En vue de délimiter exactement le champ de nos recherches, nous devons d'abord traiter de la doctrine sacrée elle-même, nous demandant ce qu'elle est, et quel est son domaine.
- Une telle doctrine est-elle nécessaire ?
- Est-elle une science ?
- Est-elle une ou multiple ?
- Est-elle spéculative ou pratique ?
- Quels rapports entretient-elle avec les autres sciences ?
- Est-elle une sagesse ?
- Quel est son sujet ?
- Argumente-t-elle ?
- Doit-elle employer des métaphores ou des expressions symboliques ?
- Les textes de l'Écriture sainte, dans cette doctrine, doivent-ils être expliqués selon plusieurs sens ?
Objections
1. Il semble qu'il ne soit pas nécessaire d'avoir une autre doctrine que les disciplines philosophiques. Pourquoi faire effort en effet vers ce qui dépasse la raison humaine ? « Ne cherche pas plus haut que toi », nous dit l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 3.23). Or, ce qui est à portée de la raison nous est communiqué de manière suffisante dans les disciplines philosophiques. Il paraît donc superflu de recourir à une autre doctrine.
2. Il n'y a de science que de l'être, car on ne peut avoir de connaissance que du vrai, qui lui-même est convertible avec l'être. Or, dans les disciplines philosophiques, on traite de toutes les modalités de l'être, et même de Dieu ; d'où vient qu'une branche de ce savoir est appelée théologie, ou science divine, comme le montre Aristote. Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter aux disciplines philosophiques une autre doctrine.
En sens contraire, S. Paul dit (2 Timothée 3.16 Vg) : « Toute Écriture divinement inspirée est utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice. » Or, une Écriture divinement inspirée n'a rien à voir avec les disciplines philosophiques, qui sont des œuvres de la raison humaine ; c'est donc qu'une autre doctrine, celle-là d'inspiration divine, a bien sa raison d'être.
Réponse
Il fut nécessaire pour le salut de l'homme qu'il y eût, en dehors des sciences philosophiques que scrute la raison humaine, une doctrine procédant de la révélation divine. Le motif en est d'abord que l'homme est destiné par Dieu à atteindre une fin qui dépasse la compréhension de son esprit, car, dit Isaïe (Esaïe 64.3), « l'œil n'a point vu, ô Dieu, en dehors de toi, ce que tu as préparé à ceux qui t'aiment ». Or il faut qu'avant de diriger leurs intentions et leurs actions vers une fin, les hommes connaissent cette fin. Il était donc nécessaire, pour le salut de l'homme, que certaines choses dépassant sa raison lui fussent communiquées par révélation divine.
À l'égard même de ce que la raison était capable d'atteindre au sujet de Dieu, il fallait aussi que l'homme fût instruit par révélation divine. En effet, la vérité sur Dieu atteinte par la raison n'eût été le fait que d'un petit nombre, elle eût coûté beaucoup de temps, et se fût mêlée de beaucoup d'erreurs. De la connaissance d'une telle vérité, cependant, dépend tout le salut de l'homme, puisque ce salut est en Dieu. Il était donc nécessaire, si l'on voulait que ce salut fût procuré aux hommes d'une façon plus ordinaire et plus certaine, que ceux-ci fussent instruits par une révélation divine.
Pour toutes ces raisons, il était nécessaire qu'il y eût, en plus des disciplines philosophiques, œuvres de la raison, une doctrine sacrée, acquise par révélation.
Solutions
1. Il est bien vrai qu'il ne faut pas chercher à scruter au moyen de la raison ce qui dépasse la connaissance humaine, mais à la révélation qui nous en est faite par Dieu nous devons accorder notre foi. Aussi, au même endroit, est-il ajouté : « Beaucoup de choses te sont montrées qui dépassent la compréhension humaine. » C'est en ces choses que consiste la doctrine sacrée.
2. Une diversité de « raisons », ou de points de vue, dans ce que l'on connaît, détermine une diversité de sciences. Ainsi est-ce bien une même conclusion que démontrent l'astronome et le physicien, par exemple, que la terre est ronde ; mais le premier utilise à cette fin un moyen terme mathématique, c'est-à-dire abstrait de la matière, tandis que le second en emploie un qui s'y trouve impliqué. Rien n'empêche donc que les objets mêmes dont traitent les sciences philosophiques, selon qu'ils sont connaissables par la lumière de la raison naturelle, puissent encore être envisagés dans une autre science, selon qu'ils sont connus par la lumière de la révélation divine. La théologie qui relève de la doctrine sacrée est donc d'un autre genre que celle qui est encore une partie de la philosophie.
Objections
1. Toute science procède de principes évidents par eux-mêmes. Or les principes de la doctrine sacrée sont les articles de foi, qui ne sont pas de soi évidents, puisqu'ils ne sont pas admis par tous. « La foi n'est pas le partage de tous », dit l'Apôtre (2 Thessaloniciens 3.2). La doctrine sacrée n'est donc pas une science.
2. Il n'y a pas de science du singulier. Or, la doctrine sacrée s'occupe de cas singuliers, par exemple des faits et gestes d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et d'autres choses semblables. Elle n'est donc pas une science.
En sens contraire, S. Augustin dit : « À cette science appartient cela seulement par quoi la foi très salutaire est engendrée, nourrie, défendue, corroborée », rôles qui ne peuvent être attribués qu'à la doctrine sacrée. Celle-ci est donc une science.
Réponse
À coup sûr la doctrine sacrée est une science. Mais, parmi les sciences, il en est de deux espèces. Certaines s'appuient sur des principes connus par la lumière naturelle de l'intelligence : telles l'arithmétique, la géométrie, etc. D'autres procèdent de principes qui sont connus à la lumière d'une science supérieure : comme la perspective à partir de principes reconnus en géométrie, et la musique à partir de principes connus par l'arithmétique. Et c'est de cette façon que la doctrine sacrée est une science. Elle procède en effet de principes connus à la lumière d'une science de Dieu et des bienheureux. Et comme la musique fait confiance aux principes qui lui sont livrés par l'arithmétique, ainsi la doctrine sacrée accorde foi aux principes révélés par Dieu.
Solutions
1. Les principes de toute science, ou sont évidents par eux-mêmes, ou se ramènent à la connaissance d'une science supérieure. Et ce dernier cas est celui des principes de la doctrine sacrée, comme on vient de le dire.
2. S'il arrive que des faits singuliers soient rapportés dans la doctrine sacrée, ce n'est pas à titre d'objet d'étude principal : ils sont introduits soit comme des exemples de vie, qu'invoquent les sciences morales, soit pour établir l'autorité des hommes par qui nous arrive la révélation divine, fondement même de l'Écriture ou de la doctrine sacrée.
Objections
1. Selon Aristote, une science « une » n'a pour sujet qu'un seul genre. Or, le créateur et la créature, dont il est question dans la doctrine sacrée, ne sont pas des sujets contenus dans un même genre. La doctrine sacrée n'est donc pas une science « une ».
2. Dans la doctrine sacrée, on traite des anges, des créatures corporelles, des mœurs humaines, toutes choses qui appartiennent à diverses sciences philosophiques. La doctrine sacrée ne peut donc être, elle non plus, une science « une ».
En sens contraire, l'Écriture parle de cette doctrine comme d'une science unique ; ainsi dit-elle (Sagesse 10.10) : « La sagesse lui donna (à Jacob) la science des choses saintes. »
Réponse
La doctrine sacrée est bien une science une. L'unité d'une puissance de l'âme ou d'un habitus se prend, en effet, de son objet ; non pas de son objet considéré matériellement, mais envisagé du point de vue de sa raison formelle d'objet; l'homme, l'âne, la pierre, par exemple, se rencontrent dans l'unique raison formelle du coloré, qui est l'objet de la vue. Donc, puisque l'Écriture sainte envisage certains objets en tant que révélés par Dieu, ainsi qu'on vient de le voir tout ce qui est connaissable par révélation divine s'unifie dans la raison formelle de cette science et de ce fait, se trouve compris dans la doctrine sacrée comme dans une science unique.
Solutions
1. La doctrine sacrée ne met pas Dieu et les créatures à égalité lorsqu'elle en traite ; c'est de Dieu principalement qu'elle s'occupe, et lorsqu'elle parle des créatures, elle les envisage selon qu'elles se rapportent à Dieu, soit comme à leur principe, soit comme à leur fin. L'unité de la science est donc sauve.
2. Rien n'empêche que des puissances de l'âme ou des habitus de rang inférieur soient diversifiés par rapport à des matières qui se trouvent unifiées en face d'une puissance ou d'un habitus de rang supérieur, car une puissance de l'âme ou un habitus, s'il est d'un ordre plus élevé, considère son objet sous une raison formelle plus universelle. Par exemple le « sens commun » a pour objet le sensible, qui embrasse le visible et l'audible ; ainsi, bien qu'il soit une seule puissance, s'étendit à tous les objets des cinq sens. De même, l'unique science sacrée est en mesure d'envisager sous une même raison formelle, c'est-à-dire en tant que divinement révélables, des objets traités dans des sciences philosophiques différentes ; ce qui fait que cette science peut être regardée comme une certaine impression de la science de Dieu elle-même, une et simple à l'égard de tout.
Objections
1. Il semble que la doctrine sacrée soit une science pratique, car, selon Aristote une science pratique a pour but l'action. Or la doctrine sacrée est adonnée à l'action : « Mettez la Parole en pratique au lieu de l'écouter seulement », nous dit S. Jacques (Jacques 1.22). La doctrine sacrée est donc une science pratique.
2. La doctrine sacrée se divise en loi ancienne et loi nouvelle. Or, une loi est affaire de science morale, c'est-à-dire de science pratique. C'est donc que la doctrine sacrée appartient à cette catégorie.
En sens contraire, toute science pratique se rapporte à des œuvres qui peuvent être accomplies par l'homme : ainsi la morale concerne les actes humains, la science de l'architecte les constructions. Or la doctrine sacrée porte avant tout sur Dieu, dont les hommes apparaissent plutôt comme ses œuvres à lui ; elle n'est donc pas une science pratique, mais davantage une science spéculative.
Réponse
Nous avons dit que la doctrine sacrée, sans cesser d'être une, s'étend à des objets qui appartiennent à des sciences philosophiques différentes, à cause de l'unité de point de vue qui lui fait envisager toutes choses comme connaissables dans la lumière divine. Il se peut donc bien que, parmi les sciences philosophiques, les unes soient spéculatives et d'autres pratiques ; mais la doctrine sacrée, pour sa part, sera l'une et l'autre, de même que Dieu, par une même science, se connaît et connaît ses œuvres.
Toutefois la science sacrée est plus spéculative que pratique, car elle concerne plus les choses divines que les actes humains, n'envisageant ceux-ci que comme moyens pour parvenir à la pleine connaissance de Dieu, en laquelle consiste l'éternelle béatitude.
Et par là, Réponse est donnée aux Objections.
Objections
1. La supériorité d'une science dépend de sa certitude. Or, les autres sciences, dont les principes ne peuvent être mis en doute, paraissent plus certaines que la doctrine sacrée, dont les principes, qui sont les articles de foi, admettent le doute. Les autres sciences paraissent donc être supérieures.
2. C'est le fait d'une science inférieure d'emprunter à une science supérieure : ainsi en est-il de la musique par rapport à l'arithmétique ; or, la doctrine sacrée fait des emprunts aux doctrines philosophiques ; S. Jérôme dit en effet dans une lettre à un grand orateur de Rome, en parlant des anciens docteurs : « Ils ont parsemé leurs livres d'une telle quantité de doctrines et de maximes de philosophes qu'on ne sait ce qu'on doit admirer davantage, de leur érudition séculière, ou de leur science des Écritures. » La doctrine sacrée est donc inférieure aux autres sciences.
En sens contraire, les autres sciences sont appelées ses servantes ; ainsi lit-on aux Proverbes (Proverbes 9.3) : la Sagesse « a dépêché ses servantes, elle appelle sur les hauteurs ».
Réponse
La vérité est que cette science, à la fois spéculative et pratique, dépasse sous ce double rapport toutes les autres. Parmi les sciences spéculatives, on doit appeler la plus digne celle qui est la plus certaine et s'occupe des plus hauts objets. Or, à ce double point de vue, la science sacrée l'emporte sur les autres sciences spéculatives. Elle est la plus certaine, car les autres tirent leur certitude de la lumière naturelle de la raison humaine qui peut faillir, alors qu'elle tire la sienne de la lumière de la science divine qui ne peut se tromper. C'est elle aussi qui a l'objet le plus élevé, puisqu'elle porte principalement sur ce qui dépasse la raison, au lieu que les autres disciplines envisagent ce qui est soumis à la raison.
Parmi les sciences pratiques, on doit dire supérieure celle qui ne vise pas, au-delà d'elle-même, une autre fin, telle la politique pour l'art militaire (le bien de l'armée est en effet ordonné à celui de la cité). Or, la fin de notre doctrine, selon qu'elle est pratique, n'est autre que la béatitude éternelle, but auquel se réfèrent, comme à la fin suprême, toutes les autres fins des sciences pratiques. De toute façon la science sacrée est donc prééminente.
Solutions
1. Rien n'empêche qu'une connaissance plus certaine selon sa nature soit en même temps moins certaine pour nous ; cela tient à la faiblesse de notre esprit, qui se trouve, dit Aristote, « devant les plus hautes évidences des choses, comme l'œil du hibou en face de la lumière du soleil ». Le doute qui peut surgir à l'égard des articles de foi ne doit donc pas être attribué à une incertitude des choses mêmes, mais à la faiblesse de l'intelligence humaine. Malgré cela, la moindre connaissance touchant les choses les plus hautes est plus désirable qu'une science très certaine des choses moindres, dit Aristote.
2. La science sacrée peut faire des emprunts aux sciences philosophiques, mais ce n'est pas qu'elles lui soient nécessaires, c'est uniquement en vue de mieux manifester ce qu'elle-même enseigne. Ses principes ne lui viennent en effet d'aucune autre science, mais de Dieu immédiatement, par révélation ; d'où il suit qu'elle n'emprunte point aux autres sciences comme si celle-ci lui étaient supérieures, mais au contraire qu'elle en use comme d'inférieures et de servantes ; ainsi en est-il des sciences dites architectoniques, qui utilisent leurs inférieures, comme fait la politique pour l'art militaire. Du reste, que la science sacrée utilise les autres sciences de cette façon-là, le motif n'en est point son défaut ou son insuffisance, mais la faiblesse de notre esprit, qui est acheminé avec plus d'aisance à partir des connaissances naturelles, d'où procèdent les autres sciences, vers les objets qui la dépassent, et dont cette science traite.
Objections
1. Une doctrine qui prend ses principes hors d'elle-même ne mérite pas le nom de sagesse : « Le rôle du sage est d'intimer l'ordre et non de le recevoir d'un autre », déclare en effet Aristote ; or, cette doctrine-ci emprunte ailleurs ses principes, comme on l'a montré ; elle n'est donc pas une sagesse.
2. C'est le fait d'une sagesse d'établir les principes des autres sciences ; d'où ce titre de « chef des autres sciences » que lui attribue Aristote ; or la doctrine sacrée ne se comporte pas ainsi ; elle n'est donc pas sagesse.
3. Notre doctrine s'acquiert par l'étude, tandis que la sagesse est obtenue par infusion ; ainsi est-elle comptée parmi les sept dons du Saint-Esprit, comme on le voit en Isaïe (Esaïe 11.2). La doctrine sacrée n'est donc pas une sagesse.
En sens contraire, au principe de la loi, le Deutéronome (Deutéronome 4.6 Vg) fait cette déclaration : « Telle est notre sagesse et notre intelligence aux yeux de tous les peuples. »
Réponse
Cette doctrine est par excellence une sagesse, parmi toutes les sagesses humaines, et cela non pas seulement dans un genre particulier, mais absolument. En effet, puisqu'il appartient au sage d'intimer l'ordre et de juger, et que d'autre part le jugement, pour ce qui est inférieur, s'obtient par un appel à une cause plus élevée, celui-là est le sage dans un genre quelconque, qui prend en considération la cause suprême de ce genre. Par exemple, s'il s'agit de construction, l'homme de l'art qui a disposé les plans de la maison, mérite le titre de sage et d'architecte, au regard des techniciens inférieurs qui taillent les pierres, ou préparent le ciment. Ce pourquoi l'Apôtre dit (1 Corinthiens 3:10) : « Comme un sage architecte, j'ai posé le fondement. » S'il s'agit de la vie humaine dans son ensemble, l'homme prudent sera appelé sage du fait qu'il ordonne les actes humains vers la fin qu'ils doivent atteindre ainsi est-il dit aux Proverbes (Proverbes 10.23 Vg) : « La sagesse est prudence pour l'homme. » Celui-là donc qui considère purement et simplement la cause suprême de tout l'univers, qui est Dieu, mérite par excellence le nom de sage. C'est pourquoi, comme on le voit dans S. Augustin la sagesse est appelée la connaissance la plus digne. Or, la doctrine sacrée traite très proprement de Dieu selon qu'il est la cause suprême ; car elle ne se contente pas de ce qu'on peut en savoir par les créatures, et que les philosophes ont connu. « Ce qu'on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste », dit en effet l'Apôtre (Romains 1.19) ; elle traite aussi de Dieu quant à ce qui n'est connu que de lui seul, et qui est communiqué aux autres par révélation. La doctrine sacrée mérite donc par excellence le nom de sagesse.
Solutions
1. La doctrine sacrée n'emprunte ses principes à aucune science humaine; elle les tient de la science divine, qui règle, à titre de sagesse souveraine, toute notre connaissance.
2. Les principes des autres sciences, ou bien sont évidents, et donc ne peuvent être prouvés, ou bien sont prouvés par quelque raison naturelle dans une autre science ; or la connaissance propre à notre science est obtenue par révélation et non par raison naturelle. C'est pourquoi il n'appartient pas à la doctrine sacrée de démontrer les principes des autres sciences, mais seulement d'en juger. En effet, tout ce qui, dans ces sciences, se trouverait contredire la vérité exprimée par la science sacrée doit être condamné comme faux, selon l'Apôtre (2 Corinthiens 10.45) : « Nous détruisons les sophismes et toute puissance altière qui se dresse contre la science de Dieu. »
3. Puisque juger est le fait du sage, aux deux façons de juger dont on peut faire état correspondent deux sagesses différentes. Il arrive en effet qu'on juge par inclination, comme celui qui possède un habitus vertueux juge avec rectitude de ce qu'il doit faire dans la ligne de cet habitus, étant déjà incliné dans ce sens. Aussi Aristote déclare-t-il que l'homme vertueux est la mesure et la règle des actes humains. Mais il est une autre façon de juger, à savoir par mode de connaissance, comme celui qui est instruit de la science morale peut juger des actes d'une vertu, même s'il n'a pas cette vertu. La première façon de juger des choses divines est le fait de la sagesse du Saint-Esprit, selon cette parole de l'Apôtre (1 Corinthiens 2.15) : « L'homme spirituel juge de tout. » De même Denys : « Hiérothée est devenu sage, non seulement en étudiant, mais en éprouvant le divin. » Quant à l'autre façon de juger, c'est celle qui appartient à la doctrine qui nous occupe, selon qu'elle est obtenue par l'étude, bien que ses principes lui viennent de la révélation.
Objections
1. Toute science, dit Aristote, suppose connue la nature de son sujet, autrement dit « ce qu'il est ». Or, cette science ne suppose pas la connaissance de ce que Dieu est, car, selon S. Jean Damascène : « Dire de Dieu ce qu'il est nous est impossible. » Dieu n'est donc pas le sujet de cette science.
2. Tout ce dont on traite dans une science est compris dans son sujet. Or, dans la Sainte Écriture, il est question de bien d'autres choses que de Dieu, par exemple des créatures, des moeurs humaines. Donc Dieu n'est pas le sujet de cette science.
En sens contraire, on doit considérer comme le sujet d'une science cela même dont on parle dans la science ; or, dans la science sacrée, il est question de Dieu : d'où son nom de « théo-logie », autrement dit de discours ou de parole sur Dieu. Dieu est donc bien le sujet de cette science.
Réponse
Dieu est effectivement le sujet de cette science. Il y a le même rapport, en effet, entre le sujet d'une science et la science elle-même, qu'entre l'objet et une puissance de l'âme ou un habitus. Or, on assigne proprement comme objet à une puissance ou à un habitus ce qui détermine le point de vue sous lequel toutes choses se réfèrent à cette puissance ou à cet habitus ; ainsi, l'homme et la pierre se rapportent à la vue selon qu'ils sont colorés ; et c'est pourquoi le coloré est l'objet propre de la vue. Or, dans la doctrine sacrée, on traite tout « sous la raison de Dieu », ou du point de vue de Dieu, soit que l'objet d'étude soit Dieu lui-même, soit qu'il ait rapport à Dieu comme à son principe ou comme à sa fin. D'où il suit que Dieu est vraiment le sujet de cette science. Ceci d'ailleurs est aussi manifeste si l'on envisage les principes de cette science, qui sont les articles de foi, laquelle concerne Dieu ; or, le sujet des principes et celui de la science tout entière ne font qu'un, toute la science étant contenue virtuellement dans ses principes.
Certains toutefois, considérant les choses mêmes dont traite cette science, et non le point de vue sous lequel elle les envisage, en ont circonscrit autrement la matière. Ainsi parlent-ils de « choses » et de « signes » ; ou des « œuvres de la Réparation » ; ou du « Christ total , à savoir la tête et les membres. Il est bien traité de tout cela dans notre science ; mais c'est toujours par rapport à Dieu.
Solutions
1. Il est vrai, nous ne pouvons pas savoir de Dieu ce qu'il est ; toutefois, dans notre doctrine, nous utilisons, au lieu d'une définition, pour traiter de ce qui se rapporte à Dieu, les effets que celui-ci produit dans l'ordre de la nature ou de la grâce. Comme on démontre en certaines sciences philosophiques des vérités relatives à une cause au moyen de son effet, en prenant l'effet au lieu de la définition de cette cause.
2. Quant aux divers objets autres que Dieu dont il est question dans la Sainte Écriture, ils se ramènent à Dieu lui-même ; non point à titre de parties, d'espèces ou d'accidents, mais comme se rapportant à lui de quelque manière.
Objections
1. S. Ambroise dit : « Rejette les arguments, là où c'est la foi qu'on cherche. » Or, dans cette doctrine, c'est la foi surtout que l'on cherche : « Ces choses ont été écrites, dit S. Jean (Jean 20.31), afin que vous croyiez. » La doctrine sacrée ne procède donc pas par arguments.
2. Si cette science devait argumenter, ce serait ou par autorité ou par raison. Mais prouver par autorité ne semble pas convenir à sa dignité, car, selon Boèce, l'argument d'autorité est de tous le plus faible. Quant aux preuves rationnelles, elles ne conviennent pas à sa fin, puisque, selon S. Grégoire, « la foi n'a pas de mérite, là où la raison procure une connaissance directe ». Par conséquent la doctrine sacrée n'use pas d'arguments.
En sens contraire, l'Apôtre, parlant de l'évêque, dit (Tite 1.9) : « Qu'il soit attaché à l'enseignement sûr, conforme à la doctrine; il doit être capable d'exhorter dans la saine doctrine et de réfuter les contradicteurs. »
Réponse
Les autres sciences n'argumentent pas en vue de démontrer leurs principes ; mais elles argumentent à partir d'eux pour démontrer d'autres vérités comprises dans ces sciences. Ainsi la doctrine sacrée ne prétend pas, au moyen d'une argumentation, prouver ses propres principes, qui sont les vérités de foi ; mais elle les prend comme point d'appui pour manifester quelque autre vérité, comme l'Apôtre (1 Corinthiens 15.12) prend appui sur la résurrection du Christ pour prouver la résurrection générale.
Toutefois, il faut considérer ceci. Dans l'ordre des sciences philosophiques, les sciences inférieures non seulement ne prouvent pas leurs principes, mais ne disputent pas contre celui qui les nie, laissant ce soin à une science plus haute ; la plus élevée de toutes, au contraire, qui est la métaphysique, dispute contre celui qui nie ses principes, à supposer que le négateur concède quelque chose ; et, s'il ne concède rien, elle ne peut discuter avec lui, mais elle peut détruire ses arguments. La science sacrée donc, n'ayant pas de supérieure, devra elle aussi disputer contre celui qui nie ses principes. Elle le fera par le moyen d'une argumentation, si l'adversaire concède quelque chose de la révélation divine : c'est ainsi qu'en invoquant les « autorités » de la doctrine sacrée, nous disputons contre les hérétiques, utilisant un article de foi pour combattre ceux qui en nient un autre. Mais si l'adversaire ne croit rien des choses révélées, il ne reste plus de moyen pour prouver par la raison les articles de foi ; il est seulement possible de réfuter les raisons qu'il pourrait opposer à la foi. En effet, puisque la foi s'appuie sur la vérité infaillible, et qu'il est impossible de démontrer le contraire du vrai, il est manifeste que les arguments qu'on apporte contre la foi ne sont pas de vraies démonstrations, mais des arguments réfutables.
Solutions
1. Bien que les arguments de la raison humaine soient impropres à démontrer ce qui est de foi, il reste qu'à partir des articles de foi la doctrine sacrée peut prouver autre chose, comme on vient de le dire.
2. Il est certain que notre doctrine doit user d'arguments d'autorité ; et cela lui est souverainement propre du fait que les principes de la doctrine sacrée nous viennent de la révélation, et qu'ainsi on doit croire à l'autorité de ceux par qui la révélation a été faite. Mais cela ne déroge nullement à sa dignité, car si l'argument d'autorité fondé sur la raison humaine est le plus faible, celui qui est fondé sur la révélation divine est de tous le plus efficace.
Toutefois la doctrine sacrée utilise aussi la raison humaine, non point certes pour prouver la foi, ce qui serait en abolir le mérite, mais pour mettre en lumière certaines autres choses que cette doctrine enseigne. Donc, puisque la grâce ne détruit pas la nature, mais la parfait, c'est un devoir, pour la raison naturelle, de servir la foi, tout comme l'inclination naturelle de la volonté obéit à la charité. Aussi l'Apôtre dit-il (2 Corinthiens 10.5) : « Nous assujettissons toute pensée pour la faire obéir au Christ. » De là vient que la doctrine sacrée use aussi des autorités des philosophes, là où, par leur raison naturelle, ils ont pu atteindre le vrai. S. Paul, dans les Actes (Actes 17.28) rapporte cette sentence d'Aratus : « Nous sommes de la race de Dieu, ainsi que l'ont affirmé certains de vos poètes. » Il faut prendre garde cependant que la doctrine sacrée n'emploie ces autorités qu'au titre d'arguments étrangers à sa nature, et n'ayant qu'une valeur de probabilité. Au contraire, c'est un usage propre qu'elle fait des autorités de l'Écriture canonique. Quant aux autorités des autres docteurs de l'Église, elle en use aussi comme arguments propres, mais d'une manière seulement probable. Cela tient à ce que notre foi repose sur la révélation faite aux Apôtres et aux Prophètes, non sur d'autres révélations, s'il en existe, faites à d'autres docteurs. C'est pourquoi, écrivant à S. Jérôme, S. Augustin déclare : « Les livres des Écritures canoniques sont les seuls auxquels j'accorde l'honneur de croire très fermement leurs auteurs incapables d'errer en ce qu'ils écrivent. Les autres, si je les lis, ce n'est point parce qu'ils ont pensé une chose ou l'ont écrite que je l'estime vraie, quelque éminents qu'ils puissent être en sainteté et en doctrine. »
Objections
1. Ce qui appartient en propre à une doctrine tout à fait inférieure, ne paraît pas convenir à la doctrine sacrée qui, on vient de le dire, occupe le sommet du savoir. Or l'emploi de similitudes diverses et de représentations sensibles est le fait de la poétique, qui occupe le dernier rang parmi toutes les sciences. User de similitudes de ce genre ne convient donc pas à la science sacrée.
2. La doctrine sacrée paraît avoir pour but de manifester la vérité : c'est pourquoi ceux qui accomplissent cette tâche se voient promettre une récompense : « Ceux qui me mettent en lumière auront la vie éternelle », dit la Sagesse dans l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 24.31 Vg). Or, de telles similitudes cachent la vérité. Il ne convient donc pas à cette doctrine de présenter les réalités divines sous des similitudes empruntées au monde corporel.
3. Plus des créatures sont élevées, et plus elles s'approchent de la ressemblance divine. Donc, si quelque chose des créatures devait être transposé en Dieu, une telle transposition devrait se faire à partir des créatures les plus nobles, et non à partir des plus basses, ce qui cependant se présente fréquemment dans les Écritures.
En sens contraire, Dieu dit dans Osée (Osée 12.11) : « J'ai multiplié les visions et, par les prophètes, j'ai parlé en similitudes. » Or présenter une vérité sous le couvert de similitudes, c'est bien user de métaphores. Il convient donc à la doctrine sacrée d'en employer.
Réponse
Il convient certainement à la Sainte Écriture de nous livrer les choses divines sous le voile de similitudes empruntées aux choses corporelles Dieu, en effet, pourvoit à tous les êtres conformément à leur nature. Or, il est naturel à l'homme de s'élever à l'intelligible par le sensible, parce que toute notre connaissance prend son origine des sens. Il est donc parfaitement convenable que dans l'Écriture sainte les choses spirituelles nous soient livrées au moyen de métaphores corporelles. C'est ce que dit Denys : « Le rayon divin ne peut luire pour nous qu'enveloppé par la diversité des voiles sacrés. » De plus, l'Écriture étant proposée de façon commune à tous, selon ce mot de l'Apôtre (Romains 1.14) : « Je me dois aux savants et aux ignorants », il lui convient de présenter les réalités spirituelles sous la figure de similitudes empruntées au corps, afin que, par ce moyen tout au moins, les simples la comprennent, eux qui ne sont pas aptes à saisir en elles-mêmes les réalités intelligibles.
Solutions
1. La poétique use de métaphores en vue de la représentation, car celle-ci est naturellement agréable à l'homme. La doctrine sacrée, elle, use de ce procédé par nécessité et dans un but utilitaire, nous venons de le dire.
2. Le rayon de la divine révélation, nous dit Denys, n'est pas supprimé par les figures sensibles qui le voilent ; il demeure dans sa vérité, en sorte qu'il ne soit pas permis aux esprits auxquels est faite la révélation de s'en tenir aux images mêmes ; il les élève jusqu'à la connaissance des choses intelligibles, et, par leur intermédiaire, les autres en sont également instruits. C'est pourquoi ce qui est livré en un endroit de l'Écriture sous des métaphores, est présenté plus explicitement en d'autres passages. Du reste, l'obscurité même des figures est utile, tant pour exercer les esprits studieux, que pour éviter les moqueries des infidèles, au sujet desquels S. Matthieu dit (Matthieu 7.6) : « Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré. »
3. Denys nous explique encore, pourquoi il est préférable que, dans les Écritures, les choses divines nous soient livrées sous la figure des corps les plus vils, plutôt que sous celle des plus nobles. Il en donne trois raisons. Tout d'abord on écarte ainsi de l'esprit humain un risque d'erreur, en rendant évident qu'on ne parle pas en propriété de termes des choses divines, ce qui pourrait être l'objet d'un doute, si ces choses étaient présentées sous la figure des corps les plus nobles, surtout pour les hommes qui n'imaginent rien de plus noble que le monde corporel. En deuxième lieu, cette manière d'agir est plus en rapport avec la connaissance que nous avons de Dieu en cette vie ; car nous savons plutôt de Dieu ce qu'il n'est pas que ce qu'il est ; les similitudes les plus lointaines sont donc à cet égard les plus proches de la vérité : elles nous donnent à comprendre que Dieu est au-dessus de tout ce que nous pouvons dire ou penser de lui. Enfin, par là, les choses divines se trouvent voilées plus efficacement au regard des indignes.
Objections
1. Il semble bien que l'Écriture ne contient pas sous une seule lettre plusieurs des sens ainsi distingués : le sens historique ou littéral, le sens allégorique, le sens tropologique ou moral, et le sens anagogique. En effet, une multiplicité de sens pour un seul passage engendre la confusion, prête à l'erreur et rend l'argumentation fragile. C'est pourquoi une argumentation véritable ne procède pas de propositions aux sens multiples ; bien plus, cela occasionne certains sophismes. Or, l'Écriture sainte doit être apte à nous montrer la vérité sans prêter occasion à l'erreur ; elle ne peut donc nous offrir, sous une seule lettre, une pluralité de sens.
2. S. Augustin nous dit : « Cette partie de l'Écriture qu'on appelle l'Ancien Testament se présente sous quatre formes : l'histoire, l'étiologie, l'analogie, l'allégorie , division qui paraît totalement étrangère à celle qui a été rapportée plus haut. Il ne semble donc pas convenable que l'Écriture sainte soit exposée suivant les quatre sens énumérés en premier.
3. En dehors des quatre sens précités, il y a encore le sens parabolique, qui n'est pas compris parmi eux.
En sens contraire, S. Grégoire dit : « L'Écriture sainte, par la manière même dont elle s'exprime, dépasse toutes les sciences ; car, dans un seul et même discours, tout en racontant un fait, elle livre un mystère. »
Réponse
L'auteur de l'Écriture sainte est Dieu. Or, il est au pouvoir de Dieu d'employer, pour signifier quelque chose, non seulement des mots, ce que peut faire aussi l'homme, mais également les choses elles-mêmes. Pour cette raison, alors que dans toutes les sciences ce sont les mots qui ont valeur significative, celle-ci a en propre que les choses mêmes signifiées par les mots employés signifient à leur tour quelque chose. La première signification, celle par laquelle les mots signifient certaines choses, correspond au premier sens, qui est le sens historique ou littéral. La signification par laquelle les choses signifiées par les mots signifient encore d'autres choses, c'est ce qu'on appelle le sens spirituel, qui est fondé sur le sens littéral et le suppose.
À son tour, le sens spirituel se divise en trois sens distincts. En effet, dit l'Apôtre (Hébreux 7.19), la loi ancienne est une figure de la loi nouvelle, et la loi nouvelle elle-même, ajoute Denys, est une figure de la gloire à venir ; en outre, dans la loi nouvelle, ce qui a lieu dans le chef est le signe de ce que nous-mêmes devons faire. Donc, lorsque les réalités de la loi ancienne signifient celles de la loi nouvelle, on a le sens allégorique ; quand les choses réalisées dans le Christ, ou dans ce qui signifie le Christ, sont le signe de ce que nous devons faire, on a le sens moral ; pour autant, enfin que ces mêmes choses signifient ce qui existe dans la gloire éternelle, on a le sens anagogique.
Comme, d'autre part, le sens littéral est celui que l'auteur entend signifier, et comme l'auteur de l'Écriture sainte est Dieu, qui comprend simultanément toutes choses dans la simple saisie de son intelligence, il n'y a pas d'obstacle à dire, à la suite de S. Augustin, que selon le sens littéral, même dans une seule « lettre » de l'Écriture, il y a plusieurs sens.
Solutions
1. La multiplicité des sens en question ne crée pas d'équivoque, ni aucune espèce de multiplicité de ce genre. En effet, d'après ce qui a été dit, ces sens ne se multiplient pas pour cette raison qu'un seul mot signifierait plusieurs choses, mais parce que les réalités elles-mêmes, signifiées par les mots, peuvent être signes d'autres réalités. Il n'y aura pas non plus de confusion dans l'Écriture, car tous les sens sont fondés sur l'unique sens littéral, et l'on ne pourra argumenter qu'à partir de lui, à l'exclusion des sens allégoriques, ainsi que l'observe S. Augustin contre le donatiste Vincent. Rien cependant ne sera perdu de l'Ecriture sainte, car rien de nécessaire à la foi n'est contenu dans le sens spirituel sans que l'Écriture nous le livre clairement ailleurs, par le sens littéral.
2. Trois des sens énumérés ici par S. Augustin se rapportent au seul sens littéral : l'histoire, l'étiologie et l'analogie. Il y a histoire, explique S. Augustin, lorsqu'une chose est exposée pour elle-même. Il y a étiologie quand la cause de ce dont on parle est indiquée : ainsi lorsque le Seigneur explique pourquoi Moïse donna licence aux Juifs de répudier leurs épouses, c'est-à-dire en raison de la dureté de leur coeur (Matthieu 19.8). Il y a analogie enfin quand on fait voir que la vérité d'un passage de l'Écriture n'est pas opposée à la vérité d'un autre passage. Reste l'allégorie qui, à elle seule, dans l'énumération de S. Augustin, tient la place des trois sens spirituels. Hugues de Saint-Victor range lui aussi le sens anagogique sous le sens allégorique ; retenant ainsi, dans son troisième livre des Sentences, trois sens seulement : le sens historique, le sens allégorique et le sens tropologique.
3. Le sens parabolique est inclus dans le sens littéral ; car par les mots on peut signifier quelque chose au sens propre, et quelque chose au sens figuré ; et, dans ce cas, le sens littéral ne désigne pas la figure elle-même, mais ce qu'elle représente. Quand, en effet, l'Écriture parle du bras de Dieu, le sens littéral n'est pas qu'il y ait en Dieu un bras corporel, mais ce qui est signifié par ce membre, à savoir une puissance active. Cela montre bien que, dans le sens littéral de l'Écriture, il ne peut jamais y avoir de fausseté.
L'objet principal de la doctrine sacrée est de transmettre la connaissance de Dieu, non pas seulement ce qu'il est en lui-même, mais aussi selon qu'il est le principe et la fin de toutes choses, spécialement de la créature raisonnable comme on l'a montré dans ce qui précède. Nous devrons donc, ayant à exposer cette doctrine, traiter 1° de Dieu (première partie) ; 2° du mouvement de la créature raisonnable vers Dieu (deuxième partie) ; 3° du Christ, qui, comme homme, est pour nous la voie qui mène à Dieu (troisième partie).
Notre étude de Dieu comprendra trois sections. Nous considérerons 1° ce qui concerne l'essence divine (Q. 2-26) ; 2° ce qui concerne la distinction des Personnes (Q. 27-43) ; 3° ce qui concerne la manière dont les créatures procèdent de Dieu (Q. 44-119).
Touchant l'essence divine, il y a lieu de se demander 1° si Dieu existe ; 2° comment il est, ou plutôt comment il n'est pas (Q. 3-13) ; 3° il faudra étudier en outre ce qui concerne son opération, à savoir sa science, sa volonté et sa puissance (Q. 14-26).