence sont pour eux (litt. pour leurs corps). »

24 Le sage est comblé de bénédiction,
tous ceux qui le voient le proclament heureux.
25 Le temps de la vie humaine est compté,
mais les jours d’Israël sont infinis.
26 Le sage, au milieu du peuple, s’acquiert la confiance :
son nom vivra éternellement.

La tempérance.

27 Mon fils, pendant ta vie éprouve ton tempérament,
vois ce qui t’est contraire et ne te l’accorde pas.
28 Car tout ne convient pas à tous
et tout le monde ne se trouve pas bien de tout.
29 Ne sois pas gourmand de toute friandise
et ne te jette pas sur la nourriture,
30 car trop manger est malsain
et l’intempérance provoque les coliques.
31 Beaucoup sont morts pour avoir trop mangé,
celui qui se surveille prolonge sa vie.

Médecine et maladie.x

38 Honore le médeciny pour ses services,
car lui aussi, c’est le Seigneur qui l’a créé.

x Peut-être certains Juifs pieux considéraient-ils le recours aux médecins comme un manque de foi en Yahvé, cf. 2 Ch 16.12. Ben Sira va corriger cette opinion.

y Hébr. « sois ami du médecin ».

2 C’est en effet du Très-Haut que vient la guérison,
comme un cadeau qu’on reçoit du roi.z

z Littéralement « qu’il reçoit »; il s’agit soit du malade soit du médecin (v. 1) qui n’est qu’un intermédiaire. Hébr. « De Dieu le médecin tient son art, et du roi il reçoit des présents. »

3 La science du médecin lui fait porter la tête haute,
il fait l’admiration des grands.
4 Le Seigneur a créé de la terre les remèdes,
l’homme sensé ne les méprise pas.
5 N’est-ce pas une baguette de bois qui rendit l’eau douce,
manifestant ainsi sa vertu ?a

a La vertu du bois ou peut-être la puissance de Dieu l’hébr. et le grec sont ambigus.

6 C’est lui aussi qui donne aux hommes la science
pour se glorifier dans ses œuvres puissantes.
7 Il en fait usage pour soigner et soulager ;
8 le pharmacien en fait des mixtures.
Et ainsi ses œuvres n’ont pas de finb
et par lui le bien-être se répand sur la terre.

b Les œuvres de Dieu, qu’il continue après la création en donnant aux hommes et aux choses une participation à sa puissance, et en répandant ainsi le bien sur la terre.

9 Mon fils, quand tu es malade ne te révolte pas,
mais prie le Seigneur et il te guérira.
10 Renonce à tes fautes, garde tes mains nettes,
de tout péché purifie ton cœur.
11 Offre de l’encens et un mémorial de fleur de farine
et fais de riches offrandes selon tes moyens.c

c « Selon tes moyens » hébr. ; « comme n’étant pas (?) » grec.

12 Puis aie recours au médecin, car le Seigneur l’a créé, lui aussi,
ne l’écarte pas, car tu as besoin de lui.
13 Il y a des cas où l’heureuse issue est entre leurs mains.
14 À leur tour, en effet, ils prieront le Seigneur
qu’il leur accorde la faveur d’un soulagement
et la guérison pour te sauver la vie.d

d Cf. Jc 5.14s., où le conseil a toutefois une autre portée.

15 Celui qui pèche aux yeux de son Créateur,
qu’il tombe au pouvoir du médecin.e

e C’est-à-dire qu’il tombe malade. Il ne semble pas que l’expression veuille être discourtoise à l’égard des médecins. Mais il faut peut-être corriger d’après l’hébreu « Celui-là pèche devant son Créateur qui fait le brave devant le médecin. »

Le deuil.f

16 Mon fils, répands tes larmes pour un mort,
pousse des lamentations pour montrer ton chagrin,
puis enterre le cadavre selon le cérémonial,
et ne manque pas d’honorer sa tombe.g

f Les cérémonies funéraires étaient, chez les Juifs comme chez les Orientaux en général, spectaculaires et soumises à des règles précises. Voir des traits divers dans Jr 9.17, 18 ; Am 5.16 ; Ez 24.15-24 ; Mt 9.23 ; Mc 5.38.

g Hébr. « et ne te dérobe pas quand il expire. »

17 Pleure amèrement, frappe-toi la poitrine,h
observe le deuil comme le mort le mérite
un ou deux jours durant, de peur de faire jaser,i
puis console-toi de ton chagrin.

h Littéralement « rend brûlant le coup » on se frappait la poitrine en signe de deuil. — Hébr. « accomplis le deuil ».

i Sept jours d’après 22.12, mais il pouvait y avoir divers rites selon les deuils.

18 Car le chagrin mène à la mort,
un cœur abattu perd toute vigueur.
19 Avec le malheur persiste la peine,
une vie de chagrin est insupportable.j

j « Une vie de chagrin » conj. ; « une vie de pauvre » grec.

20 N’abandonne pas ton cœur au chagrin,
repousse-le. Songe à ta propre fin.k

k Ou simplement « songe à l’avenir ». L’expression ta eschata, 7.36 ; 26.6 ; 48.24, est difficile à traduire.

21 Ne l’oublie pas : il n’y a pas de retour,
tu ne servirais de rien au mort et tu te ferais du mal.
22 « Souviens-toi de ma sentencel qui sera aussi la tienne :
moi hier, toi aujourd’hui ! »m

l « ma sentence » (c’est le mort qui parle), ou « la sentence », S, ou « sa sentence », Vaticanus, hébr. Mais quelle que soit la leçon adoptée, il s’agit de la sentence qui condamne tout homme à mourir, Gn 2.17 ; 3.3, 4.

m C’est-à-dire j’étais vivant hier comme tu l’es aujourd’hui. — Hébr. « lui hier ».

23 Dès qu’un mort repose, laisse reposer sa mémoire,
console-toi de lui dès que son esprit est parti.

Métiers manuels.n

24 La sagesse du scribe s’acquiert aux heures de loisir
et celui qui est libre d’affaires devient sage.

n On a rapproché ce passage d’un ancien texte égyptien, connu sous le nom de « Satire des métiers ». On notera que Ben Sira limite sa description aux métiers typiquement palestiniens.

25 Comment deviendrait-il sage, celui qui tient la charrue,
dont toute la gloire est de brandir l’aiguillon,
qui mène des bœufs et ne les quitte pas au travail,
et qui ne parle que de bétail ?
26 Son cœur est occupé des sillons qu’il trace
et ses veilles se passent à engraisser des génisses.
27 Pareillement tous les ouvriers et gens de métier
qui travaillent jour et nuit,
ceux qui font profession de graver des sceaux
et qui s’efforcent d’en varier le dessin ;
ils ont à cœur de bien reproduire le modèle
et veillent pour achever leur ouvrage.
28 Pareillement le forgeron assis près de l’enclume :
il observe le travail du fer ;
la vapeur du feu lui ronge la chair,
dans la chaleur du four il se démène ;
le bruit du marteau l’assourdit,o
il a les yeux rivés sur son modèle ;
il met tout son cœur à bien faire son travail
et il passe ses veilles à le parfaire.

o « assourdit » conj. qui suppose l’hébr. yeherash lu par le traducteur grec yehaddesh (confusion fréquente du resh et du dalet), « renouvelle ».

29 Pareillement le potier, assis à son travail,
de ses pieds faisant aller son tour,
sans cesse préoccupé de son ouvrage,
tous ses gestes sont comptés ;p

p Traduction incertaine ; litt. « son activité est comptée » ou « chiffrée », peut-être parce qu’il doit fournir un nombre fixé de pièces à la fin de la journée.

30 de son bras il pétrit l’argile,
de ses pieds il la contraint ;
il met son cœur à bien appliquer le vernis
et pendant ses veilles il nettoie le foyer.
31 Tous ces gens ont mis leur confiance en leurs mains
et chacun est habileq dans son métier.

q Littéralement « sage ». C’est une forme élémentaire de sagesse que l’habitude manuelle, cf. Ex 35.30—36.1 ; 1 R 5.20 ; 7.13-14. Mais elle ne peut se comparer à celle du scribe, cf. 39.1-11.

32 Sans eux nulle cité ne pourrait se construire,
on ne pourrait ni s’installer ni voyager.
Mais on ne cherche pas à les avoir au conseil du peuple
33 et à l’assemblée ils n’ont pas un rang élevé.
Ils n’occupent pas le siège du juge
et ne méditent pas sur la loi.r
Ils ne brillent ni par leur culture ni par leur jugement,
on ne les trouve pas occupés aux proverbes.s

r Littéralement « le décret (diathêkê) du droit », cf. 45.17. Chez le traducteur de Ben Sira, le mot grec diathêkê ne désigne pas l’alliance, mais une ordonnance du droit biblique.

s Confusion possible du traducteur deux mots hébreux semblables signifient l’un proverbes et l’autre chefs ; on peut donc comprendre aussi « on ne les rencontre pas parmi les chefs ».

34 Mais ils assurent une création éternelle,
et leur prière a pour objet les affaires de leur métier.

Le scribe.

Il en va autrement de celui qui applique son âme
et sa méditation à la loi du Très-Haut.

39 Il scrute la sagesse de tous les anciens,
il consacre ses loisirs aux prophéties.t

t Loi, sagesse, prophéties, ce sont, semble-t-il, les trois parties de l’Écriture, selon l’ordre de la LXX ; cf. Prologue 1, 8-10, 24-25.

2 Il conserve les récits des hommes célèbres,
il pénètre dans les détours des paraboles.u

u Le scribe est d’abord le conservateur des Écritures, mais il a aussi la charge de les expliquer au peuple ; cf. Esd 7.6. Sur la parabole ou mâshâl, cf. l’Introduction.

3 Il cherche le sens caché des proverbes,
il se complaît aux secrets des paraboles.
4 Il prend son service parmi les grands,
on le remarque en présence des chefs.
Il voyage dans les pays étrangers,v
il a fait l’expérience du bien et du mal parmi les hommes.

v Le scribe est souvent fonctionnaire, ministre, ambassadeur.

5 Dès le matin, de tout son cœur,
il se tourne vers le Seigneur, son créateur ;
il supplie en présence du Très-Haut,
il ouvre la bouche pour la prière,
il supplie pour ses propres péchés.
6 telle est la volonté du Seigneur grand,
il sera rempli de l’esprit d’intelligence.
Lui-même répandra ses paroles de sagesse,
dans sa prière il rendra grâce au Seigneur.
7 Il acquerra la droiture du jugement et de la connaissance,
il méditera ses mystères cachés.
8 Il fera paraître l’instruction qu’il a reçue
et mettra sa fierté dans la loi de l’alliance du Seigneur.
9 Beaucoup vanteront son intelligence
et jamais on ne l’oubliera.
Son souvenir ne s’effacera pas,
son nom vivra de génération en génération.
10 Des nations proclameront sa sagesse
et l’assemblée célébrera ses louanges.
11 S’il vit longtemps son nom sera plus glorieux que mille autres,
et s’il meurt cela lui suffit.w

w « cela lui suffit » ekpoiei conj. ; « il produit pour soi (?) » empoiei grec. — Texte difficile. Le sens semble être que s’il meurt sans avoir eu le temps d’atteindre la gloire humaine le scribe ne doit pas regretter ses efforts.

Invitation à louer Dieu.

12 Je veux encore faire part de mes réflexions,
dont je suis rempli comme la lune en son plein.
13 Écoutez-moi, mes pieux enfants, et grandissez
comme la rose plantée au bord d’un cours d’eau.
14 Comme l’encens répandez une bonne odeur,
fleurissez comme le lis, donnez votre parfum,
chantez un cantique,
bénissez le Seigneur pour toutes ses œuvres.
15 Magnifiez son nom,
publiez ses louanges,
par vos chants, sur vos cithares,
et vous direz à sa louange :
16 Qu’elles sont magnifiques, toutes les œuvres du Seigneur !
tous ses ordres sont exécutés ponctuellement.
17 Il ne faut pas dire : Qu’est-ce que cela ? Pourquoi cela ?
Tout doit être étudié en son temps.x
À sa parole l’eau s’arrête et s’amasse,
à sa voix se forment les réservoirs des eaux,y

x Ces deux stiques, qui ne se trouvent que dans le grec, sont partiellement un doublet du v. 21. Ils semblent signifier inutile de poser prématurément des questions sur l’ordre du monde. Un jour ou l’autre, par la récompense ou le châtiment, Dieu fera voir l’utilité de tel élément qui posait des questions (vv. 21, 34). Alors le sage qui étudiera « en son temps » comprendra. Il peut y avoir dans ce passage un essai de mise au point de certaines pages pessimistes de l’Écclésiaste.

y Allusion aux nombreux miracles concernant l’eau création, Gn 1.9, déluge, Gn 7.11, passage de la mer, Ex 14.21-22, et du Jourdain, Jos 3.16, et peut-être aussi au mystère des nuages, réservoirs inépuisables. Cf. Ps 104.6-13.

18 sur son ordre tout ce qu’il désire s’accomplit,
il n’est personne qui arrête son geste de salut.
19 Toutes les œuvres des hommes sont devant lui,
il n’est pas possible d’échapper à son regard ;
20 son regard s’étend de l’éternité à l’éternité,
rien n’est extraordinaire à ses yeux.
21 Il ne faut pas dire : Qu’est-ce que cela ? Pourquoi cela ?
Car tout a été créé pour une fin.
22 De même que sa bénédiction a tout recouvert comme un fleuvez
et abreuvé la terre comme un déluge,

z L’auteur songe aux crues bienfaisantes du Nil. — L’hébr. porte « comme un Nil ».

23 de même aux nations il donne sa colère en partage,
ainsi a-t-il changé les eaux en sel.
24 ses voies sont unies pour les hommes pieux,
elles sont pour les méchants pleines d’obstacles.
25 Les biens ont été créés pour les bons dès le commencement,
et de même, pour les méchants, les maux.a

a « les maux ; var. hébr. « le bien ou le mal ».

26 Ce qui est de première nécessité pour la vie de l’homme,
c’est l’eau, le feu, le fer et le sel,
la farine de froment, le lait et le miel,
le jus de la grappe, l’huile et le vêtement.
27 Tout cela est un bien pour les bons,
mais pour les pécheurs cela devient un mal.

28 Il y a des vents créés pour le châtiment
et dans leur fureur ils renforcent leurs fléaux,b
à l’heure de la consommation ils déchaînent leur violence
et assouvissent la fureur de leur Créateur.

b Gr II et syr. « et dans sa fureur il renforça ses fléaux »; il s’agit alors de Dieu.

29 Le feu, la grêle, la famine et la mort,
tout cela a été créé pour le châtiment.c

c Testament des XII Patriarches « Il (le ciel inférieur) contient le feu, la neige, la glace, prêts pour le jour du jugement, dans le juste jugement de Dieu. Car c’est là que sont les esprits de vengeance pour le châtiment des hommes » (Lv 3.2). Ben Sira considère aussi les fléaux comme tenus en réserve, mais sa perspective ne paraît pas être proprement eschatologique.

30 Les dents des fauves, les scorpions et les vipères,
l’épée vengeresse pour la perte des impies,
31 tous se font une joie d’exécuter ses ordres,
ils sont sur la terre prêts pour le cas de besoin,
le moment venu ils n’enfreindront pas sa parole.
32 C’est pourquoi dès le début j’étais décidé,
j’ai réfléchi et j’ai écrit :d

d C’est l’annonce solennelle de la conclusion optimiste tout est voulu par Dieu pour une fin. Tout est dans l’ordre et l’homme n’a pas de raison de se plaindre ; il ne souffre que s’il l’a mérité.

33 « Les œuvres du Seigneur sont toutes bonnes,
il donne sa faveur à qui en a besoin, à l’heure propice.
34 Il ne faut pas dire : « Ceci est pire que cela ! »
car tout en son temps sera reconnu bon.
35 Et maintenant de tout cœur, à pleine bouche, chantez,
et bénissez le nom du Seigneur ! »

Misère de l’homme.e

40 Un sort pénible a été fait à tous les hommes,
un joug pesant accable les fils d’Adam,
depuis le jour qu’ils sortent du sein maternel
jusqu’au jour de leur retourf à la mère universelle.

e Ce développement sur la misère universelle fait contraste avec le chap. précédent. Ce n’est pas incohérence dans la pensée de Ben Sira. Cette misère s’explique puisqu’elle est la conséquence du péché, v. 10.

f « retour » Gr II, hébr. ; « sépulture » texte reçu.

2 L’objet de leurs réflexions, la crainte de leur cœur,
c’est l’attente anxieuse du jour de leur mort.
3 Depuis celui qui siège sur un trône, dans la gloire,
jusqu’au miséreux assis sur la terre et la cendre,
4 depuis celui qui porte la pourpre et la couronne
jusqu’à celui qui est vêtu d’étoffe grossière,
ce n’est que fureur, envie, trouble, inquiétude,
crainte de la mort, rivalités et querelles.
5 Et à l’heure où, couché, l’on repose,
le sommeil de la nuit ne fait que varier les soucis :g

g D’après l’hébr. (incertain) et le contexte, on peut comprendre le sommeil lui apporte d’autres idées non moins pénibles. Cf. Qo 2.22, 23.

6 à peine a-t-on trouvé le repos
qu’aussitôt, dormant, comme en plein jour,h
on est agité de cauchemars,
comme un fuyard échappé du combat.

h « comme en plein jour » conj. ; « comme au jour de l’observation » grec.

7 Au moment de la délivrance on s’éveille,
tout surpris que sa peur soit vaine.
8 Pour toute chair, de l’homme à la bête,
mais pour les pécheurs, au septuple,
9 la mort, le sang, la querelle et l’épée,
malheurs, famine, tribulation, calamité !
10 Tout cela a été créé pour les pécheurs,
et c’est à cause d’eux que vint le déluge.
11 Tout ce qui vient de la terre retourne à la terre,
et ce qui vient de l’eau fait retour à la mer.i

i Hébr. « et ce qui vient d’en haut retourne en haut », cf. Qo 12.7.

Maximes diverses.

12 Les pots-de-vin et les injustices disparaîtront,
mais la bonne foi tiendra éternellement.
13 Les richesses mal acquises s’évanouiront comme un torrent,
comme le coup de tonnerre qui éclate pendant l’averse.
14 Quand il ouvre les mains, il se réjouit,j
ainsi les pécheurs iront à la ruine.

j Texte difficile. Il s’agit peut-être du juste dont la générosité est source de joie.

15 Les rejetons des impies sont pauvres de rameaux,
les racines impures ne trouvent qu’âpre rocher.
16 Le roseau qui abonde sur toutes les eaux et sur les bords du fleuve
sera arraché le premier.k

k Littéralement « avant toute herbe »; hébr. « avant toute pluie ».

17 La charité est comme un paradis de bénédiction
et l’aumône demeure à jamais.l

l Hébr. « La piété ne sera jamais ébranlée et la justice demeure à jamais. »

18 L’homme indépendant et le travailleur ont la vie douce ;
mieux loti encore celui qui trouve un trésor.
19 Des enfants et une ville fondée perpétuent un nom ;
mieux encore apprécie-t-on une femme irréprochable.m

m Hébr. et syr. ajoutent entre les deux stiques « mieux encore la trouvaille de la sagesse. Bétail, plantation font une notoriété. »

20 Le vin et les arts mettent la joie au cœur ;
mieux encore l’amour de la sagesse.n

n Hébr. « Le vin et les boissons mettent la joie au cœur, mais plus que ces deux choses, l’affection entre amis (syr. ; ou entre époux). »

21 La flûte et la cithare agrémentent le chant ;
mieux encore une voix mélodieuse.
22 Grâce et beauté, l’œil les désire,
mieux encore la verdure des champs.
23 Ami et camarade se rencontrent au bon moment ;
mieux encore la femme et l’homme.
24 Frères et protecteurs sont utiles aux mauvais jours ;
mieux encore l’aumône tire d’affaire.
25 L’or et l’argent rendent la démarche ferme ;
mieux encore estime-t-on le conseil.
26 La richesse et la force donnent un cœur assuré ;
mieux encore la crainte du Seigneur.
Avec la crainte du Seigneur rien ne manque ;
avec elle on n’a pas à chercher d’appui.
27 La crainte du Seigneur est un paradis de bénédiction ;
mieux que toute gloire elle protège.

Mendicité.

28 Mon fils, ne vis pas de mendicité,
mieux vaut mourir que mendier.
29 L’homme qui louche vers la table d’autrui,
sa vie ne saurait passer pour une vie.
Il se souille la gorge de nourritures étrangères,
un homme instruit et bien élevé s’en gardera.o

o Hébr. « c’est une torture intérieure pour l’homme de sens. »

30 À la bouche de l’impudent la mendicité est douce,
mais à ses entrailles, c’est un feu brûlant.

La mort.

41 Ô mort, quelle amertume que ta pensée
pour l’homme qui vit heureux et au milieu de ses biens,
pour l’homme serein à qui tout réussit
et qui peut encore goûter la nourriture.p

p « la nourriture »; hébr. « le plaisir ».

2 Ô mort, ta sentence est la bienvenue
pour l’homme misérable et privé de ses forces,
pour le vieillard usé, agité de soucis,
révolté et à bout de patience.

3 Ne redoute pas l’arrêt de la mort,
souviens-toi de ceux d’avant toi et de ceux d’après toi.
4 C’est la loi que le Seigneur a portée sur toute chair ;
pourquoi se révolter contre le bon plaisir du Très-Haut ?
Que tu vives dix ans, cent ans, mille ans,
au shéol on ne te reprochera pas ta vie.q

q Puisque l’aboutissement est le même pour tous, on ne fait pas de reproche à ceux qui ont vécu plus longtemps.

Destin des impies.

5 De méchants garnements, tels sont les fils des pécheurs,
ceux qui hantent les maisons des impies.
6 L’héritage des fils des pécheurs va à la ruine,
leur postérité est l’objet d’un continuel reproche.
7 Un père impie est insulté par ses enfants,
car c’est de lui qu’ils tiennent le déshonneur.
8 Malheur à vous, impies,
qui avez délaissé la loi du Dieu Très-Haut.
9 Si vous multipliez, c’est pour la perdition :r
Si vous êtes engendrés, vous le serez pour la malédiction ;
et si vous mourez, la malédiction sera votre part.

r Hébr. donne pour 41.9-10 « vous multipliez, c’est pour la perdition ; si vous engendrez, c’est pour l’affliction ; si vous trébuchez, c’est pour la joie éternelle (syr. « pour la joie du peuple ») ; si vous mourez, c’est pour la malédiction. Tout ce qui vient du néant retourne au néant ; ainsi l’impie qui vient de rien retourne à rien. »

10 Tout ce qui vient de la terre retourne à la terre,
ainsi vont les impies de la malédiction à la ruine.
11 Le deuil des hommes s’adresse à leurs dépouilles,
mais le nom maudit des pécheurs s’efface.s

s Hébr. « en son corps l’homme est vanité, mais le renom de la bonté ne s’efface pas. »

12 Aie souci de ton nom, car il te restera
bien mieux que mille fortunes en or.
13 Une vie heureuse dure un certain nombre de jours,
mais un nom honoré demeure à jamais.

La honte.

14 Mes enfants, gardez en paix mes instructions.

Sagesse cachée et trésor invisible,
à quoi servent-ils l’un et l’autre ?
15 Mieux vaut un homme qui cache sa folie
qu’un homme qui cache sa sagesse.

16 Ainsi donc éprouvez la honte selon ce que je vais dire,
car il n’est pas bon de se plier à toute espèce de honte
et tout n’est pas exactement apprécié de tous.
17 Ayez honte de la débauche devant un père et une mère
et du mensonge devant un chef et un puissant ;
18 du délit devant un juge et un magistrat
et de l’impiété devant l’assemblée du peuple ;
de la perfidie devant un compagnon ou un ami
19 et du vol devant ton village ;
de la vérité de Dieu et d’alliance,
de plier les coudes à table,t
de l’affront en recevant ou en donnant,

t « à table », litt. « sur les pains »; s’agit-il d’une règle de savoir-vivre ? Cela semble peu en accord avec le contexte. L’hébr. est aussi peu intelligible « de violer serment et alliance, de tendre les coudes vers le pain, de refuser de donner ce qu’on demande »; l’hébr. donne ensuite un ordre différent, plus satisfaisant 41.21ab, 20a, 21c, 20b, 22.

20 de rester sans réponse devant ceux qui te saluent,
d’arrêter ton regard sur une prostituée,
21 de repousser ton compatriote,
de t’approprier la part d’un autre ou le cadeau qui lui est fait,
de regarder une femme en puissance de mari,
22 d’avoir des privautés avec une servante,
— ne t’approche pas de son lit ! —
d’avoir des paroles blessantes devant tes amis,
— après avoir donné ne fais pas de reproches ! —

42 de répéter ce que tu entends dire
et de révéler les secrets.
Alors tu connaîtras la véritable honte
et tu trouveras grâce devant tous les hommes.
Mais de ce qui suit n’aie pas honteu
et ne pèche pas en tenant compte des personnes :

u Ben Sira proclame la licéité, voire la convenance de certains actes auxquels s’opposaient le respect humain ou les préjugés.

2 n’aie pas honte de la loi du Très-Haut ni de l’alliance,
du jugement qui rend justice aux impies,v

v Les impies sont peut-être les étrangers l’auteur recommanderait de leur rendre justice comme aux Israélites.

3 de compter avec un compagnon de voyage,w
de distribuer ton héritage à tes amis,

w « compter » en lisant logismou d’après l’hébr. au lieu de logou . — « compagnon de voyage » conj. ; « un compagnon et des voyageurs » grec.

4 d’examiner les balances et les poids,
d’obtenir de petits et de grands profits,
5 de faire du bénéfice en matière commerciale,x
de corriger sévèrement tes enfants,
de meurtrir les flancs de l’esclave vicieux.

x Cf. en sens contraire 26.29 ; 27.2. Le commerce est légitime, mais il est plein de tentations.

6 Avec une femme curieuse il est bon d’utiliser le sceau,
là où il y a beaucoup de mains, mets les choses sous clef !
7 Pour les dépôts, comptes et poids sont de rigueur,
et que tout, doit et avoir, soit mis par écrit.
8 N’aie pas honte de corriger l’insensé et le sot,
et le vieillard décrépit qui discute avec des jeunes.y
Ainsi tu te montreras vraiment instruit
et tu seras approuvé de tout le monde.

y Hébr. « qui pèche par fornication ».

Soucis d’un père pour sa fille.

9 Sans le savoir une fille cause à son père bien du souci ;z
le tracas qu’elle lui donne l’empêche de dormir :
jeune, c’est la crainte qu’elle ne tarde à se marier,
et, mariée, qu’elle ne soit prise en grippe.

z Hébr. « une fille est pour son père un trésor trompeur ».

10 Vierge, si elle se laissait séduire
et devenait enceinte dans la maison paternelle !
En puissance de mari, si elle faisait une faute,
établie, si elle demeurait stérile !
11 Ta fille est indocile ? Surveille-la bien,
qu’elle n’aille pas faire de toi la risée de tes ennemis,
la fable de la ville, l’objet des commérages,
et te déshonorer à l’assemblée publique.

Les femmes.

12 Devant qui que ce soit ne t’arrête pas à la beauté
et ne t’assieds pas avec les femmes.a

a Avant 42.12, hébr. et syr. ajoutent « Dans le lieu où elle habite qu’il n’y ait ni fenêtre ni pièce ayant vue sur les accès tout autour »; cf. 2 M 3.19. En hébr., He 42.12 continue le passage précédent « Qu’elle ne montre à aucun homme sa beauté, qu’elle ne bavarde pas avec les femmes. »

13 Car du vêtement sort la teigne
et de la femme une malice de femme.
14 Mieux vaut la malice d’un homme que la bonté d’une femme :
une femme cause la honte et les reproches.b

b Ben Sira est plus sévère que les Proverbes, qui pourtant ne sont guère indulgents pour les femmes. Il faut faire la part du paradoxe, mais noter aussi que le rabbinisme postérieur manifeste la même tendance. Ce n’est pas un jugement absolu sur les femmes, mais un rappel des dangers du libertinage. L’hébr., discuté, pourrait signifier « et une fille qui craint plutôt que toute ignominie. »