Cet ouvrage, sensiblement différent de celui que Daniel Benoît a rédigé sur le même sujet, ne se donne cependant point pour offrir le résultat de recherches inédites.
Depuis l’édition primitive, en 1884, il a paru nombre d’articles, de notes, et même de volumes touchant le drame dont le pasteur de Montauban s’était fait l’historien.
En particulier, AI. le pasteur Charles Bost a publié à maintes reprises, dans le « Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français », des communications très étendues qui renouvellent le sujet ; et, en 1922, un livre saisissant, « Les Martyrs d’Aigues-Mortes » (1), auquel tout lecteur intéressé par ces questions devra recourir.
Pris d’émulation plusieurs auteurs se sont également consacrés à ces recherches. M. le professeur Marmelstein, d’Amsterdam, et M. L. Aurenche ont donné eux aussi, dans le Bulletin, les intéressants résultats auxquels ils sont parvenus, et qui éclairent d’un jour nouveau les suprêmes amertumes connues par la prisonnière après sa libération (2). Nous avons pour notre part retracé la carrière de son frère, pasteur du désert et mort martyr à Montpellier en 1732 (3).
Nous ne pouvions donc songer à composer, après tant de découvertes où nous n’avons joué aucun rôle, un ouvrage qui fût réellement de première main. Comme nous nous ouvrions de nos scrupules à M. Bost, celui-ci nous a répondu avec son habituel désintéressement, pour nous encourager malgré tout à entreprendre notre travail, et il ajoutait « que la mise en avant du fait devait passer avant toute question d’amour-propre d’auteur ». Il nous incombe ainsi le devoir très doux de lui redire une fois de plus une gratitude depuis longtemps éveillée. Grâce à ses savantes recherches nous pouvons présenter au public protestant un ouvrage qui reste dans ses grandes lignes celui que nos parents ont connu, mais remis au point et, croyons-nous, exempt de certaines erreurs que notre devancier, moins bien informé, n’avait pu éviter.
On verra que nous avons adopté pour la mise en chapitres une répartition nouvelle et moins morcelée. Elle nous paraît susceptible de faire ressortir les phases et les aspects divers d’une histoire d’âme qui, marquée par la foi la plus profonde, laisse aussi découvrir les plus beaux élans de tendresse humaine.
Nous nous sommes abstenu, pour autant qu’il était possible, de tout commentaire, estimant que le simple et sobre récit suffit par lui-même à mettre en évidence les grandes leçons qu’il comporte.
La marque de la « Nouvelle Société d’Editions de Toulouse » représente un campanile surmonté d’une croix et, supportée par lui, la cloche qui sonne le Réveil.
Le Réveil, il est toujours nécessaire. Plus que jamais en ces jours d’universel laisser-aller où nos églises elles-mêmes ne restent pas à l’abri de la vague sinistre, et marquent le pas ou reculent. Mais il n’est possible que dans l’obéissance sincère et fidèle aux enseignements de l’Evangile, précédant l’action de la grâce de Dieu.
Une vie comme celle de l’héroïne de la Tour de Constance nous est la forte preuve de ce que cette grâce a pu faire dans un cœur de femme, naturellement faible et par cela même très près du nôtre, et qu’il nous est arrivé durant nos recherches de voir prêt à tomber dans l’erreur ou le découragement ; mais qui s’est maintenu toujours « disponible » au souffle d’En-Haut.
Puisse notre foi faire en sorte que le Dieu de Jésus-Christ permette « à ce qui fut, d’être de nouveau ».
André Fabre, pasteur.
Générac, 10 février 1935.
(1) « Les Martyrs d'Aigues-Mortes », par C. BOST. Editions « La Cause », Carrières-sous-Poissy (Seine-et-Oise).
(2) Depuis la rédaction de notre avant-propos, M. L. Aurenche a publié le résultat de ses recherches en une brochure : « La maison de Marie Durand ». Fischbacher, 1935.
(3) « Pierre Durand », par André FABRE. Editions « La Cause », Carrières-sous-Poissy (Seine-et-Oise), 1930.