Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.
Je suis tout ce qui est, tout ce qui a été, tout ce qui sera. Aucun mortel n’a jamais pu lever mon voile. — C’est l’inscription que l’antique Egypte avait gravée sur le fronton d’un de ses temples les plus fameux pour désigner la divinité. Elle témoigne à la fois de cet universel soupir qui porte toutes les créatures à la recherche du Dieu inconnu, et du silence mystérieux qui répond à l’intelligence de l’homme, livrée à ses propres forces dans cette inévitable recherche. — Qu’est-il donc en lui-même, ont demandé tour à tour tous les peuples de la terre, qu’est-il donc en lui-même, ce Tout-Puissant invisible, dont les cieux racontent la gloire, qui remplit tout de sa présence, qui fait de l’univers son temple, et de l’âme humaine son autel ; de qui tout procède, à qui tout revient, qui est, qui a été, qui sera ? — Il s’affirme, s’impose, se fait bâtir en tout lieu des sanctuaires, mais sa face est mystère, et aucun mortel n’a jamais pu lever son voile.
Mes frères, il a paru il y a dix-huit siècles un mortel qui affirme l’avoir à jamais levé, ce voile, que dis-je ? et qui déclare offrir dans sa personne même, aux regards de ceux qui le contemplent, l’image du Dieu invisible. — Un fils de l’homme a osé dire un jour à ses semblables : Nul ne connaît le Père que moi, et ajouter : Celui qui me connaît connaît aussi le Père. C’est la prétention unique dans l’histoire et assurément épouvantable, si elle n’est fondée en vérité, de Jésus de Nazareth. Il l’a exprimée sans réticence et dans toute son énormité devant quelques disciples d’abord, puis devant le peuple, puis devant les puissances, puis devant le monde. Il l’a maintenue sans fléchir, à travers toutes les péripéties, d’une vie terminée par le dernier supplice ; et, en quittant cette terre, il l’a laissée comme article de foi unique et définitif, au genre humain haletant à la poursuite du vrai Dieu : Celui qui croit au Fils a la vie éternelle !
Il est vrai que cette prétention en rappelle et en suppose une autre plus extraordinaire encore. Il était, dit-il, il était lui-même au commencement avec Dieu, dans le sein de Dieu, comme un fils unique de Dieu, et n’est devenu homme que précisément dans le but d’écarter tout voile de devant le regard des hommes, en leur découvrant la face de Dieu : La Parole était au commencement, la Parole était avec Dieu et cette Parole était Dieu. En elle était la vie, et cette vie était la lumière des hommes. La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous pleine de grâce et de vérité, et nous avons vu sa gloire telle qu’est celle du Fils unique venu du Père. Ainsi s’exprime un des historiens de sa vie, le confident le plus intime de sa pensée et de ses enseignements.
Une étude complète sur la personne de Jésus-Christ, supposerait peut-être avant toutes choses, l’établissement de cette préexistence, et la preuve de ce caractère surnaturel et divin. Mon but n’est pas d’en aborder la démonstration, cependant. Je tiens le point pour établi, est-il besoin de le dire ? et ne fais aucun mystère de ma conviction. Mais je veux me placer avec vous sur le terrain de ceux qui ne la partagent pas, et je me propose de vous entretenir dans ces conférences de Jésus homme, fils de l’homme. Je vais à sa rencontre sur le grand chemin de l’histoire. Je prends son nom tel que je le trouve inscrit dans les fastes du genre humain, sur l’arbre généalogique de notre commune famille. S’il a par devers lui une parenté plus noble, tant mieux ! l’éclat en rejaillira sur nous. Je n’en serre pas sa main avec un moins libre abandon, en lui disant : mon frère !
Ne croyez pas que je sois embarrassé par le point de vue spécial auquel je m’arrête. Au contraire ; car si la doctrine chrétienne sur la personne de Jésus-Christ est fondée, remarquez bien qu’elle implique deux choses, à mon avis, d’une égale évidence. La première, c’est sa réelle, sincère et explicite humanité. La seconde, c’est que cette humanité elle-même doit être marquée d’un tel sceau, qu’il demeure impossible de ne pas remonter plus haut pour l’expliquer. Le titre même qu’il s’est donné, et que nous avons inscrit sur notre drapeau, parce qu’il l’affectionnait entre tous, ce titre de Fils de l’homme, s’il ne désigne pas un homme, n’est qu’un titre de mensonge ; et s’il désigne un homme que rien ne recommande à l’exclusive attention de tous les autres, un vain titre de fatuité. Le Fils de l’homme, c’est celui qui est unique entre les hommes, quoique réellement et fondamentalement homme.
Je prends donc pour point de départ cette parfaite humanité de Jésus-Christ, et en en relevant le caractère exceptionnel, mon but serait de vous conduire à la conclusion que proclame l’Évangile : Dieu lui-même est en Christ réconciliant le monde avec soi.
Voici du reste la marche que nous suivrons :
Commençant par une appréciation générale du personnage historique dont je propose l’étude à vos méditations, nous caractériserons, l’homme, son plan, sa méthode. — Ce sera le sujet de cette première conférence.
Elle nous amènera, si elle est bien conçue, à réclamer la perfection morale de celui qui se présente sur le théâtre du monde, avec un programme tel que celui de Jésus de Nazareth. — Nous verrons dans un deuxième discours s’il a satisfait à cette condition.
Dans un monde où régnent le péché et la souffrance, la sainteté parfaite ne saurait se soutenir elle-même en regard du péché, qu’à la condition de porter dans toute sa rigueur, le poids absolu de la souffrance. C’est dans la souffrance et par la souffrance qu’elle reçoit, tout ensemble, et rend son suprême témoignage. — L’immolation du Saint et du Juste, sa libre descente dans l’enfer de la douleur, de la mort et de la malédiction, sera notre troisième sujet d’entretien.
L’histoire du Fils de l’homme arrive ici à son point culminant d’intérêt. Une lutte d’un caractère absolu s’est engagée, une question palpitante se pose : A qui restera la victoire ? — A la puissance du péché par le triomphe de la mort, ou à la puissance de la vie par le triomphe de la victime sainte ? — Question de fait, qui nous obligera d’envisager en face l’événement capital de l’histoire évangélique : La Résurrection de Jésus-Christ. — C’est la clef de voûte de tout notre édifice. Je vous le dis d’avance.
Enfin dans un dernier discours, du caractère même du Fils de l’homme, et de sa manifestation triomphante au sein de l’humanité ; en d’autres termes, de tout le travail de son âme, tel qu’il se sera déroulé devant nos yeux, nous verrons sortir les titres, disons mieux, le fait d’une royauté réelle qui, établissant son siège dans les consciences elles-mêmes et dans les âmes, jugera le monde dans l’éternité, après avoir assemblé l’Église dans le temps.
Jésus de Nazareth, le Saint et le Juste, l’Homme de douleur, le Ressuscité, le Roi ; c’est un drame où tout s’enchaîne par un lien nécessaire, et dont le dénouement n’est rien moins que celui des destinées de l’humanité selon le plan de Dieu, qui a donné son fils unique au monde, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. Certes, un tel sujet se recommande lui-même, vous en conviendrez, aussi bien par sa grandeur que par son actualité. Je l’aborde en tremblant, effrayé pour ces solides fondements de notre foi, du compromettant contact de mon infirmité. Mais je l’aborde avec joie cependant : Parler de toi, rien que de toi, directement de toi, ô Jésus, ô mon maître bien aimé, et suivant le chemin que tu as toi-même choisi, manifester ta gloire sous le manteau de tes humiliations, n’est-ce pas de quoi faire tressaillir un cœur qui te chérit, et auquel tu fais tant de bien ?
Vous vous associerez à nos efforts, mes frères, vous nous soutiendrez de cette attention sérieuse, sympathique, qui nous a été d’un si puissant secours dans une précédente occasion, et dont nous conserverons toute notre vie un si reconnaissant souvenir. Mais par dessus tout, ensemble nous demanderons, et pour vous et pour nous, l’assistance de cet Esprit dont le Fils de l’homme disait à ses disciples : C’est lui qui me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi et vous le communiquera.
J’ai dit qu’il s’agissait d’un drame : je devrais peut-être commencer par vous en retracer la scène. Il faudrait pour cela vous peindre tour à tour l’antique cité de Bethléem sur les collines de Juda, son hôtellerie, son étable ; puis la bourgade de Nazareth, gracieusement étalée sur les pentes d’une verte vallée, avec ses demeures orientales, et au milieu d’elles la maison du charpentier Joseph ; puis les bords du lac de Tibériade, ses villes, ses villages ; puis Jérusalem, la ville sainte.
Sur ce théâtre vénérable, consacré déjà par tant d’émouvants souvenirs et prêt à en recevoir de bien plus émouvants encore, commence une vie de tout point semblable à toutes les vies qui commencent. Un petit enfant vient au monde, il est enveloppé de langes, et fait entendre ces premiers vagissements, par lesquels l’homme publie en naissant, sa misère et son infirmité. L’enfant grandit, il a une mère qui repasse en son cœur cette histoire tant de fois répétée, et cependant toujours nouvelle pour le cœur des mères, du premier sourire, du premier pas, du premier mot, de la première question, de ces premières lueurs qui annoncent l’aurore de la connaissance et le lever de la réflexion dans le ciel de l’âme.
Ne vous figurez point, cependant, un autre prodige que le prodige de toute enfance en son développement. Apprenez que celui auquel on donna dès sa naissance, ce beau nom de Jésus qui signifie Sauveur, était soumis à ses parents et leur complaisait en toutes choses. N’hésitez pas à vous le représenter sur les genoux de Marie, recevant les premières nouvelles du Dieu d’Abraham, et de l’histoire d’Israël, ou dans l’atelier de Joseph, s’essayant à manier les outils de sa profession. Il perdit vraisemblablement ce dernier de bonne heure, car dans les premiers jours de son ministère, lorsqu’il vint prêcher dans sa patrie, on disait de lui : N’est-ce pas là ce charpentier fils de Marie ? « comme celui, dit Bossuet, qu’on avait vu, pour ainsi parler, tenir la boutique, soutenir par son travail une mère veuve, et entretenir le petit commerce d’un métier qui les faisait subsister tous les deux. »
Nous aimons à recueillir les détails caractéristiques de l’enfance des grands hommes, pour y surprendre le premier éveil de leur supériorité et les premiers gages de leur gloire à venir. S’il nous en a été conservé si peu, et de si peu saillants sur l’enfance de Jésus, ne serait-ce pas qu’elle se prêtait moins que toute autre à ce genre d’illustration, et qu’elle s’effaçait en quelque sorte, à force d’être naturelle ? Quoiqu’il en soit, il faut bien que nous respections l’obscurité où s’ensevelissent les premières années de celui qui devait éclairer le monde, à partir du jour où il quitta sa retraite pour se manifester au monde. Une seule chose demeure évidente, c’est que cette enfance et cette jeunesse furent d’une entière et transparente pureté, sans quoi, la suite serait absolument inexplicable. Toute blessure faite à l’âme laisse une trace, une cicatrice, que vous chercheriez en vain dans l’âme de celui qui a pu dire avec une si ferme conscience : Le Prince de ce monde n’a rien en moi ! — Il croissait en sagesse, en stature et en grâce devant Dieu et devant les hommes. Voilà tout.
Au fond, le Jésus que nous connaissons, n’est guère que le Jésus des trois années de son ministère public, et cependant, on l’a souvent remarqué, s’il y a dans l’histoire une figure vivante et familière, c’est celle-là. Les biographies évangéliques n’embrassent qu’un très court espace de temps, dans un très petit nombre de pages. Mais elles ont un mérite, emprunté, sans doute, au héros lui-même : celui d’une merveilleuse et insurpassable sincérité. Je ne dirai pas seulement qu’elles portent le cachet d’un témoignage oculaire ; mais bien, qu’en les lisant, on se croit presque soi-même un témoin oculaire, tant celui dont elles nous retracent l’histoire à dix-huit siècles de distance, se présente et se meut naturellement devant nos yeux. Vous allez avec lui de lieu en lieu ; vous vous mêlez à la foule qui l’entoure ; vous suivez ses pas avec les disciples ; vous subissez l’ascendant de son autorité morale sans exemple ; vous êtes touchés de ses bienfaits, illuminés de sa parole ; il vous transporte et vous retient sans effort dans la région du sublime : vous ne pouvez échapper à cette conviction que jamais homme ne s’est élevé plus haut que cet homme ; mais en même temps, vous êtes saisis de cette impression, que jamais homme n’a été plus étranger à tout caractère d’emprunt, et n’est demeuré plus spontanément jusqu’au bout, ce qu’il était en lui-même et dans les données primitives de son individualité. Volontairement ou involontairement, tous les hommes posent plus ou moins : lui, nullement. Et si j’osais hasarder cette expression, pour faire comprendre ici toute ma pensée, je dirais que c’est l’homme le plus primesautier qui ait jamais vécu. Socrate est un philosophe ; César, un homme de guerre ; Jésus… est Jésus de Nazareth. Il n’y a rien de plus à en dire.
Je ne sache pas qu’on ait jamais entrepris de démontrer que tel personnage de l’histoire, Socrate, César par exemple, appartenait bien authentiquement à la famille humaine ; mais à supposer qu’on eût à faire cette démonstration d’un genre nouveau, comment s’y prendrait-on ? J’imagine que l’on chercherait sous des traits spéciaux du caractère et de la destinée par lesquels le héros se distingue du reste de l’humanité, les traits communs par lesquels il se confond avec elle. On dirait de César : Quoique homme de guerre, ambitieux, grand politique, cependant par les pensées de son esprit, les sentiments de son cœur et les expériences de sa vie, il rentre comme un simple mortel dans le fond commun de l’humaine nature.
Que dirons-nous de Jésus ? Vous chercheriez en vain à le sortir de sa catégorie, à le dépouiller de son costume, à le distinguer d’abord pour le confronter ensuite. Vous chercheriez en vain ici l’homme sous le héros, en un mot ; car ici, le héros c’est l’homme lui-même.
Or, tel qu’il nous apparaît dans l’extrême simplicité de son personnage, que lui manque-t-il des expériences essentielles de la vie humaine ? — Il a un corps, faut-il le dire ? tel que le nôtre, un corps qui mange, qui boit, qui dort, qui se fatigue, qui souffre, qui défaille, qui meurt. — Il a un cœur, faut-il le dire aussi ? un cœur qui aime, qui vibre tour à tour à toutes nos affections, à celles de la famille, à celles de l’amitié, à celles de la patrie, à celles de l’humanité par dessus tout. — Il a une âme qui s’émeut, qui frémit, qui craint, qui espère, qui s’enflamme, qui s’indigne, qui connaît aussi bien les tressaillements de la joie que les agonies de la tristesse. — Il est fils, il est citoyen, il a été charpentier, il demeure pauvre… mais surtout, il est homme, et l’est avec tant de vérité que tout homme, de tout temps et de tout pays, reconnaît aussitôt en lui un frère. De fait, nous nous sentons tous plus rapprochés de lui que duquel que ce soit des hommes de l’histoire, qui seront pour nous des Grecs, des Romains, des anciens, des modernes, avant d’être des hommes. — « Je suis homme, et rien de ce qui « est humain ne me demeure étranger, » a dit le poète latin. Je ne connais qu’une figure au-dessous de laquelle on puisse inscrire cette parole avec une entière vérité : c’est la figure de Jésus de Nazareth. Mais je pressens, depuis un moment, une réclamation qui s’élève dans votre esprit. Il y a une expérience, allez-vous dire, qu’il n’a pas faite. Il y a un signe qu’il n’a pas reçu et dont le défaut suffit, pour l’isoler absolument au sein de l’humanité. Nous avons beau chercher, nous ne retrouvons pas en lui… — Quoi ? — Le péché. — Le péché ! ah ! je n’en disconviens pas, voilà bien un trait de famille que nous portons tous. Prenez l’homme dans le passé, dans le présent, à tous les degrés de civilisation, sous toutes les latitudes, prenez-le chez les plus nobles représentants de son espèce, comme chez les plus dégradés ; partout, partout, vous rencontrez l’empreinte ineffaçable de la tache originelle. Chacun reçoit sa part du lamentable héritage que les générations humaines se transmettent à travers les siècles. Quiconque ouvre les yeux à la lumière de la vie, arrive doté à l’avance de cette richesse de malheur. Nul n’échappe à son lot de misère ou d’infamie. Jésus y est étranger, cela est vrai. Vous ne le reconnaîtrez pas à ce signe.
Mais quoi ? Est-ce donc là le signe auquel l’homme reconnaît dans l’homme son semblable ? Est-ce donc là une de ces données constitutives sans lesquelles il cesse d’être ce que son Créateur l’a fait ? — Dites alors que mieux un homme suit la loi de son développement, plus il doit avec le reste développer infailliblement le germe de tous les vices. Dites que plus un homme s’avilit et se dégrade, plus il devient vraiment homme ! — Quelqu’un a-t-il jamais prétendu que les difformités physiques fussent un des signes de la race, et qu’il manquât quelque chose à un homme s’il n’était ni manchot ni boiteux ? Et ne voyez-vous pas que les difformités morales nous éloignent de notre origine au même titre, mais bien plus encore que les difformités physiques ? Le langage en fait foi, mes frères, quand la qualification la plus indulgente qu’il applique à nos passions et à nos vices, est de les nommer des défauts, c’est-à-dire des déficits. Ce sont, à tout le moins, les disgrâces, les impotences de l’âme. Or, l’âme humaine, même dégradée, a d’autres traits où se reconnaître, grâce à Dieu, que ses laideurs et ses infirmités.
Quand la société des hommes serait réduite à une troupe d’invalides dans un hôpital, refuserait-elle de reconnaître un frère, dans le visiteur bien portant qui viendrait bander ses plaies ? Non, non, mes frères, si Jésus nous apparaît exempt des maux qui nous rongent, cherchons un meilleur signe de son humaine fraternité avec ceux qu’il vient chercher et sauver. Voici :
C’est par les beaux côtés qu’il nous a ressemblé.
Ce signe, je vous le montrerai, mes frères, (et serions-nous tombés assez bas, pour en méconnaître la légitime évidence ?) ce signe, c’est cette noble et sainte liberté d’une âme, qui, ne connaissant d’autre loi que la volonté parfaite du Dieu souverainement et éternellement bon, poursuit son œuvre ici-bas, dans la route que Dieu lui trace, et par un naturel ascendant, s’assujettit toutes choses sans s’assujettir à aucune.
Indépendant de la chair, il domine les parties inférieures de son être, et ne se laisse jamais dominer par elles ; il a, comme nous, le service d’un corps, jamais, comme nous, il n’en devient l’esclave ; il se fatigue jusqu’à la souffrance, jamais jusqu’au découragement ; il aime avec une tendresse que nul n’a surpassée, mais qui jamais ne soulève, dans le ciel transparent de son âme, le plus imperceptible nuage de sensualité.
Indépendant des hommes, il domine la société de ses semblables, tout en la servant avec le plus absolu dévouement. Il est le meilleur citoyen d’un peuple, sans en partager jamais, ni les préjugés, ni les passions ; il est de tous les maîtres le plus doux et le plus humble de cœur, sans se laisser jamais, ni retenir ni ébranler, par des disciples, les plus impressionnables de tous les hommes ; il traverse les ovations les plus enthousiastes, sans qu’un cheveu de sa tête frémisse sous le vent de la popularité ; il rencontre la conjuration des adversaires les plus acharnés, sans faire jamais la plus imperceptible concession à la lâcheté ou à la peur, même au plus fort de la tempête.
Indépendant de la nature, enfin, autant que l’esprit est indépendant de la matière, il domine la création, il exerce sur elle un empire qui nous étonne, qui nous frappe d’admiration, et qui, s’il atteste manifestement à tout esprit sincère, l’intervention éclatante du Dieu invisible qui lui rend témoignage, n’en atteste pas moins, aux yeux de tout esprit recueilli, la puissance royale que l’homme avait reçue au commencement, et dont il a perdu dans sa chute, ou le secret, ou la mesure.
Simple et vrai, humble et grand, sans apprêt comme sans effort, l’âme remplie de Dieu, il est chez lui dans l’univers de Dieu, enfin, comme un enfant dans la demeure de son père. Or, essayez maintenant de plonger votre regard dans la pensée de Dieu à l’heure où il se dit à lui-même : Faisons l’homme à notre image, puis reportez-le sur Jésus-Christ, et je vous défie de retenir ce cri : Voilà l’homme !
J’ai annoncé que je vous parlerais en second lieu, aujourd’hui, du plan du Fils de l’homme !
Toute vie d’homme ici-bas, répond à un tableau intérieur que l’âme contemple en elle-même. C’est ce qu’elle voit au dedans, qui détermine le spectacle changeant qui se défoule au dehors. — Dès le jour où nous commençons à prendre conscience de notre existence, nous entrevoyons en nous-même une image, idéale apparition du drame de l’avenir. Ce n’est d’abord qu’une esquisse indécise et fuyante, mais qui s’empare peu à peu de notre attention, nous captive, nous invite à la compléter, jusqu’à ce que toutes nos facultés soient au travail, comme pour fixer sur une toile invisible, cette primitive donnée qu’une main inconnue semble n’avoir jetée là que pour éveiller notre activité. L’ordonnance se modifie, le dessin se complique, les couleurs changent, le point de départ devient souvent méconnaissable : n’importe ! à chaque moment de l’existence, chacun a quelque chose qu’il contemple au dedans de lui. Ce quelque chose, c’est le plan de notre vie, que nous dessinons d’une main, tandis que nous l’exécutons de l’autre. — Voulez-vous savoir ce qu’est un homme ? Demandez-vous ce qu’il regarde en lui-même.
Nous sommes en 1782, je vous conduis à l’école militaire de Brienne et je vous montre là un enfant passionné pour l’étude, mais qui ne rêve qu’aux moyens d’appliquer à l’art de la guerre, les connaissances qu’il puise dans les livres. Les jeux où il entraîne ses condisciples, et où il excelle au milieu d’eux, ne sont que sièges et combats simulés : Que contemple cet enfant ? — Vingt ans plus tard, l’enfant est un homme, il a pris Toulon, fait les campagnes d’Italie et l’expédition d’Egypte. En uniforme de général, il se promène rêveur et pensif dans les allées d’un parc, aux portes de la capitale de la France, qui déjà lui appartient : Que contemple le futur empereur ? — Vingt ans plus tard, enfin, expirant sur un rocher de l’Océan, après de longues et dures années de captivité, ce même homme, à l’instant de rendre l’esprit, n’interrompt le silence léthargique où il est plongé que pour prononcer ces deux mots : Tête de l’armée ! Que contemple l’illustre mourant ? — Si vous pouviez voir se dérouler devant vos yeux, la série des tableaux intérieurs qui ont successivement captivé l’attention de son esprit, vous connaîtriez mieux le grand Napoléon, que par le récit détaillé des merveilles de son histoire.
Or, mes frères, je voudrais savoir ce qu’a contemplé le Fils de l’homme. — Un trait de son enfance, nous le montre déjà sous l’empire d’une préoccupation, qui commence à grandir, exclusive et absorbante, au dedans de lui. Ses parents l’ont conduit à Jérusalem ; il a assisté à la grande solennité de la Pâque ; il a vu la foule assemblée autour des parvis du temple ; il a visité la ville qui tue les prophètes ; il a entendu la voix des docteurs ; il s’est oublié dans ses pensées ; quand on lui demande la raison d’un retard qui paraît inexplicable : Ne faut-il pas, répond-il, que je sois occupé aux affaires de mon Père ? — Dans la suite, quand le travail de son œuvre le ramène à Nazareth auprès des compagnons de son enfance ; pour leur découvrir le caractère qu’il s’attribue à lui-même, il déroule au milieu d’eux le livre d’Esaïe, et leur lit ces paroles : L’Esprit du Seigneur est sur moi. Il m’a envoyé pour annoncer l’Evangile aux pauvres, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour publier la liberté aux captifs et le recouvrement de la vue aux aveugles, et publier l’an de la bienveillance du Seigneur. — Maintes fois, au milieu des foules assemblées pour l’entendre, ou dans l’intimité de ses disciples, il prononce des paroles d’une simplicité sublime et d’une insondable profondeur, qui découvrent pour ainsi dire, le fond limpide de son âme. Il veut fonder le royaume de Dieu. Son désir est que tous soient unis en lui, comme lui-même est un avec le Père. Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. A quelles vues du dedans, à quelles perspectives de l’âme, répondent ces témoignages de sa bouche ? Qu’est-ce donc qu’il contemple dans le secret sanctuaire de sa pensée ?
Je me place en face de quelques-unes des scènes de sa vie. Je m’arrête à le considérer assis au bord du puits de Jacob, attendant ses disciples, qui ont été jusqu’à la ville voisine ; il est là, seul et pensif, le regard fixé sur les campagnes déjà blanches pour la moisson. — Je le vois entouré d’une multitude qui lui amène ses malades, ses affligés, ses enfants ; il s’arrête, se tait, lit dans les regards, interroge l’expression des physionomies ; en même temps son cœur se serre, sa poitrine se soulève et ses disciples nous le peignent ému de compassion. — Arrivé au terme de sa carrière terrestre, cloué sur la croix, plongé dans les solennelles pensées de son œuvre qui s’achève, revenant sur le passé, prenant possession de l’avenir, il se prend à dire : Tout est accompli ! — Qu’est-ce donc dans ces divers moments, et dans tant d’autres que vous y pourriez joindre (car aucune vie ne présente une semblable unité de préoccupation), qu’est-ce donc qu’il contemple ?
Mais ce n’est pas assez d’interroger sa vie pour connaître sa pensée. Après tout, cette vie est si simple, elle fait si peu de bruit, elle jette si peu d’éclat extérieur, qu’on peut n’être pas frappé des proportions inouïes de la préoccupation qui la remplit. Nous n’avons pas ici les mesures ordinaires. Les hommes qui marquent dans l’histoire, se révèlent par l’éloquence de leurs discours, par la profondeur de leurs écrits, par le tumulte des agitations politiques ou sociales, à la tête desquelles ils se placent. Il faut voir chez eux le tableau dans son cadre, et ce cadre s’étend à peine au-delà des limites de leur milieu contemporain. — Ce qui caractérise le Fils de l’homme, au contraire, c’est que sa vie, si simple, paraît renfermer une pensée de plus en plus vaste et de plus en plus profonde, à mesure que les siècles s’écoulent et que l’humanité s’avance dans le chemin de ses destinées. Que de merveilles déjà ses contemporains n’eussent jamais soupçonnées, et dont nous sommes contraints de dire aujourd’hui : Elles étaient dans ses vues ! Et que de merveilles, sans doute, nous n’entrevoyons pas même, dont nos arrière-descendants diront : Il les avait aussi prévues ! L’histoire du monde, depuis dix-huit siècles, n’est que la transcription à peine commencée de ce qu’il voyait en lui-même. Et ce qu’il voyait en lui-même ne sera pleinement manifesté, qu’après que l’histoire du monde aura parcouru, jusqu’à la dernière, toutes les phases de son déroulement. Mais, ce que nous ne pouvons pas voir, essayons du moins de l’entrevoir.
Il y a, dans l’âme du Fils de l’homme, deux tableaux qui me paraissent avoir été simultanément la vue habituelle de son esprit. — Le tableau de la misère humaine, en premier lieu. Venant comme nous à rencontrer le mal et la souffrance sur sa route, tandis que cette vue n’est, pour nous, qu’une distraction passagère à nos pensées habituelles, elle se grave au dedans de lui, rien n’en efface plus en lui l’empreinte, comme rien ne limite sa justesse et la profondeur du regard qu’il y tient arrêté. Il s’émeut à chaque pas, des drames de douleur qui se présentent à chaque pas devant ses yeux ; mais, au dedans, son émotion s’étend, elle franchit les limites du pays, pour embrasser les malheureux de tous les pays, elle franchit les limites du présent, pour embrasser toutes les chutes, toutes les catastrophes, toutes les désolations de l’avenir. Il prête enfin l’oreille à ce concert universel de détresse, qui s’élève sans interruption de la surface entière de notre globe. Et non seulement cela, mais il en perçoit la signification tragique et l’inexprimable profondeur. Il voit le mal non seulement dans l’infinie variété de ses manifestations extérieures, mais surtout dans la sinistre fécondité de son principe ; il voit dans le péché, en un mot, la source fatale qui infecte toutes les générations humaines, et verse à la fois, dans toutes les vies, le double poison de la mort et de la malédiction. Ce sont là des abîmes, mes frères, et quand nous voulons y regarder, le vertige nous prend. Lui, sans cesse il en mesure l’étendue et en sonde les profondeurs.
Mais, à ce tableau, il en est un autre qui fait face continuellement devant ses yeux : celui de l’humanité relevée et restaurée dans l’ordre de sa perfection. — Il voit en lui-même notre Père qui est au ciel, son nom sanctifié, son règne venu, sa volonté accomplie sur la terre comme au ciel. Il voit les idoles partout renversées, et le vrai Dieu par tous adoré. Il voit, dans cette commune adoration, le principe d’une fraternité réelle, les barrières des peuples disparues, les chaînes des esclaves tombées, l’hostilité du pauvre et du riche abolie, les instruments de guerre transformés en instruments de prospérité, le loup gîtant avec l’agneau. Il voit la paix rentrer dans tous les cœurs avec le pardon, et avec le pardon une joie que rien au monde ne peut ravir. Il voit Dieu tout en tous, en un mot, et tous unis en Dieu. Un sage de la Grèce a écrit un livre où il trace le plan d’une société idéale, telle qu’il la concevait dans les rêves de sa philanthropie. On sait ce qu’est la république de Platon. Jésus, lui, n’a pas écrit sa république, mais il l’a tracée dans son âme, et l’a eue toute sa vie devant les yeux. Nous pouvons nous en faire une idée, bien imparfaite, sans doute ; nous pouvons nous en faire une idée, quand nous nous représentons ce que serait une société construite sur le modèle de la perfection évangélique, une société où tous n’auraient qu’un cœur et qu’une âme, et où règneraient ces maximes : Heureux les débonnaires. Je vous ai donné un commandement nouveau, c’est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. Dieu est esprit et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité. Nous appelons cela l’idéal ; or, sachez bien que notre idéal ne sera jamais qu’un pâle reflet des réalités de l’avenir, telles que Jésus les contemplait chaque jour dans son âme.
L’humanité abîmée dans le mal et le malheur, l’humanité relevée dans la gloire et la félicité, telles sont les deux vues où s’est absorbée la contemplation de son esprit : la première, la vue de ce qui est, mais bientôt ne sera plus ; la seconde, la vue de ce qui n’est point encore, mais qui se prépare dans un prochain avenir. Une totale et suprême évolution va s’accomplir dans les destinées du genre humain ; après les ténèbres la lumière, après la mort la vie, après l’esclavage de Satan, la liberté bénie des enfants de Dieu. Il la voit, il la proclame, il est là pour y présider. C’est son œuvre, plus claire à ses yeux que jamais œuvre ne l’a été aux yeux de quiconque s’est senti appelé à une œuvre ici-bas. Voilà déjà les préoccupations de son enfance. Voilà ces affaires du Père qui réclament ses soins. Voilà ce royaume de Dieu dont il publie l’avènement. Voilà la bonne nouvelle qu’il chargera ses disciples d’annoncer au monde, après en avoir été lui-même, tour à tour, l’apôtre et le martyr.
Les plus grands efforts des plus vastes génies et des âmes les plus pures, n’avaient abouti avant lui, qu’à prêter une voix aux gémissements de la conscience humaine, en désespérant d’y répondre. « A moins qu’il ne plaise à Dieu de nous envoyer quelqu’un pour nous instruire de sa part, disait Socrate à son disciple Alcibiade, n’espérez pas réussir jamais dans le dessein de réformer les mœurs des hommes. Le meilleur parti que nous ayons à prendre, c’est d’attendre patiemment. — Oui, reprenait-il, il faut attendre que quelqu’un vienne. »
Jésus, lui, se garde bien de dire qu’il faut attendre, il affirme que la chose est faite. Il affirme que quelqu’un est venu, et que ce quelqu’un c’est lui. Voilà ce qu’il crie sur les places et ce qu’il prêche sur les toits.
Il y a, pour quiconque s’annonce avec de grands desseins une épreuve redoutable : c’est d’avoir à répondre à une grande attente. Or, quand le Fils de l’homme parut dans le monde, il était attendu ; car l’humanité, si bas qu’elle soit tombée, et jusque dans ses heures les plus sombres, n’a jamais désespéré de son relèvement. Elle y a toujours compté, et c’est un des grands spectacles de l’histoire que le déploiement de cette espérance vague d’abord, mais de plus en plus générale et de plus en plus précise, qui s’était répandue dans le monde, de voir un jour paraître un envoyé de Dieu, un révélateur, un je ne sais qui, chanté par les poètes, réclamé par les sages et baptisé à l’avance de ce nom touchant de Désiré des nations. Rien ne serait plus facile que d’en accumuler les témoignages. Les traditions de tous les peuples se rencontrent ici, et, dans les écrits des philosophes, que de paroles semblables à celles de Socrate, que je vous rappelais tout à l’heure, pour nous donner l’expression la plus élevée des soupirs de l’antiquité païenne. Mais par-dessus tout, vous connaissez les oracles des anciens prophètes d’Israël, si nombreux, si précis, si universellement répandus et vénérés. Ils sont comme la grande voix qui soutient la mélodie de ce vaste concert des peuples, tandis que les aspirations des Socrate et des Platon, des Virgile et des Cicéron, les rêves de toutes les mythologies, et jusqu’aux symboles figuratifs des fausses religions elles-mêmes, n’en sont que l’accompagnement obscur et lointain. « Tout l’Orient, dit l’historien latin Suétone, était plein du bruit de cette antique et profonde opinion, qu’il était dans les destins que vers ce temps on allait voir sortir de la Judée ceux qui régiraient l’univers. » Il y eut un moment solennel dans l’histoire, moment unique, moment sans précédent, et tel qu’il ne s’en représentera jamais. Le silence se fait. Le monde attend. La scène est libre. Il faut quelqu’un pour la remplir.
Qui osera s’avancer ? Qu’il mesure bien l’entreprise ! Qu’il prête l’oreille à ce frémissement de tous les cœurs ! Qu’il pèse surtout et repèse ce qu’il se sent en lui-même, pour y répondre ! Qui osera dire : Me voici ! C’est moi ! — La tentation était trop forte. On vit des ambitions y céder. On vit paraître plus d’un audacieux qui osa dire : C’est moi ! — Ils se nomment Judas le Gaulonite, Barkocbas, Dosithée. L’histoire a conservé leurs noms comme des exemples à citer, entre les plus fameux que présentent les annales de la folie humaine.
Mais, s’il se trouve dans cette assemblée quelque railleur qui n’ait pas encore fléchi le genou devant Jésus-Christ, faute de le connaître, je ne lui demande qu’une seule chose, c’est de jeter maintenant les yeux sur la figure du Fils de l’homme, se présentant dans son auréole de sublimité, pour répondre à l’attente universelle. Que d’ici, à la distance où nous sommes, il veuille bien considérer ce maître doux et humble de cœur, faisant son apparition sur le seuil de l’histoire, au milieu de l’humanité émue d’un trouble inaccoutumé, et s’annonçant lui-même avec cette autorité calme qui n’appartient qu’à lui : — Me voici ! C’est moi ! N’en attendez point un autre. J’ai prêté l’oreille à toutes les voix qui m’appelaient. J’ai sondé vos plaies, je viens les guérir. Je viens faire toutes choses, nouvelles, et en publiant l’an de la bienveillance de l’Eternel vous mettre en évidence la vie et l’immortalité !
Les siècles ont passé ; vingt fois déjà la date du monde a été renouvelée depuis les jours de la manifestation du Fils de l’homme, et le temps qui abaisse et enterre les unes après les autres toutes les grandeurs d’ici-bas, le temps a été pour la sienne ce piédestal que vous voyez élargir sa base et s’élever sans cesse. Or, comprenez bien ici tout ce que suppose de lucidité, de sagesse et de certitude intérieure, le prodige d’avoir osé asseoir sa pensée sur le temps, lorsqu’il se dit à lui-même, avant de le dire au monde : Je suis le Rédempteur !
Tout plan, mes frères, suppose un système de moyens qui en assure la réalisation. Et devant une entreprise semblable à celle du Fils de l’homme, on a droit de se demander : Quelles sont ses ressources, et comment va-t-il s’y prendre ? — Ses ressources, il n’en a qu’une. Et si l’audace du but a droit de vous étonner, admirez bien davantage encore l’audace du moyen, car ce moyen c’est lui-même : Je suis le chemin, dit-il, je suis la voie, je suis le moyen. Et, chose digne de remarque, sa vie entière est conséquente à cette étrange prétention. Chacun fait sa chose ici-bas : les sages dogmatisent, les conquérants guerroient, les politiques édifient des constitutions. Lui, cherchez bien ce qu’il fait : il se manifeste. J’ai parlé de méthode ; sa méthode, il n’en a pas d’autre que celle de la lumière : éclairer en rayonnant. S’il parle, c’est pour découvrir les merveilles de son âme ; s’il prodigue les bienfaits, c’est pour instruire le monde de son infinie bonté ; s’il souffre, c’est pour se manifester en douceur ; s’il donne sa vie, pour se manifester en dévouement ; s’il la reprend, pour se manifester en puissance. Il se lève à l’horizon de l’humanité, homme entre les hommes, il se déploie majestueusement à la rencontre de la vie, poursuit sa course en ligne droite jusqu’au sommet, et arrivé à ce point, d’où ses rayons tomberont d’aplomb, où il n’y aura plus d’ombres en lui, au zénith, il déclarera son œuvre achevée et pourra dire : Tout est accompli !
Ses disciples, après lui, n’auront point pour mission de fonder en son nom des républiques ou des empires, ni de construire sur sa pensée un nouveau système des choses, ni de faire connaître au monde je ne sais quelle doctrine secrète ; mais simplement de lui rendre témoignage : Vous me servirez de témoins par toute la terre. — Et pour cela, il ne leur promettra pas d’autre secours qu’une présence spirituelle de Lui en eux. Je en vous laisserai point orphelins : Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde. — Ils prêcheront, mais quoi donc. Je n’ai voulu savoir au milieu de vous qu’une seule chose, écrit saint Paul aux Corinthiens : Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié ! et aux Galates : Christ ne vous a-t-il pas été vivement dépeint, comme s’il eût été crucifié au milieu de vous ? Et saint Jean : Ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons entendu de nos oreilles, ce que nous avons touché de nos mains de la parole de vie, c’est là ce que nous vous annonçons. — Ils écriront des livres, mais quels livres ? Le récit naïf de leur commerce avec lui pendant les jours de sa chair, ou l’expression brûlante de leur commerce spirituel avec lui depuis qu’ils ont cessé de le connaître selon la chair. — Ils fonderont une institution, mais quelle institution ? L’Église, qui est le corps de Christ, disent-ils, animé de l’Esprit de Christ, la reproduction vivante de Christ, pour continuer l’œuvre de Christ, en faisant connaître Christ jusqu’aux extrémités de la terre et jusqu’aux extrémités du temps.
Ne criez pas au paradoxe ; le Fils de l’homme n’a pas institué d’autre moyen de salut que lui-même. Qu’il y ait là de quoi s’étonner, certes, je n’en disconviens pas ; mais il y a là avant tout, pour nous, un fait à constater. Dans ce but, je rappelle ici quelques-uns des besoins auxquels il s’adresse, et je mets en regard quelques-unes des promesses qu’il nous fait, pour y répondre.
Il a des promesses pour les intelligences égarées, en premier lieu. Oh ! comme il les prévient d’une tendre et sympathique compassion, ces nobles chercheurs qui ont soif de vérité, et dont le regard, comme celui de l’aigle, s’efforce de percer les nuages pour contempler en face le foyer de la lumière ! Comme il les appelle et les convoque autour de lui pour les satisfaire ! Venez donc, vous tous qui avez voué votre vie aux labeurs sacrés de la pensée. Voici un docteur qui vous enseignera ce que vous cherchez : Il est venu, dit-il, pour rendre témoignage à la vérité. Mais voici un docteur comme vous n’en avez point encore entendu, assurément. Celui-ci n’a pas d’école, comme vos philosophes ; son école, c’est le grand chemin, c’est la place publique, c’est la demeure du pauvre, c’est le temple du Souverain, c’est le bord des lacs, c’est le penchant des montagnes, c’est le parvis de la terre sous la voûte des cieux, c’est le monde enfin. Il n’a pas de système non plus, comme ceux qui, avant lui, se sont offerts à vous conduire. Il ne vous donnera pas ce qu’il a trouvé en continuant le travail de ses devanciers, en édifiant ses veilles sur leurs veilles, et ses méditations sur leurs méditations. Il vous proposera une vérité qui coule de source, et répand indifféremment sa lumière sur les intelligences les plus vulgaires, comme sur les plus hauts génies, une vérité qui s’apprend moins comme une science, qu’elle ne se revêt comme un caractère, mais qui n’en est pas moins la Vérité, la seule et centrale et souveraine vérité, la vérité que les sages ont vainement cherchée, et qui ne fût jamais, sans lui, montée au cœur de l’homme. A l’entendre, pour qui la possède, toutes choses sont faites nouvelles, les ténèbres sont passées, le problème de la destinée sort du mystère, la vie et l’immortalité entrent en évidence, la face de Dieu se découvre dans toute sa gloire, et, pour l’âme ravie, il ne reste plus qu’à se plonger et à se replonger éternellement, dans la source intarissable de toute sagesse et de toute connaissance. Vous connaîtrez la vérité, dit-il, et la vérité vous affranchira. — Mais quel est donc le sens de cette promesse presque mystérieuse ? Souffre, ô maître, qu’une dernière fois, du moins, nous te disions, avec tout ce qu’il y a dans l’univers d’âmes honnêtes et sincères : Qu’est-ce que la vérité ? — Ecoutez ! — « Je suis la vérité ! » — N’est-ce pas là sa réponse ?
Le Fils de l’homme a des promesses pour les cœurs brisés. — Faut-il le dire ? Il y a en lui les plus tendres compassions pour tous les êtres qui souffrent ici-bas. Voyez comme il les aime ! Mais, ce qui le distingue dès l’entrée, c’est que loin de s’annoncer avec cet accent tristement résigné, qui caractérise d’ordinaire la sympathie impuissante, même des meilleurs, il se présente au contraire avec une confiance sereine et inébranlable, dans la souveraine et universelle efficacité de ses remèdes. Venez, s’écrie-t-il, dans les carrefours et sur les places publiques, venez, vous tous qui êtes fatigués et chargés, je vous soulagerai, je donnerai du repos à votre âme ! Allez donc, troupe innombrable des affligés de l’Eternel : accourez, pauvres, malades, orphelins déshérités, veuves inconsolables, existences brisées, âmes trompées, exaspérées peut-être, à qui la terre n’a donné que des boisseaux de poussière pour étancher les soifs qui vous dévorent. En voici un, du moins, qui ne vous marchandera pas les promesses. Votre cœur, votre pauvre cœur, battu, frissonne au dedans de vous, sous le vent de l’épreuve, comme la feuille agitée par un vent de tempête : « Que votre cœur ne se trouble point, dit-il, vous aurez la paix, une paix que « le monde ne donne pas, une paix qui surpasse « toute intelligence. » — Aussi loin que votre regard puisse s’étendre à l’horizon, vous ne sauriez découvrir ici-bas qu’un océan de tristesses, dont les vagues sombres vous battent et vous submergent sans relâche : « Voici, vous allez être inondés d’une joie parfaite, que rien ne pourra désormais vous ravir. Vos tristesses elles-mêmes « vont se changer en joies, et vos cris de désolations en cantiques d’allégresse. » — Désespérément convaincus de l’inexorable fixité des infortunes qui vous accablent, vous avez bouché vos oreilles, et vous êtes écrié : Malheur ! malheur à ceux qui pleurent ; malheur, car certainement il n’y a point de consolations ! « Heureux, dit-il, heureux ceux qui pleurent ! heureux, car il y a une consolation, et une consolation de tel prix, que le bonheur terrestre le plus complet ne vaut pas la plus amère douleur, si elle a pour effet de vous la procurer. » — Recevez seulement des mains de ce nouveau médecin le baume qu’il a pour vos plaies, et vous n’aurez plus jamais rien à envier, ni rien à demander à personne, et ni regret du passé, ni déception du présent, ni angoisse de l’avenir, ni soupirs rongeants, ni larmes brûlantes, vous ne connaîtrez plus rien de toutes ces choses ; le bonheur suprême, le ciel même remplira votre cœur. Vous serez à la source des rassasiements intarissables, enfin, et il ne vous restera plus qu’à y puiser à longs traits pendant le temps et pendant l’éternité. — Mais quel est-il donc, ô maître, ton remède infaillible ? — Ecoutez ! — « Je suis la source qui jaillit en vie éternelle. Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive ! Et celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, n’aura plus jamais soif. » N’est-ce pas là de nouveau sa réponse ?
Mais voici qui est bien plus surprenant encore. Le Fils de l’homme a un remède pour les consciences chargées, et ne voyez-vous pas que c’est ici surtout que se rencontrent ses plus tendres et ses plus sérieuses compassions ? — Ecoutez donc, vous les péagers et les gens de mauvaise vie, vous qui portez le poids du crime et de la honte, lie de notre race, troupe de dégradés, à qui la société de vos semblables ne laisse d’alternative qu’entre la fange et le désespoir. Prêtez l’oreille et soyez attentifs, car en voici un, cette fois, qui ne craindra pas de souiller sa main au contact de la vôtre. Il est venu, dit-il, non pour les justes, mais pour les pécheurs. Il est venu chercher et sauver ce qui était perdu ! perdu… vous l’entendez, et, dans sa bouche, cela signifie : les femmes perdues, les malfaiteurs perdus, perdus dans les antres du vice, et jusque sur les instruments du dernier supplice. Il est venu vous chercher, mais qu’a-t-il donc à vous offrir ? Il a pour votre vie, dégoûtante peut-être, un moyen d’effacement absolu. Il a pour votre âme profanée, une virginité que n’a pas connue l’enfant qui vient de naître. Il a pour remplacer votre livrée d’infamie, une robe de justice, devant laquelle les étoiles même ne sont pas pures. Quand vos péchés seraient rouges comme le cramoisi, et votre conscience, noire comme l’enfer, il a de quoi rendre tout en vous blanc comme la neige et pur comme le ciel. — Ce sont là, du moins, ses promesses, et vous savez tous que je ne les exagère pas. Que dis-je ? Elles vont bien plus loin encore, puisque cette même régénération des réprouvés, il ose la déclarer indispensable aux plus honnêtes et aux plus honorés d’entre les hommes. Etonnez-vous derechef, si vous le voulez, ici. Ce n’est pas moi qui parle, encore une fois, c’est lui. Telles sont les offres qu’il adresse aux derniers, qu’elles doivent faire encore l’envie des premiers. Tel est l’éclat de cette justice nouvelle, dont il revêt gratuitement les misérables, que toute justice, auprès d’elle, doit paraître comme un haillon percé de trous, comme un linge souillé, propre à faire rougir celui qui le porte. Accourez donc aussi, vous, les principaux du peuple, les honnêtes, les délicats, qui bâtissez à grand’peine, et sans y réussir, l’édifice branlant de votre assurance devant l’Eternel. Il vous invite à renverser tout cet échafaudage, pour ne plus vous appuyer que sur les assurances qu’il donne lui-même, et donne à tous libéralement. Plus d’illusions, désormais plus de feintes, plus de faux semblants d’innocence. Qu’on arrache enfin tous les masques et qu’on enlève tous les appareils, afin que les plaies paraissent, et que le fond des cœurs se découvre. Eh ! vous aussi vous êtes perdus, ne le sentez-vous pas. Le regard de Dieu vous tue ! Mais vous aussi, vous allez être sauvés. — Mais quel est donc, ô maître, ce nouveau secret par lequel tu ressuscites tous les morts et tous les mourants du péché ? — Ecoutez ! — « Je suis la vie. Celui qui a le fils a la vie éternelle. »
Je suis la vie ! Je suis la paix ! Je suis la vérité ! Je suis la voie ! Mais quel est donc celui qui parle ainsi ? Et à quelle place prétend-il au milieu de nous ? Il n’y a qu’un soleil dans la nature, pour dire : — C’est moi qui répands la lumière, l’éclat, la force ; c’est moi qui fais le jour après la nuit, et le printemps après l’hiver. Regardez à moi, vous, toutes les créatures, regardez et vous vivrez. — Y aurait-il donc un soleil aussi dans l’univers des âmes, et ce soleil aurait-il nom Jésus ?
Mes frères, il faut que nous sachions à quoi nous en tenir. Nous interrogerons celui qui vient à nous avec des promesses et des prétentions d’une aussi exorbitante énormité. Il a voulu se manifester au monde ; nous nous arrêterons devant cette manifestation ; nous en ferons le tour : Ce n’est que justice. Nous lui demanderons ses titres, je vous le promets. Hommes, en tant qu’hommes, nous avons nos conditions à poser à cet homme, avant de lui accorder l’hommage auquel il prétend. Nous en avons trois, en tous cas. Il faut que nous le voyions, tour à tour, face à face avec le péché, face à face avec la souffrance, face à face avec la mort ; car de sa propre attitude devant ce triple abîme, où nous sombrons tous et d’où il s’agit de nous retirer, dépend absolument la nôtre devant lui. Ce n’est pas nous qui avons posé la question dans ces termes extrêmes ; c’est lui, vous l’avez entendu. Tel qu’il se présente au monde, il faut de toute nécessité, ou qu’il tombe dans la poussière, ou que nous y tombions nous-mêmes à ses pieds. Il est tout ou il n’est rien ! Il est ce que vous êtes, mes frères, ce que je suis, moins encore, ou c’est à Lui qu’appartiennent, et sur vous et sur moi, le règne, la puissance et la gloire !
Je n’ai pas le droit, sans doute, d’anticiper aujourd’hui sur une conclusion qui, pour être fondée, suppose encore de votre part et de la mienne une longue et consciencieuse étude. Néanmoins, il est un ordre de considérations que j’ai intentionnellement exclu de notre travail, et auquel il me sera permis d’emprunter, peut-être, la finale de ce premier discours. Je veux parler de l’expérience. Quoiqu’il en soit de la légitimité rationnelle des droits du Fils de l’homme à notre totale confiance, ou, pour employer le langage de l’Evangile, à notre foi, le fait est là que, depuis dix-huit siècles, il ne cesse de s’accomplir, dans le monde, des merveilles en Lui. — Votre mémoire en est pleine, la mienne aussi. Je vous en veux citer deux traits.
Voici le premier : Un pasteur, dont je pourrais dire le nom, racontait un jour, devant moi, le fait suivant : — Il est mort, il y a peu d’années, dans ma paroisse, une femme dont j’avais suivi l’histoire depuis sa jeunesse. Elle avait connu des jours heureux, brillants même. Mais, graduellement, l’épreuve s’était appesantie sur elle et l’avait écrasée. D’une position aisée, elle était tombée dans la dernière misère, jusqu’à se voir dans l’extrémité, si cruelle aux âmes délicates, de dépendre, pour sa subsistance, de la charité d’autrui. Son cœur, du moins, n’était pas absolument dépouillé. Mais bientôt elle vit, les uns après les autres, mourir tous les êtres chéris qui avaient adouci ses peines, après avoir embelli ses joies. Demeurée seule et isolée, pour surcroît d’infortune, elle se vit atteinte par l’une des plus cruelles maladies qui affligent l’humanité. Depuis des mois déjà, elle languissait sur un véritable lit de torture, n’ayant à prévoir ici-bas qu’une lente aggravation de souffrances, prélude d’une mort aussi atroce qu’inévitable. Entrant un jour dans son misérable réduit, le cœur serré d’avance à la pensée de tant de douleurs ramassées sur un point, je la surpris les yeux rouges encore de larmes fraîchement versées, qu’elle cherchait en vain à me dissimuler. Croyant aussitôt à quelque nouveau malheur : — Ma pauvre amie, lui dis-je, en lui prenant la main, que vous est-il donc encore arrivé ? — Oh ! Monsieur, me répondit-elle en souriant de ma méprise, ce n’est pas de tristesse que je pleurais, c’est de joie. Quand vous êtes entré, je pensais à mon Sauveur. — Et cette joie ne se démentit jamais, jusqu’à l’heure encore éloignée de son terrible, mais tranquille délogement. Or, ajoutait notre ami, je puis attester, la main sur la conscience, que cette femme est bien, sans contredit, l’être le plus malheureux qu’il m’ait été donné de rencontrer, entre tant d’êtres malheureux, pendant les quarante années de mon long ministère. — Ce fait, mes frères pour vous frapper, n’a qu’un défaut, celui d’être trop ordinaire. Il n’est pas un pasteur, sans doute, si jeune soit-il, qui n’en ait de tout semblables à tirer de son expérience. Que dis-je ? Est-il un chrétien, est-il un seul d’entre vous qui, venant consulter ses souvenirs, ne puisse dire : Mais cet être accablé de maux, et néanmoins pleurant de joie, je l’ai connu, je le vois encore, c’est un tel.
Voici donc l’autre trait que je vous ai promis. En 1662, s’éteignait près de Paris, un des plus vastes et des plus profonds génies qui, dans le cours des siècles, aient illustré notre race. Celui-là avait connu toutes les séductions de la science et tous les enivrements d’une gloire précoce, mais aussi tous les tourments de la pensée et toutes les agonies du doute. Dans la fleur de son âge, à 39 ans, au moment du plus splendide épanouissement de ses rares facultés, il mourait comme un saint. On trouva dans ses papiers, au milieu de trésors qui l’ont porté d’entrée et le maintiendront à toujours au premier rang d’entre les premiers, un écrit intitulé : Confession. Il y exprime, dans un langage sublime de candeur et de simplicité, l’état d’une âme parfaitement satisfaite, ne respirant plus que la paix, la charité, le ciel même, et il le termine par ces mots : « Voilà quels sont mes sentiments, et je bénis tous les jours de ma vie mon Rédempteur, qui les a mis en moi, et qui, d’un homme plein de faiblesse, de misère, de concupiscence, d’orgueil et d’ambition, a fait un homme exempt de tous ces maux, par la force de sa grâce, à laquelle toute gloire en est due, n’ayant de moi que la misère et l’erreur. » — Et si l’on avait eu besoin de chercher l’explication de cette explication, on l’aurait rencontrée dans un autre écrit qu’il avait pris l’habitude de porter religieusement sur lui même, en souvenir d’une veille mémorable, où s’était, à ses yeux, décidé le sort éternel de son âme. Là, les derniers mots, tracés en lettre de feu, sont ceux-ci : — « Jésus-Christ ! — Jésus-Christ ! — Je m’en suis séparé, je l’ai fui, renoncé, crucifié. — Que je n’en sois plus jamais séparé ! — Renonciation totale et douce ! » — Il ne faudrait, cette fois, qu’une seule chose pour rendre ce second exemple aussi ordinaire que le premier, c’est de faire plus nombreux les hommes à mettre à côté d’un Blaise Pascal.
Tel est cependant Jésus-Christ. Parcourez avec lui les monts et les vallées de l’humanité. Si vous le suivez dans les lieux les plus bas de la terre, vous y verrez les derniers, les plus malheureux de tous les hommes, se lever tour à tour de leur fumier ou de leur grabat, pour entonner des cantiques en pleurant de joie à son approche. Et si, de là, toujours avec lui, vous gravissez les plus hauts sommets des plus hautes montagnes, ce sera pour entendre le génie balbutier à sa rencontre des paroles d’humble reconnaissance et de renonciation totale et douce.
Je puis donc bien, sans crainte de vous égarer, dès aujourd’hui, vous dire : Allez à Lui !
Amen.