A mon sens, ce qui fait tout particulièrement défaut à la prédication protestante en langue française, c’est la connaissance approfondie des Écritures et l’habitude de les sonder dans les langues originales.Frédéric de Rougemont
Le docteur Trench est un des philologues les plus distingués de la Grande-Bretagne. Sans parler de tous ses ouvrages d’exégèse, celui dont nous avons entrepris la traduction occupe, depuis une douzaine d’années, le premier rang parmi les livres classiques des Facultés de théologie de langue anglaise. L’original, dans la seconde édition, forme un volume in-8°, de 340 pages.
Un tel ouvrage nous manque complètement en français. Celui de A. Pillon, qui a sa juste valeur, ne s’occupe que de la synonymie grecque en générala. Entre autres ressources, les Allemands possèdent : De synonymis in Novo Testamento, publié à Leipzig, en 1829, par J. A. H. Tittmannb ; l’opuscule de G. Zezschwitz, Profan-Græcitæt und biblischer Sprachgeist (Gotha, 1859) ; les Christliche Klænge aus rœmischen Classikern, par B. Schneider (1865), et surtout le bel ouvrage de Cremer, Biblisch-theologisches Wœrterbuch der N. Test. Græcitæt (Gotha, 1866). Mais où puiseront-ils, ces hommes de conscience qui n’ont pas le bonheur de lire l’allemand ou l’anglais, quand ils voudront se rendre un compte exact de la valeur des mots sur lesquels, dans un sens, repose leur foi ?… Et si l’illustre Érasme n’est pas allé trop loin en posant cet axiome : « Nihil enim inter homines mala lingua nocentius, nihil eadem salubrius, si quis, ut oportet, utatur » (Lingua. Lugd. Bat., 1649, p. 16), dépassons-nous la limite de la vérité en affirmant que l’étude fondamentale, pour un interprète des saintes Écritures, c’est l’étude intelligente et consciencieuse des motsc ? Quand un pasteur étend solennellement les mains sur une assemblée et la congédie apostoliquement en ces mots : « La grâce de notre Seigneur Jésus-Christ…, etc. », est-ce qu’il ne lui importe pas de connaître au juste la signification du terme χάρις, afin de savoir si le fidèle emporte un simple salve païen, ou cette grâce quæ tollit culpam, comme disait Bengel ? la grâce dont Aristote veut orner le discours, ou cette libre manifestation de l’amour divin dont la χάρις d’après saint Paul, est le centre ?
a – Synonymes grecs recueillis dans les écrivains de la littérature grecque. Paris, 1847. L’Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique, par M. le professeur E. Reuss, facilite la connaissance d’un grand nombre de termes du Nouveau Testament, sans avoir l’aridité d’un dictionnaire. Mais tout naturellement cet auteur n’examine que les mots dont la signification intéresse directement la théologie du Nouveau Testament.
b – Cet ouvrage de Tittmann, toutefois, qui a le mérite d’avoir ouvert la voie, est bien incomplet, du reste, depuis longtemps il est épuisé. L’excellent travail sur les synonymes du Nouveau Testament, donné par C. G. Wilke, à la fin de sa Clavis Novi Testamenti (Dresde et Leipzig, 1841), a quelque chose de sec par sa grande concision et il est loin de présenter à l’exégète et au prédicateur les mêmes ressources que la publication de l’archevêque Trench. Cette dernière est donc jusqu’ici, même après les travaux de la savante et laborieuse Allemagne, unique dans son genre.
c – Les dispositions morales, dont nous sommes loin de dispenser le traducteur biblique, sont indépendantes de cette étude. (Luc 8.10).
Autre exemple. Quand « l’homme de Dieu » explique la voie du salut à une âme dont le Maître lui a confié l’instruction, est-ce qu’il lui est indiffèrent de savoir si ἀπολύτρωσις ; n’implique rien de plus (comme le pensait Théophylacte) que ἡ ἀπὸ τῆς αἰχμαλωσίας ἐπανάκλησις, la simple cessation de la captivité, ou s’il faut ajouter à cette notion celle d’une rançon, d’un λύτρον (Romains 3.24 ; 1 Pierre 1.18-19)
Ajoutons que plus d’une question dogmatique serait promptement résolue, si l’on remontait au vrai sens du mot. Ainsi, on n’aime pas la doctrine de « la colère de Dieu », même séparée de toute idée de passion humaine. Que καταλλαγή décide. Ce vocable exprime d’abord une réconciliation « qua Deus nos sibi reconciliavit », par laquelle Dieu déposa sa sainte colère et nous rendit sa faveur, réconciliation que Jésus-Christ accomplit pour nous une fois pour toutes sur la croix (2 Corinthiens 5.18 ; Romains 5.10). Puis καταλλαγή, dans un sens subordonné, signifie encore la réconciliation « qua nos Deo reconciliamur, » l’abandon journalier, sous l’action du Saint-Esprit, de l’inimitié du vieil homme envers Dieu (2 Corinthiens 5.20 ; cf. 1 Corinthiens 7.11. Voy. Synonymes).
Enfin, que la prédication serait plus instructive, plus variée et partant plus édifiante, si le prédicateur était plus familier avec le sens intime des magnifiques termes qu’il emploie ! Oui, étudiez à fond les deux vocables ἐπιτιμάω et ἐλέχω, reprendre et convaincre, et voyez ce qu’il sortira d’une telle étude ! Pierre reprend son Maître, sans pouvoir produire la moindre contrition en Celui qui était saint (Matthieu 16.22 ; cf. Jean 8.46), mais le Saint-Esprit convainc le monde de péché, de justice et de jugement (Jean 16.8 ; voyez encore Jean 3.20 ; 8.9 ; 1 Corinthiens 14.24).
Saisir le sens de λούω et de νίπτω, c’est saisir du même coup le sens du passage, très peu clair dans notre traduction, Jean 13.10 : « Celui qui est lavé (ὁ λελουμένος) n’a besoin sinon qu’on lui lave les pieds (πόδας νίψασθαι). » Faute de déterminer la différence qui existe entre ἀγαπάω et φιλέω, entre βόσκω et ποιμαίνω, qui alternent dans le dialogue si touchant de Jésus avec l’apôtre Pierre (Jean 21.15-17), ce dialogue perd singulièrement de son originalité et de sa force.
L’interprète gagnerait également à bien connaître la valeur de ἐπιχορηγήσατε dans 2 Pierre 1.5, qu’aucune traduction ne peut rendre et n’oserait peut-être rendre, vu l’idée païenne que renferme dans son origine χορηγέω (fournir le chœur de ce qui est nécessaire aux danses sacrées), mais dont saint Paul a fait la propriété de Jésus-Christ pourvoyant aux besoins de son Église (Colossiens 2.19) et fournissant de la semence au semeur : Ὁ δὲ ἐπιχορηγῶν σπέρμα τῷ σπείροντι, καὶ ἄρτον εἰς βρῶσιν χορηγήσαι, καὶ πληθύναι τὸν σπόρον ὑμῶν, καὶ αὐξήσαι τὰ γενήματα τῆς δικαιοσύνης ὑμῶν (2 Corinthiens 9.10).
Produisez une objection sérieuse contre l’importance de l’étude des synonymes du Nouveau Testament. Au point de vue même de la grammaire, vous ne le pouvez. En effet, l’helléniste étudie les dialectes des divers peuples de la Grèce, convaincu qu’il est que ces dialectes ne sont pas plus des patois que la langue des Ibères, dont le basque forme un glorieux débris, n’en est un.
L’helléniste sait parfaitement que ces dialectes sont des langues avec leur syntaxe spéciale, leur littérature particulière, parce qu’il sait parfaitement que le temps et les vicissitudes sociales ont dû réagir sur le sens d’une foule de mots. Eh bien, l’entrée du christianisme dans le monde, le lever de ce soleil de la vérité sur les ombres du judaïsme et sur les ténèbres du paganisme, aurait-il produit un effet moins réel, moins senti que l’invasion, par exemple, du dialecte dorien dans la Sicile, ou du dialecte éolien dans la Béotie et dans l’île de Lesbos ?… Quoi ! pour saisir toutes les beautés poétiques de Théocrite ou de Pindare, il ne suffira pas de comprendre la belle langue de l’Attique, celle des Thucydide, des Démosthène, des Platon et des Eschyle, ou la langue épique de l’Ionie, celle d’Homère et d’Hésiode ; il faudra, en outre, se mettre au courant du dialecte dorien et savoir, entre autres choses, que les Doriens mettent Δ pour Ζ et écrivent Δεύς pour Ζεύς ? ; qu’ils préfèrent A à E, et disent γά et non γέ ; quoi ! il ne sera pas permis d’ignorer que les Éoliens mettaient ὕψοις pour ὑψοῦν et γέλαις pour γελᾷν, quelque rare que soit cette forme ; quoi ! il ne faudra pas confondre les Attiques avec les Atticistes, leurs imitateurs, ou Xénophon avec Lucien, — et l’on serait moins scrupuleux quand il s’agit de connaître à fond la langue de l’Évangile ?…
La connaissance du grec classique, direz-vous peut-être, suffit pour l’étude du Nouveau Testament. — L’introduction sur l’Héllénisme du professeur Reuss, que nous avons mise à l’entrée de cet ouvrage, est destinée à vous prouver le contraire, ainsi que les 92 articles du docteur Trench qui forment ce volumed. Non, la synonymie classique ne déroulera jamais, prenons ce cas, tout le sens de πλήρωμα. Elle me dira bien que πληροῦν signifie mettre au complet, par exemple, l’équipage ou le chargement d’un vaisseau ou d’un corps de troupee, mais je n’en suis guère plus avancé pour expliquer Jean 1.16 : Καὶ ἐκ τοῦ πληρώματος αὐτοῦ ἡμεῖς πάντες ἐλάβομεν, καὶ χάριν ἀντὶ χάριτος ; encore moins Ephés.3.19 : ἵνα πληρωθῆτε εἰς πᾶν τὸ πλήρωμα τοῦ θεοῦ, où le vocable signifie l’abondance des bénédictions renfermées dans un être. Voy. aussi Romains 11.25. « Ainsi », écrit le commentateur Hodge, à propos de l’Église, τὸ σῶμα αὐτοῦ, τὸ πλήρωμα τοῦ τὰ πάντα ἐν πᾶσιν πληρουμένου (Ephés.1.23), « ainsi on peut admettre que l’Église est appelée la plénitude de Christ dans ce sens que Christ est la tête et l’Église le reste du corps, le complément qui achève ce corps mystiquef ». Jamais non plus un dictionnaire du grec classique ne donnera tous les sens de πνεῦμα, et même on peut ajouter à l’article 73 de nos Synonymes du Nouveau Testament, cette note que M. Fréd. de Rougemont a bien voulu nous communiquer : « Πνεῦμα signifie 1° l’esprit chez l’homme psychique avant sa régénération, apte à recevoir l’Esprit saint et prompt à vouloir le bien (Matthieu 26.41) ; c’est le νοῦς de Romains 7.23 ; 2° l’esprit chez l’homme spirituel, rempli de l’Esprit saint ; 3° l’Esprit en Dieu, 1 Corinthiens 2.14, et l’Esprit de Dieu ».
d – Nous avons porté ce nombre à 105 d’après les éditions anglaises ultérieures (ThéoTEX)
e – Synonymes grecs, par A. Pillon. Paris, 1847.
f – Commentaire sur l’Épître aux Romains, II, p. 285. Paris, 1840.
A ces considérations philologiques, ajoutons celles de l’ordre moral, et que le pieux archevêque de Dublin prenne ici la parole. Se replaçant devant ses anciens élèves du King’s Collège à Londres, qu’il initiait à la synonymie de nos Livres saints, il ne craint point de déclarer, qu’à part ces leçons du cœur que Dieu seul peut donner, il est peu de chose qu’un professeur doive s’efforcer de produire chez le jeune homme au même degré que l’enthousiasme pour la grammaire et le lexique ! « Nous aurons réellement, dit-il, fait beaucoup pour ceux qui viennent nous demander la science théologique et, en général, des directions qui serviront à leur développement intellectuel, si nous parvenons à leur persuader d’avoir sans cesse ces deux livres dans leurs mains ; si nous pouvons leur faire croire qu’ils tireront de ces trésors plus de science et des connaissances plus solides que de l’étude d’un ouvrage quelconque de théologie qu’ils liront trop tôt et qu’ils digéreront mal ». Il ajoute judicieusement : « Les vocables du Nouveau Testament sont les στοιχεῖα de la théologie chrétienne ; aussi l’élève qui ne commence point par une étude patiente de ces vocables, ne fera jamais de grands progrès, surtout de progrès durables, car ici, comme partout, des déceptions certaines attendent celui qui s’imagine posséder le tout sans en avoir d’abord conquis les parties. Aussi ces deux vers du moyen-âge renferment-ils une vérité profonde :
Qui nescit partes in vanum tendit ad artes ;
Artes per partes, non partes disce per artes.
Or, il est de l’essence de l’étude des synonymes de nous forcer à étudier avec attention la valeur des mots, leur valeur précise, relative, absolue, et c’est dans cette recherche que consiste tout le mérite de notre étude comme discipline de l’esprit ». (Préface.)
Nous désirons donc rendre service à ceux qui s’occupent sérieusement de l’étude de nos saints Livres, dans nos pays de langue française, en leur offrant la traduction complète de l’estimable travail du docteur Trenchg. Pour n’obliger personne à s’en remettre uniquement à notre jugement sur son ouvrage, nous allons transcrire l’opinion d’hommes qui en ont pris connaissance dans l’original. Avec leur bienveillante permission, voici quelques extraits de leur correspondance.
g – Nous disons complète, car nous n’avons retranché que les quelques passages qui ne s’appliquent qu’à la Bible anglaise.
Le zélé secrétaire de la Société nationale pour la traduction des saintes Écritures, M. E. Pétavel, nous écrivait, sous la date du 26 août 1866 : « Il est temps que je vous félicite du choix excellent que vous avez fait. Rien de plus intéressant et de plus solide que les travaux lexicographiques de l’archevêque de Dublin, spécialement ses Synonymes du Nouveau Testament ».
M. le docteur A. Scheler, bibliothécaire du roi des Belges, le savant auteur d’un Commentaire sur l’Œdipe roi de Sophocle et d’un Dictionnaire d’Étymologie de la langue française, apprécie les Synonymes du Nouveau Testament, en ces termes : « Le travail de M. Trench, archevêque de Dublin, est, sans nul doute, une étude qui trahit une connaissance approfondie de la langue grecque tant classique qu’hellénistique. Les articles dont il se compose sont de plus rédigés avec une lucidité et une méthode remarquables, et je ne doute pas que non seulement l’étudiant en théologie, mais aussi le pasteur en fonctions, en s’en appropriant le contenu, n’en retirent tous deux de grandes richesses pour leurs études exégétiques. Une traduction française est un service rendu à la théologie tant catholique que protestante, car le livre offre en outre l’avantage de se tenir absolument en dehors de la polémique confessionnelle » (12 septembre 1866).
Voici maintenant le jugement de l’indépendant et consciencieux annotateur de l’Évangile selon saint Matthieu, M. Henri Lutteroth : « Que de précieux enseignements nous donne l’ouvrage du docteur Trench à l’aide de cette recherche sur la signification exacte des mots, et comme il s’élève quelquefois en ne songeant cependant qu’à faire ressortir la différence entre un terme et un autre ! Il y a dans cet ouvrage tous les éléments d’une histoire des mots du Nouveau Testament, et, grâce au docteur Trench, beaucoup d’entre eux nous disent leur secret de la manière la plus instructive. Vous aurez remarqué comme moi avec quel bonheur il relève la distinction faite déjà par les Anciens entre les prétendus synonymes qui n’auraient pu être employés sans inconvénient l’un pour l’autre à la place qu’ils occupent dans les Évangiles ou dans les Épîtres. Il a tiré de même grand profit de l’étude des mots employés par les Septante dans leur version de l’Ancien Testament, avant de l’avoir été par les écrivains du Nouveau. A chaque pas, l’on rencontre dans ce livre des observations fines ou profondes : aussi n’ai-je pu m’empêcher d’en transcrire bien des passages. Indépendamment de ce qu’on y apprend, on y puise, sans peut-être s’en apercevoir d’abord, la disposition à lire l’Écriture sainte en faisant plus attention aux nuances du sens des mots, en sorte qu’une fois entré dans cette voie, on continuera la lecture des saints Livres avec des préoccupations nouvelles, auxquelles plusieurs devront sans doute de riches résultats », (27 septembre 1866).
Certes, j’aurais bien le droit de m’arrêter après un tel verdict. Il doit inspirer de la confiance. Je ferai cependant connaître encore trois ou quatre opinions.
Le 17 octobre 1866, M. Fréd. de Rougemont, auquel la saine exégèse doit de si intéressants travaux, sans parler des lumières qu’il a répandues sur une foule de questions morales, religieuses et scientifiques, nous envoyait les lignes suivantes qu’il accompagnait de quelques notes qui figurent dans la traduction :
« L’auteur des Synonymes du Nouveau Testament, M. Trench, nous paraît posséder une connaissance très solide de la langue et de la littérature grecque, tant profane que sacrée, et cette intelligence profonde des saints Livres que peut seule donner une foi vivante. Son esprit fin et délié saisit avec une remarquable netteté les nuances les plus délicates sans se laisser jamais entraîner dans de vaines subtilités, et en même temps il a cette vigueur de pensée qui sait résumer en peu de mots de longues discussions. Les distinctions que M. Trench établit entre les synonymes charment par leur clarté et leur simplicité, et, au moment où l’on se croit en pleine grammaire, il fait jaillir à l’improviste de discussions qu’on pourrait croire méticuleuses, de vives lumières sur les dogmes les plus élevés de la Révélation, comme sur les plus humbles devoirs de la vie chrétienne. Son ouvrage, d’ailleurs, est d’une concision à laquelle l’Angleterre ne nous a pas toujours habitués, et, traduit en français, il deviendra le Vade mecum de tous les étudiants en théologie et de tous les pasteurs, ainsi que des laïques qui aiment à lire en grec le Nouveau Testament. Tous prendront plaisir à se convaincre par eux-mêmes de la parfaite exactitude avec laquelle les pensées des écrivains sacrés se réfléchissent et se peignent dans leurs expressions. Si cette clarté d’idées et cette limpidité de style ne suffisent pas pour prouver l’inspiration, elles disposent au moins certainement les esprits impartiaux à l’admettre. Un livre pareil nous faisait entièrement défaut ; d’emblée M. de Faye comble cette lacune par la traduction d’un écrit qui, autant que nous en pouvons juger, est le résumé des meilleurs travaux de philologie sacrée que comptent et l’Angleterre et l’Allemagne. Nous croyons donc que M. de Faye rend ainsi à nos Églises un service dont il serait difficile d’exagérer l’importance pour les études théologiques ».
L’année ne se terminait point sans que M. le professeur F. Godet, dont le Commentaire sur l’Évangile selon saint Jean fera longtemps l’étude des théologiens, en même temps que la nourriture des âmes sérieuses et contemplatives, ne nous fît aussi connaître son appréciation du livre du docteur Trench : « Les distinctions sont faites avec tact, établies avec une érudition de bon aloi et de bon goût. Malgré l’aridité apparente du sujet, l’ouvrage se lit avec facilité et même avec charme. Je voudrais certainement le voir dans les mains de tous nos étudiants en théologie. Cette philologie à la fois aimable et sérieuse serait pour eux un aliment plus sain que la critique tranchante et superficielle qu’on leur donne aujourd’hui en pâture » (5 décembre).
Enfin, le lendemain de la réception de ces lignes, un professeur voué aux bonnes études, M. S. Chappuis, de Lausanne, nous encourageait aussi à publier notre traduction : « L’ouvrage m’a paru très bon, et mon collègue, M. Clément, qui en a lu plusieurs articles, le juge excellent. L’un et l’autre nous le verrions avec une vive satisfaction paraître dans notre langue où les bons livres de ce genre font si entièrement défaut » (6 décembre 1866).
Si après ces juges, nous osions dire notre propre pensée sur l’ouvrage que nous avons traduit, nous l’exprimerions en modifiant légèrement les termes d’un synonymiste d’une solide érudition, parlant de l’abbé Girard. Nous dirions : « Rien de plus ingénieux que la manière dont le Dr Trench traite la différence des mots… Ses articles resteront comme des modèles du genre ; seulement il s’inquiète peu des synonymes psychologiques, il prend ceux qui s’offrent à lui, et de préférence ceux qui présentent des thèmes agréables, sur lesquels peut s’exercer la finesse et la sagacité de son esprit ; il ne va pas aux mots, il faut qu’ils viennent à luih ».
h – E. Barrault Traité des Synonymes de la langue latine. Paris, 1853, p. III.
J’ai peu de chose à dire sous le rapport de ma traduction, si ce n’est qu’elle a été consciencieusement revue par deux amis, aussi désintéressés qu’ils sont bien qualifiés pour la tâche qu’ils ont acceptée, qu’il s’agisse de la langue anglaise ou de la connaissance approfondie du grec. Je ne regrette qu’une chose, c’est que je sois le seul qui connaisse l’infatigable bienveillance que M. Aug. Scheler, docteur en philosophie, et mon collègue, M. Louis Durand, pasteur à Liège, ont déployée dans l’accomplissement d’une œuvre qui, dès l’abord, les a constitués mes correcteurs, j’entends mes maîtres. M. Scheler semait ici et là quelques remarques au bas des épreuves qu’il me renvoyait : je me suis empressé de les transformer en notes. M. Durand, après avoir également revu nos pages, a désiré profiter de la permission que m’avait accordée M. le professeur Reuss de faire passer dans notre langue l’important article sur l’Hellénisme qu’il a consigné dans la grande Real-Encyklopædie du docteur Herzog. Tous nous lui en saurons gré.
Je tiens aussi à remercier mon typographe bruxellois, dont l’intelligence peu ordinaire et le zèle éprouvé ont su se frayer un chemin à travers les épaisses broussailles de mes corrections, véritable forêt vierge, mais où les lianes ne formaient guère de charmants festons.
Surtout, je bénis Dieu de ce qu’il m’a permis de mener à bonne fin un travail entrepris en juin 1866 comme diversion aux désolations du choléra qui ravageait alors notre cité. Je dépose humblement ma traduction aux pieds de Celui dont « on admirait les paroles pleines de grâce », et qui attachait une si grande importance à la valeur de nos paroles qu’il n’a pas hésité à dire : Ἐκ γὰρ τῶν λόγων σου δικαιωθήσῃ, καὶ ἐκ τῶν λόγων σου καταδικασθήσῃ (Matthieu 12.37).
Enfin à tous ceux qui sont appelés à instruire les âmes ou qui désirent s’instruire eux-mêmes dans la Parole de Dieu, qui « seule peut nous rendre sages à salut », je suis heureux de présenter les Synonymes du Nouveau Testament de l’archevêque Trench avec le vœu du poète :
Indocti discant et ament meminisse periti.
C. de F.
Etterbeek-lez-Bruxelles, février 1869.