Parler d’amour !
Alors qu’il n’est pas de thème plus rabâché !
Si encore c’était pour ajouter une page inédite à tout ce que les romans ont déjà conté !
Si encore ma verve était celle d’un poète ! mais non.
La fiction romanesque me distrait ; je prends un vif intérêt aux mille variations dont elle est capable, mais je ne suis pas romancier.
Quant à la poésie… ? Les muses n’ont jamais goûté ma compagnie. Je sais m’émouvoir à l’écoute des pages inspirées… à condition que la plume des autres les aient écrites.
Donc, ni romancier, ni poète.
Y a-t-il une autre manière de parler de l’amour ? Je me garderai bien d’oublier les chansonniers. Chaque siècle en a produit. Dans le nôtre, ils foisonnent. Disques, radio, télévision, autant d’occasions qu’ils ont de se faire entendre. Au point qu’on est las de les écouter. Cette lassitude tient moins à la multiplicité des chansons qu’à la trop fréquente vanité et de leurs paroles et de leur musique. C’est dommage pour les bons chansonniers. Car il en existe. Mais je le dis d’emblée, leur art n’est pas le mien.
— Alors, à quel titre écrivez-vous ?
— Au titre d’amant, tout simplement. C’est-à-dire, au premier sens de ce mot, en homme qui a de l’amour pour sa femme. Mais il est nécessaire de préciser, et le sens, et la portée de celle intention.
Une certaine sagesse nous a déjà appris que les expériences ne sont utiles à personne sinon à ceux qui les ont faites. Et encore ne se laissent-ils pas toujours enseigner par elles. Je me garderai donc ici de faire état d’événements et de circonstances personnelles. Quand même la pudeur est une vertu peu prônée aujourd’hui, je lui ferai une place de choix et ne donnerai pas à ma pensée liberté d’emprunter le chemin de la confession.
Cependant, je n’ai bas à cacher mon titre d’époux.
Il est là pour conférer à ma parole une certaine autorité. Non sans raison, on reste souvent sceptique devant les grandes théories sur l’éducation que nous tiennent précisément ceux qui n’ont jamais eu d’enfants. De même, on pourrait s’inquiéter un peu qu’un célibataire en vienne à écrire un livre sur l’amour conjugal.
Mon titre d’époux est donc là aussi pour solliciter la confiance de mes lecteurs. J’y tiens d’autant plus qu’en écrivant les pages qui vont suivre, c’est à eux surtout que j’ai pensé.
En effet, au travers de ces pages, mes lecteurs retrouveront le chemin qu’ils ont eux-mêmes suivi et sur lequel — je l’espère du moins — ils se tiennent encore. Parler d’amour, c’est partir à la recherche et à la découverte.
Car le véritable amour n’est pas un lieu dans lequel on s’installerait un jour ; c’est un chemin ; c’est une marche sur ce chemin. De jour en jour, cette marche nous réserve des joies à la fois renouvelées et nouvelles, Celui qui croirait être arrivé serait un égaré, ou un inconscient, à moins qu’il ne soit jamais parti.
On aime à revenir aux chemins qu’on a une fois parcourus. D’où l’intérêt que prendront ces pages aux yeux de beaucoup.
De plus, ce véritable amour, s’il a besoin de silence, s’il goûte particulièrement la solitude, sait se réjouir de tout témoignage qui encouragerait les autres, qui les fortifierait ou plus simplement les éclairerait dans leur marche et leur en ferait découvrir les aspects peut-être ignorés. En un mot, le véritable amour se réjouit de tout ce qui enrichit l’amour des autres.
Or, ces lignes doivent précisément beaucoup aux autres, à ces milliers d’hommes et de femmes de tous âges, de toutes conditions, que mon ministère de pasteur, d’évangéliste, de responsable à Radio Suisse romande de l’émission « Le courrier du cœur », ma donné d’approcher, d’écouter.
C’est un rare privilège que d’avoir à partager les souffrances et les joies de son prochain. Etonnerai-je quelqu’un si je dis que celles-ci sont toujours liées au problème de l’amour ? Enfant, il y a l’amour qu’on a ou qu’on n’a has reçu. Et cela nous marque pour toute la vie. Adolescent, il y a celui qu’on a côtoyé, rencontré, mais aussi qu’on à ou n’a bas bu partager ; et cela a des conséquences infinies. Adulte enfin, il y a celui qu’on a pu donner ou recevoir, à moins qu’on l’ait gâché ou que les autres soient venus le piétiner jusqu’à le détruire.
Aussi bien, derrière ces lignes, mes lecteurs retrouveront-ils souvent leur propre visage. D’abord parce qu’ils retrouveront quelques-unes de leurs lettres.
Ensuite, parce que la faculté d’aimer étant le propre de l’homme, rien ne nous rend plus proche d’autrui que sa souffrance ou sa joie sur le plan de l’amour.
Je sais que les circonstances rapportées dans ce livre, les souffrances ou les joies qu’il évoque, pourraient occasionnellement flatter une curiosité malsaine ou ce goût pervers qu’on peut avoir à connaître par le détail les difficultés des autres. On court un certain risque à étaler ainsi une réalité où l’homme est vu dans sa plus grande misère. Car il n’est pas pire misère que cette lâcheté, cette méchanceté, cette souillure dans lesquels l’homme peut plonger, au nom de l’amour. On nous en fera reproche, d’autant plus que ce livre va être feuilleté par des jeunes dont plusieurs ne soupçonnaient pas tout ce que le mot « amour » pouvait recouvrir de vilenies et de souffrances.
Craindrait-on qu’ils en prennent connaissance trop tôt ?
Ce serait oublier qu’elle s’étale brutalement sous leurs yeux, qu’elle assiège leurs oreilles à chaque fois qu’il leur est donné de prêter attention aux bruits de ce monde ! Alors, s’ils en prenaient connaissance de bonne heure, mais celle fois avec un commentaire explicatif et sans le fatras de belles phrases mensongères ou d’oripeaux à prétention artistique dont une certaine littérature de roman, de théâtre ou de cinéma s’empresse de l’habiller, s’en porteront-ils plus mal ? Surtout si à la suite de cette prise de contact — un peu brutale je le veux bien — ils se laissent ensuite conduire à la découverte du véritable amour et des conditions requises pour le rencontrer !
Au reste, toute réalité truquée, falsifiée, artificiellement enjolivée, finit toujours par décevoir. Le toc n’est recherché que par ceux qui, consciemment, veulent fuir la réalité et se tromper eux-mêmes. Mais ne tarde pas à revenir la fulgurante vérité. Elle n’apparaît parfois que l’espace d’un instant. Il est toujours suffisamment long pour que nous puissions en prendre conscience.
C’est pourquoi, il me semble que ce petit livre trouvera écho dans le cœur de mes semblables. Puisse-t-il à sa manière, leur révéler l’amour de Dieu et, selon Sa sainte volonté, leur apprendre à mieux « s’aimer ».