Le ministère

I.
De la nature du sacerdoce lévitique comparée à celle du ministère évangélique

L’existence d’un ministère tient à la nature de l’économie actuelle, et, en disant cela, l’on monte très-haut pour en trouver la source ; car la nature de celle économie n’est autre chose que la souveraine grâce de Dieu, l’activité de son amour.

La position et le caractère, que revêtent les serviteurs de Dieu, sont toujours et nécessairement en rapport avec les principes de la relation qui existe entre Dieu et les hommes. Lorsqu’il n’y avait que des familles qui fussent reconnues de Dieu, le chef de la famille était sacrificateur et prophète de sa famille. Abraham, Noé et d’autres patriarches en sont des exemples. Mais, ce principe devient d’une application plus générale et plus importante, lorsqu’il s’agit de toute une économie, comme dans le cas des Juifs et du Christianisme ; les voies de Dieu et les principes de ses relations avec les pécheurs y sont développés avec beaucoup plus de détails pour la conscience, plus de clarté et de splendeur quant à l’accomplissement et à la révélation de la grâce.

Voici, sous ce rapport, la grande distinction entre ces deux économies. Dans le Judaïsme, sous la montagne de Sinaï, où la loi a été donnée et où les ordonnances qui réglaient les relations entre Dieu et le peuple ont été établies, nous avons un peuple déjà formé et connu comme corporation devant Dieu ; un peuple que Dieu avait déjà amené à Lui (Exode XIX), qui tenait son existence et ses droits du titre d’enfants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et qui, à quelques exceptions près, se recrutait en vertu de ce principe généalogique. En un mot, le peuple était déjà formé quand Dieu établit des relations avec lui ; car Dieu a voulu essayer si l’homme, privilégié de la sorte et mis en jouissance de tous les avantages possibles pour maintenir sa position, pouvait subsister devant Lui.

L’œuvre et le principe du Christianisme sont tout autres. Le Christianisme suppose l’homme perdu ; il suppose que l’essai, que Dieu en a fait par le moyen de la loi, n’a servi qu’à démontrer plus clairement l’impossibilité où l’homme se trouve, quels que soient ses avantages et ses privilèges, de subsister devant Lui. Mais, cela démontré, Dieu, par le Christianisme, visite en grâce cette race perdue ; voit les Gentils enfoncés dans l’ignorance et l’idolâtrie, et dégradés par les souillures les plus révoltantes ; trouve les Juifs plus coupables encore, ayant été, eux, infidèles à de plus grands privilèges ; et, Gentils et Juifs, les met tous en saillie comme la preuve terrible que la nature humaine est déchue et corrompue et que, dans la chair, il n’existe aucun bien. Dieu, dans le Christianisme, voit les hommes méchants, misérables, en révolte et perdus ; mais il les voit selon ses compassions infinies. Il ne prend connaissance de ces misères de l’homme que pour lui rendre témoignage de sa miséricorde. Il voit et vient appeler les hommes, par Jésus, pour qu’ils jouissent en Lui et par Lui de la délivrance et du salut, de sa faveur et de sa bénédiction.

La conséquence de la position du peuple Juif était très-simple : une loi pour diriger la conduite d’un peuple existant déjà comme tel devant Dieu, et une sacrificature pour maintenir les relations qui subsistaient entre ce peuple et leur Dieu ; relations qui n’étaient pas d’un caractère propre à rapprocher le peuple de Lui sans intermédiaire. Il ne s’agissait pas d’appeler et de chercher ceux de dehors, mais de régulariser les rapports avec Dieu d’un peuple déjà reconnu comme tel.

Comme nous l’avons vu, le Christianisme a un caractère tout différent. Il considère tous les hommes comme perdus ensemble, démontre qu’ils le sont en effet, et cherche, par la puissance d’une nouvelle vie, des adorateurs en esprit et en vérité. Aussi veut-il introduire les adorateurs eux-mêmes dans la présence du Dieu qui s’y révèle comme leur Père, – Père qui les a cherchés et sauvés ; et il veut les y introduire, non par l’intervention d’une classe intermédiaire de sacrificateurs qui se présentent à la place des adorateurs parce que ceux-ci ne pourraient eux-mêmes s’approcher d’un Dieu terrible et à moitié connu, mais dans une entière confiance en un Dieu connu et aimé, parce qu’Il les avait aimés, cherchés et lavés de tous leurs péchés, pour qu’ils fussent sans crainte en sa présence.

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La conséquence de ces relations si différentes des Juifs et des Chrétiens avec Dieu est que les Juifs avaient une sacrificature et non un ministère qui agit au dehors du peuple ; tandis que le christianisme a un ministère qui agit dans la révélation active de ce que Dieu est, soit au dedans de l’Église, soit au dehors, et qu’Il n’a point de sacrificature intermédiaire entre Dieu et son peuple, sauf le grand Sacrificateur Lui-même. La sacrificature chrétienne est celle qui est composée de tous les vrais Chrétiens ensemble, lesquels jouissent tous du droit d’entrer dans les lieux saints par le chemin nouveau qui leur a été consacré ; sacrificature qui, du reste, a rapport essentiellement au ciel.

Le ministère est donc essentiel au Christianisme qui est l’activité de l’amour de Dieu pour tirer les âmes de la ruine et du péché et les amener à Lui-même.

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Sur cette terre donc, sous le rapport des relations de Dieu avec les hommes, une sacrificature distinguait l’économie Judaïque, un ministère l’économie Chrétienne, parce que la sacrificature maintenait les Juifs dans leurs relations avec Dieu et que, par le ministère, le Christianisme cherche dans le monde des adorateurs pour le Père. Je dis : sur cette terre ; car, en effet, quant au côté le plus élevé de la position chrétienne, en ce qui se rapporte au ciel, le Christianisme a ses rois et sacrificateurs, savoir tous les saints. Le culte qui se rend à Dieu n’est pas un ministère ; c’est l’expression du cœur de la famille devant son Père dans le ciel et des sacrificateurs devant leur Dieu, dans l’intimité de la présence de Celui qui, dans son amour, a déchiré le voile que sa Justice avait opposé au pécheur, et l’a déchiré par un coup qui a désarmé la justice et ne lui a rien laissé à demander que l’heureuse lâche de revêtir de sa meilleure robe ceux auxquels l’entrée était auparavant interdite. Supposer donc la nécessité d’une classe de sacrificateurs, c’est nier l’efficace de l’œuvre de Christ, qui nous a acquis le privilège de nous présenter nous-mêmes devant Dieu ; c’est, sans le dire, nier le Christianisme dans son application à la conscience et à la justification du pécheur ; c’est bouleverser toutes les relations que Dieu a établies pour se glorifier Lui-même et placer l’homme dans la paix et la bénédiction. De l’autre côté, Dieu agissant dans le Christianisme selon l’activité de son amour envers les pécheurs, le ministère chrétien devient l’expression de cette activité ; il a sa source dans la puissance de cet amour aussi bien en appelant les âmes qu’en nourrissant celles qui sont appelées et que Jésus aime.

C’est ainsi que Saint-Paul nous le présente comme une des choses qui caractérisent l’Évangile de grâce.

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