Il n’était pas possible que la biographie de Marie Durand, cette héroïne populaire de la foi huguenote, cessât d’être lue dans les églises protestantes, parce que l’édition en était épuisée. Trop de souvenirs émouvants, trop de grandes leçons de fidélité et de fermeté dans l’épreuve s’attachent au nom de cette humble femme, pour laisser le voile de l’oubli s’étendre peu à peu sur son histoire, parmi les générations nouvelles.
Mais, d’autre part, un trop grand nombre de documents ont été découverts et mis en œuvre, dans des travaux récents qui éclairent d’un jour très vif cette période de notre histoire, pour qu’il soit possible de rééditer purement et simplement un ouvrage, excellent d’ailleurs, qui date de plus de cinquante ans. Un proverbe familier dit : « les morts vont vite ». Il indique par là qu’ils disparaissent rapidement de la mémoire ingrate et infidèle des vivants. Raison de plus pour les faire revivre avec toute l’exactitude à laquelle on peut atteindre, quand leur souvenir est entré, chargé de richesses et d’exemples bienfaisants, dans le patrimoine que nos pères nous ont laissé.
C’est pourquoi la Nouvelle Société d’éditions de Toulouse (Dieulefit), a chargé M. le pasteur André Fabre de réviser le travail de Daniel Benoît, pour le faire bénéficier des recherches historiques, qui ont été si fructueuses dans ce domaine, depuis un demi-siècle.
M. Fabre est tout à fait qualifié pour cette entreprise. Biographe du pasteur Pierre Durand, frère aîné de Marie, il a su faire revivre, avec autant d’exactitude que de clarté, la figure sympathique de ce pasteur du désert, mort à Montpellier sur l’échafaud, victime du devoir qui s’imposait à sa conscience. Ainsi entré, par une sympathie active, dans l’intimité de la famille Durand, M. Fabre se trouvait naturellement dans les conditions les plus favorables pour raconter la vie de la sœur, comme il avait raconté celle du frère.
Sans suivre pas à pas l’œuvre de Daniel Benoît, qu’il a dû modifier sur bien des points, en même temps qu’il la complétait, il s’est attaché à n’en rien perdre. Son récit, conçu sur un plan un peu différent et avec le souci de laisser les leçons se dégager d’elles-mêmes des faits, se poursuit clair, vivant, évocateur. Il nous est particulièrement agréable de relever, à côté des qualités d’un style simple et objectif, l’aisance de l’exposition et l’habileté à rattacher sans cesse à l’histoire générale l’histoire d’un personnage. Tout cela dénote un historien de race, duquel nous attendons d’autres travaux. Il permettra bien à son ancien professeur de lui en témoigner ici, et très affectueusement, sa confiance.
Ce livre se fera sa place dans nos bibliothèques. Il contribuera à répandre dans nos milieux protestants, avec la connaissance d’un passé qui nous est cher, parce qu’il est fait de la vie, des espoirs, des luttes et des souffrances de nos aïeux, l’amour de l’Evangile, dont les dévouements qu’il a inspirés et les sacrifices, que des hommes ou des femmes ont acceptés pour lui rester fidèles, nous disent la valeur infinie.
Jean Barnaud
Montpellier, 21 mai 1935.