(1) J'ai déjà suffisamment montré, je pense, très puissant Épaphrodite[2], par mon histoire ancienne, à ceux qui la liront, et la très haute antiquité de notre race juive, et l'originalité de son noyau primitif, et la manière dont elle s'est établie dans le pays que nous occupons aujourd'hui ; en effet 5 000 ans[3] sont compris dans l'histoire que j'ai racontée en grec d'après nos Livres sacrés. (2) Mais puisque je vois bon nombre d'esprits, s'attachant aux calomnies haineuses répandues par certaines gens, ne point ajouter foi aux récits de mon Histoire ancienne et alléguer pour preuve de l'origine assez récente de notre race que les historiens grecs célèbres ne l'ont jugée digne d'aucune mention, (3) j'ai cru devoir traiter brièvement tous ces points afin de confondre la malveillance et les mensonges volontaires de nos détracteurs, redresser l'ignorance des autres, et instruire tous ceux qui veulent savoir la vérité sur l'ancienneté de notre race. (4) J'appellerai, en témoignage de mes assertions, les écrivains les plus dignes de foi, au jugement des Grecs, sur toute l'histoire ancienne; quant aux auteurs d'écrits diffamatoires et mensongers à notre sujet, ils comparaîtront pour se confondre eux-mêmes. (5) J'essaierai aussi d'expliquer pour quelles raisons peu d'historiens grecs ont mentionné notre peuple ; mais, d'autre part, je ferai connaître les auteurs qui n'ont pas négligé notre histoire à ceux qui les ignorent ou feignent de les ignorer.
[1] Les intitulés des chapitres sont de notre fait.
[2] C'est le même auquel est dédiée la Vita et qui fut un des patrons des Antiquités (I, § 8). Le langage de Josèphe dans ces divers passages prouve que c'était un personnage haut placé et qui avait subi des vicissitudes politiques ; aussi l'a-t-on identifié, non sans vraisemblance, à Épaphrodite, affranchi et secrétaire de Néron, qui aida son maître à se tuer, et fut plus tard, à raison de ce fait, banni puis mis à mort par Domitien en 96 (Suétone, Domitien, 14). La seule objection c'est que la Vita, dédiée à Épaphrodite, parle d'Agrippa II comme étant mort (c. 65, § 359) ; or, d'après Photius (cod. 33), ce roi serait mort l'an 3 de Trajan (100 ap. J.-C.). Mais ce renseignement est suspect et nous ne possédons aucune monnaie d'Agrippa postérieure à Domitien. Épaphrodite ayant été tué en 95 (Dion, LXVII, 14) et les Antiquités achevées en 93 (Ant., XX, 11), il en résulte que le Contre Apion a été écrit en 94 ou 95.
[3] Même chiffre Ant. Proœm : les 5.000 années se décomposent en 3.000 de la création à Moïse (infra, I, 39) et en 2.000 depuis l'époque de Moïse et Aaron (infra, I, 36 et II, 226). Ailleurs (Ant., X, 8, 5, etc.) Josèphe ne compte que 4223 ans depuis la création jusqu'à Titus.