La famille du pasteur C.-E. Babut s’est résolue à publier un certain nombre des prédications qu’il a données à Nîmes pendant les deux premières années de la guerre.a
Le présent volume, qu’un second suivra de près, renferme onze sermons inédits, prêchés en 1914-1915. Les éditeurs y ont joint, d’après le vœu d’un ami, un discours sur la Défense Nationale, datant d’octobre 1870 et qui, imprimé à cette époque, est devenu introuvable. Une autre demande de réimpression concernait un sermon intitulé : Le premier fruit de l’Esprit (d’après Galates 5.22), et contemporain de ceux qu’on lira ci-après. La disette du papier est venue malheureusement entraver l’exécution de ce désir.
a – C’est le 18 Septembre 1916 que mon père a été rappelé à Dieu.
Est-il nécessaire, maintenant, de justifier notre publication ?
En dehors de quelques discours de circonstance, prononcés notamment pour des consécrations pastorales, notre père n’avait fait paraître que deux volumes de sermons, en 1889 et 1891. Une troisième série intitulée : Sermons choisis, et publiée en 1913, était due comme l’indiquent le sous-titre et une première préface, à l’initiative de la « Commission du Cinquantenaire », et dans la préface de l’auteur, on pouvait lire : « Sous la poussière où dorment mes vieux manuscrits, trouvera-t-on quelque chose d’utile à publier et d’approprié aux besoins de la génération contemporaine ? On en jugera après ma mort, si l’on pense qu’il vaut la peine de remuer et de fouiller ce bagage de plus d’un millier de sermons. »
Mais, depuis lors, la guerre est intervenue… Elle devait miner les énergies physiques de notre père, mais sans atteindre ses énergies spirituelles, ne faisant au contraire que les stimuler et les exalter sans cesse. Dès les premiers jours de la villégiature ardéchoise où il se trouvait alors, il adressait au prédicateur de la Cour de Berlin, Dr Dryander, la lettre appelée (sans qu’il l’eût, certes, prévu) à un si grand retentissement. Puis il allait reprendre à Nîmes le poste qu’il ne devait plus quitter – sauf pour un mois de vacances, en juillet 1916b – jusqu’à sa dernière et courte maladie. Jamais il ne s’est donné plus complètement : ceux qu’il a exhortés, visités, soutenus par sa parole ou par ses lettres en peuvent témoigner comme les membres de sa famille. Amaigri, affaibli, parfois défaillant, dès qu’il montait en chaire, il était comme transfiguré et sa voix, son geste dénotaient une surprenante vigueur. On sait comment, dominant sa douleur, il voulut prêcher, le dimanche qui suivit la mort de son second fils, le professeur Ernest Babut, tombé au champ d’honneur en Belgique, le 28 février 1916, et l’on se souvient qu’en cette circonstance l’immense auditoire était moins maître de son émotion que le prédicateur.c
b – C’est pendant ce mois de vacances que, dans une douce retraite familiale, à Montpellier, mon père a dicté ses deux derniers sermons sur La mort de Jésus-Christ, sacrifice de Dieu à l’homme et sacrifice de l’homme à Dieu, sermons qui n’ont pu être prêchés, mais furent lus, dans l’un ou l’autre des temples de Nîmes, par M. le pasteur G. Merle, puis publiés dans une brochure In Memoriam avec les allocutions prononcées aux funérailles et divers messages de circonstance, par les soins du Conseil presbytéral de l’Eglise chrétienne réformée de Nîmes. (Les deux sermons en question ont été placés en tête de ce volume numérique ; C.R. Lorient, 4 août 2006)
c – Ce sermon, intitulé Nos Deuils, a été placé à la fin de ce volume. (C.R. Lorient.)
Dans cette soif d’action qui le dévorait, notre père a volontiers fait paraître ses sermons toutes les fois qu’on le lui a demandé pendant la guerre, et nous savons qu’il projetait la publication plus étendue que nous avons entreprise.
Cette publication, nous avons la confiance qu’elle sera bien accueillie et portera des fruits pour le salut des âmes et le service de la Patrie. Parmi les témoignages de sympathie que nous avons reçus à l’occasion de la mise en souscription des Sermons de la guerre, on me permettra de citer cet extrait de la lettre d’un pasteur :
« Je ne saurais dire quelle joie m’a causée la nouvelle de la prochaine impression de deux volumes de sermons de votre vénéré père. Je ne connais aucun autre sermonnaire dont les sermons soient aussi riches de sève biblique. Ils sont essentiellement bibliques. Ils font sortir du texte tout ce qu’il y a. Quel respect de la pure Parole de Dieu ils proclament ! Et pour la forme, quelle beauté, quelle clarté et quelle simplicité ! Vous devez à l’Eglise de ne pas laisser perdre ce trésor d’édification, que votre cher père a accumulé pendant une cinquantaine d’années. Dans le millier de sermons qu’il a composés, vous trouverez, j’en suis sûr, la matière de plusieurs volumes qui suivront ces deux premiers, ne contenant que des sermons composés pendant la guerre ».
En transcrivant ces dernières lignes, où je vois une réponse à l’interrogation de mon père, citée plus haut, sur le sort réservé à ses manuscrits, j’ai conscience de la responsabilité que j’assume, de concert avec les miens, et je compte que les encouragements et les conseils de nombreux amis nous aideront à la porter.
Henry Babut,
Alais, 12 Avril 1917.