Propos sur le temps

PREMIÈRE PARTIE
LA VALEUR DU TEMPS

CHAQUE MINUTE COMPTE

Enseigne-nous… à compter nos jours.

Psaumes 90.12

— A quelle heure partons-nous ?

Mon interlocuteur jette un coup d’œil sur la pendule, réfléchit et se fait rassurant :

— Oh ! Nous avons le temps. Mangez tranquillement, je vous le dirai.

Cinq heures du matin.

Je déjeune en compagnie d’un ami dont j’ai été l’hôte durant les quatre jours de la mission d’évangélisation. Au terme de cet effort, il s’est proposé de me conduire à Clermont-Ferrand pour « attraper » le train de Paris qui devrait me permettre de rentrer à la maison avant midi. C’est l’hiver et le thermomètre est plutôt pessimiste.

Ce chrétien jovial et plein d’expérience a tant de choses à raconter qu’il en oublie sa promesse. Timidement, je me hasarde :

— Ne faudrait-il pas se mettre en route… ?

— Pas encore. Je vous avertirai lorsqu’il sera temps. Trois quarts d’heures suffiront largement pour atteindre la gare.

Discernant sans doute mon impatience, mon chauffeur se décide enfin à partir. Sans se hâter toutefois. Il empoigne ma valise et se dirige vers le garage. Je lui emboîte le pas.

Nous voilà sur la route. Il fait nuit noire et la neige commence à tomber. Très vite elle s’accumule et bloque les essuie-glace. Il faut s’arrêter, sortir dans le froid pour dégager la vitre. Sans perdre une minute, nous sautons sur nos sièges et redémarrons… plus lentement cette fois. La tête en avant, le nez contre le pare-brise embué, nous cherchons à distinguer la chaussée mal éclairée.

Le temps passe.

Mon chauffeur, jusque-là très calme, tente de forcer l’allure. A deux reprises et sans trop savoir comment, nous nous retrouvons en travers de la route, les roues avant dans le fossé.

Quel voyage ! D’autant plus éprouvant que je vois les aiguilles tourner : arriverons-nous à temps ?

Mon ami ne parle plus, visiblement préoccupé. Finalement, après des minutes interminables, nous stoppons sains et saufs devant la gare illuminée. Je lève la tête et aperçois la grosse horloge. Je dispose de deux petites minutes pour prendre congé de ce frère, acheter mon billet et atteindre le quai.

Hélas ! J’ai beau courir, régler en hâte le prix du voyage, descendre et remonter en trombe les escaliers, foncer au triple galop vers le quai… il me manque quelques secondes pour sauter dans la voiture de queue. Le convoi vient de s’ébranler.

Haletant, oubliant de lâcher mes valises, immobile, je regarde hébété les lanternes rouges s’éloigner lentement, puis disparaître dans la nuit.

Que faire ?

Je tiens à rentrer à la maison le jour même ; il me tarde de revoir les miens. Si je veux les rejoindre avant le soir, je dois prendre un autre itinéraire, plus long, donc plus coûteux, et qui m’obligera à piétiner deux ou trois heures dans les gares. Bref ! Au lieu de 280 kilomètres j’en ferai 600, je changerai quatre fois de train et ne parviendrai à destination que très tard dans la soirée. Cette minute de trop passée en bavardage devait me coûter de l’argent, du temps et de la fatigue, sans parler des risques courus sur la route.

Sans doute est-ce en souriant que je viens d’évoquer les péripéties de ce voyage mouvementé dont les ennuis sont oubliés depuis longtemps. Après tout, que représentent deux ou trois heures perdues en ce jour lointain au regard de l’éternité ? Trois fois rien. Ou peut-être l’occasion de réfléchir sur la valeur du temps et la nécessité de bien le programmer.

Lorsque j’attarde mes regards sur le cadran solaire ou sur la pendule ancienne qui balance interminablement son disque de cuivre, le temps me paraît avoir suspendu sa marche. L’ombre portée sur la pierre semble figée et les aiguilles de l’horloge absolument immobiles. Éprouveraient-elles quelque pudeur à bouger lorsqu’elles se sentent observées ? Les montres à quartz balaient cette illusion. Les secondes chiffrées culbutent dans le passé à un rythme essoufflant. Oui ! Il court, le temps, et nous n’y pouvons rien ! Impossible d’en retarder la marche. Nous ne sommes pas des Josué pour arrêter le soleil ni des Esaïe pour que rétrograde l’ombre sur le cadran solaire (Josué 10.12-14 ; 2 Rois 20.11). Un prédicateur de renom disait : Posez la main sur votre poitrine. Écoutez. Votre cœur fait : Toc-Toc-Toc ! Traduisez : Vite-Vite-Vite !

Une minute perdue, c’est bien peu de chose ! Et pourtant, ajoutées les unes aux autres durant toute une vie, les minutes deviennent… des mois, voire des années. Ainsi, songez à une personne de soixante ans et considérez seulement les 48 dernières années de sa vie (sans tenir compte du temps de son enfance) :

  1. En totalisant les demi-heures consacrées chaque matin à sa toilette, au bout de 48 ans elle aura passé une année entière (24 heures sur 24) devant son miroir.
  2. Si cette personne reste trois heures tous les jours devant le petit écran (la moyenne pour les Français), à soixante ans elle aura suivi les émissions durant six années complètes (nuit et jour bien entendu).
  3. Un banlieusard, qui roule trois heures par jour pour se rendre à son bureau (aller et retour), passera plus de trois ans de sa vie dans sa voiture ou dans les bus et le métro. D’où l’importance d’habiter le plus près possible de son lieu de travail.
  4. Parvenu à l’âge de la retraite, celui qui grille un paquet de cigarettes dans sa journée (à raison de trois minutes par cigarette) aura emmagasiné de la fumée durant deux années (nuit et jour sans interruption) et dépensé la valeur de deux voitures neuves.
  5. Etc. (1).

(1) Vous pouvez poursuivre ces calculs en sachant que les demi-heures ajoutées les unes aux autres donnent une année au bout de 48 ans d’existence.

Est-ce à dire qu’il ne faut jamais ouvrir un journal ou renoncer à se regarder dans un miroir ? Qu’il est vivement déconseillé d’utiliser les moyens de transport pour se rendre à son travail ? Que se désintéresser des affaires du monde est signe de spiritualité ? Sûrement pas ! Les calculs ci-dessus ont pour seul but de nous inciter à la réflexion. Qui veut racheter le temps devrait s’interroger : « Comment ai-je utilisé jusqu’ici les heures que Dieu m’a accordé de vivre ? Ne devrais-je pas supprimer certaines tâches dévoreuses de temps pour me donner pleinement à d’autres, jugées prioritaires ?

QUESTIONS

  1. Quel temps passez-vous devant la télévision ? A regarder des illustrés ? A écouter de la musique ?
  2. Êtes-vous conscient que le temps dont vous disposez est trop précieux pour être utilisé inconsidérément ? Avez-vous le ferme désir de mieux l’employer désormais ?
  3. Y a-t-il des tâches de moindre importance que vous pourriez écourter ou supprimer ? Lesquelles ? Demandez à Dieu qu’il oriente vos réflexions.

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