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Bible de Jérusalem

Sagesse 10

III. La Sagesse à l’œuvre dans l’histoire

D’Adam à Moïse.

10 C’est elle qui protégea le premier modelé, père du monde,
qui avait été créé seul,u
c’est elle qui le tira de sa propre chutev

u Adam, seul dans le monde, comme Dieu est seul au ciel.

v Certains mss latins portent ici « et elle le tira du limon de la terre, et elle l’arracha à sa faute ». La première leçon provient sans doute d’une glose explicative sur « premier modelé ». — Le thème du repentir et du relèvement d’Adam (une opinion juive souvent reprise par les Pères de l’Église) est mis en relation avec l’influence miséricordieuse de la Sagesse qui permet à Adam de garder, après la faute, sa domination sur le monde et lui donne la force de l’exercer.

2 et lui donna la force de devenir maître de tout.
3 Mais quand, dans sa colère, un injustew se fut écarté d’elle,
il périt par ses fureurs fratricides.

w Caïn, cf. Gn 4.8-13. — Par son meurtre, ou bien il se condamna lui-même à une existence misérable (terminée tragiquement selon certaines légendes juives), ou bien il fut la cause de l’extermination de sa race par le déluge, v. 4, ou bien il se livra volontairement à la mort véritable, cf. 1.11,12,16.

4 Lorsqu’à cause de lui la terre fut submergée, c’est la Sagesse encore qui la sauva,
en pilotant le justex à l’aide d’un bois sans valeur.

x Noé, cf. Gn 6.9.

5 Et lorsque, unanimes en leur perversité, les nations eurent été confondues,
c’est elle qui reconnut le juste,y le conserva sans reproche devant Dieu,
et le garda fort contre sa tendresse pour son enfant.

y Abraham, cf. Gn 22.

6 C’est elle qui, lors de la destruction des impies, délivra le justez
qui fuyait le feu descendant sur la Pentapole.

z Lot. cf. Gn 19.

7 En témoignage de sa perversité,
une terre désolée continue de fumer ;
les arbustes y donnent des fruits qui ne mûrissent pas en leur temps
et, mémorial d’une âme incrédule, se dresse une colonne de sel.
8 Car, pour s’être écartés du chemin de la Sagesse,
non seulement ils ont subi le dommage de ne pas connaître le bien,
mais ils ont encore laissé aux vivants le souvenir de leur folie,
afin que leurs fautes mêmes, ils ne puissent les cacher.

9 Mais la Sagesse a délivré ses fidèles de leurs peines.
10 Ainsi le justea qui fuyait la colère de son frère,
elle le guida par de droits sentiers ;
elle lui montra le royaume de Dieu
et lui donna la connaissance des choses saintes,b
elle le fit réussir dans ses durs travaux
et fit fructifier ses peines ;

a Jacob, cf. Gn 27.41-45 ; 28.5-6.

b Ou « des saints », c’est-à-dire des anges, Gn 28.12. Les « choses saintes » peuvent désigner les révélations concernant la cour céleste ou s’entendre des promesses faites à Jacob, Gn 28.13-15.

11 elle l’assista contre la cupidité de ceux qui l’opprimaient,
et elle le rendit riche ;
12 elle le garda de ses ennemis
et le protégea de ceux qui lui dressaient des embûches ;
elle lui donna la palme en un rude combat,
pour qu’il sût que la piété est plus puissante que tout.c

c Dans sa « lutte avec Dieu » Jacob l’aurait donc emporté, non par la force physique, mais par la vigueur de sa piété. Seule celle-ci peut contraindre Dieu et obtenir l’assurance de sa bénédiction. L’épisode est donc interprété dans le sens d’une expérience spirituelle.

13 C’est elle qui n’abandonna pas le juste vendu,d
mais elle l’arracha au péché ;

d Joseph, cf. Gn 37.12-36 ; 39-41.

14 elle descendit avec lui dans la fosse,
elle ne le délaissa pas dans les fers,
jusqu’à ce qu’elle lui eût apporté le sceptre royal
et l’autorité sur ceux qui le tyrannisaient,
jusqu’à ce qu’elle eût convaincu de mensonge ceux qui l’avaient diffamé
et qu’elle lui eût donné une gloire éternelle.

L’Exode.

15 C’est elle qui délivra un peuple saint et une race irréprochablee
d’une nation d’oppresseurs.

e Le peuple de l’Exode est « saint » et « irréprochable » en raison de sa vocation, Ex 19.6 ; Lv 19.2, et des valeurs religieuses qu’il incarne. En même temps l’auteur idéalise le passé et continuera de le faire dans toute la troisième partie ; son but est triple :illustrer par l’histoire le traitement différent des justes et des impies, exalter la supériorité religieuse et morale du judaïsme, enfin montrer que le passé préfigure le futur apocalyptique.

16 Elle entra dans l’âme d’un serviteur du Seigneur
et tint tête à des rois redoutablesf par des prodiges et des signes.

f Généralisation oratoire :il s’agit du Pharaon.

17 Aux saints elle remit le salaire de leurs peines,
elle les guida par un chemin merveilleux,
elle devint pour eux un abri pendant le jour,
et une lumière d’astres pendant la nuit.g

g L’auteur attribue à la Sagesse ce qu’Ex dit de Dieu présent dans la Nuée.

18 Elle leur fit traverser la mer Rouge
et les conduisit à travers l’onde immense,
19 tandis qu’elle submergea leurs ennemis,
puis les rejeta des profondeurs de l’abîme.
20 Aussi les justes dépouillèrent-ils les impies ;h
ils chantèrent, Seigneur, ton saint Nom
et, d’un cœur unanime, célébrèrent ta main qui avait lutté pour eux ;

h Selon la tradition juive, les Israélites dépouillèrent de leurs armes les Égyptiens morts.

21 car la Sagesse ouvrit la bouche des muets
et elle rendit claire la langue des tout-petits.i

i Jadis Dieu avait délié la langue de Moïse pour parler à Pharaon, Ex 4.10 ; 6.12, 30. Cette fois il intervient pour que tous les Israélites sans exception puissent s’associer à sa louange. L’auteur suit ici une tradition juive qui va s’amplifiant dans les textes rabbiniques.