Monsieur,
On trouvera peut-être étrange qu’y ayant déjà tant de beaux et excellents sermons, que des hommes incomparables ont mis depuis longtemps dans les mains du public, et qui ont été lu avec beaucoup d’édification, je me sois avisé d’en donner aussi des miens. Comme les miens n’ont ni les mêmes grâces ni la force que ceux de ces illustres serviteurs de Dieu, il n’y a pas apparence qu’il puisse avoir le même succès. Le siècle a trop de lumières, et trop de discernement pour ne pas mettre de la différence entre des pièces achevées, et d’autres qui ne le sont pas, et pour leur donner à toutes une égale approbation. Mais quand cette raison n’aurait pas de lieu, et que je pourrais me flatter de l’opinion que mes sermons méritaient assez d’être reçus, je ne dois pas ignorer que quelques bonnes que soient les choses, l’abondance leur est fatale, qu’elle en diminue l’estime, et qu’on n’a qu’à en multiplier le nombre pour les faire mépriser. Il est vrai que si les hommes étaient bien sages, ils devraient au moins excepter la parole de Dieu, et les saintes explications que les ministres en donnent, et ne pas les soumettre à cette injuste loi, qui fait dépendre le prix des choses de leur rareté. Mais ils en usent autrement, et l’expérience ne justifie que trop qu’il n’y a pas de livres dont on soit plutôt rassasié que des livres de religion, et particulièrement de ceux qui ont pour but de toucher la conscience, et d’exciter la dévotion. Ce sont aujourd’hui des livres désagréables et fatigants, dont on ne saurait presque plus soutenir la vue. On en est importuné comme les israélites l’étaient de la manne lorsqu’ils disaient, nos yeux ne voient que manne.
Cependant, Monsieur, cela ne m’empêche pas de mettre en lumière les actions que j’y ai faites sur une des plus admirables paraboles de l’Évangile, et la richesse de la matière l’a emporté sur les raisons qui m’en pouvaient détourner. Je n’en attends pas beaucoup de fruits, car jamais siècle ne connut si bien les vérités du Ciel que fait le nôtre, et jamais siècle n’eut moins de dispositions à les pratiquer. Mais j’ai cru devoir cela à la dignité de mon sujet qui est un qui est un des plus grands et des plus beaux de toute la religion chrétienne. D’ailleurs je me suis appliqué ce que Saint-Paul disait à son disciple Timothée : insiste en temps, et hors de temps. Je suis même persuadé que notre endurcissement n’est pas si universel, qu’il n’est encore parmi nous plusieurs gens de bien qui s’appliqueront à cette lecture, et qui en feront leur profit. Vous serez sans doute, de ce nombre, Monsieur, et l’espérance que j’en ai est fondée sur la connaissance particulière que j’ai de votre piété, et du désir sincère que vous avez de faire votre salut. Vous avez entendu ces actions lorsque je les ai prononcées au milieu de notre troupeau, et vous ne serait pas marri de rappeler les idées passagères de la vive voix, pour les considérer encore, et pour les méditer avec plus d’application et de loisir.
Quand vous prendrez le livre dans vos mains, souvenez-vous que les choses qui y sont, sont de vives sources de consolation, de piété, et de sainteté. Lisez-le dans cette vue, et non simplement parce que l’auteur vous le dédie. Ne songez pas à me faire honneur, mais songez à en tirer le fruit pour lequel il est destiné. Je vous les dédie pourtant, Monsieur, avec toute l’ardeur, et la joie dont je suis capable, et je m’y suis senti obligé, par l’estime que je fais de votre vertu et de votre mérite, et par la reconnaissance que je dois avoir de l’affection dont vous m’honorez. Recevez-en je vous supplie ce témoignage, et faites-moi la grâce de me continuer votre bienveillance, je la regarderai toujours comme un bien très précieux, et je tâcherai de la conserver par toutes sortes de services. Dieu veuille répandre de plus en plus ses bénédictions sur vous, et sur toute votre maison, et vous faire sentir tous les jours de votre vie les effets de son amour paternel. C’est le vœu que je fais pour vous, vous assurant que je suis, Monsieur,
Votre très humble et très
obéissant serviteur,
Claude.