« En toutes choses, faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications. »
Les Français sont fiers de leur “Sécu”. Gare à qui s’aviserait de toucher à cette institution chargée de veiller sur la santé et les vieux jours de toute une nation. Dame vénérée mais combien fragile, à qui chacun souhaite longue vie sans trop y croire, elle a largement ouvert aux malades la porte du médecin, porte qu’on ne franchissait jadis – surtout en milieu rural – qu’avec crainte et hésitation, tant “l’homme de science” impressionnait. Quand survenait la maladie, le patient attendait “que ça passe” et il fallait que s’aggrave le mal, qu’il s’éternise dangereusement pour qu’on se décide enfin à consulter le praticien. Hélas ! Certains arrivaient trop tard ! Heureusement, les temps ont changé. De nos jours, le médecin n’intimide plus guère. On fait la queue dans les salles d’attente, même pour des bobos, ce qui n’est pas plus blâmable que les tergiversations d’antan.
Vous connaissez les propos de Jésus adressés aux disciples d’un Jean-Baptiste perplexe à son sujet : « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. » (Luc 7.22).
L’expression “les boiteux marchent” laisse entendre que Jésus n’intervenait qu’en faveur de ceux “qui ne marchaient pas”, donc gravement atteints, sans doute immobilisés comme le paralytique de Béthesda (Jean 5.2-9). Les handicapés légers qui claudiquaient à peine sans être gênés dans leurs allées et venues ne songeaient pas à réclamer une quelconque amélioration de leur état, à l’instar de Jacob qui fit bon ménage avec son infirmité, vraisemblablement jusqu’à la fin de ses jours (Genèse 32.31). Il y a de petites infirmités qu’il faut accepter sans gémir ni faire de complexe sachant que Dieu les utilise pour nous rendre humbles et aptes à partager les épreuves d’autrui (2 Corinthiens 1.4). Donc pour notre bien et celui des patients.
Les remarques précédentes ne sont pas sans valeur. Il serait en effet peu raisonnable de faire appel à l’Église, de convoquer les anciens, de pratiquer l’onction d’huile pour enrayer un simple rhume, une vague indigestion ou effacer une trace inesthétique laissée par le temps. Si Paul n’a pas cru devoir agir auprès d’un Trophime malade (2 Timothée 4.20) ou de Timothée qui souffre de légers maux d’estomac (1 Timothée 5.23), c’est qu’il estimait sans doute que leur maladie sans gravité était, ou passagère, ou supportable, et donc ne nécessitait pas l’intervention des anciens. Une assemblée qui “porte” ses malades ne doit pas céder aux douillets ni aux vaniteux. Mais ces réserves étant faites, il y a des infirmités ou des maladies qui éprouvent le patient, mettent en péril sa vie ou l’empêchent de servir Dieu ; il est d’autant plus accablé qu’aimant son entourage, il est conscient d’être un poids pour ceux qui sont constamment à ses soins. Aussi, l’Église se doit-elle de prendre en charge le membre qui souffre, en adressant en sa faveur d’instantes supplications au Seigneur. N’imitons pas le riche qui se contentait de dire aux pauvres : « Allez en paix… sans donner ce qui est nécessaire au corps » (Jacques 2.16).
Je vous le demande ! Quel chrétien, affligé d’un lumbago tenace, d’une forte migraine ou d’une rage de dents, songerait à se rendre en ville pour distribuer des traités ou visiter des malades ? Quiconque est tourmenté sans répit par de pénibles douleurs a, inévitablement, ses pensées centrées sur lui-même. Qui lui en fera le reproche ? De plus, lorsqu’elle dure et ne faiblit pas, la souffrance finit par agir sur le caractère du patient qui devient alors exigeant, grincheux, acariâtre, désagréable pour les proches et ceux qui le soignent ; elle peut lui ôter la force ou même le désir de prier Dieu. De telles considérations devraient encourager le malade à “faire connaître ses besoins au Père céleste” en y associant l’Église et ses responsables s’il le faut. N’est-ce pas conforme à l’Écriture (Jacques 5.14) ? Il faut être en bonne santé, épargné par les épreuves pour nier le rôle de la communauté ou s’opposer à son action auprès de ceux qui souffrent.
Vous n’êtes pas sans savoir que l’apôtre, dans sa lettre à Timothée, fait une distinction entre “les vraies veuves” (2 Timothée 5.13) que l’Église doit assister matériellement parce qu’elles sont âgées, sans appui et sans ressources… et “les autres”, jeunes encore ou ayant le privilège d’avoir des enfants ; dans ce dernier cas, c’est à la famille et non à l’Église locale qu’incombe le devoir de pourvoir aux besoins d’une vieille maman démunie.
Pour des motifs analogues, nous pourrions distinguer les “vrais malades” que l’Église se doit, elle aussi, de prendre en charge en réclamant avec foi leur guérison, et les “autres malades” en mesure de surmonter eux-mêmes et avec un peu de patience une épreuve bénigne, passagère et peu douloureuse. Ces derniers – qui ne sont pas de faux malades bien entendu – feront montre de sagesse en s’abstenant de faire appel aux anciens1.
1 Nous pensons uniquement à “de vrais malades” lorsque nous parlons de guérison par la foi. Ne pas l’oublier au cours de la lecture de cet ouvrage.
Dans une conversation où nous évoquions la prière pour les malades, un ami me confia très justement : « Oh, la plupart d’entre eux ont surtout besoin de guérison intérieure, d’une guérison de l’âme aux heureux effets sur leur état de santé. » Ce frère, doté d’une solide expérience pastorale, avait sans doute de vrais motifs de parler ainsi. Dans une lettre adressée à des malades, des médecins et psychologues chrétiens reconnaissent avoir trop souvent soigné les effets sans avoir déraciné les causes véritables du mal qui les afflige. « Beaucoup de maladies – écrivent-ils – ont pour origine des difficultés de relations. L’homme est un tout et notre corps enregistre à sa manière les fluctuations, les joies, les manques de nos relations avec les autres et avec nous-mêmes. Ainsi, ajoutent-ils, il est plus urgent et nécessaire de nous réconcilier avec les autres et avec nous-mêmes que d’acheter des médicaments. Les manques de paix, les tensions, l’absence de confiance et de miséricorde. bref les carences de l’amour sont de véritables poisons de notre santé. Donc, moins de médicaments et plus de miséricorde. »2
2 Tiré d’un texte rédigé lors d’un week-end Fraternité Soignants, Communauté du Chemin neuf, 8 place Lavalette 38000 Grenoble.
Ceci dit, n’allons pas ranger tous les malades dans la catégorie des gens à problèmes appelés à mettre de l’ordre dans leur vie. Ce serait une erreur de taille. Qui, par exemple, aurait eu la pensée de sermonner l’apôtre Paul au sujet de son écharde en lui disant : « Oublierais-tu que Dieu est souverain toi qui pries avec énergie pour ta guérison ? Ton insistance est preuve d’insoumission. Repens-toi donc et tu seras béni. » Quel homme de cœur oserait parler de “guérison intérieure” à un frère plié de douleur, harcelé sans trêve par des coliques néphrétiques aiguës ? Et quand le malade réclamerait à corps et à cris la fin de ses souffrances et ferait appel aux anciens, lui reprocherait-on sa démarche, la jugerait-on déplacée, voire répréhensible ? Surtout pas ! Toute personne qui souffre a droit à des trésors d’indulgence et à beaucoup d’amour.
Lorsqu’il s’agit de guérison, les chrétiens sont loin de tenir le même langage. Les uns, textes à l’appui, affirment que l’enfant de Dieu ne DOIT pas être malade. Dieu n’est-il pas « l’Éternel qui guérit toutes tes maladies » (Psaumes 103.3) ? Les autres évacuent purement et simplement la question en affirmant que le temps des miracles est passé et bien passé. Une savante explication vient étayer leur thèse. « Aux premiers jours de l’Église », disent-ils, « Dieu a jugé bon de confirmer la prédication de l’Évangile par des guérisons. Et s’il est vrai que le Christ a réellement “porté nos maladies sur le bois” (Matthieu 8.17), c’est de fait pour obtenir la guérison de l’homme tout entier, corps, âme et esprit. En précisant toutefois que si la guérison de l’âme et de l’esprit a lieu à la nouvelle naissance, celle du corps ne sera pleinement accordée que lors de Son retour. Alors s’opérera la “rédemption des corps que nous attendons”, selon Romains 8.23. » Telle est l’explication avancée par beaucoup.
Qui a raison ? A la fois les uns et les autres… mais dans des domaines différents. Parce qu’elles ont plusieurs facettes, les vérités bibliques paraissent parfois se contredire. Qui veut rester dans la pensée de Dieu doit, d’une part, se garder d’en éliminer une seule (la vérité qui nous dérange ou va à l’encontre de nos idées ou d’un enseignement reçu), et d’autre part, analyser les textes de l’Écriture qui traitent de ce sujet en les plaçant au bon endroit. Ceux qui prônent la guérison à tout prix comme ceux qui l’évacuent définitivement sont tentés de nier l’évidence car, reconnaissons-le, il y a d’authentiques délivrances comme il y a des prières sans réponse, du moins apparemment. Les uns évoquent avec reconnaissance les cas de malades délivrés par l’action puissante de Dieu mais passent allègrement sous silence la foule des non-guéris qu’ils rangent parmi les incrédules ou les rebelles. De l’autre côté, ceux qui refusent d’admettre que Dieu veut et peut encore se glorifier par des guérisons, énumèrent à plaisir les échecs ou les guérisons avortées pour justifier leur conviction. Halte-là ! “Dieu répond toujours à quiconque s’attend à lui…” mais à son heure et selon ses desseins. C’est ce que nous nous emploierons à démontrer par l’Écriture sans pour autant donner une place démesurée à ce ministère. D’ailleurs les apôtres eux-mêmes, bien que témoins et instruments de la puissance divine, font assez peu mention de la guérison dans leurs épîtres alors qu’ils reviennent inlassablement sur les thèmes essentiels : le salut par la foi, la sanctification nécessaire ou le retour du Christ. Aussi convient-il de donner priorité à Celui qui guérit l’homme tout entier plutôt qu’à la délivrance elle-même.
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