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Bible de Jérusalem

Sagesse 7.1-22

II. Salomon et la quête de la Sagesse

Salomon n’était qu’un homme.

7 Je suis, moi aussi, un hommet mortel, pareil à tous,
un descendant du premier être formé de la terre.
J’ai été ciselé en chair dans le ventre d’une mère,

t « un homme », omis par deux des principaux mss (B et S).

2 où, pendant dix mois,u dans le sang j’ai pris consistance,
à partir d’une semence d’homme et du plaisir, compagnon du sommeil.

u Manière antique d’exprimer que la gestation la meilleure couvre neuf mois (2 M 7.27) et entame le dixième. Sur la façon dont on se représentait la formation de l’embryon, cf. Jb 10.10.

3 À ma naissance, moi aussi j’ai aspiré l’air commun,
je suis tombé sur la terre qui nous reçoit tous pareillement,
et des pleurs, comme pour tous, furent mon premier cri.
4 J’ai été élevé dans les langes et parmi les soucis.
5 Aucun roi ne connut d’autre début d’existence :
6 même façon pour tous d’entrer dans la vie et pareille façon d’en sortir.

Estime de Salomon pour la Sagesse.

7 C’est pourquoi j’ai prié, et l’intelligence m’a été donnée,
j’ai invoqué, et l’esprit de Sagesse m’est venu.
8 Je l’ai préférée aux sceptres et aux trônesv
et j’ai tenu pour rien la richesse en comparaison d’elle.

v Ce développement prend appui sur la notice de 1 R 3.11 et sur les textes sapientiaux qui exaltent la Sagesse au-dessus des biens les plus précieux, Jb 28.15-19 ; Pr 3.14-15 ; 8.10-11, 19. L’auteur explicite des valeurs appréciées surtout par les Grecs (v. 10) : la santé, cf. cependant Si 1.18 ; 30.14-16, la beauté, cf. Ps 45.3 ; Si 26.16-17 ; 36.27, et la lumière du jour, cf. Qo 11.7. Voir la lumière, c’est vivre.

9 Je ne lui ai pas égalé la pierre la plus précieuse ;
car tout l’or, au regard d’elle, n’est qu’un peu de sable,
à côté d’elle, l’argent compte pour de la boue.
10 Plus que santé et beauté je l’ai aimée
et j’ai préféré l’avoir plutôt que la lumière,
car son éclat ne connaît point de repos.
11 Mais avec elle me sont venus tous les biens
et, par ses mains, une incalculable richesse.
12 De tous ces biens je me suis réjoui, parce que c’est la Sagesse qui les amène ;w
j’ignorais pourtant qu’elle en fût la mère.x

w Ou bien « leur commande en maîtresse », en réglant leur usage.

x « la mère », litt. « la génitrice », mss grecs, lat. ; « l’origine » texte reçu.

13 Ce que j’ai appris sans fraude, je le communiquerai sans jalousie,
je ne cacherai pas sa richesse.
14 Car elle est pour les hommes un trésor inépuisable,
ceux qui l’acquièrent s’attirent l’amitié de Dieu,
recommandés par les dons qui viennent de l’instruction.y

y « l’acquièrent » mss grecs, syr. ; « en usent » texte reçu, lat. L’image sous-jacente est celle de cadeaux offerts à un haut personnage pour solliciter son amitié. Ces cadeaux « proviennent de l’instruction », cf. 3.11 ; 6.17, c’est-à-dire d’un enseignement qui règle la vie entière selon une authentique éducation morale et religieuse.

Appel à l’inspiration divine.

15 Que Dieu me donne de parler comme je l’entends
et de concevoir des pensées dignes des dons reçus,
parce qu’il est lui-même et le guide de la Sagesse
et le directeur des sages ;
16 nous sommes en effet dans sa main, et nous et nos paroles,
et toute intelligence et tout savoir pratique.
17 C’est lui qui m’a donné une connaissance infaillible des êtres,
pour connaître la structure du monde et l’activité des éléments,
18 le commencement, la fin et le milieu des temps,
les alternances des solstices et les changements des saisons,
19 les cycles de l’annéez et les positions des astres,

z « de l’année » mss grecs, lat. ; « des années » texte reçu.

20 la nature des animaux et les instincts des bêtes sauvages,
le pouvoir des esprits et les pensées des hommes,
les variétés de plantes et les vertus des racines.
21 Tout ce qui est caché et visible, je l’ai connu ;a

a Modernisant la notice de 1 R 5.9-14, l’auteur prête à Salomon le savoir que recherchait surtout la culture hellénique de son temps. Dans ce contexte, Dieu apparaît comme la source de toute vérité, et les sciences humaines sont placées sous la dépendance de sa sagesse.

22 car c’est l’ouvrière de toutes choses qui m’a instruit, la Sagesse !

Éloge de la Sagesse.b

En elle est, en effet, un esprit intelligent, saint,
unique, multiple, subtil,
mobile, pénétrant, sans souillure,
clair, impassible, ami du bien, prompt,

b L’auteur prolonge ici d’une façon originale les personnifications antérieures de la Sagesse, cf. Pr 8.22. Comme il l’a annoncé, 6.22, il précise à la fois la nature et l’origine, d’abord en énumérant les caractéristiques de l’Esprit divin que la Sagesse possède en propre et qui renseignent déjà sur sa nature, vv. 22-24 (on compte 21 attributs et ce chiffre, 3 × 7, paraît intentionnel pour signifier une perfection éminente) ; ensuite en déterminant la relation de la Sagesse à Dieu, vv. 25-26, à l’aide d’images qui indiquent à la fois provenance et participation intime. Faisant de nombreux emprunts de vocabulaire à la philosophie grecque, l’auteur souligne ensuite les activités caractéristiques de la Sagesse, 7.27-8.1 et en vient à l’identifier à la providence divine, 8.1. Cet éloge de la Sagesse qui partage l’intimité de Dieu, 8.3, qui possède sa toute-puissance, 7.23, 25, 27, et collabore à son œuvre créatrice, 7.12, 22 ; 8.4, 6, annonce déjà toute une théologie de l’Esprit, qui l’habite, 7.22, et à qui elle est assimilée, 1.5 ; 9.17, et dont elle reçoit les fonctions traditionnelles, cf. Isa 11.2, mais surtout la christologie, notamment celle de saint Jean, et aussi celle de saint Paul (cf. Ep et Col) et de l’Épître aux Hébreux.

Sagesse 8.2-21

La Sagesse épouse idéale pour Salomon.f

2 C’est elle que j’ai chérie et recherchée dès ma jeunesse ;
j’ai cherché à la prendre pour épouse
et je suis devenu amoureux de sa beauté.

f La Sagesse apparaît à présent au jeune homme comme une épouse idéale qui possède, non seulement la beauté (v. 2), mais une noblesse divine, puis (vv. 4-8) la source même du savoir, de la richesse, de l’efficacité, de la vertu et de l’expérience.

3 Elle fait éclater sa noble origine en vivant dans l’intimité de Dieu,
car le maître de tout l’a aimée.
4 Elle est, de fait, initiée à la science de Dieu
c’est elle qui décide de ce qu’il fait.
5 Si, dans la vie, la richesse est un bien désirable,
quoi de plus riche que la Sagesse, qui opère tout ?
6 Et si c’est l’intelligence qui opère,
qui est plus qu’elle l’ouvrière de ce qui est ?
7 Aime-t-on la justice ?
Ses labeurs, ce sont les vertus,g
elle enseigne, en effet, tempérance et prudence,
justice et force ;
rien de plus utile pour les hommes dans la vie.

g L’auteur reprend peut-être une interprétation allégorique de Pr 31.10-31, appliquée à la Sagesse (cf. Pr 31.30). Il énumère ensuite les quatre grandes vertus des philosophes grecs, qui deviendront plus tard les « vertus cardinales » de la théologie chrétienne.

8 Désire-t-on encore une riche expérience ?
Elle connaît le passé et conjecture l’avenir,
elle sait l’art de tournerh les maximes et de résoudre les énigmes,
les signes et les prodiges, elle les sait d’avance,
ainsi que la successioni des époques et des temps.

h Ou « d’interpréter ». — « maximes » et « énigmes » signifient des sentences morales exprimées en termes volontairement obscurs. Cf. Jg 14.12 ; Pr 1.6 ; Si 39.2-3 ; Ez 17.2. Salomon y excellait, 1 R 5.12 ; 10.1-3 ; Qo 12.9 ; Si 47.15-17. Les termes associés « signes » et « prodiges » renvoient surtout aux miracles de l’Exode, cf. 10.16. D’après l’usage grec, ils désigneraient plutôt des phénomènes naturels extraordinaires ou exceptionnels, considérés comme difficilement prévisibles.

i Ou « les résultats, les issues ». Le texte envisage donc, soit le déroulement de l’histoire, soit les temps favorables aux initiatives ou entreprises humaines, cf. Qo 3.1-8. — Cette description des compétences de la Sagesse complète le tableau de 7.17-21.

La Sagesse indispensable aux souverains.

9 Je décidai donc de la prendre pour compagne de ma vie,
sachant qu’elle me serait une conseillère pour le bien,
et un encouragement dans les soucis et la tristesse :
10 « J’aurai à cause d’elle gloire parmi les foules
et, bien que jeune, honneur auprès des vieillards.
11 On me trouvera pénétrant dans le jugement
et en présence des grands je serai admiré.
12 Si je me tais, ils m’attendront,
si je parle, ils seront attentifs,
si je prolonge mon discours, ils mettront la main sur leur bouche.j

j Attitude du silence, Pr 30.32 ; Si 5.12, sous l’effet, soit de la stupeur ou de la confusion, Mi 7.16 ; Jb 21.5 ; 40.4, soit de l’admiration, Jb 29.9.

13 J’aurai à cause d’elle l’immortalité
et je laisserai un souvenir éternel à ceux qui viendront après moi.
14 Je gouvernerai des peuples, et des nations me seront soumises.
15 En entendant parler de moi, des souverains terribles auront peur ;
je me montrerai bon avec la multitude et vaillant à la guerre.
16 Rentré dans ma maison, je me reposerai auprès d’elle ;
car la fréquenter ne cause pas d’amertume,
ni de peine, vivre en son intimité,
mais du plaisir et de la joie. »

Salomon va demander la Sagesse.

17 Ayant médité cela en moi-même,
et considéré en mon cœur
que l’immortalité se trouve dans la parenték avec la Sagesse,

k Une « parenté » conférée par grâce (cf. v. 21). L’immortalité qui en résulte est d’abord celle du souvenir (cf. v. 13), mais sans doute aussi l’immortalité personnelle (cf. 4.1) car la Sagesse doit communiquer ce qu’elle possède par nature.

18 dans son affection une noble jouissance,
dans les travaux de ses mains une richesse inépuisable,
dans sa fréquentation assidue l’intelligence,
et la renommée à s’entretenir avec elle,
j’allais de tous côtés, cherchant comment l’obtenir pour moi.
19 J’étais un enfant d’un heureux naturel,
et j’avais reçu en partage une âme bonne,
20 qui plus est : étant bon, j’étais venu dans un corps sans souillure ;l

l Ce texte n’enseigne pas la préexistence de l’âme, comme on pourrait le croire si on l’isolait du contexte. Il renchérit sur l’expression du v. 19, qui paraissait donner la priorité au corps comme sujet personnel, et souligne la prééminence de l’âme.

21 mais, comprenant que je ne pourrais devenir possesseur de la Sagesse que si Dieu me la donnait,
— et c’était déjà de l’intelligence que de savoir de qui vient la faveur —
je m’adressai au Seigneur et le priai,
et je dis de tout mon cœur :