Le chrétien doit chercher à connaître non-seulement le salut qui est en Christ, mais aussi tous les fruits de ce salut. Il doit non-seulement s’assurer qu’il est dans la maison de son Père, mais encore jouir des privilèges de la maison.
« Dieu nous a appelés par la gloire et par la vertu (2. Pier. I, 3). »
Dans la gloire de Christ et de l’Église Dieu nous donnant un avenir que lui-même a rempli de ses desseins, l’étude de cette précieuse vérité vient remplir nos pensées de la manière la plus utile ; et c’est sûrement un des buts qu’il s’est proposés en nous dispensant la prophétie, laquelle nous révélant ses intentions, nous fait, en qualité d’amis (Jean, XV, 15 ; Éph. I, 9), participer aux pensées qui l’occupent. Il ne pouvait nous donner un plus tendre gage de son amour et de sa confiance (Gen. XVIII, 17), ni rien qui eût pour nos âmes une efficace plus sanctifiante. En effet, si c’est par le but qu’ils poursuivent que les hommes se caractérisent, notre conduite dans le présent se ressentira de l’avenir qui fait notre espérance, elle en portera nécessairement le reflet et la couleur. Ceux qui n’ambitionnent que dignités, ceux qui ne rêvent que richesses, ceux qui n’attendent leur bonheur que des plaisirs du monde, agissent chacun selon ce qui est dans leur cœur ; leur vie respective est réglée par les objets qu’ils affectionnent. Il en est de même de l’Église. Si les fidèles comprenaient leur vocation, qui est de participer à une gloire à venir toute céleste, qu’arriverait-il ? C’est qu’ils vivraient ici-bas comme des étrangers et des voyageurs. En connaissant les prophéties qui regardent cette terre, ils comprendraient mieux la nature des promesses terrestres faites aux Juifs, les distingueraient de celles qui nous concernent, nous Gentils ; ils jugeraient l’esprit du siècle et s’affranchiraient de préoccupations humaines et de soucis toujours funestes à la vie chrétienne ; ils apprendraient à s’appuyer sur Celui qui a tout réglé, qui connaît l’issue des choses dès le commencement, et à se livrer tout ensemble à l’espérance qui leur a été donnée, et à l’observation des devoirs qui en découlent.
On prétend que le véritable usage à faire des prophéties est de démontrer la divinité de la Bible par celles qui sont déjà accomplies. C’est bien un des usages qu’on en peut faire, mais ce n’est pas là le but spécial pour lequel elles ont été délivrées. Elles sont données non au monde, mais à l’Église, pour lui communiquer les pensées de Dieu, et lui servir de guide et de flambeau avant l’arrivée des événements qu’elles annoncent, ou durant le cours de ces événements. Que dirait-on d’un homme qui n’emploierait toutes les confidences d’un tendre ami que pour se convaincre plus tard qu’il a dit la vérité ? Hélas ! où en sommes-nous ? Avons-nous à ce point perdu le sentiment de nos privilèges et de la bonté de Dieu ? N’y a-t-il donc rien pour l’Église dans toutes ces saintes révélations ? car, certes, l’Église n’en est pas à se demander si Dieu, son céleste ami, a dit la vérité.
Mais il y a plus : la plupart des prophéties, et dans un certain sens, on peut dire toutes les prophéties s’accomplissent à l’expiration de l’économie qui nous concerne ; or, à cette époque il sera trop tard pour être convaincu de leur vérité ou pour les employer à la conviction d’autrui ; le jugement éclatant qui tombera sur ceux qui en doutent, en sera la démonstration assez évidente. J’en prends un exemple dans les prédictions du Seigneur. À quoi bon l’avertissement qu’il avait donné à ses disciples de s’enfuir dans telle ou telle circonstance, s’ils n’avaient point compris ce qu’il disait et cru d’avance à la vérité de sa parole ? C’étaient précisément cette connaissance et cette foi qui les distinguaient de tous leurs compatriotes incrédules. Il en est de même de l’Église : les jugements de Dieu vont frapper les nations, l’Église en est avertie ; grâce à l’enseignement du Saint-Esprit elle le comprend, le croit, et échappe aux malheurs qui doivent arriver.
Mais on objecte : ce sont des idées purement spéculatives. — Ruse de Satan. Si m’élevant au-dessus du présent, au-dessus du sentiment de mes besoins et des circonstances du moment ; si franchissant le domaine des êtres matériels, je m’élance dans l’avenir, dans ce champ livré à l’intelligence de l’homme, tout y sera vague et sans influence, ou je le remplirai soit de mes pensées, soit des pensées de Dieu. Mes pensées ! voilà la spéculation. Les pensées de Dieu, c’est la prophétie qui les expose et les développe ; car la prophétie est la révélation des pensées et des conseils de Dieu relativement à l’avenir. Quel est l’être portant le nom de chrétien qui ne jouisse pas de la perspective que « la terre sera pleine de la connaissance de l’Éternel, comme le fond de la mer des eaux qui le couvrent ? » Eh bien ! c’est une prophétie. Si nous demandons : comment s’accomplira-t-elle ? ce n’est pas de la bouche de l’homme que doit sortir la réponse ; la parole de la même prophétie nous instruit sur ce point, et fait taire les imaginations et la vaine gloire de nos cœurs orgueilleux.
En effet, bien que la communion de Dieu nous soulage et nous sanctifie, bien que cette communion qui doit être éternelle, nous soit déjà donnée, Dieu a voulu agir sur nos cœurs par des espérances positives, et il a fallu qu’il nous les communiquât pour qu’elles fussent efficaces, et que notre avenir ne fût ni vague, ni rempli de fables artificieusement composées. Or le Dieu de grâce et de bonté en soit loué, notre avenir n’est ni vague, ni rempli de fables artificieusement composées. « Car, » dit l’apôtre lorsqu’il veut entretenir la piété, la vertu, l’amour fraternel, la charité dans les âmes des fidèles, et faire qu’ils puissent se souvenir continuellement de ces choses, « ce n’est pas en suivant des fables artificieuses que nous vous avons fait connaître la puissance et l’arrivée de notre Seigneur Jésus-Christ ; mais c’est après avoir été témoins oculaires de sa majesté. Car lorsqu’il reçut de Dieu le Père l’honneur et la gloire, cette voix lui ayant été adressée par la gloire magnifique : « C’est ici mon Fils bien aimé en qui j’ai mis ma bienveillance, » nous entendîmes aussi cette voix adressée du ciel, étant avec lui sur la sainte montagne. Et nous avons la parole prophétique plus ferme, à laquelle vous faites bien de vous attacher, comme à une lampe éclairant dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour ait commencé à luire, et que l’étoile du matin se soit levée dans vos cœurs, — sachant premièrement ceci, c’est qu’aucune prophétie de l’Écriture n’est d’une explication particulière ; car jamais prophétie ne fut apportée par une volonté d’homme ; mais c’est poussés par l’Esprit saint, que les saints hommes de Dieu ont parlé. » 2 Pierre, I, 16-21.
En étudiant les traits les plus généraux de la prophétie, nous examinerons ces trois grands sujets : l’Église, les nations et les Juifs.
En poursuivant cette étude, nous trouverons, selon la mesure de lumière qui nous est donnée, un résultat des plus doux, à savoir le plein développement des perfections de Dieu selon les deux noms ou caractères sous lesquels il s’est révélé dans ses relations avec nous. Aux Juifs, c’est comme l’Éternel qu’il se révèle (Exode. VI, 3) ; à l’Église, c’est comme Père. Jésus par conséquent est présenté aux Juifs en qualité de Messie, centre des promesses et des bénédictions de l’Éternel envers leur nation ; à l’Église, il apparaît comme Fils de Dieu, réunissant à lui ses « plusieurs » frères, en partageant avec nous son titre et ses privilèges, ceux « d’enfants de Dieu, » « membres de sa famille » et « cohéritiers du Premier-né, » qui est l’expression de toute la gloire de son Père. Dans la consommation des siècles, quand Dieu réunira toutes choses en Christ, alors sera aussi réalisé le plein sens du nom sous lequel il s’est révélé à Abraham, chef des fidèles, de ce nom sous lequel il a été célébré par Melchisédec, type de ce sacrificateur royal, qui sera le centre comme l’assurance de la bénédiction de la terre et des cieux réunis, le nom de « Tout-Puissant possesseur des cieux et de la terre. »