Méditations sur la Genèse

Avant-propos du Traducteur

C’est en étudiant la Genèse, en vue de l’édification de ma paroisse, que j’ai appris à apprécier le livre dont je publie aujourd’hui la traduction, avec l’autorisation bienveillante de l’auteur. Jamais comme en me livrant à cette étude, je n’avais été frappé du caractère de grandeur et de simplicité monumentales de ce document des révélations primitives et des plus anciens souvenirs de l’humanité. A côté d’admirables caractéristiques des patriarches et d’une foule de vues profondes sur le développement du règne de Dieu, j’ai trouvé dans l’ouvrage de M. Thiersch une richesse extraordinaire d’applications pratiques. Je ne connais pas de recueil de sermons qui le surpasse à cet égard. Aussi est-ce aux prédicateurs, avant tout, que j’offre ce volume, persuadé qu’ils y trouveront, comme moi, une nourriture saine et forte à distribuer à leurs troupeaux. Ils reconnaîtront bien vite qu’ils n’ont pas à faire ici à un esprit d’une portée ordinaire, mais à une intelligence élevée, d’une originalité souvent géniale, et dont la haute culture classique se fait sentir partout. M. Thiersch est un maître aussi bien pour la solidité du fond que pour le soin et la beauté de la forme. Son style se distingue par une remarquable clarté et une concision digne de Tacite, que j’aurais voulu pouvoir, mieux que je n’ai su le faire, conserver dans la traduction.

Heinrich-W.-J. Thiersch est né à Munich, en 1817. Il était le fils aîné du célèbre philologue Friedr. Thiersch. Atteint dans son enfance d’un mal douloureux qui ne l’empêchait pourtant pas de se livrer à l’étude, il acquit de bonne heure une maturité et une culture scientifique peu communes. A 22 ans il était docteur en théologie et donnait des cours à Erlangen. A la même époque, il épousait l’une des filles de Chr.-H. Zeller, le pédagogue chrétien bien connu, de Beuggen. En 1843, il devint professeur à l’université de Marbourg, qu’il dut quitter en 1849. Il a habité, dès lors, sans revêtir de nouvelles fonctions publiques, Munich, Augsbourg et enfin Bâle, où il réside actuellement.

L’activité littéraire de M. Thiersch a été longue et variée. Il débuta par la théologie proprement dite. Personne peut-être n’a fait de nos jours une étude plus complète et plus approfondie des Pères de l’Eglise. Cette étude le mit en état, tout jeune encore, de lutter le premier et avec succès contre le chef de la nouvelle école critique, Ferd.-Christian Baur. Son Versuch zur Herstellung des historischen Standpuncts für die Critik der neutestam. Schriften (1845) lui valut une très vive réplique de Baur, à laquelle il répondit à son tour dans ses Einige Worte über die Echtheit der neutest. Schriften und ihre Enueisbarkeit aus der ältesten Kirchengeschichte (1846). A côté de travaux en latin sur l’épître aux Hébreux, la version alexandrine du Pentateuque et le discours d’Etienne (Actes ch. 7), M. Thiersch a publié un important ouvrage sur le siècle apostolique : Die Kirche im apostolischen Zeitalter und die Entstehung der neutestam. Schriften (3e éd., 1879).

Dans le domaine des questions pratiques et ecclésiastiques, je nommerai, entre autres écrits sortis de sa plume, les suivants : Vorlesungen über Catholicismus und Protestantismus (2e éd., 1848) ; Döllingers Auffassung des Urchristenthums (1861) ; Ueber den christlichen Staat (1875) ; Das Verbot der Ehe innerhalb der nahen Verwandschaft (1869) ; et surtout l’excellent petit écrit : Ueber christliches Familienleben (7e éd., 1876), qui, je l’espère, ne tardera pas à paraître en français.

Enfin, M. Thiersch est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages d’édification (Beiträge zum Verständniss der christl. Lehre, 1858 ; Die Gleichnisse des Herrn nach ihrer moralischen und prophetischen Bedeutung betrachtet, 1875 ; Die Bergpredigt und ihre Bedeutung für die Gegenwart, nouvelle éd. 1878 ; Ueber die Gefahren und Hoffnungen der christl. Kirche, 2e éd., 1878 ; etc.) et d’écrits historiques ou biographiques (Griechenlands Schicksale vom Anfang des Befreiungskrieges, 1863 ; Luther, Gustav-Adolf und Maximilian I. von Baiern, 1869 ; biographies étendues de son père, de son beau-père et du professeur E.-A. von Schaden ; conférences sur Mélanchton, Wesley, Lavater, etc.).

Il m’est impossible de passer sous silence le fait le plus caractéristique de la carrière de M. Thiersch, son entrée dans l’Eglise « apostolique, » communément appelée irvingienne. Je le puis d’autant moins, que l’influence des doctrines de cette Eglise se fait, quoique avec une grande réserve, sentir dans les pages qu’on va lire. Son adhésion à l’irvingianisme a coûté à M. Thiersch sa position de professeur à Marbourg, et lui a imposé des sacrifices de plus d’un genre. Dès longtemps frappé et affligé du triste état de l’Eglise, il avait cru reconnaître l’intervention du Seigneur dans l’œuvre « apostolique » qui se poursuivait depuis 1830 en Ecosse et en Angleterre et à laquelle son principal fondateur, le pasteur Edouard Irving (mort en 1834), a donné son nom. Il s’y rattacha formellement en 1847, et jusqu’à ces dernières années il a rempli diverses charges dans cette Eglise.

Je n’ai pas à examiner ici les principes de l’Eglise irvingienne, qui a rétabli les charges de l’Eglise primitive et en particulier l’apostolat, et dans le sein de laquelle se sont produits des phénomènes que ses adeptes envisagent comme une résurrection des dons miraculeux du premier siècle. On comprendra, sans que j’aie besoin d’insister, qu’en traduisant l’ouvrage de M. Thiersch, je n’ai point entendu me rendre solidaire des vues propres à l’irvingianisme que l’on y rencontrera quelquefois. Quant à la préoccupation dominante du retour de Christ, que l’irvingianisme envisage comme très prochain, il ne saurait être inopportun de la replacer devant les yeux de notre chrétienté, surtout quand on sait en tirer des leçons aussi saisissantes que celles qu’y puise M. Thiersch.

On reconnaîtra d’ailleurs chez lui l’esprit toujours large et élevé de la vraie catholicité chrétienne, bien éloigné de toute préoccupation sectaire. Peut-être lui reprochera-t-on d’abuser de l’allégorie. Mais, là même où il semblera dépasser la mesure, la vérité et le sérieux des applications au temps présent, la fermeté et la lucidité des jugements, feront taire la critique. Je n’ai pas besoin de recommander à l’attention du lecteur la préface dans laquelle l’auteur expose ses vues sur l’interprétation de l’Ancien Testament.

Je dois encore au lecteur une courte explication sur mon travail de traducteur et sur les notes dont j’ai fait suivre les discours de M. Thiersch. L’ouvrage allemand a été condensé dans la traduction, sans qu’aucune pensée de quelque importance ait disparu. Quant aux notes, elles n’ont pas plus la prétention d’être complètes que celle de donner les résultats de recherches originales. Sans traiter aucune des questions théologiques et critiques qui se posent à l’occasion de la Genèse, j’ai cru rendre service à quelques personnes en réunissant, sur certains points importants, des renseignements de fait empruntés aux derniers travaux de la science et propres à compléter l’explication pratique du texte sacré.

Que le Seigneur veuille bénir ce travail entrepris en vue de l’édification de son Eglise !

Le 30 novembre 1881.

G. G.

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