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Bible de Jérusalem

Sagesse 1-6

SAGESSE DE SALOMON

Introduction au livre de la Sagesse

I. La Sagesse et la destinée humaine

Chercher Dieu et fuir le péché.

1 Aimez la justice,a vous qui jugez la terre,b
ayez sur le Seigneur de droites pensées
et cherchez-lec en simplicité de cœur,

a Même formule grecque en Ps 44.8 (45) et 1 Ch 29.17. Par « justice » il faut entendre le plein accord de la pensée et de l’action avec la volonté divine, telle qu’elle s’exprime par les préceptes de la Loi et les injonctions de la conscience.

b Cf. Ps 2.10. « Juger », c’est l’acte essentiel du gouvernement. L’auteur, qui, par une fiction littéraire, se donnera pour Salomon 7.7-11 ; 9.7-8, 12, s’adresse apparemment à ses collègues en royauté (cf. 6.1-11). En réalité, il veut toucher les Juifs menacés par le paganisme ambiant.

c « chercher Dieu » pour « le trouver », invitation constante de la littérature prophétique et sapientielle, cf. Am 5.4. Mais l’influence de 1 Ch 28.9 semble plus directe. Sur la « simplicité de cœur », cf. 1 Ch 29.17 ; Ep 6.5 ; Col 3.22.

2 parce qu’il se laisse trouver par ceux qui ne le tentent pas,
il se révèled à ceux qui ne lui refusent pas leur foi.

d Même expression grecque en Jr 29.13-14 (LXX : 36) et Isa 65.1.

3 Car les pensées tortueuses éloignent de Dieu,
et, mise à l’épreuve, la Puissancee confond les insensés.

e La Puissance divine à l’œuvre dans le monde et qui sera identifiée tour à tour avec l’Esprit ou sa Sagesse.

4 Non, la Sagesse n’entre pas dans une âme malfaisante,
elle n’habite pas dans un corps tributaire du péché.f

f Le corps n’est pas mauvais par lui-même. Mais il peut se faire l’instrument du péché, et devenir ainsi le tyran de l’âme. Saint Paul, Rm 7.14-24, et saint Jean, Jn 8.34, donneront à cette pensée son expression définitive.

5 Car l’esprit saint, l’éducateur,g fuit la fourberie,
il se retire devant des pensées sans intelligence,
il s’offusqueh quand survient l’injustice.

g « L’éducateur » litt. « de l’éducation »; var. « de la sagesse ». — L’éducation israélite, dispensée traditionnellement par les sages, est placée sous l’influence d’un « esprit saint » cf. Ps 51.13 ; Isa 63.10-11 ; déjà certains textes avaient représenté l’Esprit divin comme le guide d’Israël dans le passé, Ne 9.20, 30 ; Isa 63.10-11, ou comme une force intérieure, Ps 51.13 ; Ez 11.19 ; 36.26-27 ; par ailleurs, la Sagesse assumait parfois le rôle des maîtres de sagesse, Pr 1-9, ou tendait à s’identifier avec l’Esprit, cf. vv. 6-7 ; 7.22 ; 9.17.

h Texte difficile ; litt. « est confondu », « mis en échec ».

6 La Sagesse est un esprit ami des hommes,
mais elle ne laisse pas impuni le blasphémateur pour ses propos ;
car Dieu est le témoin de ses reins,
le surveillant véridique de son cœur,i
et ce que dit sa langue, il l’entend.

i Les « reins » sont le siège des passions et des impulsions conscientes, Jb 19 : 27 ; Ps 16.7 ; 73.21 ; Pr 23.16 ; le « cœur », celui de l’activité consciente, intellectuelle aussi bien qu’affective, Gn 8.21. « Cœur » et « reins » sont souvent associés, Ps 7.10 ; 26.2 ; Jr 11.20 ; 17.10 ; 20.12 ; Ap 2.23, pour désigner l’ensemble des puissances intérieures de l’homme.

7 L’esprit du Seigneur en effet remplit le monde,j
et lui, qui tient uniesk toutes choses, a connaissance de chaque mot.l

j L’omniprésence de Dieu, affirmée en Jr 23.24 (cf. aussi Am 9.2-3 ; 1 R 8.27), est envisagée en fonction de son Esprit d’après Ps 139.7 et les textes qui attribuent à celui-ci une activité vivifiante universelle, Jdt 16.14 ; Jb 34.14-15 ; Ps 104.30. Cf. 12.1.

k Le terme traduit par cette expression est emprunté au vocabulaire stoïcien. Il marque avec force le rôle de l’esprit du Seigneur dans la cohésion de l’univers. Mais le terme, transposé, désigne la puissance immanente d’un Dieu transcendant.

l L’Esprit relie si intimement les êtres qu’il perçoit immédiatement chaque mot proféré. En vertu d’une accommodation, la liturgie de la Pentecôte applique ce texte au « don des langues », Ac 2.2-4.

8 Nul ne saurait donc se dérober, qui profère des méchancetés,
la Justice vengeresse ne le laissera pas échapper.
9 Sur les desseins de l’impie il sera fait enquête,
le bruit de ses paroles ira jusqu’au Seigneur,
pour preuve de ses forfaits.
10 Une oreille jalouse écoute tout,
la rumeur même des murmures ne lui échappe pas.
11 Gardez-vous donc des vains murmures,
épargnez à votre langue la médisance ;m
car un mot furtif ne demeure pas sans effet,
une bouche calomnieuse donne la mort à l’âme.

m Contre Dieu et le prochain.

12 Ne recherchez pas la mort par les égarements de votre vie
et n’attirez pas sur vous la ruine par les œuvres de vos mains.
13 Car Dieu n’a pas fait la mort,n
il ne prend pas plaisir à la perte des vivants.

n L’auteur envisage à la fois la mort physique et la mort spirituelle, liées l’une à l’autre :le péché est la cause de la mort et, pour l’homme pécheur, la mort physique est aussi la mort spirituelle et éternelle. L’auteur renvoie ici au récit de Gn 2-3 :pour en dégager les intentions du Créateur :l’homme a été fait pour l’immortalité et rien dans la création ne peut faire échec à la volonté divine ; déjà les générations successives perpétuent la vie. — Saint Paul, Rm 5.12-21, reprendra la doctrine de la mort introduite par le péché, en opposant au premier Adam pécheur le nouvel Adam sauveur.

14 Il a tout créé pour l’être ;o
les générations dans le monde sont salutaires,
en elles il n’est aucun poison destructeur,
et l’Hadèsp ne règne pas sur la terre ;

o Dieu, « Celui qui est », Ex 3.14, a créé toutes choses pour qu’elles « soient », pour qu’elles aient une vie réelle, solide, durable.

p L’« Hadès » — le shéol des Hébreux, Nb 16.33 — représente ici, non pas le séjour des morts, mais la puissance de la Mort personnifiée, cf. Mt 16.18 ; Ap 6.8 ; 20.14.

15 car la justice est immortelle.q

q Celui qui pratique la « justice » (cf. 1.1) est assuré de l’immortalité. — Des mss lat. ajoutent « Mais l’injustice est l’acquisition de la mort ». Cette addition, mal attestée, ne doit pas représenter le texte grec original.

La vie selon les impies.

16 Mais les impiesr appellent la mort du geste et de la voix ;
la tenant pour amie, pour elle ils se consument,
avec elle ils font un pacte,
dignes qu’ils sont de lui appartenir.s

r Les « impies » sont ici avant tout des Juifs renégats, cyniques et jouisseurs, qui vont jusqu’à persécuter leurs frères et défier Dieu. Mais les païens matérialistes avec lesquels ils se confondent ou dont ils adoptent les maximes de vie ne sont pas exclus.

s Littéralement « d’être la part de celle-ci »; cf. 2.9, 24. Les impies sont la part de la mort, comme Israël est la part de Dieu, Dt 32.9 ; 2 M 1.26 ; Za 2.16, et comme Dieu est la part du fidèle, Ps 16.5 ; 73.26 ; 142.6.

2 Car ils disent entre eux, dans leurs faux calculs :

« Courte et triste est notre vie ;t
il n’y a pas de remède lors de la fin de l’homme
et on ne connaît personne qui soit revenuu de l’Hadès.

t Cette appréciation pessimiste de la vie se rencontre ailleurs dans la Bible, cf. Gn 47.9 ; Jb 14.1-2 ; Ps 39.5-7 ; 90.9-10 ; Qo 2.23 ; Si 40.1-2 ; on la retrouve aussi dans la littérature grecque, mais avec un désarroi plus profond ou une note mélancolique plus accentuée.

u Ou peut-être « qui ait délivré ». L’Hadès désigne ici, comme en Ap 1.18, le séjour des morts, Nb 16.33, d’où l’on ne peut remonter, Jb 7.9, et non plus la puissance de la mort personnifiée comme plus haut, 1.14. Les impies ne croient même pas à son existence et nient celle-ci à partir de l’expérience.

2 Nous sommes nés du hasard,v
après quoi nous serons comme si nous n’avions pas existé.
C’est une fumée que le souffle de nos narines,
et la pensée, une étincelle qui jaillit au battement de notre cœur ;

v Le concours fortuit d’éléments ou d’atomes explique l’origine de chaque individu et cet assemblage se défait entièrement à la mort. Ensuite (2c-d), le souffle vital est ramené à un phénomène d’échauffement et de combustion de l’air, la pensée, à une étincelle que fait jaillir « le battement du cœur ». Cette explication mécaniste durcit certaines théories grecques pour mieux pulvériser la réalité de l’âme ; en même temps elle prend le contre-pied de doctrines bibliques, avec une allusion ironique au « souffle des narines », Gn 2.7 ; Jb 27.3.

3 qu’elle s’éteigne, le corps s’en ira en cendre
et l’esprit se dispersera comme l’air inconsistant.
4 Avec le temps, notre nom tombera dans l’oubli,w
nul ne se souviendra de nos œuvres ;
notre vie passera comme les traces d’un nuage,
elle se dissipera comme un brouillard
que chassent les rayons du soleil
et qu’abat sa chaleur.

w Dans la Bible cet oubli est présenté souvent comme le châtiment des impies, cf. Dt 9.14 ; Jb 18.17 ; Ps 9.6-7 ; Si 44.9, etc., mais quelques textes l’appliquent à tous les morts sans distinction, Ps 31.13 ; Qo 2.16 ; 9.5.

5 Oui, nos jours sont le passage d’une ombre,
notre fin est sans retour,
le sceau est apposé et nul ne revient.x

x Ou « ne fait revenir ».

6 Venez donc et jouissons des biens présents,
usons des créatures avec l’ardeur de la jeunesse.
7 Enivrons-nous de vins de prix et de parfums,
ne laissons point passer la fleur du printemps,y

y « Du printemps » mss grecs, syr. hex., arm. ; « de l’air » texte reçu et syr.

8 couronnons-nous de boutons de roses, avant qu’ils ne se fanent,
9 qu’aucune prairiez ne soit exclue de notre orgie,
laissons partout des signes de notre liesse,
car telle est notre part, tel est notre lot !

z « Qu’aucune prairie » mèdeis leimôn conj. d’après lat. ; « qu’aucun de nous » mèdeis hèmôn grec.

10 Opprimons le juste qui est pauvre,a
n’épargnons pas la veuve,
soyons sans égards pour les cheveux blancs chargés d’années du vieillard.b

a Sarcasme :Le « juste » est « pauvre », malgré les promesses formelles de l’Écriture, Ps 37.25 ; 112.3 ; Pr 3.9-10 ; 12.21, etc.

b Ceux-là mêmes que l’Écriture prescrit de respecter et de protéger.

11 Que notre force soit la loi de la justice,c
car ce qui est faible s’avère inutile.

c Cette norme qui entraîne le mépris des faibles se substitue à la Loi qui trace le chemin de la justice. La Bible connaît ce primat de la force, Jb 12.6 ; Ha 1.7, 11, et le montre souvent à l’œuvre ; certaines théories grecques justifiaient le droit du plus fort comme étant conforme à la nature. Cf. par contre 12.16.

12 Tendons des pièges au juste, puisqu’il nous gêned
et qu’il s’oppose à notre conduite,
nous reproche nos fautes contre la Loi
et nous accuse de fautes contre notre éducation.

d Influence littéraire d’Isa 3.10 (LXX), à moins que la dépendance ne se soit exercée en sens inverse.

13 Il se flatte d’avoir la connaissance de Dieue
et se nomme enfant du Seigneur.

e Non seulement la connaissance du Dieu unique, mais celle de ses volontés, Rm 2.17-20, mises en pratique, peut-être aussi celle de ses desseins mystérieux sur l’homme (cf. 2.22).

14 Il est devenu un blâme pour nos pensées,
sa vue même nous est à charge ;
15 car son genre de vie ne ressemble pas aux autres,
et ses sentiers sont tout différents.f

f Les impies reprennent les griefs formulés souvent contre le peuple juif, séparé du reste des hommes par ses croyances et ses pratiques.

16 Il nous tient pour chose frelatée
et s’écarte de nos chemins comme d’impuretés.
Il proclame heureux le sort final des justesg
et il se vante d’avoir Dieu pour père.

g Allusion possible à l’histoire de Job, Jb 42.12-15, si l’horizon reste limité aux rétributions temporelles. Mais l’expression évoque peut-être, de la part du juste, l’assurance d’une récompense dans l’au-delà, et les impies en déformeraient la portée.

17 Voyons si ses dires sont vrais,
expérimentons ce qu’il en sera de sa fin.h

h Lat. ajoute « et nous saurons quel sera son sort final ». C’est une seconde traduction du texte grec.

18 Car si le juste est fils de Dieu,i Il l’assistera
et le délivrera des mains de ses adversaires.

i Dans la Bible, l’expression « fils de Dieu » désigne souvent Israël ou les Israélites, Ex 4.22-23 ; Dt 14.1 ; Isa 1.2 ; Os 11.1. Mais on note ensuite la tendance à la réserver aux seuls justes ou au peuple de l’avenir, cf. déjà Os 2.1. Elle reçoit parfois une application individuelle, 2 S 7.14 ; Ps 2.7 ; Si 4.10. Mais s’il arrive à un Israélite d’invoquer Dieu comme père, Si 23.1, 4 ; 51.10 ; cf. aussi Ps 89.27, aucun ne se désigne de lui-même comme « son fils ». Dans le reste du livre, le titre est attribué aux Israélites du passé membres d’un peuple saint, 9.7 ; 12.19, 21 ; 16.10, 26 ; 18.4, 13.

19 Éprouvons-le par l’outrage et la torture
afin de connaître sa sérénité
et de mettre à l’épreuve sa résignation.
20 Condamnons-le à une mort honteuse,
puisque, d’après ses dires, il sera visité. »j

j Littéralement « il y aura une visite (de Dieu) pour lui ». Sur cette « visite » cf. 3.7. — Les correspondances avec la Passion du Christ condamné à une « mort honteuse » parce qu’il se déclarait « fils de Dieu » ont frappé les premières générations chrétiennes, cf. Mt 27.43, et nombre de Pères ont considéré ce passage comme prophétique. L’auteur a directement en vue les Juifs fidèles d’Alexandrie, raillés et persécutés par les renégats et leurs alliés païens. Mais il est amené à décrire une persécution idéale ou typique. Aussi son texte convient-il éminemment au Juste par excellence, He 12.3.

Erreur des impies.

21 Ainsi raisonnent-ils, mais ils s’égarent,
car leur malice les aveugle.
22 Ils ignorent les secrets de Dieu,k
ils n’espèrent pas de rémunération pour la sainteté,
ils ne croient pas à la récompense des âmes pures.

k Les secrets desseins de Dieu concernant la destinée immortelle de l’homme.

23 Oui, Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité,
il en a fait une image de sa propre nature ;l

l Littéralement « de sa propre propriété »; var. « de sa propre éternité » ou : « de sa propre ressemblance ». — L’auteur reprend ici d’une façon originale le thème de l’homme créé à l’image de Dieu, Gn 1.26, avec une expression recherchée qui semble insister sur l’éternité divine.

24 c’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde :m
ils en font l’expérience, ceux qui lui appartiennent !

m « Diable » traduit, dans les LXX, l’hébreu satan, cf. Jb 1.6. L’auteur interprète ici Gn 3, cf. Jn 8.44 ; 1 Jn 3.8 ; Ap 12.9 ; 20.2. La mort que le diable a fait entrer dans le monde est la mort spirituelle, avec sa conséquence la mort physique, cf. 1.13 ; Rm 5.12s.

Sort comparé des justes et des impies.

3 Les âmes des justes sont dans la main de Dieu.n
Et nul tourment ne les atteindra.

n C’est-à-dire sous sa protection, cf. Dt 33.3 ; Isa 51.16 ; Jn 10.28-29, et sa dépendance, cf. Jb 12.10.

2 Aux yeux des insensés ils ont paru bien morts,
leur départ a été tenu pour un malheur
3 et leur voyage loin de nous pour un anéantissement,
mais eux sont en paix.o

o La « paix » ne signifie pas seulement l’absence de tout mal, Isa 57.2 ; Jb 3.17-18, mais un état de sécurité ou de bonheur sous la protection (v. 1) ou dans l’intimité (v. 9) de Dieu.

4 S’ils ont, aux yeux des hommes, subi des châtiments,
leur espérance était pleine d’immortalité ;p

p L’espérance, Rm 5.2, se voit assigner un rôle capital dans la vie des justes et elle a pour objet l’immortalité, athanasia. Ce mot, inusité jusque-là dans l’AT, mais familier aux Grecs, désignait, soit l’immortalité du souvenir, cf. 8.13, soit celle de l’âme. L’auteur l’emploie ici dans le second sens, mais pour signifier l’immortalité bienheureuse dans la société de Dieu en récompense de la justice, 1.15 ; 2.23. Il précise de la sorte les espérances du Psalmiste qui ne se résignait pas à perdre par la mort l’intimité de Dieu, Ps 16.10.

5 pour une légère correction ils recevront de grands bienfaits.
Dieu en effet les a mis à l’épreuveq
et il les a trouvés dignes de lui ;

q Sur l’épreuve, pierre de touche et moyen de purification du juste, cf. Gn 22.1 ; Tb 12.13 ; Jb 1.2 ; Ps 66.10 ; Si 2 ; 1 P 1.6-7.

6 comme l’or au creuset, il les a éprouvés,
comme un parfait holocauste, il les a agréés.
7 Au temps de leur visite,r ils resplendiront,
et comme des étincelles à travers le chaumes ils courront.

r Le mot, cf. Ex 3.16, désigne ici une intervention favorable de Dieu, susceptible de coïncider avec un jugement général ou partiel. L’expression elle-même, qui reproduit litt. Jr 6.15 ; 10.15 (LXX), cf. aussi Isa 44.22, indique une phase ultérieure dans la condition des âmes justes. Le verbe suivant doit signifier leur glorification définitive ; si la notion de « resplendissement » s’applique ailleurs aux élus ressuscités, Dn 12.3 ; Mt 13.43, cette doctrine d’une résurrection corporelle ne s’explicite nulle part dans le livre.

s Dans plusieurs textes bibliques, cf. Isa 1.31 ; 5.24 ; Na 1.10 ; Abd 18 ; Za 12.6 ; Ml 3.19, l’image symbolise les effets de la colère vengeresse de Dieu ou la revanche d’Israël sur ses ennemis. Elle est ici transposée et signifie peut-être la participation des justes glorifiés à l’extermination du mal, comme prélude à l’établissement du règne de Dieu, auquel ils sont associés (v. 8).

8 Ils jugeront les nations et domineront sur les peuples,
et le Seigneur régnera sur eux à jamais.
9 Ceux qui mettent en lui leur confiance comprendront la véritét
et ceux qui sont fidèles demeureront auprès de lui dans l’amour,u
car la grâce et la miséricorde sont pour ses saints
et sa visite est pour ses élus.

t Une « vérité » qui justifiera leur confiance et leur révélera tout le dessein de Dieu.

u Ou bien, en coupant la phrase autrement « et ceux qui sont fidèles dans l’amour demeureront auprès de lui ». Selon la traduction adoptée, le bonheur des élus est donc fait à la fois de connaissance et d’amour.

10 Mais les impies auront un châtiment conforme à leurs pensées,
eux qui ont négligé le justev et se sont écartés du Seigneur.

v Ou « ce qui est juste ».

11 Car malheur à qui méprise sagesse et discipline :w
vaine est leur espérance,
sans utilité leurs fatigues,
sans profit leurs œuvres ;

w Formule empruntée à Pr 1.7. Le mot « sagesse » désigne la sagesse pratique qui fait vivre selon la vertu ; le mot « discipline », traduit ailleurs par « éducation » 1.5 ; 2.12, ou « instruction » 6.17 ; 7.14, résume les moyens nécessaires pour l’acquérir.

12 leurs femmes sont insensées,
pervers leurs enfants,
maudite leur postérité !

Mieux vaut la stérilité qu’une postérité impie.

13 Heureuse la femme stérilex qui est sans tache,
celle qui n’a pas connu d’union coupable ;y
car elle aura du fruit à la visite des âmes.z

x La stérilité était tenue pour un déshonneur ou un châtiment, la fécondité était le signe de la bénédiction divine. À la femme stérile mais fidèle est reconnue ici une fécondité spirituelle.

y Littéralement « qui n’a pas connu la couche dans l’infidélité ». L’auteur envisage avant tout le cas d’une Juive fidèle, mariée à un Juif fidèle, conformément aux prescriptions de la Loi. Il écarte donc non seulement l’adultère et la fornication, cf. He 13.4, mais aussi les relations conjugales à l’intérieur de mariages mixtes, Dt 7.3 ; Esd 9.1-2.

z Var. de nombreux mss lat. « de leurs âmes » ou « des âmes saintes ». — Cette « visite » doit être la même que celle mentionnée au v. 7.

14 Heureux encore l’eunuquea dont la main ne commet pas de forfait
et qui ne nourrit pas de pensées perverses contre le Seigneur :
il lui sera donné pour sa fidélité une grâce de choix,
un lot très délicieux dans le Temple du Seigneur.b

a L’eunuque était exclu de l’assemblée cultuelle d’Israël, Dt 23.2, mais Isa 56.3-5 avait annoncé sa réhabilitation au temps messianique, s’il observait fidèlement la Loi de Dieu. L’auteur prolonge et transpose ici ce dernier texte.

b C’est-à-dire dans le ciel, Ps 11.4 ; 18.7 ; Mi 1.2-3, etc. ; Ap 3.12 ; 7.15, où l’on partage la société de Dieu.

15 Car le fruit de labeurs honnêtes est plein de gloire,
impérissable est la racine de l’intelligence.c

c « L’intelligence » désigne le sage discernement des vrais biens qui fait vivre selon la vertu et assure la conformité aux exigences divines, cf. 4.9 ; 6.15 ; 7.7 ; 8.6, 18, 21. C’est une racine stable, Pr 12.3, et féconde, portant des fruits pour l’éternité, 1.15 ; 2.23.

16 Mais les enfants d’adultèresd n’atteindront pas leur maturité,
la postérité issue d’une union illégitime disparaîtra.

d Dans l’usage biblique, le mot « adultère » est appliqué à Israël ou aux Israélites infidèles à Dieu, cf. Isa 57.3 ; Jr 9.1 ; Ez 23.37 ; Os 3.1. On peut donc l’entendre de Juifs apostats ou de Juifs ayant contracté mariage avec une partie païenne, cf. 13, et non pas seulement des adultères au sens précis du terme. Cf. encore 4.3, 6.

17 Même si leur vie se prolonge, ils seront comptés pour rien
et, à la fin, leur vieillesse sera sans honneur,
18 s’ils meurent tôt, ils n’auront pas d’espérance
ni de consolation au jour de la décision,
19 car la fin d’une race injuste est cruelle !e

e Dans ce développement (cf. déjà v. 12) sur le sort misérable d’une descendance impie, l’auteur rejoint des motifs bibliques anciens les parents sont punis dans leurs enfants et ceux-ci, rendus solidaires dans le mal et le châtiment (cf. pourtant Ez 18.14-20), mourront soudainement ou ne connaîtront pas une vieillesse honorable (cf. pourtant Jb 21.7-33). La perspective d’un jugement sévère, v. 18, lorsque Dieu décidera en dernier ressort, rend le tableau plus sombre encore. Cf. 4.3-5.

4 Mieux vaut ne pas avoir d’enfants et posséder la vertu,f
car l’immortalité s’attache à sa mémoire,g
elle est en effet connue de Dieu et des hommes.

f La plupart des mss latins portent pour ce stique « Oh ! qu’elle est belle la race chaste avec éclat ». Cette leçon ne doit pas être la traduction primitive, mais elle témoigne de la tendance à retrouver dans le texte grec l’éloge de la chasteté, et une tradition patristique ancienne l’entend de la virginité. Cette interprétation ne s’impose pas, car l’auteur continue apparemment d’opposer la stérilité vertueuse (cf. 3.13) à la fécondité impie.

g L’immortalité dans le souvenir se prolonge en une immortalité personnelle conférée par Dieu, cf. 3.4.

2 Présente, on l’imite,
absente, on la regrette ;
dans l’éternité, ceinte de la couronne, elle triomphe,
pour avoir vaincu dans une compétition aux luttes sans tache.h

h Ou « dans une lutte dont les prix sont sans tache ». L’image est empruntée aux jeux athlétiques grecs. Le vainqueur y recevait une couronne et on lui faisait un cortège d’honneur. Cf. 1 Co 9.24.

3 Mais la nombreuse postérité des impies ne profitera pas ;
issue de rejetons bâtards, elle ne poussera pas de racines profondes,
elle n’établira pas de base solide.
4 Même si pour un temps elle monte en branches,
mal affermie, elle sera ébranlée par le vent,
déracinée par la violence des vents ;
5 ses rameaux seront brisés avant d’être formés,
leur fruit sera sans profit, n’étant pas mûr pour être mangé,
impropre à tout usage.
6 Car les enfants nés de sommeils coupables
témoignent, lors de leur examen,i de la perversité des parents.

i C’est-à-dire du jugement, cf. 1.9 ; 3.18 auquel seront soumis les enfants ; mais « leur » peut se rapporter également aux parents.

La mort prématurée du juste.j

7 Le juste, même s’il meurt avant l’âge, trouvera le repos.

j Une longue vie devait être la part du juste ici-bas, cf. Dt 4.40 ; 5.16 ; Jb 5.26 ; Ps 91.16 ; Pr 3.2, 16 ; 4.10 ; Si 1.12, 20, etc., tandis que l’impie était voué à une mort soudaine ou violente, Jb 15.20-23 ; 18.5-20 ; Ps 37 ; 73.18-20, etc., mais de telles affirmations étaient souvent contredites par les faits, cf. 2 R 23.29 ; Jb 21.7 ; Qo 8.12-14. L’auteur envisage ici un cas extrême, la mort d’un juste dans sa jeunesse (cf. v. 16), et il identifie la longévité avec une maturité intérieure qui atteint la vraie fin de la vie humaine et prédispose à l’immortalité bienheureuse.

8 La vieillesse honorable n’est pas celle que donnent de longs jours,
elle ne se mesure pas au nombre des années ;
9 c’est cheveux blancs pour les hommes que l’intelligence,
c’est un âge avancé qu’une vie sans tache.
10 Devenu agréable à Dieu, il a été aimé,
et, comme il vivait parmi des pécheurs, il a été transféré.k

k L’expression s’inspire du récit de l’enlèvement d’Hénok, Gn 5.24 ; Si 44.16 ; He 11.5.

11 Il a été enlevé, de peur que la malice n’altère son jugement
ou que la fourberie ne séduise son âme ;
12 car la fascination de ce qui est vil obscurcit le bien
et le tourbillon de la convoitise gâte un esprit sans malice.
13 Devenu parfait en peu de temps, il a fourni une longue carrière.
14 Son âme était agréable au Seigneur,
aussi est-elle sortie en hâtel du milieu de la perversité.

Les foulesm voient cela sans comprendre,
et il ne leur vient pas à la pensée

l Ou « est-il (le juste) sorti en hâte »; ou « l’a-t-il (Dieu) retirée en hâte ».

m « Les foules », litt. « les peuples » (var. « les autres ») :ce mot, repris plus loin par « impies » (v. 16), étonne quelque peu. D’autre part la construction de la phrase est compliquée par une anacoluthe. Il est possible que l’ordre primitif des vv. dans cette section ait été troublé.

15 que la grâce et la miséricorde sont pour ses élus
et sa visite pour ses saints.
16 Le juste qui meurt condamne les impies qui vivent,
et la jeunesse vite consommée, la longue vieillesse de l’injuste.
17 Ils voient la fin du sage,
sans comprendre les desseins du Seigneur sur lui,
ni pourquoi il l’a mis en sûreté ;
18 ils voient et méprisent,
mais le Seigneur se rira d’eux.
19 Après cela ils deviendront un cadavre méprisé,
un objet d’outrage parmi les morts à jamais.n
Car il les brisera, précipités, muets, la tête la première.
Il les ébranlera de leurs fondements,
jusqu’à la fin ils seront dévastés,
en proie à la douleur,
et leur mémoire périra.

n Parce qu’il n’aura pas reçu les honneurs d’une sépulture, ce qui est un terrible châtiment. Cf. Isa 14.19 ; Jr 22.19 ; 36.30 ; Ez 29.5.

Les impies comparaîtront en jugement.o

20 Et quand s’établira le compte de leurs péchés, ils viendront pleins d’effroi ;
et leurs forfaits les accuseront en face.

o C’est bien une scène de jugement, lorsque Dieu « fera le compte » des péchés ou lorsqu’il faudra « rendre compte » de ceux-ci. Mais ce jugement concerne les seuls impies, car les justes sont déjà admis auprès de Dieu, cf. 5: 4-5. L’auteur s’intéresse moins au prononcé de la sentence qu’à l’état d’âme des pécheurs, torturés par une conscience coupable, cf. 17.10. Leur confession, 5.4-13, contraste avec les propos tenus jadis, 2.1-20.

5 Alors le justep se tiendra debout, plein d’assurance,
en présence de ceux qui l’opprimèrent,
et qui, pour ses labeurs, n’avaient que mépris.

p Le terme doit avoir la même portée qu’en 2.12s, cf. 2.20. Il semble même généraliser davantage. Cependant certains critiques relèvent ensuite des correspondances avec le Serviteur, Isa 53, voire même avec le Maître de justice des textes de Qumrân. Le développement fait penser à une figure exemplaire, représentant tous ceux qui subissent des épreuves semblables et connaîtront la même revanche dans l’au-delà.

2 À sa vue, ils seront troublés par une peur terrible,
stupéfaits de le voir sauvé contre toute attente.
3 Ils se diront entre eux, saisis de regrets
et gémissant,q le souffle oppressé :

q « gémissant » lat., copte ; « ils gémiront » grec.

4 « Le voilà, celui que nous avons jadis tourné en dérision
et dont nous avons fait un objet d’outrage, nous, insensés !
Nous avons tenu sa vie pour folie,
et sa fin pour infâme.
5 Comment donc a-t-il été compté parmi les fils de Dieu ?
Comment a-t-il son lot parmi les saints ?r

r « fils de Dieu » et « saints » peuvent désigner les anges :cf. d’une part Jb 1.6 ; Ps 29.1 ; 82.1 ; 89.7 ; d’autre part Jb 5.1 ; 15.15 ; Ps 89.6, 8 ; Si 42.17 ; Dn 4.14 ; Za 14.5. Mais à cause de 2.18, plusieurs identifient les « fils de Dieu » avec les élus qui partagent dans le ciel l’intimité de Dieu et qui sont susceptibles également d’être appelés « saints » cf. Ps 16.3 ; 34.10 ; Isa 4.3 ; Dn 7.18, 21, 22 ; 8.24.

6 Oui, nous avons erré hors du chemin de la vérité ;
la lumière de la justice n’a pas brillé sur nous,
le soleil ne s’est pas levé pour nous.
7 Nous nous sommes rassasiés dans les sentiers de l’iniquité et de la perdition,
nous avons traversé des déserts sans chemins,
et la voie du Seigneur, nous ne l’avons pas connue !
8 À quoi nous a servi l’orgueil ?
Que nous ont valu richesse et jactance ?
9 Tout cela a passé comme une ombre,
comme une nouvelle fugitive.
10 Tel un navire qui parcourt l’onde agitée,
sans qu’on puisse découvrir la trace de son passage
ni le sillage de sa carène dans les flots ;
11 tel encore un oiseau qui vole à travers les airs,
sans que de son trajet on découvre un vestige ;
il frappe l’air léger, le fouette de ses plumes,
il le fend en un violent sifflement,
s’y fraie une route en remuant les ailes,
et puis, de son passage on ne trouve aucun signe ;
12 telle encore une flèche lancée vers le but ;
l’air déchiré revient aussitôt sur lui-même,
si bien qu’on ignore le chemin qu’elle a pris.
13 Ainsi de nous : à peine nés, nous avons disparu,s
et nous n’avons à montrer aucune trace de vertu ;
dans notre malice nous nous sommes consumés ! »t

s Entre ces deux extrêmes aucune valeur durable n’a rempli leur existence.

t La plupart des mss latins ajoutent « Voilà ce que disent dans l’enfer ceux qui ont péché ». Cette glose ancienne, passée dans le texte, est comptée par la Vulgate comme v. 14.

14 Oui,u l’espoir de l’impie est comme la bale emportée par le vent,
comme l’écumev légère chassée par la tempête ;
il se dissipe comme fumée au vent,
il passe comme le souvenir de l’hôte d’un jour.

u L’auteur conclut maintenant cette confession des damnés avec d’autres images :l’impie voit son espoir de bonheur (cf. 3.11, 18) frustré à jamais, car il s’est attaché à des biens inconsistants.

v « écume » lat., syr. ; « givre » grec (sauf quelques mss qui lisent « toile d’araignée »).

Destinée glorieuse des justes et châtiment des impies.w

15 Mais les justes vivent à jamais,x
leur récompense est auprès du Seigneur,y
et le Très-Haut a souci d’eux.

w L’auteur évoque, par contraste, la vie des justes, assurés d’une récompense éternelle, vv. 15-16-b, protégés par Dieu, v. 16c-d, contre les fléaux déchaînés pour le châtiment final des impies, vv. 17-23. Ce châtiment est décrit en termes d’apocalypse, avec la reprise des images d’un grand combat, Ez 38-39 ; Isa 24-26, et de bouleversements cosmiques, Am 8.8-9. Cette section fait peut-être allusion à un événement eschatologique distinct.

x De la vraie vie dans l’intimité avec Dieu. Commencée sur terre, cette vie ne finit jamais.

y Ou « leur récompense est dans le Seigneur », qui est leur « part », Ps 16.5-6 ; 73.26.

16 Aussi recevront-ils la couronne royale magnifique
et le diadème de beauté, de la main du Seigneur ;
car de sa droite il les protégera,
et de son bras, comme d’un bouclier, il les couvrira.

17 Pour armure,z il prendra son ardeur jalouse,
il armera la création pour repousser ses ennemis ;

z Cette « armure », inspirée d’Isa 59.16-17, symbolise les attributs du Dieu justicier qui s’enferme dans sa volonté de châtier et la met à exécution en déchaînant les éléments.

18 pour cuirasse il revêtira la justice,
il mettra pour casque un jugement irrévocable,
19 il prendra pour bouclier la sainteté invincible ;
20 de sa colère inexorable il fera une épée tranchante,a
et l’univers ira au combat avec lui contre les insensés.b

a Sur cette « épée » divine, cf. Dt 32.41 ; Isa 66.16 ; Ez 21.

b Dans la Bible, Dieu utilise souvent la nature pour exercer ses jugements. L’auteur accentue ici cette idée et il le fera davantage encore en revenant sur les événements de l’Exode (cf. en particulier 16 et 19). La description suivante reprend divers motifs anciens, transposés déjà en contexte eschatologique.

21 Traits bien dirigés, les éclairs jailliront,c
et des nuages, comme d’un arc bien bandé, voleront vers le but ;

c L’orage est la représentation traditionnelle de l’intervention divine, cf. Ex 19.16. Sur les « traits », cf. Ps 18.15 ; Ha 3.11 ; Za 9.14.

22 une baliste lancera des grêlonsd chargés de courroux,
les flots de la mer contre eux feront rage,
les fleuves les submergeront sans merci,e

d Comme au temps de l’Exode, Ex 9.23-25, et de Josué, Jos 10.11, et comme dans les jugements de Dieu annoncés par les prophètes, Isa 28.17 ; Ez 13.13 ; 38.22 ; cf. Ap 8.7 ; 11.19 ; 16.21.

e Comme la mer des Roseaux engloutit les Égyptiens, Ex 14.26s, et comme le Qishôn roula les cadavres des soldats de Sisera, Jg 5.21. Le déchaînement des eaux est le symbole des grandes calamités, Ps 18.5.

23 un souffle puissant se lèvera contre eux
et les vannera comme un ouragan.
Ainsi l’iniquité dévastera la terre entière
et la malfaisance renversera des trônes de puissants.

Que les rois recherchent donc la Sagesse.

6 f Écoutez donc, rois, et comprenez !g
Instruisez-vous, juges des confins de la terre !

f Lat. commence le chap. par une addition qui est sans doute un titre « La sagesse est meilleure que la force et l’homme prudent que le fort ». Cette addition est le v. 1 de la Vulgate.

g À la différence de 1.1, l’attention se fixe sur la condition des souverains et sur leurs responsabilités. L’horizon est nettement universaliste.

2 Prêtez l’oreille, vous qui dominez sur la multitude,
qui vous enorgueillissez de foules de nations !
3 Car c’est le Seigneur qui vous a donné la domination
et le Très-Haut le pouvoir,h
c’est lui qui examinera vos œuvres et scrutera vos desseins.

h Cette doctrine de l’origine divine du pouvoir était affirmée déjà sous différentes formes par l’Écriture, en particulier par Pr 8.15-16 ; Dn 2.37 ; 5.18 ; 1 Ch 29.12 ; Si 10.4. L’auteur lui donne plus grande rigueur (cf. aussi Rm 13.1 ; Jn 19.11) et la prolonge en faisant de tous les princes sans exception des « serviteurs » de la royauté de Dieu (v. 4).

4 Si donc, étant serviteurs de son royaume,i vous n’avez pas jugé droitement,
ni observé la loi,j
ni suivi la volonté de Dieu,

i Ou « de sa royauté ».

j D’abord la loi naturelle, dont la conscience est l’interprète, cf. Rm 2.14, mais sans doute aussi les différentes législations positives qui la précisent et que les rois païens doivent observer pour se différencier des tyrans.

5 il fondra sur vous d’une manière terrifiante et rapide.
Un jugement inexorable s’exerce en effet sur les gens haut placés ;
6 au petit, par pitié, on pardonne,
mais les puissants seront examinés puissamment.
7 Car le Maître de tous ne recule devant personne,
la grandeur ne lui en impose pas ;
petits et grands, c’est lui qui les a faits
et de tous il prend un soin pareil,
8 mais une enquête sévère attend les forts.
9 C’est donc à vous, souverains, que s’adressent mes paroles,
pour que vous appreniez la sagesse et évitiez les fautes ;
10 car ceux qui observent saintement les choses saintes seront reconnus saints,k
et ceux qui s’en laissent instruire trouveront de quoi se justifier.

k C’est-à-dire :ceux qui observent religieusement la volonté divine et qui seront reconnus « saints » lors du jugement (2.20).

11 Désirez donc mes paroles,
aspirez à elles et vous serez instruits.

La Sagesse se laisse trouver.l

12 La Sagesse est brillante, elle ne se flétrit pas.
Elle se laisse facilement contempler par ceux qui l’aiment,
elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent.

l Le mot « sagesse » désigne maintenant, non seulement une doctrine (v. 9), mais la vérité divine qui brille à travers celle-ci et sollicite l’homme intérieurement, v. 13, cf. Jn 6.44 ; Ph 2.13 ; 1 Jn 4.19.

13 Elle prévient ceux qui la désirent en se faisant connaître la première.
14 Qui se lève tôt pour la chercher n’aura pas à peiner :
il la trouvera assise à sa porte.
15 La prendre à cœur est en effet la perfection de l’intelligence,
et qui veille à cause d’elle sera vite exempt de soucis.
16 Car ceux qui sont dignes d’elle, elle-même va partout les chercher
et sur les sentiers elle leur apparaît avec bienveillance,
à chaque penséem elle va au-devant d’eux.

m Ou « par toutes sortes d’inventions ».

17 n Car son commencement, c’est le désir très vrai de l’instruction,o
le souci de l’instruction, c’est l’amour,

n Les vv. 17-20 imitent librement le raisonnement grec appelé « sorite », où l’attribut de chaque proposition devient le sujet de la suivante et où la conclusion (v. 20) relie le sujet initial (ici « le désir de la Sagesse ») à l’avant-dernier attribut (ici « être près de Dieu », repris par « royauté »).

o Ou « son commencement très vrai, c’est le désir de l’instruction ».

18 l’amour, c’est l’observation de ses lois,p
l’attention aux lois, c’est la garantieq de l’incorruptibilité,

p L’amour implique l’obéissance, Ex 20.6 ; Dt 5.10 ; 11.1 ; Si 2.15 ; Jn 14.15, etc. Les « lois » de la Sagesse s’identifient avec les grandes obligations religieuses et morales contenues dans la Révélation ; peut-être encore avec des lois non écrites, dictées par la conscience et mises en lumière par la Sagesse divine.

q Le mot est employé ici au sens juridique. L’application à observer les lois de la Sagesse ne suffit pas à rendre incorruptible, mais elle crée un titre réel et incontestable à obtenir de Dieu l’incorruptibilité bienheureuse ou l’immortalité, cf. 2.23 ; 3.4.

19 et l’incorruptibilité fait qu’on est près de Dieu ;
20 ainsi le désir de la Sagesse élève à la royauté.
21 Si donc trônes et sceptres vous plaisent, souverains des peuples,
honorez la Sagesse, afin de régner à jamais.r

r Un bon nombre de mss latins ajoutent ici « aimez la lumière de la sagesse, vous tous qui êtes à la tête des peuples ». Ce v. supplémentaire dans la Vulg. (23) est, soit une glose marginale, soit un doublet.

Salomon va décrire la Sagesse.

22 Ce qu’est la Sagesse et comment elle est née, je vais l’exposer ;
je ne vous cacherai pas les mystères,
mais je suivrai ses traces depuis le début de son origine,
je mettrai sa connaissance en pleine lumière,s
sans m’écarter de la vérité.

s Allusion au secret gardé jalousement dans les religions à mystères et dans les doctrines ésotériques :la révélation était communiquée aux seuls initiés.

23 Oh ! je ne ferai pas route avec l’envie desséchante :
elle n’a rien de commun avec la Sagesse.
24 Une multitude de sages, au contraire, est le salut du monde,
un roi sensé fait la stabilité du peuple.
25 Laissez-vous donc instruire par mes paroles : vous y trouverez profit.